Archives par mot-clé : musique medievale

Serventois : quand le seigneur et trouvère Huon d’Oisy raillait vertement les croisades de Conon de Bethune

chanson_musique_medievale_croisades_enluminures_moyen-age_centralSujet : chanson médiévale, poésie médiévale, servantois, satire, poésie satirique, chevalier, trouvère, chanson de croisades, musique médiévale.
Période : moyen-âge central, XIIe siècle
Auteur : Huon d’Oisy  (1145 – 1190)
(Hues, Hugues d’Oisy)
Titre : Maugré tous sains et maugré Diu ausi
Ouvrage : « Les chansons de Croisades », Joseph Bédier et Pierre Aubry (1909)

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passionontemporain du XIIe siècle, Hugues III, seigneur d’Oisy, châtelain de Cambray et vicomte de Meaux, plus connu encore sous le nom d’Huon ou Hues d’Oisy est considéré comme l’un des premiers trouvères du nord de France.

Du point de vue de son oeuvre, il n’a laissé que deux chansons. L’une, plutôt étonnante, conte par le menu un tournoi de nobles dames, dont il nous explique que ces dernières l’avaient organisé pour savoir ce que produisaient les coups que recevaient leurs doux amis lors de tels affrontements. La deuxième chanson est deco_medievale_enluminures_trouvere_un servantois dirigé par le seigneur d’Oisy contre celui qui fut son disciple en poésie : le trouvère Conon ou Quesnes de Bethune. Pour rappel, on trouve une référence explicite à cela dans une chanson de ce dernier  :

Or vos ai dit des barons ma sanblance;
Si lor an poise de ceu que je di,
Si s’an praingnent a mon mastre d’Oissi,
Qui m’at apris a chanter très m’anfance.
Conon de Bethune   « Bien me deüsse targier »
Les Chansons de Conon de Bethune par Axel Wellensköld

A l’occasion du portrait que nous avions fait de ce trouvère (voir biographie de Conon de Bethune ici), nous avions mentionné sa courte participation à la 3ème croisade. Après s’être enflammé et avoir vanté la nécessité des expéditions chrétiennes et guerrières en Terre Sainte auprès de ses contemporains, fustigeant ceux qui ne voulaient s’y rendre, le poète croisé n’eut pas l’occasion d’y briller puisqu’il rentra à la hâte.

trouvere_huon_oisy_poesie_satirique_chanson_medievale

Il faudra attendre la 4ème croisade pour que Conon de Bethune prenne à nouveau la croix et fasse montre alors de plus d’allant mais quoiqu’il en soit, le premier retour rapide de sa première expédition lui valut, comme nous le disions, une verte critique sous la plume d’Huon d’Oisy. Ce dernier prit même pour référence et modèle la chanson « Bien me Deüsse targier » de son homologue, afin de mieux le railler.

Pour mieux comprendre le fond politique et satirique de ce texte, plein de causticité et de ce « roi failli » auquel il est fait ici allusion, il faut ajouter que le châtelain de Cambray s’était, de son côté, rangé sous la bannière de Philippe Iᵉʳ de Flandre, dit Philippe d’Alsace contre le parti de Philippe-Auguste, choisi par Conon de Bethune.

Huon d’Oisy dans les Manuscrits anciens

On retrouve cette chanson dans les deux manuscrits que nous citons souvent ici, le Français 844Manuscrit ou Chansonnier du Roy et le  Français 12615 (MS fr 12615), connu encore sous le nom de Chansonnier de Noailles. Elle est attribuée dans les deux à Mesire(s) Hues d’Oisy.

huon_hues_oisy_trouvere_moyen-age_XIIe_siecle_poesie_satirique_musique_medievale

Ci-contre Huon d’Oisy dans le Manuscrit du Roy, MS Français 844 de la BnF, consultable sur Gallica au lien suivant.

Eléments chronologiques

Les dates de ce servantois ont été sujettes à débat entre médiévistes, au point de mettre quelquefois en doute, (contre les manuscrits et leurs copistes), l’attribution de cette chanson au seigneur et trouvère d’Oisy. Si la chanson est bien de sa plume, ce qu’on a, en général, fini par convenir, il a dû l’écrire, peu de temps avant sa mort.

Il faut, du même coup, en déduire que cette rentrée de la 3eme croisade de Conon de Bethune se serait située deux ans avant que Philippe-Auguste n’en revienne lui-même, même si à la première lecture, on pourrait être tenté de supposer que le retour du trouvère avait coïncidé avec celui plutôt précipité et décrié du roi de France, fournissant ainsi à Huon un double motif pour les railler tout deux. Le seul problème est que si Conon était rentré en même temps que Philippe-Auguste en 1191, Huon d’Oisy aurait été dans l’impossibilité d’écrire cette chanson puisqu’il avait supposément trépassé près d’une année auparavant.

Mesire Hues d'Oisy dans le Chansonnier de Noailles de la BnF - consultez ici
Mesire Hues d’Oisy dans le Chansonnier de Noailles de la BnF – A consulter sur Gallica ici

Suivant Joseph Bédier, ce retour anticipé des croisades de Conon aurait donc des raisons totalement indépendantes de celui du roi et serait même intervenu bien avant, dans le temps. (si vous souhaitez plus de détails sur ces aspects, nous vous renvoyons à l’ouvrage cité en tête d’article).

deco_frise

Maugré tous sains et maugré Diu ausi

Maugré* (malgré) tous sains et maugré Diu ausi
revient Quenes* (Conon), et mal soit il vegnans!* (malvenu)
… … … … … … … … … …

… … … … … … … … … …
Honis soit il et ses preechemans* (prédications),
et honis soit ki de lui ne dist: «fi»!
Quant Diex verra que ses besoins ert grans* (qu’il sera dans le besoin),
il li faura, car il li a failli* (il lui faillira comme il lui a failli).

Ne chantés mais, Quenes, je vos em pri,
car vos chançons ne sont mais avenans;
or menrés* (de mener) vos honteuse vie ci:
ne volsistes pour Dieu morir joians, (1)
or vos conte on avoec les recreans* (les lâches, ceux qui ont renoncé),
si remanrés* (resterez) avoec vo roi failli;
ja Damedius, ki sor tous est poissans *(Dieu tout puissant),
del roi avant et de vos n’ait merci!* (n’ait plus pitié ni du roi, ni de vous)

Molt fu Quenes preus, quant il s’en ala,
de sermoner et de gent preechier,
et quant uns seus* (seul) en remanoit decha,
il li disoit et honte et reprovier* (reproches, affronts);
or est venus son liu recunchiier, (il est revenu souiller son nid)
et s’est plus ors* (sale, malpropre) que quant il s’en ala;
bien poet* (de pöeir, pouvoir) sa crois garder et estoier(ranger, remiser),
k’encor l’a il tele k’il l’emporta.

(1) Vous n’avez pas voulu « mourir joyeux » pour Dieu

deco_frise

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

Le miracle de l’abbesse enceinte : toute la Cantiga de Santa Maria 7 & l’interprétation de Alla Francesca

musique_espagne_medievale_cantigas_santa_maria_alphonse_de_castille_moyen-age_centralSujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, moyen-âge chrétien, Espagne médiévale
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle
Auteur : Alphonse X  (1221-1284)
Ensemble : Alla Francesca, Brigitte Nesle.
Titre : Cantiga 7 « Santa Maria amar  »
Album : Cantigas  (2000, opus 111)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous continuons de suivre le fil des Cantigas de Santa-Maria et, à travers elles, celui du culte marial dans l’Europe du moyen-âge central.  Au programme, la Cantiga 7 par le menu, avec son adaptation-traduction et une belle interprétation de l’ensemble médiéval Alla Francesca.

Le miracle de l’abbesse tombée enceinte, puis délivrée et graciée

C’est un autre récit de Miracle qui nous est proposé ici. Son histoire est d’autant plus intéressante qu’elle nous présente une Sainte Vierge dont la justice et la compassion tranchent, au dessus des lois des hommes, cela nous le savions, mais, dans le cas précis et comme nous le verrons, au dessus même de celles de l’église et de sa hiérarchie.

chanson_musique_medievale_cantigas_santa_maria_miracle_alphonse-X_moyen-age_centralIl y est question d’une abbesse ayant fauté, puisque, nous conte le poète, elle était tombée malencontreusement enceinte de son intendant, ce qui, pour une religieuse, a fortiori de son rang, était d’assez mauvais effet. De fait, dénoncée auprès de l’évêque du cru par les autres nonnes auxquelles la grossesse n’avait pas pu échapper, l’infortunée pécheresse que le démon avait tentée, fut sommée par le haut dignitaire (arrivé de toute urgence pour la confondre), de s’en expliquer devant lui.

La religieuse en appela alors à la vierge et l’histoire nous dit qu’elle s’endormit et que, comme dans un songe, la Sainte lui apparut et accomplit un miracle. En lui accordant sa grâce, elle la délivra, en effet, de l’enfant et manda ce dernier à Soissons afin qu’il y soit élevé. Et quand l’abbesse ouvrit les yeux, au sortir de cette vision, l’évêque lui demanda de se dénuder devant lui, afin d’établir la preuve irréfutable du pêché. Elle s’exécuta alors et l’homme de foi, ne put trouver, là, aucune trace de progéniture, de grossesse ou d’enfantement. L’enfant était sauvé et la vierge avait amendé la religieuse qu’elle savait être une de ses grandes fidèles.

L’histoire dit encore que l’évêque fustigea les nonnes pour avoir accusé injustement leur abbesse et qu’il ne put qu’accorder à cette dernière son salut, en retirant l’allégation fallacieuse qu’il était venu porter.

La Cantiga Santa Maria 7 par l’ensemble Alla Francesca

Les Cantigas de Santa Maria
par l’Ensemble Alla Francesca

musique_chants_ensemble_medievale_cantigas_santa-maria_alla-francesca_culte_marial_moyen-age

Dans le courant de l’année 2000, Alla Francesca, grande formation spécialisée dans les musiques en provenance du monde médiéval dont nous avons déjà parlé par ailleurs, proposait au public un album ayant pour titre « Cantigas » consacré aux Cantigas de Santa-Maria du roi Alphonse X de Castille.

Enregistré à l’Église luthérienne Saint-Jean de Grenelle de Paris, fin 1999,  ce bel album contient pas moins de dix-sept d’entre elles.  Du côté distribution, on peut encore le trouver au format CD ou dématérialisé (MP3) au lien suivant  : Cantigas par Alla Francesca

deco_frise Cantiga de Santa Maria 7
adaptation traduction en français moderne

Esta é como Santa Maria livrou a abadessa prenne, que adormecera ant’ o seu altar chorando

Cette histoire nous montre comment Sainte-Marie délivra à l’abbesse enceinte qui s’était endormi devant son autel, en pleurant.

Santa Maria amar
devemos muit’ e rogar
que a ssa graça ponna
sobre nos, por que errar
non nos faça, nen pecar,
o demo sen vergonna.

Nous devons fortement aimer Sainte-Marie
et la prier de nous accorder ses grâces,
afin que le démon sans vergogne
ne nous fasse point errer* (nous perdre) , ni pécher. 

Porende vos contarey
dun miragre que achei
que por hûa badessa
fez a Madre do gran Rei,
ca, per com’ eu apres’ ei,
era-xe sua essa.
Mas o demo enartar-
a foi, por que emprennar-
s’ ouve dun de Bolonna,
ome que de recadar
avia e de guardar
seu feit’ e sa besonna.

Pour cela, je vous conterai
D’un miracle que j’ai trouvé
Que fit en faveur d’une abbesse
La Mère du grand Roi* (le Tout-puissant)
Car, comme je l’ai su
Elle la tenait pour une des siennes* (une fidèle véritable)
Mais le démon (Diable) la pièga
Pour qu’elle soit mise enceinte
Par d’un homme de Bologne
dont le travail était
de la servir et de protéger
ses actes et ses affaires*  (son intendant)

Santa Maria amar…

As monjas, pois entender
foron esto e saber
ouveron gran lediça;
ca, porque lles non sofrer
queria de mal fazer,
avian-lle mayça.
E fórona acusar
ao Bispo do logar,
e el ben de Colonna
chegou y; e pois chamar-
a fez, vêo sen vagar,
leda e mui risonna.

Les nonnes, quand elles comprirent
et surent celà
conçurent une grande joie
Car l’abbesse ne leur passait rien
Et elles lui en gardaient rancune
Aussi, elles allèrent la dénoncer
Près de l’évêque du lieu.
Ce dernier vint de Colonna
et, une fois arrivé, il la fit appeler
Et elle vint sans délai
très heureuse et souriante.

Santa Maria amar…

O Bispo lle diss’ assi:
«Donna, per quant’ aprendi,
mui mal vossa fazenda
fezestes; e vin aquí
por esto, que ante mi
façades end’ amenda.»
Mas a dona sen tardar
a Madre de Deus rogar foi;
e, come quen sonna,
Santa Maria tirar-
lle fez o fill’ e criar-
lo mandou en Sanssonna.

L’évêque lui dit ainsi :
« Donna* (« Madame »), à ce que j’apprends
Vous vous êtes bien mal comportée
Je suis venu ici
Pour cela et pour que, devant moi,
Vous vous en amendiez. »
Mais sans attendre, la Donna
se mit à prier la mère de Dieu
Et, comme dans un songe,
Santa Maria la délivra
de l’enfant et, pour qu’il soit élevé,
Le manda à Soissons

Santa Maria amar…

Pois s’ a dona espertou
e se guarida achou,
log’ ant’ o Bispo vêo;
e el muito a catou
e desnua-la matidou;
e pois lle vyu o sêo,
começou Deus a loar
e as donas a brasmar,
que eran d’ordin d’Onna,
dizendo: «Se Deus m’anpar,
por salva poss’ esta dar,
que non sei que ll’aponna.»


Quand la femme s’éveilla
Et vit qu’elle était délivrée,
Elle se présenta devant l’évêque;
Et lui la regarda attentivement
Et lui demanda de se dénuder.
Et quand il vit son sein,
Il commença à louer Dieu
Et à blâmer les nonnes
Qui étaient de l’Ordre d’Oña* (ville de la province de Burgos)
En disant  « Que Dieu me protège,
je vous accorde le salut,
car je ne sais de quoi vous accuser. »

Santa Maria amar…

deco_frise

Index des Cantigas de Santa Maria

En vous souhaitant une très belle journée!

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

« De la joie que désir tant », la lyrique courtoise du trouvère Gace Brulé par l’ensemble médiéval Oliphant

musique_danse_moyen-age_ductia_estampie_nota_artefactumSujet : musique médiévale, chanson médiévale, amour courtois, trouvère, vieux-français,  manuscrit du Roy, fine amant,
Période :  XIIe,  XIIIe, moyen-âge central
Titre: De la joie que désir tant 
Auteur :  Gace Brulé  (1160/70 -1215)
Interprète :  Ensemble Oliphant
Album: Gace Brûlé  (Alba Records, 2004)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous revenons aux trouvères des XIIe, XIIIe siècles avec une chanson médiévale de l’un des plus célèbres d’entre eux : Gace Brûlé. C’est une pièce de lyrique courtoise et l’interprétation que nous vous proposons, ici, nous provient de l’Ensemble Oliphant, dont nous aurons l’occasion de dire un mot.

Attribution dans les manuscrits

Dans son ouvrage de 1902 sur les Chansons de Gace Brûlé, Gédéon Huet classait l’attribution de la pièce au trouvère comme « douteuse », tout en la définissant, tout de même, comme « très probablement authentique ». Elle est, du reste, généralement admis depuis, gace_brule_chanson_trouvere_medievale_manuscrit_du_roy_fr-844_moyen-centralcomme  telle.

(ci-contre la chanson « A la joie que désir tant » dans le Français 844 de la BnF –
( consultez-le sur Gallica ici )

Du côté des manuscrits anciens, on la retrouve notamment attribuée au trouvère (« Messire Gasse ») dans le Français 844 (MS fr 844 ou Manuscrit du Roy) et encore dans le Français 12615 (MS fr 12615, connu encore sous le nom de Chansonnier de Noailles ), tous deux consultables sur le site de la BnF.

Gace Brûlé « De la joie que désir tant » par l’ensemble Oliphant

L’Ensemble Oliphant,  le  moyen-âge des trouvères français en Finlande

D’origine finlandaise, l’ensemble médiéval Oliphant s’est formé dans le courant de l’année 1995. Il compte, à son bord, des musiciens spécialisés dans le répertoire des musiques anciennes et s’est donné comme champ d’exploration un répertoire qui va du XIIe siècle et ses moyen-age_musique_chanson_ensemble_medieval_oliphantchants de trouvères ou même de Minnesangers allemands aux chants polyphoniques de l’Ars Nova et du moyen-âge tardif.

Après un premier album consacré aux chants de croisades,  largement salué par la critique, lors de sa sortie, en 2000, la formation médiévale se proposait, en 2004, de faire redécouvrir l’oeuvre de  Gace Brûlé avec un album qui portait comme titre le nom du trouvère champenois et qui comportait 14 chansons de ce dernier, servie par la voix de la soprano Uli Kontu-Korhonen.

Pour l’instant et du côté import, il semble que les enchères soient sérieusement montées sur cet album même si l’on en trouve quelques exemplaires d’occasions à des prix plus abordables. Pour l’obtenir, le plus raisonnable serait, sans doute, d’attendre un peu ou de se le faire adresser directement depuis le site de son distributeur.

chanson_musique_medievale_trouvere_gace_brule_ensemble_oliphant_moyen-age_centralAprès cette production, dans le courant de l’année 2006, l’ensemble finlandais sortit un nouvel album sur les  trouvères  de la France médiévale et, un peu plus tard, en 2010, leur quatrième et dernier album (à ce jour) voyait le jour. Il prenait, cette fois, pour thème les Minnesängers et des chansons de l’Allemagne médiévale.

Du côté de l’actualité d’Oliphant, on ne trouve guère, depuis, de quoi se mettre sous la dent, Leur site web officiel n’a, en effet, pas été actualisé depuis fort longtemps et du côté album, à tout le moins, l’ensemble est en sommeil, s’il ne s’est pas simplement dissolu.

deco_frise

De la joie que désir tant
Chanson XLIV

De la joie que désir tant
D’Amors qui m’a a soi torné,
Ne puis lessier* (renoncer) que je ne chant
Puis que ma dame vient a gré,
En cui j’ai mis cuer et pensé,
A trestote ma vie;
Mes trop me font ennui de lé* (de laier abandonner, laisser)
Cil cui Deus maleïe* (de malaier : maudire).

A tel fes* (de faire) joie sens talant,
Por s’amor, que de mon cuer hé* (de haîr) :
Félon, losengier* (calomniateur), mesdisant
Dont deable font tel planté
Que trestote lor poësté* (puissance)
Tornent en félonie,
Qu’ainçois sont de mal apensé
Que l’amor soit jehie.* (de gehir : avouer, confesser)

Petit puet lor guerre valoir
Quant ma dame voudra amer,
Et s’ele a talent ne voloir
Du plus loial ami trover
Qui soit, dont me puis je vanter
Qu’a haute honor d’amie
Ne porroit nus amis monter
Por nule seignorie.

Se longue atente et bon espoir
Ne me font joie recovrer,
Donc m’a Amor traï por voir,
Qui toujours la me fait cuider;
Mes uns vis m’en doit conforter
Qui mainte ame a traie ;
Et si sai qu’en désespérer
A orgueil et folie.

Bele douce dame, merci
De moi qui onc mes ne fu pris
D’Amors, mais or m’en est ainsi,
Qu’a toz amans m’en aatis* (de aatir : défier):
De cuer vos pri volenteïs
Qu’en vostre compaignie
M’acueilliez, ainz qu’il me soit pis,
De felenesse envie.

Dame, moût ai petit servi,
A tel don com je vos ai quis* (de querre : démandé) ;
Mes mes cuers vers vos a plevi* (de plévir, a promis, s’est engagé)
D’estre li plus leaus amis
Dou mont; si le serai toz dis ;
Qu’Amor n’ai pas lessie* (de laissier, abandonner, renoncer),
Ains est tote en moi, ce m’est vis,
Tant qu’a loial partie.

Odin (1) pri et mant et devis
Que ceste chanson die
A ceus qu’il savra ententis* (soucieux)
D’amer sens tricherie.

(1) Gace Brûlé fait référence dans quelques unes de ses chansons à ce Odin. Il s’agit d’un de ses contemporains dont l’identité demeure inconnue, à ce jour. Selon Gédéon Huet (opus cité), il pouvait peut-être s’agir du jongleur du trouvère. Le dernier paragraphe de cette chanson pourrait, en effet, le suggérer.

deco_frise

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

Le Festival Voix et Route Romane : à la découverte des musiques médiévales et du patrimoine roman alsacien

evenement_festival_musiques_medievales_moyen-age_ars_nova_chants_polyphoniquesSujet : événement, festival,  musiques anciennes, musiques médiévales, patrimoine, églises romanes, Ars Nova, chants polyphoniques, chants de troubadours, concerts.
Evénement : Festival Voix et Route Romane, « l’Alpha et l’Omega, une Histoire du Temps »
Dates : du  31 août au 23 septembre 2018
Lieu : Alsace, itinérant,  (route, romane)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passion noter, dors et déjà, sur l’agenda médiéval, un grand festival exclusivement consacré à la musique en provenance du moyen-âge. Il a pour nom le Festival Voix et Route Romane et il s’agit de sa 26e édition. Cet événement s’étire sur la durée d’un mois,  de la fin août à la dernière semaine de septembre, et, au titre de ses particularités, il faut noter qu’il est itinérant.  En suivant la route romane d’Alsace, il propose, en effet, des concerts de choix au sein de ses plus belles églises et à la découverte d’un patrimoine monumental souvent peu connu de cette région.

evenement_festival_musique_medievale_repertoire_moyen-age_ars_nova_chant_polyphonique_voix_route_romane_alsaceDepuis sa création, en 1992, par le Conseil régional d’Alsace et la Délégation régionale au Tourisme,  ce bel événement culturel, à la croisée de la musique et de l’architecture romane du moyen-âge central, a reçu près de quatre-vingt-dix ensembles spécialisés dans le répertoire médiéval, parmi les plus prestigieux d’Europe. Au fil des années, il s’est imposé comme l’un des plus grand festival du genre en France. Il est, encore, et c’est une autre de ses originalités, l’un des seuls à proposer une programmation uniquement dédiée aux musiques du moyen-âge.

L’Alpha & l’Omega

Art des troubadours, Ars nova, chants polyphoniques et bien plus encore

« Je suis l’alpha et l’oméga, celui qui est, qui était, et qui vient, le Tout Puissant » (Apocalypse 1, 8 ).

Le thème choisi, cette année, est l’Alpha et l’Omega. Il vient clore un cycle autour de l’Histoire du temps,  initié par le festival, à l’occasion de ses deux précédentes éditions. Venues de la France entière, mais encore d’Espagne, de République Tchèque et de Belgique, les formations conviés, pour cette 26ème édition, proposerons ainsi de grands concerts, récitals ou spectacles, en relation avec ce thème.

Entre  l’Alpha et l’Omega, « le début et la fin » de cette histoire du temps, on pourra y découvrir de véritables fleurons de la musique festival_musique_medievale_route_romane_eglise_alsace_patrimoine_culture_02médiévale. Thème oblige, ce voyage musical s’aventurera  jusqu’aux rives du moyen-âge tardif et à la lisière de la renaissance : des chants d’amour courtois des troubadours du XIIIe siècle aux chants polyphoniques de l’Ars nova, en passant par l’Ars Antiqua du XIIe siècle ou encore l’exploration du culte marial au moyen-âge central, dans le bassin méditerranéen. Pour ne citer qu’une autre des nombreux prestations prévues, on aura même l’occasion d’y revisiter les Cercles de l’Enfer de Dante dans un ambitieux spectacle, mêlant narration, effets visuels et musique, proposé par la troupe La Camera delle Lacrime ,

Les formations & les concerts

Diabolus in Musica – Musica Nova – Irini – La Camera delle Lacrime – Tasto Solo – Tibutirna Ensemble & David Dorůžka Trio – Dialogos – Comet Musicke – La Note Brève – Huelgas Ensemble

Pour découvrir toute l’étendue, la richesse et l’originalité du programme concocté pour cette édition 2018 du Festival Voix et Route Romane, nous en pouvons que vous inviter à consulter son site officiel et son programme très détaillé.

Site officiel du Festival Page FB de l’événementProgramme (pdf)

En vous souhaitant une belle journée.
Fred

Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes