Sujet : événement, festival, musiques anciennes, musiques médiévales, patrimoine, églises romanes, Ars Nova, chants polyphoniques, troubadours Evénement :Festival Voix et Route Romane, « l’Alpha et l’Omega, une Histoire du Temps » Dates : du 31 août au 23 septembre 2018 Lieu : Alsace, itinérant, (route, romane)
Bonjour à tous,
Petit rappel sur l’agenda des événements notables de ce mois, le Festival Voix & Route Romane 2018 continue sa route itinérante à la découverte des musiques médiévales et de l’architecture de l’Alsace romane du Moyen-âge central.
Pour ne rien en manquer, nous vous invitons à consulter l’article que nous avions dédié à l’événement, il y a déjà quelque temps. Tout est là : le Festival Voix et Route Romane 2018
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, Moyen Âge chrétien, Espagne médiévale. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Ensemble : Musica Ficta & l’Ensemble Fontegara Titre : Cantiga 156 Album : Músicas Viajeras: Tres Culturas (Enchiriadis. 2013)
Bonjour à tous,
ous poursuivons aujourd’hui notre exploration du culte marial médiéval à travers l’étude des Cantigas de Santa Maria du roi Alphonse X de Castille. Cette fois-ci, nous nous penchons sur la Cantiga 156. A notre habitude, nous en détaillerons le contenu et nous en profiterons aussi pour vous dire un mot de la belle version que nous vous en présentons ici et de ses interprètes.
La Cantiga 156 par Musica Ficta et l’Ensemble Fontegara
Musica Ficta et l’Ensemble Fontegara
Fondés au début des années 90, par le musicien, directeur d’orchestre et éditeur de Musiques anciennes espagnoles, Raúl Mallavibarrena, les deux ensembles Musica Ficta et Fontegara ont été réunis par lui en 2012 à l’occasion d’un album ayant pour titre : Músicas Viajeras: Tres Culturas.
A la fusion des mondes chrétien, musulman et juif séfarade de la péninsule ibérique, Musicas Viajeras (Musiques itinérantes) est une invitation à la découverte de ces trois cultures, à travers leur univers musicaux.
L’éventail des pièces proposées, au nombre de 15, déborde largement le Moyen Âge pour aller puiser jusque dans le répertoire de la période baroque. Entre tradition Sefardi, musique et chants arabes et chrétiens, on y retrouve deux Cantigas de Santa Maria, dont celle du jour. Ajoutons que dans cette production, les deux formations étaient accompagnées par la soprano Rocío de Frutos.
A ce jour, l’album est toujours édité par Enchiriadis (la maison d’édition créée par le directeur des deux ensembles) qui a eu l’excellente idée, en plus de le proposer au format CD, de le mettre à disposition également sous forme dématérialisée et MP3. Pour plus d’informations, voici un lien sur lequel vous pourrez trouver les deux formats: Musicas Viajeras: Tres Culturas
Pour revenir à Raúl Mallavibarrena, dans le champ des musiques anciennes, du Moyen Âge jusqu’à la période baroque, ce musicien et musicologue espagnol a déjà reçu de nombreux prix et la reconnaissance de ses pairs dans ses domaines de prédilection. Loin de se contenter de diriger ou de fonder divers ensembles, il est également très actif dans le champ de la publication.
A ce titre, il a participé notamment, depuis les années 90, à la revue de musique classique Ritmo et on lui doit encore, entre autres contributions, des articles sur les musiques médiévale, renaissante et baroque dans l’encyclopédie espagnole « Historia de la Música », paru aux Editions Altaya.
Les paroles de la Cantigas 156
« A Madre do que de terra… »
Les efforts pour séparer le « magique » du religieux courent tout le long de la période médiévale. Au XIIIe siècle, ils continuent d’être bien présents et même si les manifestations les plus fusionnelles de ces deux mondes telles qu’on pouvait les retrouver dans certaines formes d’Ordalie par exemple, ont reculé depuis les débuts du XIe siècle.
Dans ce Moyen Âge imprégné de valeurs chrétiennes, au sein d’un univers nimbé de mystères, fait d’étranges lois d’analogies et de correspondances, les miracles resteront pour longtemps le signe d’une foi chrétienne qui tutoie le surnaturel et le magique et ouvrent tous les champs du possible. Dans ces champs là, les prodiges qui on trait à l’intercession de la « mère du Dieu mort en croix » trouvent une place de choix.
Ci-contre miniature de la Cantiga de Santa Maria 156 dans le manuscrit de l’Escorial MS TI 1, Códice Rico (Bibliothèque San Lorenzo el Real, Madrid)
Rédemption d’ un prêtre dévot injustement torturé
Le miracle dont il est question ici touche un prêtre que des hérétiques avaient châtié en lui coupant la langue, pour avoir trop chanté de louanges à la vierge. Le religieux se trouvait au désespoir de ne plus pouvoir entonner ses chants mais, là encore, sur les rives les plus miraculeuses du culte marial, tout peut s’accomplir.
Ainsi, un jour qu’il se rendait à l’abbaye bénédictine de Cluny pour assister aux vêpres, avec les moines, il ne put s’empêcher de faire avec eux l’effort d’entonner les chants dédiés à la Sainte et, comme il s’exécutait, sa langue repoussa et elle lui fut rendue.
Comme dans de nombreuses autres Cantigas de Santa Maria, le poète nous conte que bien des moines furent témoins du miracle et le louèrent. Pour finir, le prêtre se fit moine et rejoignit la communauté de Cluny.
Este miragre fez Santa Maria en Cunnegro por un crerigo que cantava mui ben as sas prosas a ssa loor, e prendérono ereges e tallaron-ll’ a lingua.
A Madre do que de terra primeir’ ame foi fazer ben pod’ a lingua tallada fazer que possa crecer.
Dest’ un mui maravilloso miragre vos contarey, que fez, e mui piadoso, a Madre do alto Rei por un crerigo, que foran a furt’ ereges prender porque de Santa Maria sempr’ ya loor dizer.
A Madre do que de terra primeir’ ome foi fazer…
Poilo ouveron fillado, quisérano y matar; mais, polo fazer penado viver, foron-lle tallar a lingua ben na garganta, cuidando-o cofonder, porque nunca mais da Virgen fosse loor compõer.
A Madre do que de terra primeir’ ome foi fazer…
Pois que ll’a lingua tallaron, leixárono assi yr; e mui mal lle per jogaron, ca non podia pedir nen cantar como cantara da que Deus quiso nacer por nos; e con esta coita cuidava o sen perder. A Madre do que de terra primeir’ ome foi fazer…
E o que mais grave ll’ era, que quando oya son dizer dos que el dissera, quebrava-ll’ o coraçon porque non podia nada cantar, onde gran prazer ouvera muitas vegadas, e fillava-ss’ a gemer.
A Madre do que de terra primeir’ ome foi fazer…
El cuitad’ assi andando, un dia foi que chegou a Cunnegro, e entrando na eigreja, ascuitou e oyu como cantavan vesperas a gran lezer da Virgen santa Rea; e quis con eles erger.
A Madre do que de terra primeir’ ome foi fazer…
Sa voz, e ssa voontade e ssa punna y meteu. E log’ a da gran bondade fez que lingua lle naceu toda nova e comprida, qual ante soy’ aver; assi esta Virgen Madre lle foi conprir seu querer.
A Madre do que de terra primeir’ ome foi fazer…
Esto viron muitas gentes que estavan enton y, e meteron mui ben mentes no miragre, com’ oý; e a Virgen poren todos fillaron-s’ a beizer, e o crerigo na orden dos monges se foi meter.
Sujet : musique, danse médiévale, folk, rock, Estampie Royale, British Folk, musique traditionnelle Période : moyen-âge central, XIIIe siècle Titre :la Sexte Estampie Royale Tirée du manuscrit du Roy (Roi), chansonnier du Roy, français 844 Interprète : The Albion Dance Band Album : The Prospect Before US, chez Emi-Harvest (1977)
Bonjour à tous,
près avoir présenté, il y a quelque temps, une version de la Sexte Estampie Royale par l’Ensemble Eurasia Consort, en voici une version plus enlevée et bien plus folk aussi. On la doit à The Albion Dance Band. une formation à la longue carrière, qui sévit en Angleterre, à partir des années 70 dans un style mêlant, folk british, musiques traditionnelles et rock.
La Sexte Estampie par The Albion Dance Band
The Albion Dance Band
Créée en 1971, par le musicien, bassiste, producteur et artiste très polyvalent, Ashley Hutchings, la carrière de cette formation anglaise tout entière dévouée au « Rock Folk » s’est étalée sur plus de trente ans jusqu’à l’année 2014. Au cours de ce long parcours, elle a vu passer un nombre considérable de musiciens et a même changé plusieurs fois de noms : The Albion Band, The Albion Country Band ou encore The Albion Dance Band, nom sous lequel elle signait, en 1977, l’album The Prospect Before Us dont est extraite cette version de la Sexte estampie. Sous ses différents noms, la formation a produit près des 55 albums.
Avec The Prospect before us, le groupe anglais et son fondateur partaient dans une projet dans lequel on retrouve assez bien l’esprit du rock anglo-saxon du milieu des années 70. On en sent le son, le souffle créatif et une certaine liberté de ton aussi, avec des touches lointaines d’un rock qui pourrait presque devenir progressif et s’épancher, par instants, du côté des premiers Genesis, sans jamais aller aussi loin, toutefois, dans la digression ou la « destructuration », comme si, d’une certaine façon, le folk lui tenait lieu d’amarres.
Pour le reste, les sons des instruments anciens y côtoient allègrement et sans complexe les sonorités plus électriques et plus modernes et il ne faut donc pas chercher ici une plongée dans le répertoire médiéval, mais plutôt la découverte d’un album folk expérimental qui mélange musiques traditionnelles et historiques et traverse un peu toutes les époques. Les puristes de musique médiévale resteraient peut-être ici un peu sur leur faim, mais les amateurs de folk, de musiques traditionnelles et, en un mot, de British Folk Rock y trouveront, en tout cas, beaucoup d’entrain et un vrai plaisir à l’écoute. Pour l’instant l’album ne semble pas réédité mais en cherchant un peu on en trouver quelques occasions et import.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : chanson médiévale, poésie médiévale, servantois, satire, poésie satirique, chevalier, trouvère, chanson de croisades, musique médiévale. Période : moyen-âge central, XIIe siècle Auteur : Huon d’Oisy (1145 – 1190)
(Hues, Hugues d’Oisy) Titre :Maugré tous sains et maugré Diu ausi Ouvrage : « Les chansons de Croisades », Joseph Bédier et Pierre Aubry (1909)
Bonjour à tous,
ontemporain du XIIe siècle, Hugues III, seigneur d’Oisy, châtelain de Cambray et vicomte de Meaux, plus connu encore sous le nom d’Huon ou Hues d’Oisy est considéré comme l’un des premiers trouvères du nord de France.
Du point de vue de son oeuvre, il n’a laissé que deux chansons. L’une, plutôt étonnante, conte par le menu un tournoi de nobles dames, dont il nous explique que ces dernières l’avaient organisé pour savoir ce que produisaient les coups que recevaient leurs doux amis lors de tels affrontements. La deuxième chanson est un servantois dirigé par le seigneur d’Oisy contre celui qui fut son disciple en poésie : le trouvère Conon ou Quesnes de Bethune. Pour rappel, on trouve une référence explicite à cela dans une chanson de ce dernier :
Or vos ai dit des barons ma sanblance; Si lor an poise de ceu que je di, Si s’an praingnent a mon mastre d’Oissi, Qui m’at apris a chanter très m’anfance. Conon de Bethune « Bien me deüsse targier » Les Chansons de Conon de Bethune par Axel Wellensköld
A l’occasion du portrait que nous avions fait de ce trouvère (voir biographie de Conon de Bethune ici), nous avions mentionné sa courte participation à la 3ème croisade. Après s’être enflammé et avoir vanté la nécessité des expéditions chrétiennes et guerrières en Terre Sainte auprès de ses contemporains, fustigeant ceux qui ne voulaient s’y rendre, le poète croisé n’eut pas l’occasion d’y briller puisqu’il rentra à la hâte.
Il faudra attendre la 4ème croisade pour que Conon de Bethune prenne à nouveau la croix et fasse montre alors de plus d’allant mais quoiqu’il en soit, le premier retour rapide de sa première expédition lui valut, comme nous le disions, une verte critique sous la plume d’Huon d’Oisy. Ce dernier prit même pour référence et modèle la chanson « Bien me Deüssetargier » de son homologue, afin de mieux le railler.
Pour mieux comprendre le fond politique et satirique de ce texte, plein de causticité et de ce « roi failli » auquel il est fait ici allusion, il faut ajouter que le châtelain de Cambray s’était, de son côté, rangé sous la bannière de Philippe Iᵉʳ de Flandre, dit Philippe d’Alsace contre le parti de Philippe-Auguste, choisi par Conon de Bethune.
Huon d’Oisy dans les Manuscrits anciens
On retrouve cette chanson dans les deux manuscrits que nous citons souvent ici, le Français 844, Manuscrit ou Chansonnier du Roy et le Français 12615(MS fr 12615), connu encore sous le nom de Chansonnier de Noailles. Elle est attribuée dans les deux à Mesire(s) Hues d’Oisy.
Les dates de ce servantois ont été sujettes à débat entre médiévistes, au point de mettre quelquefois en doute, (contre les manuscrits et leurs copistes), l’attribution de cette chanson au seigneur et trouvère d’Oisy. Si la chanson est bien de sa plume, ce qu’on a, en général, fini par convenir, il a dû l’écrire, peu de temps avant sa mort.
Il faut, du même coup, en déduire que cette rentrée de la 3eme croisade de Conon de Bethune se serait située deux ans avant que Philippe-Auguste n’en revienne lui-même, même si à la première lecture, on pourrait être tenté de supposer que le retour du trouvère avait coïncidé avec celui plutôt précipité et décrié du roi de France, fournissant ainsi à Huon un double motif pour les railler tout deux. Le seul problème est que si Conon était rentré en même temps que Philippe-Auguste en 1191, Huon d’Oisy aurait été dans l’impossibilité d’écrire cette chanson puisqu’il avait supposément trépassé près d’une année auparavant.
Suivant Joseph Bédier, ce retour anticipé des croisades de Conon aurait donc des raisons totalement indépendantes de celui du roi et serait même intervenu bien avant, dans le temps. (si vous souhaitez plus de détails sur ces aspects, nous vous renvoyons à l’ouvrage cité en tête d’article).
Maugré tous sains et maugré Diu ausi
Maugré* (malgré) tous sains et maugré Diu ausi revient Quenes* (Conon), et mal soit il vegnans!* (malvenu) … … … … … … … … … … … … … … … … … … … … Honis soit il et ses preechemans* (prédications), et honis soit ki de lui ne dist: «fi»! Quant Diex verra que ses besoins ert grans* (qu’il sera dans le besoin), il li faura, car il li a failli* (il lui faillira comme il lui a failli).
Ne chantés mais, Quenes, je vos em pri, car vos chançons ne sont mais avenans; or menrés* (de mener) vos honteuse vie ci: ne volsistes pour Dieu morir joians, (1) or vos conte on avoec les recreans* (les lâches, ceux qui ont renoncé), si remanrés* (resterez) avoec vo roi failli; ja Damedius, ki sor tous est poissans *(Dieu tout puissant), del roi avant et de vos n’ait merci!* (n’ait plus pitié ni du roi, ni de vous)
Molt fu Quenes preus, quant il s’en ala, de sermoner et de gent preechier, et quant uns seus* (seul) en remanoit decha, il li disoit et honte et reprovier* (reproches, affronts); or est venus son liu recunchiier, (il est revenu souiller son nid) et s’est plus ors* (sale, malpropre) que quant il s’en ala; bien poet* (de pöeir, pouvoir) sa crois garder et estoier* (ranger, remiser), k’encor l’a il tele k’il l’emporta.
(1) Vous n’avez pas voulu « mourir joyeux » pour Dieu
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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