Archives de catégorie : Romans et livres

Romans récents ou livres anciens, le moyen-âge s’édite et se réédite : fiches de lecture, extraits, impressions, une balade dans l’univers du livre autour du monde médiéval,

A la découverte des moines bâtisseurs du moyen-âge central avec « les pierres sauvages » de Fernand Pouillon

magie_de_la_lecture_roman_medievalSujet : livre, roman, fiction historique réaliste, abbaye cicestercienne
Période : moyen-âge central, XIIe siècle
Titre : les pierres sauvages
Auteur : Fernand Pouillon (1912-1986)
Editeur : Seuil  (1964)

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passion‘est avec grand plaisir que nous ajoutons, aujourd’hui, un article de plus à cette rubrique « livres et romans ». Elle n’est pas encore aussi étoffée que nous le souhaiterions et elle souffre un peu de notre emploi du temps chargé, mais, avec le temps, tout y trouvera assurément fernand_pouillon_roman_moyen_age_abbaye_cistercien_architecturesa place. Quoiqu’il en soit, le parti pris étant plutôt la qualité, le roman que nous présentons ici lui fait largement honneur. Pour n’être pas spécialement récent, cet ouvrage est devenu, en effet, un classique dans le domaine des romans sur la période médiévale et en particulier, sur le sujet de la construction des abbayes cisterciennes et sur le quotidien de ces moines bâtisseurs.

La double passion d’un moine bâtisseur

« la difficulté est l’un des plus sûrs éléments de la beauté »
Extrait de Fernand Pouillon, les pierres sauvages (Guillaume Balz, moine bâtisseur)

D_lettrine_moyen_age_passion‘une grande qualité documentaire, écrit de la main même d’un architecte, l’ouvrage est une fiction historique basée sur le champ des possibles. L’auteur nous  conte, en effet, l’histoire de Guillaume Balz, moine cistercien, architecte et chef de chantier, mandaté par Bernard de Clairvaux pour superviser la construction d’une abbaye dans le courant du XIIe siècle, celle du Thoronet, abbaye cistercienne située dans le Var, construite durant  ce même siècle.

Le roman est donc le roman_monde_medieval_abbaye_cisterciennes_moine_batisseur_fernand_pouillon_les_pierres_sauvagesjournal de bord fictionnel de Guillaume Balz, au jour le jour et sur une période de près d’un an. A l’arrivée du moine, le lieu est à peine défriché et  des solutions doivent être trouvées à tous les problèmes qui se posent déjà pour ériger là, un lieu digne du créateur auquel les moines vouent leur pratique et leur vie. Dans un récit laconique et profond, Fernand Pouillon, nous invite à nous glisser dans la peau de ce moine bâtisseur tenu à se frayer un chemin entre les problèmes matériels rencontrés, la gestion de la communauté qui participe à la vie du chantier (les frères comme les laïques), et la nature hautement spirituelle de l’ouvrage d’architecture auquel il se dédie. Il y sera question de la relation entre l’art de bâtir, la communauté et la foi, de la rencontre du spirituel et du matériel dans une recherche sans fin  de perfection pour tenter humblement d’élever l’oeuvre humaine à la hauteur du divin. Ordre humain, ordre naturel, et ordre divin tout devra trouver sa place pour être sublimé dans l’oeuvre architecturale achevée et le roman vibrera tout entier de cette double passion du moine pour ces pierres sauvages et fragiles qui prendront vie sous sa plume, autant que pour le but ultime et transcendant de son ouvrage.

« La plupart des pierres seront traitées rudement, grossièrement : nous gagnerons du temps. Le soleil accrochera les facettes, les éclats, et fera précieuse la matière scintillante. Les anges, les joints dressés, ciselés, deviendront les pures arêtes, définiront le filet de la maille élémentaire, par la discrète diversité des fins appareillages que nul mortier apparent n’insensibilisera. Voilà pourquoi je ne veux pas la bâtir, l’engluer de chaux; je veux lui laisser un peu de liberté, sinon elle ne vivrait pas. »
Extrait de Fernand Pouillon, les pierres sauvages
(Guillaume Balz, moine bâtisseur)

Des pierres sauvages encore vivantes

L'Abbaye cistercienne Thoronet, dans son écrin de verdure
L’abbaye cistercienne du Thoronet, dans son écrin de verdure

B_lettrine_moyen_age_passionien qu’écrit il y a plus d’un demi-siècle, le roman de Fernand Pouillon est encore bien vivant et, en 2011, l’abbaye du Thoronet a même crée un spectacle en hommage à ses Pierres sauvages,  autour de la lecture d’extraits choisis par la comédienne Mady Mantelin.  L’ouvrage a aussi été traduit depuis sa parution dans de nombreuses langues et a dépassé de loin les frontières de France. Peut-être a-t’il ainsi rejoint la volonté de son auteur qui plus que d’en faire le témoignage d’une architecture passée voulait, au contraire, par son biais, remettre en question et en perspective les enjeux modernes de sa discipline.

« …Les plus nombreux considèrent ce livre comme une histoire se rattachant davantage à l’archéologie, à une architecture périmée, à une époque à jamais révolue qui n’a aucun rapport même lointain avec notre temps. Est-il utile de dire que mon intention fut de décrire à travers une aventure exemplaire ce qu’était le métier d’un architecte hier aujourd’hui et demain. »  Fernand Pouillon

Pour dire encore quelques mots de Fernand Pouillon, on lui doit une longue carrière d’architecte, ainsi que de nombreuses réalisations dans ce domaine. Plus que de lui avoir inspiré un simple roman, les longues heures passées à l’abbaye du Thoronet semblent aussi avoir influencé son travail architectural. A n’en pas douter, en effet, au moins l’une des passions roman_monde_medieval_fernand_pouillon_pierres_sauvagesqu’il met dans ce moine bâtisseur est sienne et le romancier architecte était un véritable amoureux de la pierre; il y a, sans nul doute, dans ce Guillaume Balz plus d’un trait de l’auteur lui-même.

Ecrivain, architecte, entrepreneur, la vie de Fernand Pouillon pourrait encore faire l’objet, à elle seule, d’un roman d’aventure puisqu’il connaîtra également quelques déboires judiciaires et la prison pour une affaire d’abus de biens sociaux. Il s’en évadera même pour se présenter plus tard à son procès. et finira, sa courte peine expurgée et voulant exercer à nouveau, par subir des menaces qui le contraindront à s’exiler en Algérie où il finira sa carrière d’architecte et sa vie. Pour la petite histoire, il a d’ailleurs écrit son roman les pierres sauvages pendant ces années d’incarcération et reçut un prix à cette occasion.

Pour en conclure et pour revenir à ce livre, quand il s’agit de parler du moyen-âge central, on peut difficilement faire l’impasse sur le rôle joué par les ordres monastiques et notamment les abbayes cisterciennes qu’il s’agisse d’influence économique, éthique ou politique, comme de grands travaux d’architecture (voir l’article sur l’abbaye de Clairvaux).  Cet excellent roman vous fera voyager à la découverte de ces grands travaux, depuis l’intérieur, avec tous les questionnements profonds que cela ne devait pas manquer de soulever.

Une excellent journée à tous!
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

un roman historique sur le moyen-âge: les piliers de la terre, de Ken Follett

roman_monde_medieval_moyen-ageSujet : roman historique, fresque médiévale, aventure médiévale
Période : XIIe, moyen-âge central
Titre : les piliers de la terre
Auteur : Ken Follett.
Parution : 1990 pour la VF.
Editeur : Le livre de poche

« Les piliers de la Terre »,  roman historique magistral

« On ne récompense pas les perdants, moine. Dans le monde où nous vivons, il n’y a pas de pitié. Les canards avalent les vers, les renards tuent les canards, les hommes abattent les renards et le diable poursuit les hommes. »
Ken Follett. Les Piliers de la terre.

L_lettrine_moyen_age_passionicencié de philosophie, puis journaliste, Ken Follett est surtout devenu un auteur prodigue et touche à tout qui s’intéresse à l’Histoire au sens large. Ses romans couvrent différentes périodes et s’inscrivent toujours dans la trame des faits historiques avec beaucoup de sérieux et de manière toujours très documentée. Pour le sujet qui nous touche particulièrement, le moyen-âge et le monde médiéval, l’auteur gallois nous a légué deux ouvrages  qui se passent dans le même monde mais sont séparés dans le temps par deux siècles  « les piliers de la terre » et « Un monde sans fin« . Il en prépare même un troisième qui viendra compléter la trilogie et nous nous intéressons, dans cet article, au roman_historique_monde_medieval_ken_follett_les_piliers_de_la_terrepremier: « les piliers de la terre ». Une série en a été tirée, il y a quelques années, mais pour l’instant c’est au roman de l’auteur que nous dédions cet article et non sur son adaptation télévisuelle, qui, à n’en pas douter et comme c’est toujours le cas, a permis encore de booster les ventes de l’ouvrage. Même s’il date déjà de plus d’un quart de siècle, ce roman magistral trouve naturellement sa place ici pour ses grandes qualités, historiques, autant que littéraire. (ci-contre portrait de l’auteur Keen Follett)

Une épopée médiévale
dans l’Angleterre des cathédrales

« Priez pour demander des miracles, mais plantez aussi des choux. »
Les piliers de la terre. Ken Follett

L’action des Piliers de la Terre nous emmène autour de la construction d’une cathédrale, à Kingsbridge – ville fictionnelle portant le nom d’une autre ville bien réelle mais qui n’a jamais eu de cathédrale – , dans une Angleterre déchirée entre guerre civile et conflit de succession. Pour être fictif, le chantier autour de l’édifice religieux n’en est pas moins abordé de manière très sérieuse et sourcée, mais ne vous y fiez pas pour autant, les travaux autour de la cathédrale sont loin d’épuiser le sujet du livre. C’est, en effet, à la découverte profonde de ce XIIe siècle, sous toutes ses dimensions politiques, religieuses, sociales, que Ken Follett nous entraîne, à travers cette épopée médiévale haletante, à laquelle il ne manque rien. Avec un souci toujours croissant du réalisme, l’auteur a su s’entourer d’une équipe de spécialistes, historiens et documentalistes pour élever son roman  à la hauteur d’une véritable fresque qui ne cède pourtant, à aucun moment, un pouce à l’action. On retrouve bien là le Ken Follett des thrillers et des romans de roman_aventure_historique_moyen-age_ken_follettd’espionnage qui sait, avec talent, tenir son lecteur en haleine. Le moyen-âge y est vibrant et bien réel, l’action et l’aventure sont là; Au final, l’immersion est totale.

« Tom était de ces gens qui gardent leur religion au fond du cœur. Ce sont parfois les meilleurs. »
Les piliers de la terre, Ken Follett

Porté par des personnages qui diffèrent par le milieu social et dont on suit, au fil du roman, les déboires, les vicissitudes, les trahisons et finalement la destinée, l’oeuvre réussit à nous faire revivre ce douzième siècle à travers les yeux de chacun d’eux: la dure réalité de leur vie, leur condition humaine et sociale, leurs trajectoires hasardeuses entre jeux de pouvoir et survie. Au delà, dans une aventure menée de main de maître, se mêleront encore au roman, ambitions et luttes de pouvoir intestines, à l’intérieur de l’Eglise comme entre les nobles, rivalités entre église et pouvoir politique aussi, et encore lutte contre les éléments, contre la misère et pour la vie, dans la violence, la haine, la passion et l’amour sur fond d’un monde médiéval, trempé de religion où la présence de Dieu et la mystique restent omniprésentes.

Une trilogie bientôt achevée

« Vous êtes jeune, frère Godwyn. Avec le temps, vous apprendrez que les puissants ne montrent jamais de gratitude et acceptent comme un dû celle que nous leur manifestons. » 
Un monde sans fin, Ken Follett

Best seller absolu, traduit dans de nombreuses langues, les piliers de la terre a, à ce jour, dépassé les 20 millions d’exemplaires vendus dans le monde, suivant son éditeur.

Faisant suite à ce roman, l’excellent ouvrage Un monde sans fin est de la même veine. Il  nous invite à nouveau dans le même monde, mais cette fois-ci sur fond de XIVe siècle. Le temps a passé et ce sont les roman_aventure_historique_moyen-age_un_monde_sans_fin_ken_follettdescendants des héros du premier opus que nous retrouverons dans ce deuxième roman d’aventure.  L’action et l’excellence sont encore au rendez-vous et pour ceux qui ont lu déjà ces deux excellents livres, un troisième est actuellement en cours de rédaction qui viendra compléter la trilogie et devrait paraître, des mots même de l’auteur, autour de l’automne 2017.

Un jeu vidéo sur les piliers de la terre

Les piliers de la terre le jeu vidéo
Les piliers de la terre, le jeu vidéo et la ville fictive de Kingsbridge réconstituée par Daedalic entertainement

Plus de 25 ans après sa sortie et du côté « actualité », l’histoire du roman de Ken Follett a aussi inspiré un jeu vidéo, actuellement en préparation chez Daedalic Entertainment, un studio de production allemand qui entend bien tenir le titre prêt, autour des mêmes dates que la sortie prévue du troisième livre de l’auteur sur le petit monde de Kingsbridge et ses héros.

Transposer une aventure aussi fouillée et détaillée relèvera surement de la gageure sans parler d’y introduire la nécessaire interactivité qu’on peut attendre de tout bon jeu qui se respecte. De fait, c’est certainement plus dans le « monde » des piliers de la terre et de ses personnages que le titre nous transportera mais sans coller totalement à l’ensemble du roman. L’expérience ne saurait, en effet, être comparable à la lecture, même si la société de production allemande dit vouloir mettre la barre assez haute en terme d’ambition « littéraire » du jeu. Je vous traduis ici les mots de Carsten Fichtelmann, fondateur et CEO de Daedalic Entertainment dans un communiqué de presse sur le sujet au moment d’initier le projet (2014):

jeu_video_moyen-age_les_piliers_de_la_terre_roman_ken_follett
D’un point de vue graphique le studio Daedalic penche pour l’instant, pour un côté plus « bandes dessinées » que réaliste.

« Nous sommes parfaitement conscients et nous ressentons la responsabilité qui nous échoit avec un tel projet. Les Piliers de la terre est un des best-sellers de littérature les plus lus dans le monde et il est suivi, depuis longtemps, par une large base constituée de millions de fans. Etre à la hauteur de leurs attentes sur notre jeu sera un défi formidable. mais que nous sommes fortement motivés à relever. Ensemble avec Bastei Lübbe (le distributeur du jeu) et Ken Follett, nous avons déterminé que le genre qui conviendra le mieux  et sera le plus adapté pour exprimer la profondeur d’un tel roman historique sera le jeu d’aventure. Les jeux d’aventure sont une forme de littérature interactive et chez Daedalic nous nous sommes dédiés à perfectionner ce genre de jeux. Nous sommes heureux et nous sentons extrêmement honorés de voir que notre travail est reconnu par un des plus grands auteurs de best-sellers au monde. et d’avoir la possibilité de mettre son travail en interactivité. »
Carsten Fichtelmann, Daedalic Entertainment (Article original ici)

L_lettrine_moyen_age_passione projet datant de 2014, voilà déjà presque deux ans que le studio de production y est affairé et nous en partageons ici un petit avant-goût pour les amateurs de jeu vidéos, autant que pour les curieux.

Comme il faudra encore patienter jusqu’en 2017 pour que le jeu vidéo inspiré de l’oeuvre de Ken Follett voit le jour, en attendant et pour revenir à cet excellent roman, n’hésitez pas si vous ne l’avez pas encore lu, les Piliers de la terre reste un ouvrage indémodable et de très grande qualité.

En vous souhaitant une très belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
« A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes »

Orbis factor, un chant grégorien tiré du Graduel de Fontevrault et interprété par l’ensemble organum

enluminures_graduel_alienor_Fontevrault_chants_gregorien_sacres_moyen-ageSujet : Graduel de Fontevrault, chants liturgiques, musique médiévale
Période :  XIIIe, moyen-âge central
Conservé à : Bibliothèque de Limoges
Type : chants polyphoniques et grégoriens.
Titre: « Kyrie: Orbis factor »
Interprètes: Ensemble Organum
Album: « Le chant de la Mémoire »

Un Codex exceptionnel du XIIIe siècle

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous publions un chant grégorien qui a donné des frissons à plus d’un. Il est tiré d’un ouvrage médiéval :  le Graduel de Fontevrault. C’est un codex de plus de trois cent feuillets qui est, enluminures_graduel_alienor_Fontevrault_chants_gregorien_sacres_monde_medievalcomme tous les graduels, un livre de chant de messes et un guide pour les messes au quotidien sur une année entière. La copie de l’ouvrage date du XIIIe siècle mais il aurait été légué au XIVe siècle à l’église de Saint-Junien, située dans la Haute Vienne (Limousin) et se trouve maintenant conservé à la bibliothèque de Limoges.

Par son contenu iconographique et musical unique,  ce codex reste, encore à ce jour, une source exceptionnelle pour l’étude de la pratique liturgique et des chants grégoriens du moyen-âge central. Il est encore connu sous le nom de Graduel d’Alienor de Bretagne du nom de l’abbesse de Fontevrault (1302-1342) dont le blason figurait sur la tranche de l’ouvrage. Les études ont toutefois permis de montrer depuis que le codex avait été copié autour du milieu du XIIIe siècle dans un atelier de Paris.

Consulter l’ouvrage en ligne

L_lettrine_moyen_age_passiona bibliothèque municipale de Limoges nous a fait la grâce de l’avoir mis en ligne afin que nous puissions apprécier la qualité de sa conservation autant que l’iconographie de ce manuscrit et pour ceux qui savent lire la musique  pouvoir la décrypter. En voici les liens :

Graduel_de_Fontevrault_chants_sacres_monde_medieval_moyen-age_central

http://www.bm-limoges.fr/graduel/ms/index.html

L’ensemble « Organum »,
à la recherche des musiques anciennes

« Il ne s’agit pas seulement de prendre une partition et de la jouer, il faut comprendre aussi le monde auquel cette musique fait référence »
Marcel Pérès
  –  Le chant de la mémoire

Sous la férule de Marcel Pérès, l’ensemble Organum , qui interprète ce chant grégorien ici, fait partie de ces groupes qui sont à la fois en quête de musique et d’histoire. Depuis 30 ans, ils fouillent, cherchent, s’interrogent et finalement livrent au public autant leur interprétation que le fruit de leurs recherches artistiques sur l’histoire des musiques anciennes et à travers elle, sur l’art et le sacré. C’est un long travail, ambitieux et patient, celui d’artistes animés par  la passion de tenter de « reconstruire l’histoire du chant sacré« , comme ils le disent eux-même, Pour en savoir plus et mesurer toute leur ambition dans ce champ des musiques anciennes et sacrées, autant que pour en savoir plus sur leurs concerts, leurs productionsensemble_organum_musiques_anciennes_chant_sacre_graduel_alienor_Fontevrault et les encourager, je vous invite à visiter leur site web qui se trouve ici: : organumcirma.com

Pour le reste, le mystère d’une musique qui vous touche ou ne vous touche point, quelque soit son origine, son époque, les croyances qui la font naître où les instruments dont elle use,  reste et restera toujours entier. Il ne me semble pas en tout cas qu’il faille nécessairement être chrétien, ni même peut-être croyant, pour se laisser transporter par ce chant grégorien et par son interprétation par les très belles voix de l’ensemble Organum.

Le Kirie « Orbis factor »

Du point de vue de son contenu, le Orbis Factor est  une prière appelant la miséricorde divine et la lumière christique. Comme toutes les litanies religieuses, qu’elles soient chrétiennes, juives, musulmanes, bouddhistes, etc, etc, les paroles de cet orbis factor font appel à la répétition, en l’occurrence ici « eleison »  (Kirie Eleison : « Seigneur aie pitié ») qui traduit l’insistance dans l’évocation. Il y a sans nul doute également dans la force vibratoire même du chant et de cetteGraduel_de_Fontevrault_chants_sacres_musique_medieval_moyen-age_central répétition, la recherche d’une élévation comme d’une purification. C’est une technique que les indiens et les bouddhistes connaissent bien aussi et pratiquent à travers le « mantra ».

Orbis factor rex aeterne, eleison
Pietatis fons immense, eleison
Noxas omnes nostras pelle, eleison
Christe qui lux es mundi dator vitae, eleison
Arte laesos daemonis intuere, eleison
Conservans te credentes confirmansque, eleison
Patrem tuum teque flamen utrorumque, eleison
Deum scimus unum atque trinum esse, eleison
Clemens nobis adsis paraclite ut vivamus in te, eleison.

Une belle journée à vous!
Fred
Pour moyenagepassion.com
« A la recherche du monde médiéval sous toutes ses formes »

Chrétien de Troyes, légendes arthuriennes médiévales et quête du très Saint Graal

legendes_medievales_arthuriennes_chretien_de_troyes_perceval_chateaux_moyen-age« Sujet : Citations et poésie médiévales, légendes Arthuriennes, Saint Graal, table ronde, châteaux et chevaliers
Titre :  roman du Graal, conte du Graal, Perceval.
Auteur : Chrétien de Troyes
Période : moyen-âge central, XIIe siècle

« C’était au temps que les arbres fleurissent, que les bocages se couvrent de feuilles et les prés d’herbe verte, alors que dès l’aube les oiseaux chantent doucement en leur latin et que toute créature s’en­flamme de joie. »
                         Chrétien de Troyes, le conte du Graal, Perceval le Gallois

___________________________________________________________________________

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionvant de faire plus grand tribut à Chrétien de Troyes et son oeuvre sur le Saint Graal et les légendes arthuriennes, oeuvre qui a marqué le monde médiéval et les valeurs de la chevalerie du moyen-âge de manière indélébile, nous voulons ici partager un peu de sa belle poésie, avec un extrait du roman de Graal sur le chevalier Perceval. Nous en profitons aussi pour soulever quelques idées sur cette fascinante quête du Saint Graal des légendes arthuriennes qui inspirera bien des auteurs, mais aussi simplement des hommes, longtemps après Chrétien de Troyes.

Qui est Chrétien de Troyes?

Que sait-on de Chrétien de Troyes en dehors de la fascination qu’exerce encore sur nous les légendes qu’il nous conte? Comme de nombreux auteurs médiévaux, son identité reste mystérieuse et on ne sait pas grand chose de précis le concernant. Il a vécu au XIIe siècle, serait né autour de 1135(?) et mort autour de 1183(?). Il a laissé pour nous une oeuvre poétique fournie mais pourtant inachevée, cinq récits en rimes, dont ce roman de Graal sur le chevalier Perceval qu’il n’aura pu finir et dont nous livrons aujourd’hui un court extrait. De l’héritage de cet auteur, on s’accorde à dire que plus qu’avoir simplement reflété la période médiévale qui l’a vu naître, il lui aura insufflé et inspiré, à travers les légendes du grand roi Arthur et de ses chevaliers, des valeurs, un idéal, une façon chrétienne d’être au monde. Noble chevalerie en quête de justice et roi_arthur_legende_arthuriennes_chrétien_de_troye_poesie_medievalede sacré, amour courtois magnifié et pourtant sitôt transgressé, les hommes y luttent avec leur nature et quelquefois même contre elle, pour s’élever dans des valeurs qui sont à la fois humaines, religieuses et sociales. (ci- contre le couronnement du roi Arthur, XVe siècle, BnF, voir le document original ici)

L’inspiration des légendes Arthuriennes

On l’a souvent dit, s’il est certainement celui qui donnera la consistance véritable et qui cristallisera les légendes du roi Arthur et de ses chevaliers de la table ronde, Chrétien de Troyes aura puisé son inspiration dans le Roman de Brut, un ouvrage que l’auteur médiéval anglo-normand Robert Wace, avait composé, autour de 1155, dans l’entourage de Henri II Plantagenêt (1133-1189), roi d’Angleterre, époux d’Aliénor d’Aquitaine, et père, entre autres enfants célèbres, de Richard Coeurlegendes_arthuriennes_medievale_chretien_de_troye_moyen_age_passion de Lion et de Jean Sans terre. (photo ci-contre, Roman de Brut, Brutus débarquant dans l’île d’Albion,  gravure médiévale du XIVe siècle , BnF, voir l’original).

L’inspiration de Wace connaît elle-même, comme filiation, celle de l’incontournable Geoffroy de Monmouth, ecclésiastique féru de littérature, ayant fini de publier, autour de l’an 1139, l’ouvrage « Historia regum Britanniae ». Il y contait alors déjà, entre autres mythes et histoires,  les conquêtes d’un certain roi Arthur. Bien que réfuté par les historiens contemporains de notre ecclésiastique, l’ouvrage connaîtra un grand succès et inspirera de nombreux chroniqueurs et auteurs, dont Robert Wace, qui poursuivront ainsi le vaste corpus des légendes arthuriennes auquel Chrétien de Troyes contribuera aussi. Des nombreuses sources d’inspirations de ce dernier, qui s’en est allé aussi boire à la source des légendes celtes pour écrire ses ouvrages, il reste indubitable que Chrétien de Troyes aura contribué à christianiser cette légende.

L’allégorie de la quête du Saint-Graal
au service d’un idéal humaniste et chrétien.

Le départ des chevaliers pour la quête du Saint Graal, tapisserie du XIXe siècle,Edward Burne-Jones,
Le départ des chevaliers pour la quête du Saint Graal, tapisserie du XIXe siècle,Edward Burne-Jones,

Un moyen-âge profondément chrétien

Nous l’avons dit et ce loin d’être une idée nouvelle, le moyen-âge du XIIe siècle reste profondément chrétien.  Nous sommes dans les siècles des croisades où l’on n’hésite pas à prendre la croix, au péril de sa vie, pour traverser le monde aux appels des papes : protéger les chrétiens d’orient ou le tombeau du christ, aller quérir les saintes reliques et se sanctifier à son tour. Les nobles et seigneurs d’alors sont portés par ces idéaux et dans les campagnes et les villes, on peut faire varier la forme de seslegendes_medievales_roi_arthur_excalibur_chretien_troyes_moyenage_passion croyances chrétiennes (au péril de sa vie, quelquefois), mais « ne pas croire » ne semble une option pour personne. Cette dimension et ce contexte ne peuvent être dissociée de   l’oeuvre de Chrétien de Troyes.

Bien sûr, il y a  dans les légendes arthuriennes, comme dans tout mythe ou légende, l’aventure et la féerie, l’action, les rebondissements, les hommes face à la réalité du monde, mais nos preux chevaliers sont, dans l’oeuvre du poète et à travers leurs quêtes, plus que jamais face à la quête profonde de la divinité et dans un recherche initiatique constante. Fusse-t’il un plat devenu coupe sous la plume de Chrétien de Troye, le Saint Graal n’est pas qu’un objet fait de matière, il est aussi un prétexte pour nos chevaliers à se chercher eux-mêmes dans un idéal chrétien, et au delà, à se sanctifier au sens encore chrétien du terme. (photo ci -dessus, le Saint Graal apparaît aux chevaliers de la table ronde, XVe siècle, BnF. consultez l’original ici)

Égaux  dans la quête et devant Dieu

Unir les hommes de toutes origines dans un idéal de valeurs et de transcendance, c’est, sans aucun doute à travers la recherche du Saint-Graal une des idées fortes des légendes arthuriennes du moyen-âge.

« La table ronde n’a pas d’angles pour que personne n’en soit exclus ».
C’est la quête, plus que l’éducation ou l’origine sociale qui unit nos chevaliers, une communion de valeurs, un élan vers un idéal et cet idéal est chrétien et les rend égaux entre eux et devant Dieu. Même s’il n’est pas dénué d’origine noble par le sang, sans doute que celui qui personnifie le mieux cette idée dans les légendes Arthuriennes reste le chevalier Perceval; être simple et rustre à la naïveté touchante, élevé par sa mère loin du monde des hommes, de la chevalerie et même des églises, mais que le destin prophétisé finira par rattraper pour le faire entrer dans la légende. Il n’est pas une adaptation ou une seule version de l’histoire d’Arthur et des chevaliers de la table ronde digne de ce nom, depuis, qui ne réussisse pas àlegende_medievale_roi_arthur_chevalier_table_ronde_chretien_troye nous le faire aimer, pour ce qu’il est et pour ce qu’il représente, Je ne peux en disant cela, m’empêcher de penser au Perceval d’Alexandre Astier dans Kaamelott(photo ci-contre, la quête du Saint-Graal, arrivée de Galaad à la cour d’Arthur et à la Table ronde, parchemin 1380-1385, Bnf voir original ici).


DES ORIGINES RUSTRES DE PERCEVAL
Parenthèse Kaamelott  très à propos, pour se détendre un peu.

Souffrez que je cite ici, au milieu de tant de sérieux, le très cher Alexandre Astier, en le laissant exprimer lui-même, sa vision des origines de Perceval, par la bouche même de ce dernier:

perceval_kaamelott_alexandre_astier_legendes_arthuriennes_medieval« Excusez, c’est juste pour vous dire que je vais pas pouvoir rester aujourd’hui! Faut que je retourne à la ferme de mes vieux ! Y a ma grand-mère qui a glissé sur une bouse ! C’est le vrai merdier ! »
Perceval, (Franck Pitiot), Chevalier de Kaamelott


Concernant cette table ronde et la symbolique de ces chevaliers au service du Christ dans leur quête, il faut encore relever ce détail que nous livre Jean Pierre Bordier, professeur agrégé de l’Université dans son article consacré à Merlin l’enchanteur sur Universalis. Il nous dit bien jusqu’où va la symbolique chrétienne chez les auteurs médiévaux des légendes d’Arthur, ici dans le roman de Robert de Boron, clerc de la fin du XIIe et du début du XIIIe siècle, qui nourrira  encore l’oeuvre arthurienne de ses vers très chrétiens.

« La Table ronde ne réunit pas seulement l’élite des chevaliers d’Arthur, tout en prévenant par sa forme toute querelle de préséance, mais reproduit aussi la table du Graal, dressée par Joseph d’Arimathie (d’après le roman en vers de Robert de Boron) en mémoire de la table de la Cène. »

legende_medievale_arthur_chretien_de_troyes_auteur_moyen-ageArthur, ô roi des rois!, porteur de l’épée sacrée, union personnifiée des mondes celtes et romains en un seul homme, réconciliant tous les contraires,  messager des Dieux sur la terre, il est le garant de cette union des mondes et de ces valeurs chrétiennes et il lui faut de larges épaules et de l’humanité tout autant qu’une foi sans borne, pour les porter par devers tous et pour tous ses chevaliers; être le guide qui montre le chemin, même si, au fond, chacun d’entre eux, avec ses forces et ses faiblesses, est aussi en quête de lui-même. Et il n’en reste pas moins homme et de la faiblesse de cette nature, ils failliront aussi, parfois, dans cette quête de perfection. (ci dessus, Lancelot du Lac conte ses aventures au Roi Arthur, illustration médiévale du XIIIe siècle, Bnf, voir original et détail ici)

La quête intérieure

Et les voilà, nos chevaliers de la table ronde, questionnant leurs origines, leurs actions et leur devenir, vivant et agissant dans une recherche constante d’eux-même qui les pousse, vers l’avant, comme pour mieux s’y trouver, et, à travers cette quête, pour retrouver un idéal d’homme. Et cet idéal avec Chrétien de Troyes et ses successeurs, est celui du noble chrétien, protégeant les déshérités, aimant les dames de cet amour distant et courtois, emprunt de grand respect, dans l’espoir qu’elle les invitent, peut-être un jour, à s’approcher. C’est encore ce noble chrétien qui part sur les routes, s’oubliant dans ses quêtes pour mieux s’y retrouver, à chercher les saintes reliques, à pourfendre l’injustice et à suivre, en tentant de ne pas faiblir, le chemin du Saint Christ et les traces sacrées qui ont pu demeurer. Ces roi_arthur_excalibur_legendes_medievales_chretien_de_troyes_moyen-age_passionhéros qui se cherchent eux-même dans un idéal de chevalerie et à travers le Saint Graal, réussiront-ils à devenir les réceptacles de la lumière divine et sacrée? Mériteront-ils, par leurs actes et leurs faits, la reconnaissance de Dieu? Et par la découverte du Saint Graal, se verront-ils confirmer par la toute puissance divine, le bien fondé de leurs actions, leur juste tenue sur le chemin ? Pourront-ils s’élever et devenir, à leur tour, réceptacles sacrés de la lumière divine? Leur sang pourra-t’il jamais être aussi pur que celui du Saint Christ?   (photo ci-dessus, Arthur triomphant de l’épreuve de l’épée et tirant Excalibur du rocher, parchemin du XIVe siècle, BnF, voir original ici)

Au fond, comme dans toute quête mystique, le chemin importe plus que sa finalité, la route compte plus que la destination. Et l’immortalité qu’on prête au Saint Graal semble au sortir moins importante que la pureté de sa sainte quête qui est un idéal du devenir et de la transformation, la clef d’un questionnement tout à la fois humain, religieux et social.  Ne sont-ils pas, d’ailleurs, devenus immortels?  Trouver sa place en soi-même, parmi les hommes et dans la lumière du divin et du Saint Christ, c’est là que se situe l’allégorie du Saint Graal. C’est celle d’un monde médiéval profondément chrétien dans lequel Chrétien de Troyes nous invite et c’est un monde qui, à travers les légendes arthuriennes, aspire à l’élévation de l’homme, dans une quête humaniste et sacré du divin.

Chrétien de Troyes, merveilles du roman
de Graal et de la poésie médiévale

L’extrait suivant est tiré du conte de Graal. Il nous conte les merveilles d’un château médiéval que Gauvain croise sur son chemin, palais splendide de richesses et de puissance comme on en voit se multiplier dans le courant de ce XIIe, que l’on a nommé le siècle de l’âge d’or des châteaux-forts.


Extrait original de Chrétien de Troyes
en vieux français

De l’autre part de l’eve sist
.I. chastiax trop bien compassez
Trop fors et trop riches assez
Ja ne quier que mentir m’en loise
Li chastiax sor une faloise
Fu fermez par si grant richece
Qu’onques si riche fortereche
Ne virent oeil d’ome qui vive,
Car sor une roche naïve
Ot .i. palais molt grant assis
Qui toz estoit de marbre bis
El palais fenestres overtes
Ot bien .v .c totes covertes
De dames et de damoiseles
Qui esgardoient devant eles
Les prez et les vergiers floris

Extrait adapté en français moderne

De l’autre côte, posé sur l’eau,
Se tenait château si bien fait,
Si puissant et riche à la fois,
Je ne crois mentir en disant,
Le château sur une falaise
Etait fait de tant de richesses
Que jamais si grande forteresse,
Homme qui vit put contempler.
Car sur la roche brute et vive,
Se tenait un palais si grand,
Tout entier fait de marbre gris.
Au palais, les fenêtres ouvertes,
près de cinq cent, étaient couvertes
De dames et de damoiselles
Qui regardaient au devant d’elles,
Les prés et les vergers fleuris.


Une belle journée à vous, mes bon amis, puisse la dame du lac vous inspirer et puissiez-vous goûter avec elle la poésie de notre monde et sa magie, la beauté du chant des rivières et toute la profondeur des belles légendes arthuriennes!  Longue vie à tous!

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus  Ier s. av. J.-C