Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales

Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …

Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.

En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.

La ballade des pendus de Théodore de Banville

ballade_medievale_poesie_moyen-age_louis_XI_theodore_de_banville_gringoire_francois_villon_ballade_des_pendus

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous publions une carte postale visuelle inspirée de la « ballade des pendus » de Théodore de Banville, plus connue depuis Georges Brassens sous le titre « le verger du rois Louis » et dont nous avons déjà parlé ici, il y a quelques jours. Si vous avez manqué l’article, il est ici (nous lui avons apporté quelques précisions depuis). L’image est en haute définition, il faut donc cliquer dessus pour la voir correctement.

Une belle journée!
Fred
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

« Le verger du roi Louis » Une ballade du XIXe siècle qui nous parle du Moyen-âge

poesie_monde_medieval_ballade_formes_poetique_moyen-age_theodore_de_banville_vergers_roi_louisSujet : poésie, résonance médiévale, François Villon, Ballade des pendus, Roi louis.
Paroles : Théodore de Banville (1823-1891)
Interprète : Georges Brassens
Titre : le verger du roi Louis, Ballade des Pendus
Période : XIXe siècle

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui nous partons à la découverte d’un poète du XIXe siècle qui nous parlait alors de moyen-âge et faisait, à travers le temps, une ballade en forme d’hommage allégorique à la ballade des pendus de François Villon.

Théodore de Banville est un poète du XIXe siècle qui a côtoyé les plus grands: Beaudelaire, Mallarmé, Daudet, Verlaine, et a même influencé une partie d’entre eux. Il s’était signé par la recherche d’une poésie des formes _theodore_de_banville_portrait_poesie_monde_medieval_ballade_formes_poetique_moyen-age_vergers_roi_louiset de l’esthétisme, loin de la poésie réaliste et qui s’écartait résolument d’un romantisme facile, recherchant dans l’exigence du style et des mots une émotion qui ne pouvait naître que de la perfection des formes.

Après avoir brillé dans l’exercice de cette forme de poésie à laquelle il donna ses lettres de noblesse, l’homme se prit, un peu plus tard, d’un grand attachement pour le moyen-âge et ses formes poétiques. De fait, on lui doit d’avoir alors coulé sa plume dans des formes poétiques qui n’étaient plus en usage au XIXe siècle, pour les faire revivre. Et pour son talent autant que pour toutes ses raisons, c’est sans conteste un poète à découvrir ou redécouvrir.

Gringoire
oeuvre en prose de Theodore de Banville

GRINGOIRE :  » Je vais vous dire la Ballade des Pendus, (au Roî, avec orgueil et confidentiellement.) Elle  est de moi. (Naïvement.) C’est une idée que j’ai eue en traversant la forêt du Plessis, où il y avait force gens branchés. On les avait mis là, peut-être, de peur que la rosée du matin ne mouillât leurs semelles. »
Gringoire, pièce de théâtre de Théodore de Banville

Cette ballade rebaptisée quelquefois « le verger du roi Louis » mais auquel originellement Théodore de Banville avait donné le titre de « Ballade des Pendus » que nous vous proposons aujourd’hui s’adressait au roi Louis XI (1423-1483), monarque de la fin du moyen-âge que ses contemporains, dès sa mort, s’étaient empressés de décrire comme un roi tyrannique et cruel et que les historiens réhabiliteront partiellement, un peu plus tard dans le temps, en le resituant sa tyrannie dans son époque.

La poésie est tirée d’une pièce de théâtre en un acte de Théodore de Banville appelée Gringoire et que l’auteur avait dédié à Victor Hugo. La scène dont cette ballade est extraite, nous présente un jeune poète miséreux et affamé, Pierre Gringoire, que l’on fait amener de force devant le Roi Louis XI. C’est le même Gringoire que celui de poesie_monde_medievale_pierre_gringore_gringoire_victor_hugo_theodore_de_banville_francois_villonNotre Dame de Paris de Victor Hugo. Le personnage avait été inspiré à ce dernier par un poète réel du moyen-âge tardif : Pierre Gringore (1475-1539).

Ci-contre Portrait de Pierre Gringoire, dessin au Fusain de Gustave Brion (19e siècle)

Dans la scène de la pièce de théâtre, le jongleur se retrouve face au roi, entouré de quelques personnages dont notamment Olivier le Daim, de son vrai nom Olivier Necker, barbier dont le roi s’était entiché et qui avait, par la suite, acquis la réputation d’être un homme perfide et mauvais au point qu’on l’avait quelquefois surnommé Olivier le Diable. On le retrouve dans l’oeuvre Notre Dame de Paris, de Victor Hugo sous le nom d’Olivier le Mauvais.

Dans la pièce « Gringoire », l’homme insistera pour que le poète lise devant le roi, contre le couvert et un peu de pitance, sa dernière ballade qui, semble-t-il, court déjà sur toutes les lèvres. Le poète bien que terrorisé, mais trop affamé pour y résister, finira pas s’exécuter et déclamer devant le roi la terrible ballade. La suite est inattendue, on y découvre Louis XI sous un jour bien différent, loin de sa caricature habituelle. Je ne vous la conterai toutefois pas, car il est largement préférable de la découvrir dans la prose unique et talentueuse de Théodore de Banville. C’est ici, si le coeur vous en dit: Découvrir la pièce de théâtre « Gringoire » de Théodore de Banville.

Dans cette ballade, la référence à François Villon est explicite dans le titre, même si son nom n’est pas cité mais on ne peut s’empêcher de penser à lui, tout au long de la lecture. Théodore de Banville composera d’ailleurs également un dizain dédié à Villon que nous aurons, sans nul doute,  l’occasion de poster ici.

L'arbre aux pendus de Jacques Callot (1592-1635)
L’arbre aux pendus de Jacques Callot (1592-1635), gravure eau-forte extraite de la série les Misères et malheurs de la guerre.

Théodore de Banville par Brassens

brassens_poesie_ballade_forme_poetique_medieval_theodore_banville_vergers_roi_louisGeorge Brassens découvrit cette ballade  de Théodore de Banville et la mit en chanson en 1960. C’est loin d’être une de ses plus connues mais on y retrouve le phrasé impeccable du grand maître de musique sétois et sa manière de se mettre humblement au service du texte, même s’il n’est pas de lui. Bien sûr, cette forme est une ballade dans le plus pur style médiéval et cela ne pouvait que lui plaire puisqu’il n’a jamais caché son goût ni pour Villon, ni pour le moyen-âge, au point de se déclarer même dans un chanson pleine d’humour: « foutrement moyenâgeux ». Brassens chante Banville qui fait une révérence à Villon, voilà encore une histoire de résonance du monde médiéval et de sa poésie, du XIVe siècle à nos jours, avec un détour par le XIXe siècle.


Le verger du Roi Louis

Sur ses larges bras étendus,
La forêt où s’éveille Flore,
A des chapelets de pendus
Que le matin caresse et dore.
Ce bois sombre, où le chêne arbore
Des grappes de fruits inouïs
Même chez le Turc et le Maure,
C’est le verger du roi Louis.

Tous ces pauvres gens morfondus,
Roulant des pensées qu’on ignore,
Dans des tourbillons éperdus
Voltigent, palpitants encore.
Le soleil levant les dévore.
Regardez-les, cieux éblouis,
Danser dans les feux de l’aurore.
C’est le verger du roi Louis.

Ces pendus, du diable entendus,
Appellent des pendus encore.
Tandis qu’aux cieux, d’azur tendus,
Où semble luire un météore,
La rosée en l’air s’évapore,
Un essaim d’oiseaux réjouis
Par-dessus leur tête picore.
C’est le verger du roi Louis.

Prince, il est un bois que décore
Un tas de pendus enfouis
Dans le doux feuillage sonore.
C’est le verger du roi Louis !


En vous souhaitant une belle journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

NB : l’image d’en tête est extraite du manuscrit médiéval Français 19819, « Statuts de l’ordre de Saint-Michel ». Cette enluminure de Jean Fouquet représente le roi Louis XI siégeant au chapitre de l’ordre de Saint-Michel.  Daté de la deuxième moitié du XVe (1470), ce  très beau manuscrit médiéval est conservé au département des manuscrits de la BnF. Vous pouvez le consulter ici

La Médiocrité dorée d’Eustache Deschamps: lecture audio et traduction /adaptation en Français moderne

lecture_poesie_medievale_vieux_francais_oil_audioSujet : poésie médiévale, morale, ballade, vieux français, oil, traduction, adaptation
Période : moyen-âge tardif
Auteur : Eustache Deschamps
Media : lecture audio
Titre : « Aurea Mediocritas »

Bonjour à tous,

F_lettrine_moyen_age_passion-copiainalement, à la demande générale et c’est bien parce que c’est vous, nous avons passé un peu de temps pour adapter cette ballade d’Eustache Deschamps en français moderne et du coup, nous en avons profité pour en faire une lecture audio.

Adaptation en français moderne de « Aurea Mediocritas » d’Eustache Deschamps

Ou hault sommet de la haulte montaigne
Ne fait pas bon maison édifier,
Que li grant vens ne la gaste et souspraingne;
Ne ou bas lieu ne la doit pas lier :
Car par eaues pourroit amolier
Le fondement et périr le merrien ;
Nulz ne se doit ne hault ne bas fier :
Benoist de Dieu est qui tient le moien.

Au haut sommet de la haute montagne
Ne fait pas bon édifier sa maison,
Afin que les grands vents ne la ruinent et l’emportent;
Ni dans les bas fonds on ne la doit lier:
Car par les eaux elle pourrait mouiller
ses fondations et détruire ses bois;
Ni au haut, ni au bas, nul ne doit se fier :
Il est Béni de Dieu qui s’en tient au moyen

Es grans estaz est haulte honeur mondaine
Qu’Envie tend par son vent trebuchier;
Et la s’endort chascuns en gloire vaine,
Mais en ce cas chiet honeur de legier ;
Du hault en bas le convient abaissier.
Et lors languist quant il dechiet du sien ;
Telz haulz estas sont de foible mortier :
Benoist de Dieu est qui tient le moien.

Dans haute condition est grand honneur mondain
Que l’Envie tend par son vent renverser;
Et là s’endort chacun dans une gloire vaine,
Mais dans ce cas aussi l’honneur choit aisément;
Du haut jusques en bas lui convient s’abaisser.
Et lors se morfond celui déchu du sien;
Car telles Hautes conditions sont de faible mortier:
Il est Béni de Dieu qui s’en tient au moyen.

Ou lieu trop bas qui est assis en plaine
Ne se doit nulz tenir pour mendier.
Car povreté est reprouche certaine.
Et si n’est homs qui vueille au povre aidier;
Fay ta maison en un petit rochier
Ne hault ne bas, et la vivras tu bien :
En tous estas vueil dire et enseignier :
Benoist de Dieu est qui tient le moien,

Et dans les lieux trop bas qui se tiennent en plaine
Nul ne se doit tenir pour mendier.
Car pauvreté attire les reproches certaines.
Et il n’y a point d’homme qui veuille le pauvre aider;
Fais ta maison sur un petit rocher
Ni haut ni bas, et là tu vivras bien:
En toutes circonstances*, je veux dire et enseigner:
Il est Béni de Dieu qui s’en tient au moyen.

(* double sens: « A tous quelque soit sa condition »)

Pour le reste et si vous l’aviez manqué, l’article détaillé sur cette poésie et la médiocrité dorée est ici.

Longue vie!

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Amour du prochain, bon sens et réthorique chrétienne dans le codicille de Jean de Meung

citation_medievale_jean_de_meung_clopinel_poesie_medievale_codicille_moyen-age_central

“Se tu es beaulx et riches, de legier peuz vouloir
Que je le soye aussi sans riens de toy douIoir;
Se je vaulx et tu vaulx, il ne t’en doit challoir,
Puisque tu ne puis moins de ma valeur valoir.”

Jean de Meung (1250-1305) Le codicille.

Adaptation libre français moderne:

« Si tu es beau et riche, il t’est facile de vouloir
Que je le sois aussi, sans que cela te nuise;
Si je vaux et tu vaux, il ne doit t’importer;
Puisque tu ne peux moins que ma valeur valoir. »

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous partageons à nouveau, ici, quelques alexandrins, en forme de citation médiévale, tirés du codicille de Jean de Meung: ce long poème de bonne conduite et de recommandations que le poète érudit du moyen-âge laissa en legs à ses contemporains.

S’ils ne sont pas les seuls thèmes abordés dans l’ensemble de ce texte, les questions de la conduite dans le monde en vue de l’après-vie (éternelle), et avec elles celles de la pratique chrétienne, de sa morale et de la sainte trinité y sont bien sûr omniprésentes. Rien de bien original, me direz-vous, on fait difficilement l’économie de ces questions existentielles dans l’Europe chrétienne du moyen-âge central.

C’est donc dans ce contexte que viennent s’inscrire ces quatre vers, dans une « démonstration » rhétorique par Jean de Meung du bien fondé, qu’il y à vouloir le bien d’autrui: privilégier la réussite de l’autre plutôt que de l’envier ou vouloir lui nuire et comprendre qu’au sortir de l’équation, personne n’est perdant puisqu’il y a égalité de valeurs entre les hommes et devant Dieu. Il n’est ici question que de « raison » et même de nature. Au sortir de cette citation et sous la plume du poète médiéval, l’amour du prochain se n’est, au fond, qu’une question de bon sens qui, en plus, ça tombe bien, se trouve être conforme à la morale chrétienne et plaire à Dieu. D’ailleurs, les vers qui suivront clôtureront la démonstration:

Toute rien veult et ayme son pareil par nature,
Pource, dis-je, que femme ou homs se desnature,
Qui n’ayme à ceste fin humaine créature;
Car rayson si accorde, Dieu et saincte escripture.

Chacun ne veut qu’aimer son pareil par nature
Pour ce, dis-je, que femme ou homme se dénature
Qui n’aime à cette fin humaine créature
Car raison s’y accorde, Dieu et la Sainte Ecriture.

Voilà, deux sous de bon sens humaniste et chrétien selon Jean de Meung et qui ne coûte pas plus cher. Du coup, j’en profite pour vous souhaiter à tous d’être beaux et riches, comme ça, ce sera fait. Enfin si ça vous dit, je ne veux forcer personne.

En vous souhaitant une belle journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.