n ces temps difficiles, nous voulions, à nouveau, envoyer une pensée à tous les personnels de soins et de médecine qui restent, courageusement, au contact de l’épidémie. En plus de tous ceux-là, nous tenions également à joindre une pensée pour tous ceux qui permettent que nos sociétés humaines continuent de fonctionner a minima : travailleurs du secteur privé comme fonctionnaires.
Parmi eux, un grand nombre préférerait, sans doute, rester en famille et dans le confort (même relatif quelquefois) du chez soi. Tous les efforts qu’ils déploient et tous les risques qu’ils prennent, sont autant de raisons de respecter, à la lettre, le confinement.
Merci encore à eux du fond du cœur.
En Aparté
Pour le reste, une véritable inflation d’information s’est emparée de la presse, mais aussi des médias alternatifs et des réseaux sociaux depuis le début de toute cette affaire. Elle continue d’aller crescendo… Notre intention n’est pas, ici, de nous joindre à cette cacophonie. Les avis de Pierre ou Paul qui n’y connaissent absolument rien, ne font qu’ajouter à la confusion générale. Or, ce dont nous avons plus que jamais besoin, aujourd’hui, c’est de clarté autant que d’humilité. Garder la tête froide…
La seule raison qui motive cette parenthèse, hors de nos terres habituelles, est qu’en se tournant du côté des professionnels de santé, on peut trouver des informations plus objectives dont certaines peuvent nous aider à prendre les choses avec calme et raison. Dans ce lot de sources triées, un espoir est venu du côté de chercheurs chinois, suivi d’expérimentations par un éminent professeur de médecine de Marseille. Une grande partie de ces tests semble avoir déjà donné des résultats prometteurs en terme de soins. S’il faut encore un peu de patience, en se gardant bien de toute tentation d’auto médicalisation, ces informations pourraient mettre quelques lumières dans votre journée si vous n’y avez pas encore eu accès : Voir la vidéo du Pr Didier Raoult, Directeur de l’IHU Méditerranée Infection.
Parenthèse fermée.
Merci encore à tous ceux déjà mentionnés plus haut, courage aux confinés, et courage également et tous nos vœux de rétablissement, à tous ceux que le virus affecte directement et qui sont engagés dans des processus de soins.
Une belle journée à tous.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : bande dessinée, humour, monde médiéval, financement participatif, Jacques de Voragine Période : Moyen Âge, XIIIe siècle. Auteur : JP Joblin, Olivier le Discot Titre : la légende dorée Sortie prévue : 2020
Bonjour à tous
ne fois n’est pas coutume, nous vous présentons une opération de financement participatif en faveur d’une Bande dessinée humoristique, sur fond de XIIIe siècle mais surtout de médiéval fantasy.
Nous vous avions déjà parlé ici d’un de ses auteurs, Jean-Pierre Joblin, à l’occasion d’un excellent spectacle et d’un livre album autour de François Villon. Cette fois-ci, Joblin, qui partage ses talents entre l’écriture et l’illustration, se range uniquement du côté du scénario. Du point de vue des thèmes, il récidive aussi avec le Moyen Âge et l’humour qui lui sont tous les deux chers. Côté illustration, il retrouve, dans ce projet, son complice Olivier le Discot. Tous deux avaient, en effet, publié, à partir de 2008 et chez Vents d’Ouest, une trilogie dont la BD du jour est une nouvel opus.
De la légende Dorée de Jacques de Voragine à la BD et Frère Boulu
Dans le courant du XIIIe siècle, le dominicain et archevêque génois Jacques de Voragine rédigea un ouvrage liturgique qui allait devenir l’un des plus lus du Moyen Âge. On le sait par le nombre impressionnant de copie manuscrites et de traduction qui en furent faites. Sorte de compilation hagiographique, l’ouvrage conte la vie de près de 150 saints et martyrs chrétiens. Il se fera bientôt connaître sous le nom de Legenda aurea (soit Légende dorée) et aura une véritable influence sur la chrétienté médiévale et sa mythologie.
On l’aura compris, la bande dessinée qui fait l’objet de l’opération de financement participatif s’inspire de l’histoire et des Saints, décrits par Voragine, mais avec un scénario tout à fait original et sur le ton de l’humour. Ainsi, cette Légende Dorée illustrée conte les aventures d’un petit moine replet : Frère Boulu. Bon vivant, épris de bonne chère et doté du don rare, celui de pouvoir invoquer les Saints, il se retrouvera, une fois de plus, entraîné dans de folles aventures. Pour ce nouvel album, elles seront l’occasion de voir défiler une galerie de truculents personnages entre lesquels on reconnaîtra quelques têtes inspirés du monde réel, dont Jean Lassale : le grandiloquent député des Pyrénées atlantiques qui s’était fait remarquer, en 2017, par sa marche à travers la France et sa candidature à la présidence de la république. Encore tout récemment, il avait aussi investi l’Assemblée Nationale vêtu d’un gilet jaune, en solidarité au mouvement populaire du même nom, ce qui avait aussi fait grand bruit dans la presse.
Quoiqu’il en soit, nous laissons ici la place aux deux compères de cette Légende dorée moderne pour vous présenter leur opération de financement en textes et en images.
SAINTE ULULE, PRIEZ POUR NOUS ! par Jean-Pierre Joblin
« Il y a bien longtemps, en l’abbaye de Saint-Bibin-l’Imbibé, un jeune moine vivait dans l’amour de Dieu et … du gras de canard. Non seulement, ce jeune moine pouvait adresser ses prières au saint dont la spécialité correspondait à la nature du problème qui se posait à lui, mais les saints se matérialisaient et venaient l’aider physiquement. C’est à croire qu’il disposait des pages jaunes de l’annuaire paradisiaque… à moins qu’elles ne fussent… dorées ! »
– « Alors ?… Quand est-ce qu’il repart vers de nouvelles aventures votre frère Boulu ? »
– « À quand un nouvel album de La Légende Dorée?… »
Ces questions de lecteurs, combien de fois ne les avons-nous pas entendues dans les festivals, lors de rencontres, de dédicaces ?…
Enfin, une suite
Hé bien, cette fois, après que les planches aient été exposées au Scriptorial du Mont Saint-Michel, après avoir obtenu le prix « Jeune bulle pour le scénario » au Festival Atlantis de Nantes, nous souhaitons remettre la machine en marche et nous redorer la légende !
L’éditeur d’origine n’ayant pas imaginé publier autre chose qu’un triptyque et le paysage éditorial étant ce qu’il est, nous avons décidé de prendre le démon par les cornes. Depuis des années, nous avons gardé le lien avec un grand nombre de lecteurs enthousiastes. Et c’est pourquoi nous communiquons à ceux qui souhaiteraient participer avec eux à la résurrection de frère Boulu, le lien du financement participatif qui nous permettra de sortir un gros album de 54 pages intitulé « LE VAMPIRE DES KUKULESCHKU » (voir lien en pied d’article).
Frère Boulu, la Matago, l’abbé Retzina, frère Bruno, frère Aimable, la bande des coquillards et cette vieille carne épiscopale d’Archinaze de Tarabisco vont à nouveau trépigner, glisser, mordre, se bastonner, frémir, bondir, voltiger, festoyer, rigoler, s’empiffrer de gras de canard… et vider des tonneaux de bibinictine ! Il y aura aussi de nouveaux personnages comme Monseigneur Mosquito (inspiré d’un certain Jean Lassale), Saint Janvier et sa nièce, une délicieuse tête à claques nommée sainte Sanguine… Sans compter le comte et la comtesse Kukuleschku entourés d’une nuée de vampires dans le lointain comté de Bellalugozie. Nous révélerons même le nom du véritable inventeur du boudin !
C’est avec délectation que nous nous sommes replongés dans l’univers de « La Légende Dorée » … Nous espérons, dans l’avenir, créer beaucoup de nouvelles aventures ! Aussi, vous qu’un Moyen Âge loufoque ne saurait effrayer, vous qui appréciez Rabelais, Villon, « Astérix », « Les Tontons flingueurs », « Le nom de la Rose », « Kaamelott », « Sacré Graal » et « Le bal des vampires » … Vous, lecteurs de fabliaux, vous, qui vous enflammez à la lecture de maintes fantaisies héroïques, vous qui appréciez les enluminures et le beau dessin, vous devriez jeter un coup d’œil sur ce que nous proposons…
André May, notre coloriste, qui a déjà œuvré sur deux de nos albums sous le pseudo de « Searus » a déployé tout son savoir-faire pour servir au mieux le dessin virevoltant et si expressif d’Olivier Le Discot.
Lancement de l’album
En cas de succès de l’opération Ulule, nous nous emploierons à sortir ce tout nouvel album pour Noël 2020. Déjà nous prévoyons un gros événementiel dans les rues de Bourges : défilé de moines bibinictins, personnages de la série en chair et en costumes, chant de leur hymne : « D inn’gueu di-diding diing diing dingue dong». Il est interprété, ci-dessous, par les petits chanteurs à la gueule de bois emmenés par un certain Bruno Daraquy que certains ont déjà peut-être vu sous les hardes du François Villon surgit de mon livre-CD « François Villon, corps à cœur » (musique Malto – Yil édition).
Mais, pour l’heure, il importe de se rendre en pèlerinage sur la page de l’opération de financement du Vampire des Kukuleschku. Les collectionneurs pourront même acquérir des planches originales et une édition luxueuse de l’album.
Sujet : poésie, oxford, gobelins, magie, féerie, littérature anglaise, fantaisie, fantasy. Période : XXe siècle, Angleterre victorienne, Auteur : JRR Tolkien (1892 -1973) Titre :Goblin Feet – Les pieds de Gobelins Sources : Oxford Poetry (1915)
Bonjour à tous,
n 1915, paraissait, dans la revue Oxford Poetry, une poésie de JRR Tolkien qui en disait déjà long sur son intérêt pour le monde des légendes et de la féerie et son talent à les décrire. Il avait alors 23 ans. Un peu plus tard, en 1920, on retrouverait ce texte dans The Book of Fairy Poetry (le livre de la poésie des fées), édité par Dora Owen et illustré par Warwick Goble. Ceci marquerait même l’entrée de Tolkien dans le monde de la littérature pour enfants. A la suite de cette parution et tout au long du XXe siècle, le Goblin feet réapparaîtrait dans des ouvrages du même type ou même des anthologies poétiques. Il serait également mentionné dans une biographie de Tolkien datée de 1977 et, plus récemment encore, dans The Annotaded Hobbit de Douglas A. Anderson (1988).
Une pièce désavouée par Tolkien lui-même
En France, cette poésie compte parmi les textes publiés les moins connus du grand écrivain, aussi nous avons pensé qu’il pourrait être intéressant de vous la faire découvrir. En 1971, cinquante ans après sa première parution, JRR désavouerait cette pièce, en signifiant même à un éditeur qui souhaitait la réimprimer qu’il regrettait de l’avoir écrite ou publiée. Voici ses propres mots à ce sujet : « Je souhaiterais que cette petite chose malencontreuse, qui représente tout ce que je serais amené, si peu de temps après, à détester avec ferveur, puisse être enterrée à jamais. » (I wish the unhappy little thing, representing all that I came (so soon after) to fervently dislike, could be buried for ever).
Quelques pistes
Difficile d’interpréter cela. Certaines sources indiquent qu’il aurait écrit ce poème pour sa fiancée d’alors (Tolkien : A Biography, Humphrey Carpenter, 1977) « qui aimait le printemps, les fleurs et les arbres et le petit peuple des elfes« . A en juger par la qualité du texte et la richesse des éléments que Tolkien y a mis, il n’avait pourtant pas boudé son plaisir à l’écrire.
Illustration de la poésie Goblin Feet de Tolkien dans the Book of Fairy Poetry (1920)
Réaction d’un auteur devenu mature face à une oeuvre de jeunesse ? Certains auteurs soutiennent que la phrase de Tolkien ne devait pas être trop prise au sérieux. Il avait pu s’agir en partie d’une pointe d’auto-dérision, voire peut-être de coquetterie de sa part. Il semble bien, pourtant, que le texte ne lui plaisait plus.
D’autres y ont vu l’expression possible d’une certaine frustration ou grogne de Tolkien devant les maisons d’édition. N’ayant pu faire paraître son Silmarillion en même temps que le Seigneur des anneaux, malgré de longues tractations avec ses éditeurs, il aurait pu se lasser de voir ses « pieds de gobelins » de la première heure, s’inscrire dans la postérité et ne plus en finir d’être republiés (cf Jason Fisher – Early Responses to Goblin Feet). Il est vrai qu’il était passé, depuis, à un tout autre stade dans son processus de création.
Univers de contes de fées victoriens
Pour abonder dans ce sens, on notera encore, avec la spécialiste de littérature fantastique et de Tolkien Dimitri Fimi, que le vocabulaire et l’ambiance de Goblin feet rattachent la poésie à l’imaginaire victorien en matière de contes de fées et d’êtres fantastiques : gnomes, Leprechauns, petites fées volantes telles la fée clochette de Peter Pan (voir Dimitri Fimi « Come sing ye light fairy things tripping so gay”: Victorian Fairies and the Early Work of J.R.R. Tolkien » – lien alternatif pdf). Plus tard, Tolkien allait créer son propre bestiaire et son propre univers, en s’affranchissant largement de ces codes et de ces références. Face à ces petits pieds de gobelins qui semblaient alors l’enchanter, il allait faire des pieds de ses hobbits une de leur plus curieuse caractéristique. De son côté, Gollum garderait ce pas furtif des êtres décrits ici, mais les histoires de JRR allaient s’ancrer bien plus résolument dans le monde médiéval.
Retenir la magie
Quoiqu’il en soit, que Tolkien ne nous en veuille pas de republier ici cette poésie. En accord avec de nombreux éditeurs, nous continuons de la trouver excellente. Comme nous le disions plus haut, elle présente également l’intérêt de nous montrer la fascination précoce de l’auteur anglais pour les mondes féeriques et magiques, autant que son aptitude à en retraduire les ambiances. Sous les émotions soulevées chez le poète par cette vision nocturne, il nous semble aussi lire une parabole de ce qu’il aura tenté de faire tout au long de sa vie d’écrivain : le merveilleux est là, quelque part dans sa vaste imagination. Il en est le témoin fasciné et il n’a de cesse de le suivre, pour le graver de sa plume, de crainte qu’il ne disparaisse à jamais. Au fond, tout Tolkien semble déjà contenu dans cette intention : retenir la magie et faire en sorte que notre monde ne réussisse jamais tout à fait à l’anéantir.
Vers une traduction française de Goblin feet
Nous n’avons pas trouvé de traduction française de cette belle poésie et s’il en existe une, elle nous a, pour l’instant, échappé. Aussi, nous avons décidé de nous y atteler. Une fois de plus, ce n’est pas une adaptation ; nous suivons presque à la lettre le fil littéral de la langue d’origine. La musicalité, le rythme et le nombre de pieds sont perdus au passage : traduire c’est trahir. Il faut s’y résoudre en poésie plus qu’en toute autre matière. L’exercice n’a d’autres prétentions que de mettre à portée des lecteurs non anglophones le sens général de ce texte du grand Tolkien.
The Goblin feet de Tolkien
ou les pieds de gobelins
I am off down the road Where the fairy lanterns glowed And the little pretty flittermice are flying : A slender band of grey It runs creepily away And the hedges and the grasses are a-sighing. The air is full of wings, And of blundering beetle-things That warn you with their whirring and their humming. O ! I hear the tiny horns Of enchanted leprechauns And the padding feet (1) of many gnomes a-coming !
Je suis au bas de la route, Où brillaient les lanternes des fées Et les jolies petites chauve-souris volent : Une fine bande de gris Qui s’enfuit de manière terrifiante Et les haies et les herbes soupirent. L’air est rempli d’ailes Et de coléoptères empotés Qui vous mettent en garde avec leurs sifflements et bourdonnements ô ! j’entends les petites cornes De lutins enchantés Et les pieds furtifs de nombreux gnomes qui s’approchent.
O ! the lights : O ! the gleams : O ! the little tinkly sounds O ! the rustle of their noiseless little robes : O ! the echo of their feet—of their little happy feet : O ! their swinging lamps in little starlit globes.
ô ! les lumières : ô ! les lueurs : ô ! les petits tintements ô ! le bruissement de leurs petites robes silencieuses : ô ! l’écho de leurs pieds — de leurs petits pieds joyeux : ô ! leurs lampes qui se balancent dans leurs petits globes étoilés.
I must follow in their train Down the crooked fairy lane Where the coney-rabbits long ago have gone, And where silverly they sing In a moving moonlit ring All a-twinkle with the jewels they have on. They are fading round the turn Where the glow-worms palely burn And the echo of their padding feet is dying ! O ! it’s knocking at my heart— Let me go ! O ! let me start ! For the little magic hours are all a-flying.
Je dois suivre leur sillage Jusqu’au bas de la rue de la fée tordue où les lapins sont allés depuis longtemps déjà. Et où ils chantent et dansent En un cercle argenté sous la lune Tout scintillants des joyaux qu’ils portent. Ils disparaissent au détour du chemin Là où les vers luisants pâlement se consument, Et l’écho de leurs pieds furtifs s’évanouit (meurt) maintenant ! ô ! Cela fait battre mon cœur — Laissez moi partir ! ô ! laissez moi m’en aller ! Car les petites heures magiques sont sur le point de s’envoler.
O ! the warmth ! O ! the hum ! O ! the colours in the dark ! O ! the gauzy wings of golden honey-flies ! O ! the music of their feet—of their dancing goblin feet ! O ! the magic ! O ! the sorrow when it dies.
ô ! la chaleur ! ô ! le bourdonnement ! ô ! les couleurs dans l’obscurité ô ! les ailes translucides des mouches-à-miel (abeilles) dorées! ô ! la musique de leurs pieds — de leurs pieds dansants de gobelins ô ! la magie ! ô ! la tristesse quand tout cela s’arrête. (cela meurt)
(1) Concernant ces padding feet. Au sens propre et dans le domaine textile, le mot padding renvoie à la notion de matelassage, de rembourrage. To pad peut encore signifier marcher à pied mais la piste ne semble pas la bonne. En creusant un peu, on trouve « padding feet » utilisé dans le sens de pieds dont le son est doux et étouffé. Nous avons donc opté pour « pieds furtifs » qui ne nous satisfait qu’à moitié. De fait, nous serions heureux d’avoir l’avis de spécialiste de langue anglaise sur la question.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
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Sujet : poésie, légendes arthuriennes, oxford, forêt de Brocéliande, magie, luth, roman arthurien, poètes britanniques, romantisme Période : Moyen Âge central pour les légendes, XXe siècle pour la poésie du jour. Auteur : T. W. Earp Titre : « In Broceliande » Sources : Oxford Poetry (1915)
Bonjour à tous,
u début du XXe siècle et plus précisément à partir de 1910, une revue de littérature et de poésie anglaise nommée Oxford Poetry se mit à réunir des textes d’auteurs et poètes du lieu. Présentée sous la forme d’un petit fascicule, elle fut, dès son lancement, éditée de façon annuelle. Tous les thèmes pouvaient y être abordés et on y retrouvait, en général, de très belles pièces d’auteurs, contemporains de chacun de ses numéros. Depuis sa création, Oxford Poetry a traversé le temps, en changeant maintes fois d’éditeurs et elle est, à ce jour, toujours publiée. En plus de cent-dix ans, elle a vu passer de nombreux auteurs et poètes britanniques parmi les plus grands.
Aujourd’hui, c’est l’édition de 1915 qui nous intéresse en particulier. On y retrouve, pour la première fois, un poème de JRR Tolkien intitulé « Goblin feet » (pieds de gobelin) que nous aurons l’occasion de publier plus avant mais ce qui nous occupe, pour l’instant, est une pièce d’un autre auteur, dédiée aux légendes arthuriennes.
En Brocéliande de T.W. Earp
Depuis le Moyen Âge central et après sa constitution en véritable corpus, sous la plume d’auteurs à la fois anglais et français, le roman arthurien n’a cessé d’inspirer les imaginations les plus fertiles, des deux côtés de la manche. A huit siècles de ses pionniers, cela est encore vrai et le restera, sans doute, pour longtemps.
(« Lady Playing a Lute », Bartolomeo Veneto (1530), Getty Museum, Los Angeles)
Daté de 1915, la pièce que nous vous proposons de découvrir a pour titre « In Broceliande » (En Brocéliande), et pour auteur T W Earp, poète et traducteur anglais des débuts du XXe siècle. Théâtre d’une partie importante des récits arthuriens, la célèbre forêt dont la localisation a divisé bien des experts en Bretagne comme en Angleterre, a été, elle aussi, une source inépuisable d’inspiration pour un grand nombre d’écrivains et de poètes (voir Brocéliande, huit siècles de légendes arthuriennes). La pièce du jour et sa mystérieuse joueuse de luth en attestent. Du côté d’Oxford et aux débuts du XXe, on rêve encore de lointain Moyen Âge et de belles légendes. Sans doute sous l’influence des romantiques du XIXe siècle, (voir article sur la ballade médiévale au XIXe siècle), ce monde médiéval, imaginaire et reconstruit, est chargé de magie, de récits épiques et de belle poésie.
Traduire, c’est trahir…
Même en ayant de très sérieuses bases d’anglais, pour quelqu’un dont les racines linguistiques sont profondément latines, la poésie anglo-saxonne a des méandres qu’il n’est pas toujours aisé de démêler. Ses rythmes, la nature incisive de sa langue, comme ses allégories la rendent souvent rebelle à la traduction et, dans bien des cas, je ne suis même pas tout à fait certain qu’on puisse la transposer sans totalement l’adapter ou la réinterpréter. Alors c’est un peu un défi que nous nous lançons ici. De fait, sans doute par peur de trop la dénaturer, la traduction que nous avons faite de cette pièce de T W Earp, de l’anglais vers le français moderne, est pratiquement littérale. Il ne me reste donc plus qu’à espérer que la force et la beauté de ses images résistent au passage d’une langue à l’autre. Sans en avoir tout le recul, il me semble que c’est le cas.
En Brocéliande
In the midst of the forest of silence, Where even the leaves are mute, Where never a bird wanders, She plays upon a lute.
Au milieu de la forêt du silence Où même les feuilles sont muettes Où jamais un oiseau ne vagabonde, Elle joue sur un luth.
With fingers gently passing, She touches golden strings, Till the trees almost remember The long-departed wings,
Avec des doigts pleins de délicatesse Elle caresse les cordes d’or Jusqu’au moment où les arbres se souviennent presque Des ailes envolées depuis longtemps,
And the knights and the gay ladies, And the music that went before, And the days of joy and passion. They will find these things no more.
Et des chevaliers et des dames joyeuses, Et de la musique qu’on jouait alors, Et des jours de joie et de passion. Ils ne retrouveront plus jamais toutes ces choses.
One plaintive lute recalling The loud citoles and shawms, She alone has not left them, Of the beautiful, noble forms.
Un luth plaintif se souvient Des citoles et des chalemies bruyantes, Elle seule ne s’est pas dessaisie De leurs belles et nobles formes.
If she would cease from playing, The people with hearts of stone Would lead her from the forest, And set her on a throne.
Et si elle cessait de jouer, Les gens au cœur de pierre, La conduiraient hors de la forêt Pour l’asseoir sur un trône.
She would be bright with jewels, She would sit crowned on high, But if she left the forest, Alas, the trees would die.
Elle serait étincelante sous les bijoux, Elle porterait haut la couronne, Mais si elle quittait la forêt, Hélas, les arbres en mourraient.
In the midst of the forest of silence, Where even the leaves are mute, Where never a bird wanders, She plays upon a lute.
Au plus profond de la forêt du silence, Où même les feuilles sont muettes, Où jamais un oiseau ne vagabonde, Elle joue sur un luth.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.