Entretien : un nouveau roman et la grande aventure de l’édition pour Xavier Leloup

enluminure médiéval scripte

Sujet : auteur, roman historique, guerre de cent ans, aventure, saga historique, Jeanne d’Arc, Jean Sans Peur, histoire médiévale.
Période : XVe siècle, Moyen Âge tardif
Titre : Les Trois pouvoirs T1, T2 et T3 « La Reine de Fer » , 2019-2021, .
Auteur : Xavier Leloup, Editions La Ravinière

Bonjour à tous,

la faveur de la sortie de son dernier roman historique, l’auteur Xavier Leloup nous a fait le plaisir de nous accorder un nouvel entretien. Nous l’avons interrogé sur le troisième opus de sa saga Les Trois pouvoirs qui a pour cadre le Moyen Âge tardif et le temps de la guerre de cent ans et de Jeanne d’Arc. À cette occasion, nous avons également interviewé Xavier sur la nouvelle aventure dans laquelle il vient de se lancer. Depuis quelques mois, il a, en effet, décidé d’ouvert sa propre maison d’édition et il nous en a dit un mot.


— Bonjour Xavier, on est très heureux de vous recevoir à nouveau pour parler du 3e tome de votre saga « Les Trois pouvoirs », intitulé « La Reine de Fer ». On sait que les deux premiers ouvrages ont reçu un bel écho auprès du public et que vous avez reçu de précieux soutiens du côté des libraires et de la presse à qui ces romans ont beaucoup plu. Aujourd’hui, nous n’allons pas revenir sur les détails de l’histoire, mais pour nos lecteurs, pourriez-vous resituer au moins l’intrigue et le contexte des deux premiers tomes ?

— Nous reprenons le fil du récit là où nous l’avons laissé, c’est-à-dire au lendemain de la tragique défaite d’Azincourt. De la fine fleur de la chevalerie française il ne reste, pour ainsi dire, plus rien. Et nos deux héros, Guillaume de Gaucourt et Dimenche Le Loup, en sont réduits à chercher le jeune duc Charles d’Orléans parmi les milliers de cadavres jonchant le sol boueux dans lequel se sont enfoncés nos chevaliers. Le lecteur retrouve donc le royaume de France déchiré entre deux factions avec d’un côté les Armagnacs, c’est-à-dire le clan des Orléans, et de l’autre les Bourguignons avec à sa tête Jean Sans Peur, le terrible duc de Bourgogne. La différence est qu’avec la disparition de Charles d’Orléans, le parti des Armagnacs se retrouve décapité. Et qu’avec un pouvoir royal toujours aussi affaibli par la folie du roi Charles VI, c’est la duchesse d’Anjou Yolande d’Aragon qui va devoir jouer les premiers rôles.

Couverture Roman historique sur le Moyen Âge tardif

— Le temps sera donc bientôt venu de Jeanne d’Arc et sa grande trajectoire héroïque ?

— Je dirais que ce 3ème tome nous rapproche encore un peu plus de l’épopée johannique dans la mesure où le futur roi Charles VII en devient l’un des principaux protagonistes. Ses deux frères aînés viennent de mourir coup sur coup dans des circonstances mystérieuses, ce qui fait soudain de lui l’héritier de la Couronne ; un titre de Dauphin bien lourd à porter lorsqu’on a que 14 ans et que sa mère, la reine Isabelle de Bavière, fait l’objet des plus graves rumeurs d’adultère. Mais c’est aussi dans ce 3ème opus que Yolande d’Aragon s’affirme comme ce qu’elle ne cessera d’être jusqu’à la fin de la saga : une grande femme politique, la pièce maîtresse du jeu politique français, sa « reine de fer ». Et c’est de nouveau à Paris que tout va se jouer, puisque Guillaume de Gaucourt devra protéger le Dauphin contre une bande de massacreurs menée par Capeluche, le bourreau des Halles.

— L’autre originalité de ce roman tient aussi à la place accordée au personnage du méchant, en l’occurrence Jean Ier de Bourgogne, plus connu encore sous le nom de Jean Sans Peur.

— En effet, Imperceptiblement, Jean Sans Peur finit par s’imposer comme l’une de ses figures dominantes. Le lecteur se trouve plongé dans son intimité alors qu’il se trouve confronté à un dilemme : doit-il accepter de rencontrer le Dauphin Charles et lui rendre hommage alors même que la rencontre qu’il lui propose a tout l’air d’un piège, d’un guet-apens ?

Dans ce contexte, le personnage en devient presque attachant. Pour rependre l’exemple de célèbres figures littéraires, on pourrait dire que dans LA REINE DE FER, Jean Sans Peur finit par prendre autant de place que Milady dans Les trois mousquetaires, Frollo dans Notre-Dame de Paris ou Brian de Bois-Guilbert, le ténébreux chevalier du Temple, dans Ivanohé. Côté cinéma, je pense évidemment à Dark Vador dans la Guerre des Etoiles ou au Chiffre dans Casino Royale.

— Sans trahir trop de secrets mais, pour clore cette partie de l’entretien sur ce troisième tome de votre saga historique, on sait que vous avez passé de longues heures à reconstituer le Paris du XVe siècle, mais cette fois, vos lecteurs auront, en plus, le plaisir d’y assister à un tournoi d’époque dans les règles de l’art.

—Tout à fait. Avec cette authentique scène de tournoi organisé en plein Paris, j’ai voulu faire un cadeau à tous les amoureux de romans de chevalerie, à tous les amateurs de joutes et de combats au corps à corps. LA REINE DE FER, de ce point de vue-là, répond à tous les codes du genre.

portrait et peinture médiévale de Jean-Sans-Peur
Jean sans peur au cœur des Trois pouvoirs (Toile d’après Rogier van der Weyden XVe s)

—On est bien certain qu’ils sauront l’apprécier. Pour de nombreux passionnés de Moyen Âge, les tournois restent des moments épiques difficiles de dissocier de cette période. Mais passons à l’autre grande nouveauté de votre actualité. Avec la sortie de ce nouveau tome de votre saga médiévale, vous avez également décidé de vous plonger dans une toute autre activité : l’édition. Comment un romancier historique décide-t-il de se lancer dans cette grande aventure ? Vous aviez au préalable opté pour l’autoédition. Pourquoi cette décision ?

L’autoédition a cette vertu, pour un primo-romancier, de lui permettre d’accéder aux lecteurs. C’est donc naturellement cette voie que j’ai d’abord empruntée, incité en cela par la frilosité des éditeurs français vis-à-vis des romans historiques. À dire la vérité, c’est un genre qu’ils ne savent pas bien vendre. Mais ce système de l’autoédition a aussi ses limites. En premier lieu celui de l’impression à la demande, qui oblige les libraires à faire des achats définitifs sans possibilité de retour. Grand obstacle. Fort du succès des deux premiers volumes, j’ai donc décidé de prendre le taureau par les cornes en lançant ma propre marque : les éditions La Ravinière.

Le principal intérêt, c’est l’autonomie. En devenant l’éditeur de mes livres, j’ai acquis la maîtrise de leur distribution. Il m’est désormais possible de travailler avec les libraires en leur offrant les mêmes garanties commerciales que n’importe quel autre professionnel. Or contrairement à d’autres pays, les libraires jouent encore en France un rôle essentiel dans la vente de livres. Et sans librairies, impossible d’accéder aux lecteurs autrement que par les plateformes en ligne. Pour un auteur, voilà qui est tout de même frustrant !

Vitrail de Yolande d'Aragon
Yolande d’Aragon (1380-1442)
Vitrail, cathédrale Saint-Julien, Le Mans

Tous nos amis libraires vont donc pouvoir se procurer votre livre de manière bien plus flexible et moins risquée. À l’approche des fêtes c’est, en effet, une excellent nouvelle pour eux comme pour vos lecteurs. Au passage, cela veut aussi dire que, désormais, vous prenez en charge le risque d’impression. C’est un beau défi. Félicitations ! Vous y avez trouvé d’autres avantages ?

Désormais, grâce à mon référencement chez DILICOM (NDLA : la structure interprofessionnelle des professionnels du livres), les lecteurs peuvent me trouver ou me commander dans presque toutes les librairies. Les éditions La Ravinière sont également référencées au sein des plus grands réseaux comme La FNAC, Cultura ou Les Furets du Nord. Plusieurs grandes librairies indépendantes, à l’image d’Eyrolles à Paris, Mollat à Bordeaux ou encore La Boîte à Livres à Tours, m’ont également en rayons.

En tant qu’éditeur, j’ai également pu choisir mon imprimeur et soigner la qualité de fabrication de mes ouvrages. La Ravinière publie des livres façonnés en France par VINCENT Imprimeries, l’une des rares maisons françaises à avoir conservé son appareil industriel, en l’occurrence le cœur de la Touraine. Idem pour mon distributeur, Clic Logistic, qui a ses entrepôts à quelques kilomètres de la cité royale de Loches et s’est fait une spécialité du recyclage de livres. La Ravinière constitue une maison d’édition à la fois française et engagée.

— Tout cela s’accompagne aussi du lancement d’un tout nouveau site internet sur lequel les lecteurs pourront découvrir et commander vos ouvrages mais aussi suivre votre actualité. Nous en fournirons le lien en pied d’article. Mais dites-nous, comment ce projet d’édition va-t-il se conjuguer au futur ? La maison va-t-elle s’ouvrir sur d’autres auteurs ? Gardera-t-elle une ligne éditoriale historique ?

Portrait et peinture de Charles VII, Jean Fouquet, XVe siècle
Charles VII , le « gentil dauphin » couronné
(Détail, toile de Jean Fouquet (XVe siècle)

Tout à fait. Je dirais que d’une certaine manière, La Ravinière est avant tout une ambition : celle de donner un nouveau souffle au genre du roman historique, d’offrir un espace d’expression à tous ces auteurs qui aiment l’histoire et souhaitent la faire partager auprès du plus grand nombre comme l’ont fait avant eux les glorieux Walter Scott, Alexandre Dumas, Eugène Sue et autres Maurice Druon. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, les éditeurs français ne croient plus à ce genre littéraire. J’y vois pour ma part une opportunité. Car rien ne vaut au contraire la fiction pour raconter l’histoire avec un grand H, rien ne vaut la mise en scène de personnages de chair et de sang, avec leurs passions et leurs amours, leurs dilemmes, leurs choix parfois douloureux. Pour toucher le lecteur, l’histoire a besoin d’être incarnée. Les livres d’histoire et autres biographies historiques constituent d’excellents travaux de recherche, mais ne s’adressent souvent qu’à des sachants. Le roman historique, grâce au pouvoir de l’imaginaire, permet au contraire de toucher un plus large public.

— Alors, nous le disions, à partir de maintenant, sur le site des éditions La Ravinière, on peut suivre vos pérégrinations et vos séances de dédicaces à la rencontre des lecteurs ? Quelles seront les prochaines dates prévues ? On imagine que l’approche de Noël est propice pour proposer la trilogie aux lecteurs curieux de la découvrir ou de l’offrir?

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est deco-medieval-roman-historique-saga-moyen-age-tardif.jpg.

Mon programme de fin d’année est en effet des plus chargés puisque je serai en dédicace au magasin Cultura de Tours, à la librairie Eyrolles à Paris ainsi qu’à la librairie Les Petits Mots à Chatou. La Ravinière participera également à la 1ère édition du salon du Roman Historique de Beaumont-sur-Oise ainsi qu’à la 29ème Fête du Livre au domaine de Grand’ Maisons (78). J’aurai également l’honneur d’être interviewé en direct, le 7 décembre prochain à 18h, dans l’émission TILT sur TV Val de Loire. Pour plus de détails, je ne peux que vous inviter à consulter notre site. Vous y retrouverez dates et horaires de mes signatures ainsi que mes derniers articles à commencer, par ceux publiés sur l’excellent moyenagepassion.com !

— Très bien c’est noté ! Merci en tout cas de vous être prêté, à nouveau, au jeu de l’entretien. On vous souhaite une belle réussite pour ce troisième roman médiéval et historique, et, une toute aussi grande, dans le monde de l’édition !


Photo de Xavier Leloup, auteur de roman historique
Pho

Visitez le site des éditions La Ravinière.
Retrouvez notre premier entretien de Xavier Leloup.
Voir aussi ses articles dans le cadre du cycle Les grandes dames de la guerre de cent ansYolande d’Aragon, la reine de fer. –  Isabelle de Bavière, une reine dans la tourmente – Christine de Pizanchampionne des damesLes illusions perdues de Valentine Visconti, duchesse d’Orléans.


En vous souhaitant une excellente journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

NB sur l’image d’en-tête : en arrière plan de la photo de Xavier Leloup, on retrouve une enluminure extraite du manuscrit médiéval :  Traité de la forme et devis comme on peut faire les tournois, de René d’Anjou (Ms Français 2683). Ce manuscrit superbement illustré et daté du XVe siècle peut être consulté en ligne sur Gallica.

Expo-conférence : Des femmes et des sorcières au kbr Museum

Actualité du KBR

Sujet : conférences, exposition, manuscrits médiévaux, ducs de Bourgogne, enluminures, Belgique médiévale, représentations médiévales, sorcières.
Période : Moyen Âge central à tardif
Expo-conférence : Sorcières avant la lettre
Lieu : KBR Museum,  Mont des Arts 28, Bruxelles, Belgique
Dates : du 26 octobre au 24 avril 2022

Bonjour à tous,

ous vous avons déjà parlé, ici, du KBR Museum de Bruxelles et de sa belle collection de manuscrits médiévaux de la Bibliothèque des Ducs de Bourgogne (voir article sur le Brussels Renaissance Festival).
Depuis un mois et jusqu’au 24 avril 2022, la prestigieuse institution belge (connue, par le passé, sous le nom de Bibliothèque Royale), a décidé de présenter au public une nouvelle série d’ouvrages de cette collection, le tout enrichie de conférences.

Des sorcières au Moyen Âge ?

Avec pour titre « Sorcières avant la lettre » le thème choisi est de ceux qui fascinent. Il interpelle particulièrement quand on sait que la période ciblée, pour cette exposition, est celle des manuscrits, soit le XVe siècle et le Moyen Âge tardif. Or, nous le savons bien aujourd’hui, l’idée de sorcières et de bûchers à perte de vue, durant les temps médiévaux, est tout simplement fausse même si ce préjugé a la vie dure. S’il perdure même encore dans l’esprit du grand public, la réalité est tout autre. Historiquement, la chasse aux sorcières et la plupart des faits et légendes autour de ce personnage féminin emblématique sont plus tardifs ; les terribles procès et exécutions ont, notamment, connu leur acmé au XVIe et même au XVIIe siècle.

Si le thème de la sorcière tel qu’on se le représente le plus souvent n’est pas médiéval, le cycle expo-conférence du KBR Museum entend, comme son nom l’indique, interroger sa présence à l’aube de sa cristallisation. Il sera donc question de remettre les pendules à l’heure, tout en cherchant à amener une idée plus objective de la femme et son statut dans la Belgique et la Bourgogne du Moyen Âge tardif. Des réalités quotidiennes aux représentations les plus imaginaires, les 30 manuscrits sélectionnés et leurs enluminures permettront d’approcher cet ensemble de représentations complexes. Au passage, le public découvrira d’étonnantes incarnations, fantastiques et surnaturelles, que la femme a pu endosser à la fin du Moyen Âge. Sur les aspects religieux, on ne pourra, non plus, éviter l’image de la Vierge et l’importance du culte marial.

Enluminure médiévale sur l'image de la femme
Enluminure du ms 9228 – Legenda aurea (VF), J. de Voragine. trad J. de Vignay, KBR Museum

Programme des conférences

Dans la continuité de l’exposition, les conférences permettront d’approfondir le thème en interrogeant elles-aussi le (ou les) statut(s) de la femme et de la sorcière au Moyen Âge tardif.

Conférences en langue française

Samedi 27 nov. 11h00 – KBR auditorium
Féminismes & sorcières : histoire d’une idylle et d’une exposition, Valérie Piette et Nathalie Lévy (commissaires de l’exposition « Witches! »)

Samedi 11 déc. 11h00 – KBR auditorium
La construction de l’image de la sorcière au Moyen Âge,
Maxime Gelly-Perbellini (EHESS et ULB)

Samedi 18 déc. 11h00 – KBR auditorium
La « chasse aux sorcières » à l’écran : entre discours féministes et antiféministes, François Dubuisson (ULB)

Samedi 15 jan. 11h00 – KBR auditorium
Christine & the Bitches… La querelle des femmes au XVe s, Tania Van Hemelryck (UCLouvain)

Conférences en langue flamande

Samedi 4 déc. 11h00 – KBR auditorium
Heksen, horror en hoeren? Over de werkelijkheid achter de verhalen van vrouwen in de « donkere middeleeuwen » Jelle Haemers (KU Leuven)

Samedi 29 jan. 11h00 – KBR auditorium
Vrije/Vrijende vrouwen in de Zuidelijke Nederlanden, Jonas Roelens (UGent)

Pour toute information et réservations sur l’expo ou les conférences, consulter la page de l’exposition sur le site du KBR Museum.

Enluminure médiévale sur des femmes sirènes, ms 9242
L’Enluminure de Bavon de Phrygie, dans le ms 9242 – Volume 1 des Chroniques de Hainaut

« Witches » : les sorcières à travers les âges

Ce cycle qui aborde le statut de la sorcière au Moyen Âge tardif, entre représentations et réalités, est réalisé en partenariat entre le KBR Museum et l’ ULB Culture. Il est avantageusement complété par une grande exposition intitulée « Witches » et proposée à l’Espace Vanderborght de Bruxelles (50, Rue de l’Ecuyer).

Sabbat, Albert Joseph Penot. 1910 (détail)

Du 27 octobre 2021 au 16 janvier 2022, cette exposition unique se propose de vous faire découvrir les sorcières à travers les âges, au moyen de 400 documents de toute nature. On y trouvera une large sélection qui va d’œuvres d’art à des documents d’archives, en allant jusqu’à des objets ethnographiques et extraits de films. Amateurs de Moyen Âge et de sorcières à tous les étages, la chose est claire : entre conférences, beaux manuscrits et grande exposition, vous avez désormais trois excellentes raisons de vous rendre à Bruxelles dans les mois qui viennent.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Sur les bûchers au Moyen Âge voir La Légende noire de l’Inquisition.
Sur une femme surnaturelle, voir Odes à Mélusine, fée Bâtisseuse.

NB : l’enluminure en tête d’article est tiré du ms 9242 conservé au KBR Museum et daté du XVe siècle. Ce somptueux manuscrit médiéval de la Bibliothèque des Ducs de Bourgogne (à consulter en ligne ici) est le tome 1 des Chroniques de Hainaut. Ecrites en latin par Jacques de Guise et traduites en langue d’oïl par Jean Wauquelin, ces dernières content sur 3 volumes l’histoire du Comté de Hainaut jusqu’à la fin du XIVᵉ siècle. Les enluminures de ces trois manuscrits anciens sont réalisées par Roger de Le Pasture. Celle du jour représente les déboires de Bavon de Phrygie, fondateur du royaume des Belges, qui ayant pris la mer avec les rescapés pour échapper à la déroute de Troyes, voit son embarcation assaillie par deux monstrueuses sirènes.

no posc sofrir, Giraut de Bornelh et le songe de l’épervier

Enluminure médiévale de Guiraut de Bornelh

Sujet  : musique, chanson médiévale, poésie médiévale, troubadour, manuscrit médiéval, occitan, oc, amour courtois.
Période  : Moyen Âge central, XIIe et XIIIe s
Auteur : Guiraut de Bornelh, de Borneil (?1138-?1215)
Titre : No posc sofrir c’ a la dolor
Interprète : Maria Lafitte, Unicorn, Oni Wytars
Album : Music of the Troubadours (1996)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous avons le plaisir de vous entraîner au XIIe, XIIIe siècles et en pays d’oc, pour découvrir une nouvelle pièce de Giraut de Bornelh, troubadour que les razos et vidas des siècles suivants sa venue en ce bas-monde ont largement encensé.

Comme une large partie du reste de son œuvre, la chanson du jour est une pièce courtoise et, bien sûr aussi, en occitan médiéval et ancien. A l’habitude, nous dirons un mot de son contenu, de ses sources médiévales. Nous aurons aussi l’occasion d’entendre cette chanson médiévale avec une interprétation des Ensembles Unicorn et Oni Wytars, accompagnés de la voix de Maria Dolors Laffitte. A l’habitude, nous vous en proposerons aussi une traduction en français actuel.

Un songe d’amour pour une belle convoitée

Cette chanson commence un peu étrangement et non sans humour, avec un poète qui compare son entrain et sa joie à l’arrivée de la saison nouvelle, au va et vient irrépressible que ferait sa langue sur un dent douloureuse. Autrement dit, l’attraction pour le printemps est plus forte que tout et la belle nature déjà domestiquée avec ses bocages, ses prairies, ses vergers, ses oisillons et ses fleurs le met en joie : renouvel, renouveau, saison printanière, le départ se situe (à une dent près) dans la lyrique courtoise.

Chanson médiévale de Guiraut de Bornelh dans le Canzoniere provenzale estense
No Posc sufrir… Canzoniere provenzale estense (XIIIe, XIVe s Bib Univ d’Estense)

Par la suite, le troubadour nous entraînera vers un rêve lui aussi printanier (il le précise) : celui d’un jeune épervier sauvage, venu se poser sur lui et qu’il parviendra à force de patience, à dompter. Frappé par cette vision nocturne, Giraut la confiera à son seigneur et protecteur du moment (il en a eu plusieurs – voir sa biographie). Selon le confident, il n’est point question de fauconnerie, ni de chasse ici. Le songe et sa symbolique seront interprétés d’une toute autre façon. Il s’agirait, en fait, d’un rêve pour le guider sur les chemins amoureux. Le troubadour peut convoiter la belle qu’il désire même si elle est de plus haut lignage, mais il devra y mettre de grands efforts s’il veut aboutir. D’abord circonspect et un peu honteux devant ce songe et sa convoitise insensée (on imagine une dame de très haut rang), notre Giraut finira par s’enhardir en décidant de faire porter ses rimes vers la lointaine élue. La chanson est donc présentée comme un premier pas amoureux ou au moins une avancée, destinée à divertir la Dame.

Au passage, on verra le poète médiéval monter au créneau pour marquer sa volonté de s’inscrire dans le Trobar leu. Il l’avait déjà fait dans Leu chansonet’e vil et il le réaffirme ici. Fini le Trobar clus et ses chansons pleines d’allusions énigmatiques et absconses, il veut désormais être clair et compris de son audience. Malgré toute sa bonne volonté et après nous être attelé à la traduction de la pièce du jour, nous serions enclins à mettre un tout petit bémol à son objectif à 800 ans de là (humour).

Aux sources manuscrites de cette chanson

Du point de vue des sources, la chanson se trouve dans de très nombreux manuscrits. Sauf erreur et à date, on ne lui connaît pas de mélodie propre. Nous vous présentons (photo ci-dessus) sa version dans le Canzoniere provenzale estense de la Bibliothèque Universitaire d’Estense en Italie (cote alfa.r.4.4). Ce manuscrit médiéval est connu également en France sous le nom de Chansonnier provençal D ou même Chansonnier occitan D. Il présente, sur 345 feuillets, un grand nombre de sirventes, tensons et chansons de troubadours du Moyen Âge.

No Posc sufrir , Maria Laffitte, Unicorn et Oni Wytars (contrafactum)

Music of the troubadours, l’album

Music of the Troubadours fut proposé au public en 1996. Il s’agit d’un album studio de 12 pièces pour un peu moins de 70 minutes d’écoute. On y trouve présenté huit troubadours : Giraut de Bornelh, Peire Cardenal, Raimon de Miraval, Ramon de Llul, Berenguier de Paloun, Guiraut Riquier, Bernart de Ventadorn, Jaufre Rudel, aux côtés de quelques pièces anonymes. En réalité, deux d’entre eux se partagent la vedette ; la pièce du jour de Giraut de Bornelh n’ayant pas de notation musicale d’époque, c’est la chanson Ar me puesc de Peire Cardenal qui lui a servi de mélodie selon le procédé du contrafactum.

L’ensemble Unicorn, Oni Wytars & Maria Laffitte

Album de musique médiévale sur la musique des troubadours par Oni Wytars

Sous la direction de Michael Posch, Music of the Troubadours est le fruit d’une collaboration entre les ensembles Unicorn et Oni Wytars et Maria Dolors Laffitte. Nous avons dit un mot ici de ces deux ensembles. Le premier est autrichien, l’autre est italo-allemand et on leur doit un certain nombre de productions musicales communes. Quant à Maria Dolors Laffitte i Masjoan (1949-2008), elle vient prêter sa voix à cet album en lui impulsant une vraie énergie.

Un mot de Maria Dolors Laffitte

La chanteuse Maria Dolors Laffitte

Pour dire un mot de cette chanteuse et musicienne d’origine occitane, elle a fait partie de ces générations de la fin des années soixante qui se prirent d’envie de renouer avec les musiques anciennes et traditionnelles et même le folk.

De 1968 à 2001, elle a ainsi exploré un répertoire assez large qui va de chansons médiévales occitanes à des chansons traditionnelles catalanes, des chants séfardis ou même encore des chansons d’auteurs et des chansons pour enfants. Entre autres activités, elle s’est inscrite dans le mouvement Nova Cançó (chanson nouvelle) qui s’éleva durant les années franquistes, pour défendre la normalisation de l’usage du catalan dans les chansons et les productions culturelles. Elle est aussi connue pour son activité militante en matière d’écologie. D’un point de vue musical, elle a eu l’occasion de participer à de nombreux groupes, dont la formation Els Trobadors qu’elle fonda en 1991.

Informations complémentaires

Pour ceux que cet album intéresserait, il est encore disponible et on peut encore le débusquer en ligne, notamment, au format CD, Mp3 ou même encore en streaming illimité. Voici un lien utile pour plus d’informations : Music of The Troubadours.

Musiciens ayant participé à cet album

Ensemble Unicorn & Oni Wytars, Maria D. Laffitte, Thomas Wimmer (violon, laúd), Riccardo Delfino (harpe gothique, vielle à roue, cornemuse), Peter Rabanser (gaida, oud, nay, saz), Katharina Dustmann (percussions orientales), Wolfgang Reithofer (percussions), Marco Ambrosini (violon, nyckelharpa, chalemie ), Michael Posch (direction et flûte à bec, flûte de roseau


No posc sofrir c’ a la dolor, giraut de Bornelh
de l’occitan médiéval au français actuel

I. No posc sofrir c’ a la dolor
De la den la lenga no vir
E ‘l cor ab la novela flor,
Lancan vei los ramels florir
E ‘Ih chan son pel boschatge
Dels auzeletz enamoratz,
E si tot m’estauc apensatz
Ni pres per malauratge,
Can vei chans e vergers e pratz,
Eu renovel e m’assolatz.

Je ne peux m’abstenir quand j’ai une douleur
de dent que ma langue n’y revienne sans cesse
Et, de la même façon, je ne peux éviter que mon cœur ne soit touché par la fleur nouvelle,
Lorsque je vois les rameaux fleurir
Et que j’entends le chant mélodieux dans le bosquet (1)
Des oisillons enamourés,
Et si je suis préoccupé
Et pris dans mes propres malheurs
Quand je vois ces chants, ces vergers et ces prairies,
Je me sens régénéré et réconforté (je me sens renouvelé et je me console)

II. Qu’ eu no m’esfortz d’altre labor
Mas de chantar e d’esjauzir;
C’ una noch somnav’ en pascor
Tal somnhe que « m fetz esbaudir
D’ un esparver ramatge
Que m’ era sus el ponh pauzatz
E si ‘m semblav’ adomesgatz,
Anc no vi tan salvatge,
Mas pois fo maners e privatz
E de bos getz apreizonatz.

Car je ne m’applique à d’autre travail
Que celui de chanter et me réjouir  ;
Un nuit de printemps, je rêvais
Ce songe qui me mis en joie,
D’un épervier branchier (2)
Qui était venu se poser sur mon poing
Et, il me sembla bien domestiqué
Bien que jamais je n’en vis d’aussi sauvage,
Mais par la suite, il fut apprivoisé et familiarisé
Et maintenu prisonnier par un lien à la patte,

III. Lo somnhe comtei mo senhor,
Ca son amic lo deu om dir,
E narret lo ‘m tot en amor
E dis me que no ‘m pot falhir
Que d’oltra mo paratge
No m’aia tal ami’ en patz,
Can m’ en serai pro trebalhatz,
C’anc om de mo linhatge
Ni d’ oltra ma valor assatz
Non amet tal ni ‘n fon amatz.

J’ai conté ce songe à mon seigneur,
Car à un ami, on doit dire ces choses,
Et il l’a interprété pour moi sous l’angle de l’amour
En me disant que je ne pouvais échouer (faillir)
A ce que, au delà de mon rang,
Une telle amie ne soit mienne
Après que je m’en serais diligemment occupé
Car jamais homme de mon lignage
Ni de plus grand mérite
N’a aimé de telle façon et n’en fut aimé.

IV. Era n’ ai vergonh’ e paor
E ‘m n’esvelh e n planh e ‘n sospir
E ‘l somnhe tenli a gran folor
E no eut posch’ endevenir;
Pero d’un fat coratge
No pot partir us rics pensatz
Orgollios e desmezuratz
C’apres nostre passatge
Sai que ‘l sornnhes sera vertatz
Aissi drech com me fo narratz.

A présent, j’en ressens de la honte (vergogne) et de la peur
Je m’éveille en soupir et en lamentation
Et je tiens ce songe pour grande folie
Qui ne pourra jamais advenir.
Pourtant, un désir sot (insensé),
Ne peut être séparé, ni venir à bout de remarquables (hautes, nobles) pensées
Orgueilleuses et démesurées,
De sorte qu’après notre traversée (croisade)
(3)
Je sais que le songe deviendra vrai
Aussi vrai qu’il me fut conté.

V. E pois auziretz chantador
E chansos anar e venir !
Qu’era, can re no sai m’ assor,
Me volh un pauc plus enardir
D’ enviar mo messatge
Que ‘ns porte nostras amistatz.
Que sai n’es facha la meitatz,
Mas de leis no n’ai gatge
E ja no cut si’ achabatz
Nuls afars, tro qu’es comensatz.

Et, après cela vous entendrez un chanteur
Et ses chansons aller et venir !
Car, désormais, puisque rien ne m’y pousse ici-bas,
Je veux un peu plus m’enhardir
Pour envoyer mon message
Afin qu’il emporte nos salutations d’amours.
Car jusqu’à présent, n’est faite ni la moitié.
Jamais je n’ai reçu de gage d’elle,
Et ça n’arrivera assurément jamais si rien n’est engagé
Aucune entreprise n’existe qui n’est d’abord commencé.

VI. Qu’eu ai vist acomensar tor
D’una sola peir’ al bastir
E cada pauc levar alsor
Tan josca c’om la poc garnir.
Per qu’eu tenli vassalatge
D’aitan, si m’o aconselhatz,
E i vers, pos er ben assonatz,
Trametrai el viatge,
Si trop qui lai lo ‘m guit viatz
Ab que ‘s deport e’s do solatz.

Parce que j’ai vu débuter la construction d’une tour
Par une seule pièrre
Et peu à peu, s’élever plus haut,
Jusqu’à ce qu’on puisse la doter d’une garnison.
C’est pourquoi je maintiens les valeurs chevaleresques,
Avec un si grand soin  ; ainsi que vous me le conseillez,
Et mes vers, une fois bien accordés (assonants, mis en musique)
Je les enverrai en voyage
Si je trouve quelqu’un qui sache les conduire promptement
Pour qu’elle s’en réjouisse et s’en divertisse.

VII. E s’eu ja vas emperador
Ni vas rei vauc, si ‘m vol grazir
Tot aissi com al seu trachor
Que no ‘l sap ni no ‘l pot gandir
Ni mantener, ostatge
Me lonh en us estranhs renhatz  !
Cais si serai justiziatz
E fis de gran damnatge,
Si ‘l seus gens cors blancs e prezatz
M’es estranhs ni m’ estai iratz.

Et si jamais j’allais chez un empereur
Ou un roi, et qu’il veuille m’accueillir
Toute à la façon d’un traitre
Qui ne saurait, ni ne pourrait le protéger,
Ni même le soutenir,
Et qu’il m’envoie comme un otage vivre en des contrées lointaines  !
Alors, je serais puni de la même manière
Et je souffrirais un aussi grand dommage
Que si celle, si gracieuse et estimée,
M’éloignait d’elle ou se montrait fâchée à mon endroit.

VIII. E vos entendetz e veiatz
Que sabetz mo lengatge,
S’anc fis motz cobertz ni serratz,
S’era no’Is fatz ben esclairatz.

IX. E sui m’en per so esforsatz
Qu’entendatz cals chansos eu fatz.

Et vous qui entendez et voyez
Et connaissez ma langue,
Si jamais j’ai usé de mots couverts et obscurs (trobar clus)
Désormais, je les choisis bien clairs (trobar leu)
.

Et j’ai mis tant d’efforts en cela
que vous comprendrez les chansons que j’ai faites.

(1) boscatge : bois, bocage

(2) Littré. Oiseau branchier : terme de fauconnerie, jeune oiseau qui, n’ayant point encore de force, vole de branche en branche en sortant du nid. Historique XIVe s . L’esprevier est dit branchier ou ramage, pour ce que, quant il soit pris, il vole sur les rainceaux ou sur les branches.

(3) Passatge : traversée, mais peut être aussi utilisé en relation à la croisade. S’il s’agit bien de cela, ce que nous croyons, on peut rattaché cette allusion au razo qui nous conte que Giraut de Bornelh partit, aux côtés de Richard Coeur de Lion, pour la 3ème croisade et le siège d’Acre.


En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

NB : l’image en tête d’article est un montage. On y voit l’enluminure de Giraut de Bornelh du Manuscrit Français 12473 (retouchée par nos soins) ainsi que le début de page correspondant dans l’ouvrage. Conservé au département des manuscrits de la BnF, ce manuscrit médiéval, daté de la deuxième moitié du XIIIe s, est encore connu sous le nom de Chansonnier provençal K ou même plus laconiquement Chansonnier K ( à consulter sur Gallica) .

Kaamelott premier volet, une pluie de coffrets et de DvD’s

Sujet  :  Kaamelott premier volet,  médiéval-fantastique, légendes arthuriennes, cinéma, trilogie, produits dérivées, coffret, DVD, Blu-ray,
Période  : haut Moyen Âge à central
Auteur/réalisateur :   Alexandre Astier
Date de sortie : 21 novembre 2021 officiel – Dispo préventes.

Bonjour à tous,

es amateurs de monde médiéval fantastique et de légende arthurienne revisitée vont être ravis. À l’approche de Noël et d’ici le 24 novembre, les DVD, Blu-Ray et autres somptueux coffrets du film Kaamelott premier volet d’Alexandre Astier, seront disponibles à la vente dans toutes les grandes enseignes y compris, bien sûr, celles en ligne.

Du même coup, tous ceux qui n’avaient pu profiter, en juillet dernier, de ce premier opus de la trilogie, pour causes de mesures sanitaires, d’indisponibilité ou même simplement parce qu’ils sont expatriés ou se trouvaient hors de France, vont pouvoir se rattraper. Les plus grands fans de la saga arthurienne à la française ( qui ne manquent jamais un collector) seront aussi au rendez-vous pour pouvoir revisionner le long métrage 12 000 fois devant un bon plateau à la Karadoc (soit : fromage, charcuterie, gras et re-charcuterie, re-fromage jusqu’à épuisement des stocks). Une grande partie de ce public a, d’ailleurs, déjà pris les devants. Le long métrage d’Alexandre Astier est, en effet, proposé à la prévente en ligne sous différents formats, depuis quelques mois, et il a déjà atteint des volumes de commandes impressionnants.

Dvd’s et coffrets épiques de toute beauté

Nul doute que Alexandre Astier sait s’entourer du côté graphisme et packaging. On retrouvera, à nouveau, un visuel très soigné pour tous ces produits et notamment pour le coffret édition épique 4K avec Blu-ray, Dvd, Dvd bonus et encore pièce en étain et portraits collector (ceux qu’on avait découvert au pré lancement du film).

Coffret film Kaamelot premier volet

Les budgets plus modestes pourront, quant à eux, se contenter du Dvd ou même encore découvrir le film en streaming sur Primevideo (cette dernière option n’est, toutefois, pas ouverte dans tous les pays). Pour plus d’informations sur tous les formats disponibles, vous pouvez suivre ce lien : Kaamelott Premier volet, coffret édition épique et autres options.

Kaamelott, le film au box office

Des entrées record dans un contexte calamiteux

Couverture dvd kaamelott premier volet

En faisant un petit retour en arrière, Il faut se le dire. Même si le premier volet de la trilogie Kaamelott était très attendu et qu’il a bénéficié d’une très large couverture médiatique, c’est rien moins qu’un exploit que celui réalisé par Alexandre Astier, l’été dernier. Il a, en effet, réussi à faire entrer au cinéma près de 2,5 millions de personnes dans le contexte du pass sanitaire alors nouvellement mis en place. L’auteur de Kaamelott a même, au passage, cloué au piloris quelques sérieux blockbusters au moment où certains tenants de salles parlaient de baisse de fréquentation de 75%, au passage de la mesure.

Ce phénomène de demi-désertion a, cela dit, touché toute l’industrie cinématographique et on se souvient, à la même période, du choix de Disney pour la sortie de Black Widow. Le géant américain avait, en effet, décidé de diversifier sa stratégie , en proposant le film plus vite que prévu et gratuitement sur sa plateforme de streaming Disney+. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir ce genre de plan B pour tenter un report des ventes de la place dé cinéma vers l’abonnement en ligne. Au passage, le très attendu Disney Marvel fait partie des films que Kaamelott premier volet a coiffé au poteau aux box office français. Ce n’est pas rien quand on connait le succès cinématographique presque hégémonique de la célèbre licence créée par Stan Lee. Et cela prouve aussi que le petit village gaulois français reste capable de résister au tout US quand l’originalité et l’ambition sont au rendez-vous. En matière de cinéma national, le dernier OSS 117 s’est, du reste, lui aussi retrouvé derrière les légendes arthuriennes à la façon Astier.

Coefficient multiplicateur & projections

Blue-ray kaamelott premier volet

On peut supposer que, dans des circonstances normales, ce chiffre d’entrées de Kaamelott aurait pu être multiplié facilement par 4, voire 5 : les résistants au pass, ceux qui n’avaient, simplement, pas envie de se gâcher le plaisir, en passant par 40 contrôles, ceux qui se sentant contraints indument par le pouvoir, en ont simplement pris le contrepied, ceux qui n’avaient pas connaissance de la mesure, etc… Cela fait du monde.

On peut encore ajouter à cela les re-visionnages des plus fans qui, on l’imagine bien, ont pu aussi être freinés par ces lourdeurs du dispositif gouvernementale et leur nature invasive. Dans le contexte, même les plus opiniâtres d’entre eux n’étaient, sans doute, pas prêts à engouffrer 2,3 et encore moins 203 séances comme le désormais Recordman Guinness qui a élevé Kaamelott au rang de « film le plus visionné du monde au cinéma ». Coté box office, en dehors de cet épiphénomène qui a, peut-être, à sa façon, ajouté à Kaamelott premier volet, un petit supplément de réputation mondiale, Alexandre Astier a donc du se contenter du titre de plus gros succès français depuis l’arrivée de la Covid 19. Economiquement, la consolation est un peu maigre mais cela reste un indicateur honorable.

Un parfum de sortilège sur la trilogie

Enfin voilà, inutile de refaire le match ! Même si, avec un pass sanitaire mis en place quelques jours avant la diffusion, il commençait à planer un peu sur cette trilogie Kaamelott au cinéma comme une vieille odeur de souffre. Bien sûr, on ne peut pas dire qu’Alexandre Astier ait dû traverser, contre son propre gré, une pluie de calamités durant les 12 ans qui ont séparé ce film de la série (de 2009 à 2021). Il est aussi à l’origine d’un certain nombre de choix ayant retardé sa sortie : renégociation et reprise des droits avec Calt, réalisation d’Astérix : Le Secret de la potion magique, … Bref, pour partie, il a mené sa barque là où il le souhaitait.

Bruno Fontaine alias Elias de Kelliwic'h
Bruno Fontaine aka Elias de Kelliwic’h

Pourtant, l’arrivée de la Covid au moment fatidique, et les différents reports de sortie dus aux mesures sanitaires ont pris, par moments, des allures de sortilèges à la Elias de Kelliwic’h (le double de Merlin dans la série Télévisée ). Et même si on pouvait trouver le titre « Kaamelott premier volet » plutôt factuel, voire pas très engageant pour qui n’était pas fan de la série et encore moins d’histoires à suivre, il aurait presque fait l’effet d’être là pour conjurer le sort*. L’auteur-réalisateur l’avait dit et répété, les autres volets de la trilogie ne pourraient exister qu’en fonction du succès éventuel de ce premier opus. Rien d’étonnant. C’est la loi du marché et l’essai a été, tout de même, transformé en dépit du contexte.

Avec un tel nombre d’entrées (déjà en passe d’être complété par un beau succès de ventes côté dvd’s), le second opus de Kaamelott au cinéma devrait désormais être en bonne marche. L’auteur-réalisateur l’a d’ailleurs confirmé en interview, tout en restant, à son image, mystérieux sur le tournage, la date de sortie, la teneur du film, etc. Presque rien n’a filtré. La seule chose que la presse a réussi à lui arracher est la phrase suivante : « Peut-être que le 2 ce sera pas vraiment un seul 2 ou un truc comme ça. » (Quodidien, TF1, août 2021). En gros, si vous cherchez quelqu’un de vraiment capable de vous faire grâce de spoil alerts, Alexandre Astier continue de s’avérer maître dans sa catégorie, au grand désespoir des chasseurs de scoop.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Retrouvez tous nos articles sur la série Kaamelott ici – Nous postons également des actus et détournements sur FB sur Kaamelottcreas.

* Avec le recul, ce titre Kaamelott premier volet peut sembler un choix assez curieux commercialement parlant. Certes, l’annonce de la trilogie Kaamelott au cinéma date au moins de 2009 mais en matière cinématographique grand public, on s’est habitué à des titres plutôt orientés sur le sujet et le contenu : Star wars, la guerre des étoiles, Lord of the Rings : la communauté de l’Anneau, Die Hard : Piège de Cristal, Il était une fois dans l’Ouest, etc… On mentionne plus souvent les suites (le retour, 2, etc…) mais rarement, le fait que certaines premières parties espèrent trouver leur prolongement. Par ailleurs, l’auteur a bien pris la précaution de déclarer que le titre s’adressait à tout public même à des gens n’ayant jamais entendu parler de Kaamelott. A-t-il juste voulu annoncer la couleur ou peut-être, encore était-ce un moyen de ne rien dévoiler du contenu justement ? On le sait taquin. D’un point de vue marketing et distribution, ce n’est en tout cas pas très commun.

NB : l’image d’en-tête est un montage à partir de deux affiches différentes du film Kaamelott premier volet.

Twitter
YouTube