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Blanche comme lys, rondeau, Guillaume de Machaut

Sujet : musique, poésie médiévale, rondeau, amour courtois
Auteur :  Guillaume de Machaut (Machault) (1290–1377)
Période : Moyen Âge, XIVe siècle.
Titre : Blanche comme Lys


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Bonjour à tous,

ous vous proposons, aujourd’hui, une dose d’amour courtois, genre poétique difficile d’éluder quand on s’intéresse au monde médiéval, sa musique et sa littérature. Ce n’est pas que nous en soyons systématiquement friand, notamment quand il verse dans la plate complainte, mille fois ressassée de  l’amant souffreteux, aliéné et transi. Question de forme et de style  aussi. Comme tant de poètes s’y sont adonnés au Moyen Âge, il faut bien que certains l’aient fait avec plus de bonheur que d’autres.   

Face à la quantité et sans  avoir d’allergie particulière contre les chansonnettes d’amour, qui est curieux de  réalité médiévale,  pourrait même se sentir, par instants, frustré que tant d’auteurs s’y soient épuisés sans nous offrir d’autres sujets : une approche un peu plus sociale ? Un peu plus de satire ou sans aller jusque là, un témoignage un plus « épais » sur le monde qui les entoure  ?  Quelques non demandes en mariage à la Brassens ? Ne rêvons pas non plus, mais un peu plus de légèreté au moins. Mais cessons de gémir !  Fort heureusement, le Moyen Âge nous a légué bien d’autres choses à nous mettre sous la dent : fabliaux, serventois, complaintes, ballades morales ou politiques, miroirs ou lunettes des princes, … Il faut simplement savoir où les chercher.

Quant à la Fine Amor, une fois le tri fait  entre tous les poètes, trouvères ou troubadours qui s’y sont essayés pendant tant de siècles,  il est indéniable qu’elle  nous a légué  de très belles poésies ou chansons.  Ajoutons que si la quantité de textes autour de son exercice   frise parfois l’indigestion,  cela continue, d’une certaine manière dans notre monde moderne : l’amour fait marcher le monde, même et surtout quand il est impossible.  

Tout cela étant dit, ce rondeau du talentueux et très célèbre Guillaume de Machaut ravi à la vue de la beauté de sa promise, reste une belle pièce du genre, légère et joyeuse et fort agréable à lire.


Blanche com Lys de Guillaume de Machaut

« Blanche com lys, plus que rose vermeille,
Resplendissant com rubis d’Oriant,
En remirant vo biauté non pareille,
Blanche com lys, plus que rose vermeille,
Suy si ravis que mes cuers toudis veille 
Afin que serve à loy de fin amant,
Blanche com lys, plus que rose vermeille,
Resplendissant com rubis d’Oriant. »


Une très belle journée à vous.

Fred
pour moyenagepassion.com
L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient.  Publilius Syrus   Ier s. av. J.-C

« Pour prison » Gilles Binchois chante l’Amour courtois

musique_danse_medievale_enluminures_moyen-age_central_et_tardif_XIVeSujet : chanson, poésie médiévale, Amour Courtois, musique médiévale
Auteur-Compositeur : Gilles de Binche, Gilles Binchois (1400-1460)
Titre : pour prison ne pour maladie
Période : Début du XVe siècle, bas Moyen Âge
Interprètes : Ensemble médiéval Gilles Binchois

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous vous proposons un peu d’amour courtois bourguignon, en provenance de la fin du XVe siècle. Nous devons cette composition, du  Moyen Âge tardif, à Gilles de Binche, compositeur franco-flamand du début du XVe siècle, que l’on connait mieux  sous le nom de Gilles Binchois.  On lui doit à la fois des compositions religieuses et  profanes, mais ce sont surtout ces dernières qui l’ont fait entrer dans la  postérité. Cinquante-cinq de ses chansons profanes nous sont parvenues, dans lesquelles il mit en musique des poésies médiévales qu’il n’avait pas écrites lui-même, mais qu’il emprunta, avec discernement, aux plus beaux auteurs de son temps. Sauf erreur, le texte du jour est d’ailleurs inspiré d’une poésie d’Alain Chartier (célèbre poète et auteur de la fin du XIVe et du début du XVe siècle).

L’ensemble Gilles Binchois

L’ensemble médiéval qui interprète cette pièce porte le même  nom que son compositeur et s’est formé un peu avant les années 80. Voilà donc plus de 35 ans que ces musiciens courent les routes pour y proposer leurs concerts et faire partager les plus belles musiques du Moyen Âge à la renaissance.

Dominique Vellard, l’âme qui inspire cet ensemble par ses recherches très sérieuses dans le domaine de la musique médiévale, est aussi féru de musiques traditionnelles, au sens large. A ce titre, il a aussi guidé le groupe dans des expérimentations les plus variées avec des musiciens aux musique_poesie_medievale_amour_courtois_gilles_binchois_moyen-ageorigines diverses, de l’Espagne à la Bretagne en passant par l’Inde, le Maroc ou l’Iran. Voilà donc encore une belle formation à découvrir dans le domaine du répertoires de musiques anciennes et médiévale. Tous leurs albums et toutes les informations sur leur ensemble sont ici : site web de l’ensemble Gilles Binchois

Paroles de la chanson « Pour Prison ne pour Maladie » De Gilles Binchois

Pour être en moyen français, les paroles de cette chanson se rapprochent tout de même de notre langue moderne. Nous sommes loin de la langue d’un Rutebeuf  et nous les laisserons donc libres de traduction, jugeant qu’elles demeurent tout à fait compréhensibles.  Mais assez parlé, place à l’amour courtoué pour le plaisir du Roué !

Pour prison, ne pour maladie,
Se pour chose qu’on me die,
Se vous peut mon cuer oublier.
St sy ne peult ailleurs penser,
Tant ay de vous veoir en vie.

M’amour, ma princesse et amie,
Vous seule me tenes en vie,
Et ne peult mon desir cesser.

Ne doubtes ja que vous oblie,
Qu’onques nulle tant assouvie
Ne fust qui me peult faire amer,
Que vous, belle et douce sans per,
Don’t amours point ne me deslie.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

Légendes arthuriennes : l’amour courtois dans le roman de Graal et chez Chrétien de Troyes

V_lettrine_moyen_age_passion copiaous serez bientôt chevalier, mon fils, s’il plaît à Dieu, et j’y donne les mains. Si vous rencontrez près ou loin dame qui ait besoin de secours ou. pucelle sans appui, qu’elles trouvent votre aide toute’ prête, si elles vous en requièrent, car tout honneur est là. Qui ne porte honneur aux damés, il a lui-même perdu son honneur. Servez les dames et les pucelles, vous en serez partout respecté. Et si vous en priez aucune, gardez que vous ne soyez fâcheusement importun. Ne faites rien qui lui déplaise. Pucelle donne beaucoup quand elle donne un baiser.

Chrétien de Troyes.  roman de Graal, Perceval,

Voilà les recommandations de la mère de Perceval à son fils, en partance pour le château du roi Arthur et, avec elles, une définition synthétique de l’amour courtois du XIIe siècle, en quelques lignes.

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Poésie médiévale, citations médiévales l’amour courtois dans les légendes arthuriennes, Voir autre article sur Chrétien de Troyes ici

« Douce dame jolie » de Guillaume de Machaut, brillant compositeur médiéval du XIVe siècle

Guillaume-de-Machaut_trouvere_poete_medieval_moyen-age_passionSujet : musique médiévale, musicien, compositeur médiéval, poète médiéval, chanson médiévale,
Titre : Douce Dame Jolie, Virelai*
Auteur: Guillaume de Machaut (1300-1377)
Période : XIVe siècle, Moyen Âge
InterprétesAnnwn
Album :  Orbis Alia (2007)

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passionette fois-ci, les amateurs de musique médiévale authentique devraient s’en réjouir, nous partageons ici une pièce de Guillaume de Machaut, auteur du moyen-âge,  reconnu par tous comme l’un des plus grand poète et musicien du XIVe siècle.

Douce dame jolie de Guillaume de Machaut, par Annwm

Annwm, folk médiéval ou mystique folk en provenance d’allemagne

Fondée en 2006, par l’archéologue, chanteuse et harpiste (uf!) Sabine Hornung, la formation allemande Annwm  se classe bien plus du côté du « Folk » d’inspiration médiévale que de l’ethno-musicologie au sens strict.

Les inspirations puisent dans le répertoire du moyen-âge ou même celui du folk et des musiques plus traditionnelles et proviennent des origines les plus diverses : celtiques, nordiques, bretonnes, séfarades, mais encore d’autres pays de l’Europe médiévale. Elles sont prises dans le répertoire profane, comme dans le liturgique. Au gré des pièces proposées, les compositions sont revisitées et modernisées et les instruments anciens y côtoient les plus électriques ou récents.

Baptisée par la formation elle même « Mystic folk », on peut tout de même rattacher cette approche à un mouvement folk médiéval qui a musique_folk_medievale_album_orbis_allia_Annwn_Sabine_Hornungpris, au début des années 2000, une certaine ampleur,  notamment en Allemagne, et dans lequel on peut trouver des formations comme   Faun.

La pièce du jour de Guillaume de Machaut est tirée de l’album Orbis Alia, sorti un an après la création de la formation, dans lequel on pouvait encore découvrir une sélection éclectique de compositions en provenance des quatre coins d’Europe (France, Suède, Allemagne, Pays de Galles, Espagne), et s’étalant du XIIIe siècle à des périodes plus récentes, en passant par la renaissance.

L’album est toujours disponible en ligne au format CD import. Si vous souhaitez plus d’informations, en voici le lien : Orbis Alia [Import allemand]. Pour information, l’interprétation de la chanson du jour est également disponible, séparément et au format MP3, au lien suivant : Douce Dame Jolie par Annwn

Guillaume de Machaut, brillant musicien, poète,  et compositeur du moyen-âge

Eléments de biographie

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Guillaume de Machaut, XIVe siècle

On ne sait pas grand chose des premières vingt années de vie de ce poète compositeur, ni de sa date ou son lieu de naissance exacts que les historiens font balancer entre la Champagne et les Ardennes. Sa vie nous est mieux connue à partir des années 1323, quand étant clerc, il entre comme secrétaire au service du roi de Bohème, Jean de Luxembourg. Par la suite, il voyagera et suivra Jean 1er dans de nombreuses expéditions ou campagnes, et l’influence à la fois de l’éthique du clerc autant que les valeurs attachées à la chevalerie, se feront nettement ressentir dans ses écrits et son œuvre. Après la mort de Jean 1er de bohème durant la bataille de Crécy, Guillaume de Machaut servira différents seigneurs et plus tard, il s’installera comme chanoine attaché à la Cathédrale de Reims, période durant laquelle son œuvre sera plus productive.

L’oeuvre laissée par Guillaume de Machaut

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On lui doit de nombreuses pièces – messes, lais, virelais, ballades, chants royaux, œuvres narratives, complaintes  et autres rondeaux – et on reconnait assez largement chez les spécialistes que sa maîtrise des formes classiques et lyriques, s’il ne les a pas inventées lui-même, lui a permis de mieux les préciser, tout en les amenant plus loin, préfigurant ainsi la musique moderne. Il a aussi largement contribué au développement de la musique polyphonique. En bref, il y aura un avant et un après Guillaume de Machaut.

L’amour courtois 

La pièce que nous partageons aujourd’hui est sans doute une des plus populaires du compositeur médiéval. C’est une pièce de lyrique courtoise et il y chante ici cette Fine Amor littéraire et très codifiée qui,  durant le XIIe siècle et une partie du XIIIe, influencera une partie des valeurs de la chevalerie. Colporté et promu, et chanté abondamment par les troubadours et trouvères du moyen-âge central, on le retrouvera aussi sous la plume de nombreux auteurs médiévaux. Du côté chevaleresque, on pense notamment à Chrétien de Troyes et ses légendes arthuriennes.

Adoubement Lancelot, Évrard d'Espinques, 1475 Bibliothèque Nationale de France
Adoubement Lancelot, Évrard d’Espinques, 1475 Bibliothèque Nationale de France

D’entre tous les chevaliers de la table ronde, Lancelot sera le plus sûr représentant de cet amour courtois, au moins jusqu’à ce que certaines suites du roman arthurien lui offrent l’opportunité de la transgression et du passage à l’acte.

Amour prude souvent chaste et  hors mariage, du chevalier pour sa dame, préférablement de haut rang et dont il lui faut séduire le cœur avec courtoisie, la Fine Amor s’épanche bien souvent dans un désir contraint à demeurer inassouvi et qui se traduit dans la douleur du refus, de l’impossibilité d’être, ou encore de la distance ou de l’attente; en position basse, le fine amant, fébrile, tout entier « au service » de sa dame, vit au bord du gouffre et à la merci de son propre sentiment dont il est « prisonnier »; autant d’épreuves à traverser qui, pense-t-on, font la force autant que la faiblesse de ces jeux amoureux courtois. Leurs tourments sont leurs plus grands délices dans un mouvement qui oscille entre frustration et espérance.

*Virelai : « forme poétique du XIVe siècle (fin XIIIe), particulièrement prisée par les trouvères (Guillaume de Machaut). Dans sa forme la plus simple, le virelai se compose d’une strophes rimée de deux vers, suivie d’une strophe refrain ou formule répétitive, propre à la reprise en chœur. Plus complexe, il mêle des strophes de différentes métriques, le refrain pouvant alors changer, mais par exemple avoir un mètre (en général court) et une assonance particuliers, comme une réponse régulière obstinée.  Lire la suite sur musicologie.org.

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Les paroles de Douce Dame Jolie 
dans le moyen-français de Guillaume de Machaut

Douce dame jolie,
Pour dieu ne pensés mie
Que nulle ait signorie
Seur moy fors vous seulement.

Qu’adès sans tricherie
Chierie
Vous ay et humblement
Tous les jours de ma vie
Servie
Sans villain pensement.

Helas! et je mendie
D’esperance et d’aïe;
Dont ma joie est fenie,
Se pité ne vous en prent.

Douce dame jolie,
Pour dieu ne pensés mie
Que nulle ait signorie
Seur moy fors vous seulement.

Mais vo douce maistrie
Maistrie
Mon cuer si durement
Qu’elle le contralie
Et lie
En amour tellement

Qu’il n’a de riens envie
Fors d’estre en vo baillie;
Et se ne li ottrie
Vos cuers nul aligement.

Douce dame jolie,
Pour dieu ne pensés mie
Que nulle ait signorie
Seur moy fors vous seulement.

Et quant ma maladie
Garie
Ne sera nullement
Sans vous, douce anemie,
Qui lie
Estes de mon tourment,

A jointes mains deprie
Vo cuer, puis qu’il m’oublie,
Que temprement m’ocie,
Car trop langui longuement.

Douce dame jolie,
Pour dieu ne pensés mie
Que nulle ait signorie
Seur moy fors vous seulement.

deco_frise

Sur ces belles paroles, excellente journée à tous !

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.