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Idée sortie : le festival medieval des troubadours et saltimbanques de Souvigny

souvigny_medievales_festivites_evenements_moyen-ageSujet : fêtes, festival, époque médiévale, festivités, troubadours, saltimbanques
Evénement : le 23e festival de troubadours et saltimbanques
Lieu :
 Souvigny (Allier)
Dates : du 30 juillet au 7 août 2016

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoici un autre festival médiéval qui a lieu également cette semaine et que vous propose cette fois, la ville de Souvigny : le 23e festival des troubadours et des saltimbanques.

Avec un programme d’animations ambitieux et fourni, ce grand festival qui mêle, tout à la fois, marché et foire de produits, animations de rues et concerts de troubadours, cracheurs de feux, jongleurs en folie, gastronomie et ville en fête, mais aussi spectacles son et lumière, le tout, bien sûr, festival_fete_medievales_evenements_festivites_monde_medieval_idee_sortie_souvignyà la mode médiévale, vous propose encore un salon du livre autour du médiéval fantastique. En plus de toutes les animations vous pourrez également redécouvrir les métiers anciens dans les nombreux ateliers qui y sont dédiés (poterie, céramique, forge, etc).

Pour vous immerger encore plus dans l’esprit de la fête et de ce  joli voyage dans le temps, l’ensemble de l’événement fonctionne avec une monnaie médiévale en forme de clin d’oeil: le sou-vigny que vous pourrez changer facilement une fois sur place. Pour quelques sous, vous pourrez, si vous en avez l’envie, également louer un costume médiéval; c’est ce genre de petit détail qui montre que les organisateurs de l’événement ont pensé à tout pour vous permettre de partager avec eux l’aventure de cette semaine médiévale à Souvigny, en décidant de votre degré d’implication.

Un petit avant-goût des réjouissances
et du programme du festival 2016

Un programme ambitieux et fourni pour les 23e médiévales de Souvigny
Un programme ambitieux et fourni pour les 23e médiévales de Souvigny

Cliquez sur l’image pour l’agrandir ou rendez-vous directement sur
le site de l’Association Souvigny Grand site pour l’imprimer

Pour en dire un mot, l’association Souvigny Grand site qui oeuvre à valoriser le patrimoine historique de cette jolie cité auvergnate est totalement associée à l’événement et y contribue, bien sûr, activement.

Souvigny, un peu d’Histoire médiévale

A_lettrine_moyen_age_passionu coeur de l’Auvergne et du pays bourbonnais, Souvigny n’en est pas à son premier galop d’essai au rendez-vous des festivités et autres réjouissances médiévales, puisqu’on y célèbre le moyen-âge depuis plus de vingt ans déjà.

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Il faut dire que côté histoire médiévale, ce village auvergnat n’a rien à envier à d’autres de nos cités. Dès l’an mil, le lieu reçut, en effet, en don par l’intermédiaire de l’abbé Bernon et de la main même de Aymar, le premier des Bourbons, l’église de Souvigny, faisant bientôt,
d’elle une protégée  de la grande et très puissante abbaye de Cluny.  A cette suite, le abbaye_souvigny_festival_monde_medievalbourg connaîtra des années prospères et deviendra même une des premières villes franches du pays. Elle sera encore, pour longtemps, la capitale spirituelle des Bourbons qui viendront y enterrer leurs morts, et deviendra aussi un lieu prisé de nombreux pèlerins du monde médiéval.

Durant la guerre de cent ans, le roi Louis II permettra aussi aux petits seigneurs d’y élever des installations défensives et des tours. De sa longue histoire et de cet héritage du passé médiéval, le pays de Souvigny garde encore aujourd’hui les vestiges de plus de deux cent châteaux, manoirs et maisons fortes.

Une petite vidéo de France 3 sur l’édition 2015 pour vous en faire une idée

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoilà pour aujourd’hui, mes amis. Au programme de cette semaine pour ceux qui en ont la possibilité et qui sont autour de la région Rhône-Alpes Auvergne ou qui peuvent s’y déplacer, un retour au moyen-âge du XIIIe siècle dans une ville de charme qui a à coeur de se souvenir de son histoire et de vous la faire partager. Et comme des dizaines de milliers de personnes y sont attendues chaque année, puissiez-vous avoir le plaisir, le bonheur et la joie d’en faire partie!

Une très belle journée à tous.
Fred
Pour moyenagepassion.com
« A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes »

Idée sortie: les médiévales de Crêvecoeur en Auge 2016, une semaine de festivités au coeur de la Normandie

crevecoeur_medievales_festivites_evenements_chateau_medieval_reconstitution_historiquesSujet : événement, fêtes, marchés, festivités, animations médiévales, idées  week end, idées sorties, médiévales de Crêvecoeur
Dates : du dimanche 31 juillet au dimanche 31 août 2016
Lieu : château de Crèvecoeur en Auge (Calvados, Normandie)

idee_sortie_week_end_fetes_festivals_monde_medieval_crevecoeur_en_auge_chateau_normand

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaous vous souvenez du château de Crêvecoeur en Auge? Nous avions fait un article, il y a quelque temps au sujet d’une émission de télévision qui avait pour théâtre son déroulement. Le jeune et fringant Arnaud Poivre D’Arvor s’y rendait alors, en Visiteur de l’Histoire pour appréhender de plus crevecoeur_festivites_rejouissances_medievales_2016près, fourche, tenu et coiffe de vilain à l’appui, la vie médiévale en Normandie à la fin de la guerre de cent ans. Et bien pour ceux qui se trouvent dans la région normande et plus précisément dans le Calvados, ou pour ceux encore qui ont encore le loisir de s’y déplacer en ce beau mois d’août, vous pourrez cette fois être au coeur du programme, puisque le château de Crêvecoeur organise durant toute la première semaine d’août, et comme chaque année, ses médiévales.

Non loin de Caen et au coeur de la Normandie, une semaine de réjouissance, de fêtes et de reconstitutions historiques et médiévales
Non loin de Caen et au coeur de la Normandie, une semaine de réjouissance, de fêtes et de reconstitutions historiques et médiévales

Le site de Crêvecoeur ce n’est pas seulement un beau château, préservé du temps et porteur de  plus de dix siècles d’Histoire à deux pas de Caen, ce sont encore plus de soixante-dix véritables passionnés de moyen-âge et de reconstitutions historiques qui jouent et mettent en scène la vie médiévale de l’époque. Ils festival_medievales_2016_chateau_crevecoeur_normandie_reconstitutions_historiquessont, dans leur tâche, également soutenus par de véritables spécialistes d’Histoire de ces périodes et prennent le sujet très à coeur. Pendant cette semaine complète de « Médiévales », toute cette joyeuse troupe d’Aficionados se propose de vous ouvrir grand leurs portes pour vous faire partager cette passion. Mais plus que de vous offrir le spectacle du quotidien de ces serfs, artisans, nobles ou seigneurs du Crêvecoeur de 1466, ils ont organisé pour vous de multiples rebondissements et des scènes uniques dont vous pourrez être, tout à la fois, spectateur, acteur et témoin; une véritable aventure donc, étalée sur une large semaine, et qui vous plongera au coeur du XVe siècle et du moyen-âge tardif, avec bien sûr, à l’appui et pour sustenter la grand faim qui ne manquera pas de vous assaillir au sortir de tant d’émotions: ripailles et gastronomie médiévale, le tout incluant pâtisseries et autres gourmandises certainement cuites dans le four banal du château.

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Au programme des médiévales 2016 de Crêvecoeur, entre deux aventures d’époque, ripailles et réjouissances gastronomiques du moyen-âge

En bref, huit belles journées de festivités et de réjouissances médiévales à ne pas manquer si vous en avez l’opportunité! Comme toujours, bien sûr, pour plus d’informations sur l’événement, n’hésitez pas à vous rendre sur le site (web) du château de Crêvecoeur.

Une très belle journée à tous.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

François Villon rencontre Erik Satie : l’épitaphe, lecture audio

epitaphe_villon_francois_poésie_medieval_lecture_audioSujet : poésie réaliste, poésie satirique, auteur, poète médiéval. lecture audio
Période : moyen-âge tardif
Auteur : François VILLON
Musique : Erik SATIE, Gymnopédies lent et douloureux 01, interpréte Daniel VARSANO (distributeur sony classical),
Titre : l’épitaphe de VILLON, la ballade des pendus, la prière.

Lecture audio La rencontre de François VILLON et de Erik SATIE

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour être honnête, j’avais dans l’idée de faire quelques lectures de François VILLON et j’y travaille depuis quelque temps  mais  je m’étais dit que, dans ce cadre, j’irais explorer un peu d’autres textes que la traditionnelle épitaphe ou la ballade des pendus. Même si c’est un texte sublime, il a été,  en effet, tellement repris qu’il vaut la peine de faire découvrir un peu poesie_medievale_epitaphe_villon_ballade_pendu_erik_satie_lecture_audioautre chose du grand maître de poésie médiévale. Pourtant, en écoutant cette pièce d’Erik SATIE, cette première composition des Gymnopédies « lent et douloureux 01 » du grand compositeur français de la fin du XIXe, XXe siècle, je n’ai pas résisté à oser la rencontre à travers le temps de ces deux maîtres du génie poétique et musical français.

D’un côté, VILLON, seul dans sa cellule, convaincu qu’il n’échappera pas à la corde, cette fois, comme le reste de ses compères ou de sa confrérie. Il ne lui reste, une fois de plus, que sa plume et son immense talent quand il adresse aux hommes et au fils de Dieu, cette dernière prière; c’est celle d’un condamné, une prière solitaire, un legs à travers le temps pour tous les hommes. Et sans doute que cette résignation sublime de VILLON, à ce moment là, donne à ce texte toute sa beauté et cette force incomparable. Dans ces pendus qui se balancent au gibet, il ne s’agit pas seulement ici du point culminant de sa poésie réaliste, il y a aussi ce VILLON qui devient l’un d’eux pour nous adresser en leur nom ce message post-mortem, pour le salut de l’âme, les leurs, les nôtres aussi. Même s’il échappera à la sentence, ce texte de la solitude du condamné, quelque part déjà mort, où françois_villon_erik_satie_poesie_medievaletranspire aussi toute l’humanité de VILLON restera l’un des mieux connus parce que l’un de ceux qui a le plus marqué les consciences.

De l’autre côté, un Erik SATIE qui fait encore presque ses premières armes à la composition. Nous sommes à la fin du XIXe (1888), plus de cinq cent ans plus tard, Audacieux, connu pour son humour, celui que Debussy qualifia de « musicien médiéval et doux » (1) fut souvent raillé, incompris, et en tout cas pas toujours pris au sérieux de son temps mais son oeuvre demeure, autant que son génie.

Qu’ont-ils en commun? Du facétieux François VILLON et de sa vie de drame, de ses frasques et de sa vie en marge sur le fil des lois, à un Erik SATIE, libre et intransigeant, tout entier dédié à sa musique, mais qui mène une vie discrète et sage et pratique son Art dans l’ascèse et sur une voie que l’on peut presque qualifier de mystique. Une vie dans la marge cela est certain mais encore peut-être le génie et la solitude qui, dit-on, si souvent l’accompagne. Quoiqu’il en soit, cette lecture audio est publiée et je vous laisse juger de leur rencontre.

Une très belle journée à tous! Longue vie!

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

(1) Pour plus d’informations sur l’oeuvre d’Erik SATIE voir l’article de Michel PHILIPPOT (compositeur français (1925-1996)

Un peu d’histoire sur les troubadours, leur art et la langue occitane

troubadour_langue_oc_musique_poesie_monde_medieval_moyen-age_passionSujet : poésie, musique médiévale,langue d’oc, occitan, provençal, langues des troubadours
Période : du moyen-âge à nos jours
Média : vidéo documentaire

Bonjour à tous,

E_lettrine_moyen_age_passiont si on parlait un peu d’histoire des langues sur notre belle terre de France aujourd’hui et notamment du parlé et du chanté des mythiques troubadours provençaux du moyen-âge? Voici donc quelques réflexions et informations sur le sujet, accompagnées d’un documentaire court mais très informatif aux couleurs du Languedoc d’aujourd’hui et de la belle langue provençale d’oc, de ses racines passées à ses plus belles feuilles contemporaines. Nous parlerons ensuite de manière un peu plus précise des troubadours.

Vidéo-documentaire  sur la langue occitane

On sourira peut-être à la pensée que c’est à un poète-écrivain Italien du moyen-âge, le grand Dante Alighieri (portrait ci-dessous par Sandro Botticelli, 1495) que l’on doit une des premières mentions de la langue d’oc. Il avait en effet  dans son ouvrage « De vulgari eloquentia » (le parler commun ou le parler « vulgaire » au sens commun) classifié les langues romanes suivant la façon de dire « Oui ».: « Oil » au nord, « Oc » au Sud, « Si » en Italie.

Langue millénaire parlée par une bonne moitié sud de la France pendant de nombreux siècles et jusqu’à aujourd’hui dans une moindre mesure, on fait remonter la naissance de l’occitan autour du VIIIe siècle. C’est donc une langue romane qui a aussi des formes dialectales et dont l’espace allait alors de l’Atlantique à la plaine du Pô en Italie, jusqu’au nord du Massif Central et des Pyrénées.

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Pour la période médiévale qui nous concerne, on doit, entre autres choses, à la langue d’oc et à ses troubadours la création d’une forme poétique chantée unique en son genre qui comprend, notamment, les grands chants courtois et qui rayonna au delà des frontières occitanes dans le bassin méditerranéen et bien sûr jusqu’au nord de la France où les trouvères qui, eux, s’exprimaient en vieux français et ou plutôt même en langue d’oil, s’en inspirèrent largement.

L’Art des troubadours  et la langue d’Oc
au coeur du moyen-âge central

Dans un article sur la question des troubadours (universalis en ligne),  Paul  Zumthor, romancier et poète suisse, spécialiste de poésie médiévale, nous apprend que l’on dénombrait entre les années 1100 et 1350 et dans la France médiévale, plus de 450 troubadours et plus de 2500 chansons. Ces chiffres donnent la mesure de l’ampleur du phénomène et du berceau de créativité incroyable qu’a été le pays d’oc durant ces périodes. Des artistes, hommes et femmes (les « trobairitz » photo ci-dessous) s’adonnent à cet Art musical et poétique et la « canso » occitane (chanson, vers chantés) connaît son apogée.

femme_troubadour_poesie_musique_medievaleIl n’y a pas, alors, dans les chansons des troubadours que les chants d’amour courtois que l’on a souvent retenu. Ces poètes de monde médiéval déclinent, en effet, leur Art sous d’autres formes: polémiques ou satiriques (le Sirventès), ou en forme d’homélie ou de lamentations sur la mort d’un être aimé (le Planh). Fait qui nous en dit encore beaucoup sur les troubadours et l’exercice de leur art, l’absence de notation dans les compositions laisse alors libre champ à l’interprétation de l’artiste sur la rythmique:  « le compositeur abandonnait à son interprète le soin de quantifier les temps » (Paul  Zumthor. op cité). Au fond, le troubadour et son Art n’existent que face à un public et pour ce public. Dans le même esprit, il y  aura aussi les chants improvisés, mais encore les défis poétiques que se lancent entre eux les troubadours pour donner le spectacle. Même si cet leur Art obéit dans l’écriture à des codes, cela reste donc bien une école de la créativité et du jeu.

Les racines et les influences des troubadours et de leurs « cansos » (chansons)

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Le plus étonnant de ce phénomène artistique et de ces troubadours qui enflammèrent littéralement le moyen-âge demeure que l’on n’a toujours pas trouvé les traces d’une inspiration claire des formes artistiques uniques qu’ils ont crée; entendez par là qu’historiquement, les formes musicales et versifiées de leur poésie leur sont propres et sont originales, Elles ne semblent pas émerger clairement de quelques copies ou influences « historiques » directes leur ayant pré-existé. On a émis quelquefois l’hypothèse que l’ouverture à l’Espagne musulmane d’alors et certaines formes de poésies soufies aient pu les inspirer mais rien ne permet de l’établir de manière certaine. Il est possible encore que certaines formes musicales sémitiques aient également influencé certains d’entre eux; les communautés juives étant alors nombreuses en France méridionale et médiévale. Quoiqu’il en soit, on reste, face à tout cela, dans le champ des hypothèses et si ce petit monde des troubadours semble bien s’entendre sur des formes artistiques  « communes », il demeure relativement hétérogène.

Les amours impossibles et contrariées de Tristan et Yseult par Rogelio de Egusquiza y Barrena (XIXe siècle)
Les amours impossibles et contrariées de Tristan et Yseult par Rogelio de Egusquiza y Barrena (XIXe siècle)

Pour avoir une vision un peu plus complète du tableau, il faut ajouter que ces artistes, qu’ils soient rois, chevaliers, clercs ou même anonymes, avaient souvent, à leur actif, une bonne culture latine. Concernant enfin les formes de l’amour courtois dont ils feront une promotion active, marquant ainsi à jamais notre littérature comme notre culture, l’influence des légendes celtiques de Tristan et Yseult a aussi  indéniablement compté au nombre de leurs sources d’inspiration. Cette légende et de nombreux récits autour d’elle seront, en effet, publiés sous plusieurs formes en Europe dans le troubadours_musique_poesie_medievale_bernard_de_ventadorn_langue_occitane_moyen-agecourant même du XIIe siècle (Angleterre, France, Allemagne) et des troubadours tels que Bernard de Ventadorn (portrait ci-contre, enluminure du XIIIe siècle) ou Raimbaut d’Orange auront tôt fait, dès ce même siècle, de les chanter, en comparant leurs propres amours à celles contrariées des deux amants bretons qui, ne pouvant le faire de leur vivant, choisirent pour s’aimer de se rejoindre dans la mort.

Bernard de Ventadour (Ventadorn), « Tant ai mo cor ple de joya »
Extrait en version originale occitane

« Eu n’ai la bon’ esperansa.
Mas petit m’aonda,
C’atressi.m ten en balansa
Com la naus en l’onda.
Del mal pes que.m desenansa,
No sai on m’esconda.
Tota noih me vir’ e.m lansa
Desobre l’esponda.
Plus trac pena d’amor
De Tristan l’amador,
Que.n sofri manhta dolor
Per Izeut la blonda. »

Traduction français moderne
« j’ai le coeur si plein de joie »

« Je garde bonne espérance,
– Qui m’aide bien peu –
Car mon âme est balancée
Comme nef sur l’onde.
Du souci qui me déprime
Où m’abriterai-je?
La nuit il m’agite et jette
Sur le bord du lit :
Je souffre plus d’amour
Que l’amoureux Tristan
Qui endura maints tourments
Pour Iseult la blonde. « 

Bernard de Ventadour ou Bernard de Ventadorn (1145-1195)

Quelques réflexions hors champ
pour élargir un peu sur le mythe de Babel

« Une langue différente est une autre vision de la vie »
Federico Fellini

Theodor Rombouts -le joueur de Luth, (The Lute Player), XVIIe siècle
Theodor Rombouts -le joueur de Luth, (The Lute Player), XVIIe siècle

Pardonnez-nous la digression qui va suivre mais tout cela nous donne l’occasion de parler un peu de l’apprentissage des langues en général parce qu’au delà de l’appellation « langue régionale » qui semble quelquefois reléguer le débat à quelques documentaires aux heures de peu d’écoute de France 3, il faut se souvenir que plus qu’un assemblage de mots, chaque langue cache d’infinies richesses, un monde de représentations, une façon d’être au monde et de le percevoir. Un mot, un vocable, ne désigne pas seulement la chose mais il l’a crée aussi ou lui donne corps. Chez les touaregs et l’exemple est connu, il existe de nombreux mots pour désigner le sable parce que l’observation et la connaissance de leur milieu de vie les ont conduits à percevoir des nuances là où l’étranger n’y voit goutte (vous me direz dans un désert, cela peut se comprendre). Quoiqu’il en soit, il en est de même langage_babelpour les choses comme pour les sentiments ou les représentations du monde. Contre toutes idées reçues, apprendre une langue, quelle qu’elle soit, ne sert jamais à rien.

On peut, quelquefois, avoir la tentation de souhaiter une certaine fin de Babel, en rêvant d’un monde où nous pourrions tous « enfin » nous comprendre: une langue unique, un esperanto, mais il suffit, en général, d’imaginer que nous perdions notre propre langue maternelle au détriment d’une autre (l’anglais par exemple) pour comprendre combien se diluerait avec cette perte toute une vision des choses, des sentiments, du monde. Fort heureusement, l’homme est un animal linguistique et il n’y a jamais rien eu d’incompatible à apprendre un idiome commun tout en gardant le sien. Louons donc le bilinguisme, le trilinguisme, le quadrilinguisme et plus pourquoi pas, puisque nous en sommes tout à fait capables pour peu qu’on nous en laisse la possibilité.

La tour de Babel de Pieter Brueghel l'Ancien, 1563
La tour de Babel de Pieter Brueghel l’Ancien, 1563

De tout temps,  la lutte des sociétés aux pouvoirs centralisées (et elles le sont désormais toutes), contre leurs langues intra-muros, a toujours été bien plus politique que fondée sur la capacité des hommes à   apprendre et manier plusieurs langages. Le dire ne casse pas trois pattes à un canard, ni ne révolutionne l’usage du fil à couper le beurre, mais ce n’est jamais langue_culture_et_societetant la facilité des échanges que l’on cherche que l’uniformisation des consciences: la langue unique, le citoyen unique et finalement, allons-y, à l’heure de la mondialisation, le marché unique. Une seule étiquette pour tout le monde sur les pots de Yaourt, le bonheur enfin! J’ironise à peine mais, encore une fois, tout cela n’est pas vraiment un projet culturel pour l’homme et n’en prend, en tout cas, jamais la forme (ci-dessus illustration tirée du célèbre film The Wall des Pink Floyd). D’ailleurs, dans les régions où les identités culturelles se défendent encore pour ne pas s’éteindre, les détracteurs l’ont bien compris puisqu’ils en prennent le contre-pied en défendant leur langue d’une manière qui pourrait même, parfois, dérouter le visiteur, quand ce n’est pas le compatriote. Imaginez que je parle français mais que quand vous m’adressiez la parole je vous réponde en Limousin, vous percevrez un peu mieux mon exemple. Il faut vivre quelque temps à Barcelone et en Catalogne pour comprendre tout cela mais du même coup, comprendre un peu mieux aussi le Quebec. Il faut encore rencontrer les indiens Bribri du Costa Rica ou d’autres endroits pour comprendre que les priver de leur langue revient à les priver de leurs racines, de leur histoire et de leur identité profonde. Ils l’ont compris d’ailleurs et se remettent à l’apprendre et à l’enseigner à leurs langage_babel_apprentissage_languesenfants, en plus de l’Espagnol, comme quoi encore une fois, cela n’est pas incompatible.

Comment défendre son identité culturelle sans défendre sa langue dans un contexte qui  l’oppresse? C’est une question très difficile même si contre le repli, il faut sans doute mieux plaider pour l’ouverture. Apprendre les langues du monde et conserver la sienne?Inviter l’autre à découvrir sa propre langue et, avec elle, s’ouvrir à un monde insoupçonné? Encore une fois, rien d’impossible! 

Pour revenir au monde médiéval, Roger Bacon, le célèbre savant et érudit du XIIIe siècle nous disait déjà que  «la connaissance des langues est la porte de la sagesse». Avoir la chance  ou le privilège d’apprendre une langue étrangère à la sienne est une richesse que l’on mesure souvent, une fois l’étape franchie mais à n’en pas douter, les vraies richesses des hommes sont nichées dans leurs cultures et de leurs différences, et qu’on le veuille ou non, tout cela passe par leur langage. C’est aussi cela qui a fait, depuis des millénaires, marcher le monde et avancer l’humanité. Au fond, Babel est peut-être aussi un défi merveilleux qui recèle d’infinis trésors. Il faut aimer les langues et les cultures si l’on aime les hommes et il faut les aimer, même si c’est difficile quelquefois, car ils en ont besoin et n’ont peut-être, au fond même, que ce seul vrai besoin là.

Une belle journée à tous!

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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