Sujet : salon médiéval, évocation historique, reconstitution médiévale, Moyen Âge, animations, compagnies médiévales, marché artisanal, médiéval fantastique. Evénement : Salon de la Passion médiévale 2023 Lieu : Place Bell, 1950 rue Claude-Gagné, Laval, Québec, Canada Dates : les 5, 6 et 7 mai 2023
Bonjour à tous,
omme chaque année, au mois de mai, le Salon de la Passion Médiévale montréalais revient, et nous donne l’occasion de faire un nouveau clin d’œil à nos amis québécois et aux férus de Moyen Âge qui se tiennent de ce côté du monde francophone.
Evocation historique & mondes imaginaires
Fondé il y a près d’une quinzaine d’années, cet événement outre-Atlantique est désormais une institution à Montréal et il est toujours très prisé des amateurs d’évocation historique québécois. Cette année, il se tiendra du 5 au 7 mai 2023 durant 3 jours pleins.
Comme le veut la tradition de ce Salon de la Passion Médiévale, les troupes invités couvriront des périodes historiques plus larges que le Moyen Âge. On pourra donc y croiser, en plus de compagnies et reconstituteurs en armure médiévale, des personnages issus de l’antiquité romaine, des gladiateurs, des pirates ou même des mousquetaires. A l’habitude, il proposera aussi sa touche de fantastique et de fantaisie. Ses organisateurs ne se cachent pas, en effet, d’en être fondus. Au programme, du loisir historique teinté d’imaginaire, donc.
Animations et activités
Pas de salon médiéval et historique sans animations, comme chaque année l’événement montréalais ne dérogera pas à la règle ; .ses visiteurs pourront profiter de multiples activités entre déambulations, musiques, danses fantastiques, numéros de bateleurs et saltimbanques mais encore fer croisé avec de nombreux combats à l’ancienne et en armure. Camps légendaires et combats d’archerie seront également de la partie et on pourra encore y apercevoir un bon lot de créatures fantastiques.
Pour les visites en famille, les plus petits n’ont pas été oubliés avec un grand nombre d’ateliers et activités conçus tout spécialement pour eux : bataille à l’épée en mousse, jeux gonflables, initiation à la chevalerie, maquillage, spectacles, quête grandeur nature, etc…
Compagnies et troupes invitées (hors artisans)
Trifolys et Kateya – Cie Royal T – Ufhednar – Estreya – Entre 2 Jo – ZenAction – Scrimicie – Ecole du Grand Arc – Cie Déferlante – Cie Ethereal – Symbiosis – Isa et ses chants celtiques – Destreza Nova – Cie Wakinyan – Myriam – …
Jeux, concours et grand marché artisanal
Ce salon québécois se signe aussi par sa dimension ludique, ses jeux et ses concours. Sur le mode du tirage au sort (roue de la fortune, tombola, …), certains vous permettront, cette année, de gagner de jolis lots. D’autres concours, à destination des plus jeunes, demanderont un peu plus d’implication et de jugeotte et il faudra traverser des épreuves chevaleresques pour espérer les gagner.
Pour le plus grand plaisir des rôlistes, le jeu de rôle trouvera aussi sa place sur le salon avec diverses causeries. Comme à chaque édition, on pourra aussi rencontrer sur place de nombreux représentants de Jeux de Rôle Grandeur Nature (GN) pour s’informer sur le sujet ou s’y inscrire.
Pour finir, les visiteurs en quête d’emplettes originales ne seront pas en reste puisque le Salon de la Passion Médiévale de Montréal héberge aussi, traditionnellement, un grand marché artisanal. Pour ce cru 2023, avec 80 exposants et artisans variés, il y aura de quoi faire quelques belles découvertes entre travail du cuir (vêtements, accessoires artisanat divers,…) costumes, bijoux, armurerie et coutellerie, etc…
Sujet : festival, médiéval-fantastique, heroic fantasy, mondes imaginaires, salon du livre, concerts folk, pagan folk, animations médiévales Période : moyen-âge fantastique, légendes Evenement : Festival Trolls et légendes 2023 Dates : du vendredi 7 au dimanche 9 avril. Lieu : Parc Lotto Mons Expo, Mons, Belgique.
Bonjour à tous
mateurs de médiéval fantastique et de Moyen Âge imaginaire, cette fin de semaine, la cité de Mons en Belgique se drapera de ses plus belles couleurs fantaisie, pour le retour de son festival Trolls et Légendes. Organisé par l’association du même nom, cet événement festif se tiendra, sur 3 jours, du vendredi 7 au dimanche 9 avril.
Un programme 2023 très complet
A l’habitude, cet événement prendra les formes riches et variées qui lui ont fait amplement mériter ses lettre de noblesse en tant que festival médiéval fantastique. Concerts, salon du livre et de la BD, jeux de table et JDR grandeur nature, expositions, seront de la fête. Ses cérémonies des Trolls d’Or mais encore son pôle 7eme Art viendront s’y ajouter avec à la clé, conférences, rencontres mais aussi séances de dédicace, en présence d’acteurs de vos productions cinématographiques ou télévisuelles préférées.
Entre autres invités, l’acteur Guillaume Briat (Kaamelott, Asterix, etc) sera à nouveau présent, cette année. Quant au reste du programme, il sera avantageusement complété par quantité d’animations médiévales, ainsi qu’un grand marché artisanal sur le thème de la féérie et de l’imaginaire.
Animations médiévales & concerts
Entre ateliers, campements, déambulations musicales et festives ou encore contes et spectacles, les compagnies et artistes invitées pour cette édition 2023 de Trolls et Légendes feront naître, sous les yeux des festivaliers, des animations visuelles, humoristiques ou acoustiques étonnantes, pour permettre un plein de créativité et de fantaisie. Voici la liste des compagnies ou formations annoncées :
Be Larp – Jenlisisters – Erlendis – Et Encore – Folk Dandies – Holloenek Hungarcia – La Maisnie Hellequin – Les Fausses Celtiques – Les Menestrolls – Scurra Band – Skayrish – LinnHoff Jean – Yann Lejeune – Cie Les couloirs du Temps – La Tournerie – La manufactor – Cie Arteflammes
Pour la partie « concerts » du festival, tous les genres seront encore une fois représentés : du plus électro, au plus folk et celtique en passant par les accents plus métal ou même plus déjantés, l’inspiration médiévale sera à l’honneur. En tout, ce sont 13 concerts qui s’étaleront du vendredi au dimanche. Cette année, les joyeux drilles de Naheulband seront, également, de la partie. Voici la liste des groupes attendus pour ces grands concerts :
Krakin’ Kellys – Heidevolk – Tyr – Wind Rose – Skald – Paddy and the Rates – Saor Patrol – Nemuer – La Horde – Pyrates! – The Sidh – Magoyond – Naheulband.
Bénévolat et esprit de famille
Impulsé par une équipe de passionnés bénévoles et dans un bon esprit, le festival Trolls et légendes continue d’afficher comme objectif, non pas d’engranger des profits mais simplement d’atteindre un état d’équilibre budgétaire pour que le public en profite au maximum. Dans cette continuité, les organisateurs précisent aussi que l’ambiance se veut familiale et qu’à se titre de nombreuses animations sont aussi prévues pour les plus petits.
Sujet : musique, chanson, médiévale, vieux français, trouvère d’Arras, chant polyphonique, rondeau, amour courtois, langue d’oïl, courtoisie. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle. Auteur : Adam de la Halle (1235-1285) Titre :Amours et ma dame aussi Interprète : Ensemble Micrologus Album: Adam de la Halle : Le Jeu de Robin et Marion (2004)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons la découverte d’une nouvelle pièce du trouvère Adam de la Halle. Cet auteur compositeur prolifique du XIIIe siècle, nous a légué une œuvre abondante et variée qui a fait de lui, plus que « le dernier des trouvères » comme on l’a souvent appelé, un des premiers compositeurs en langue d’oïl de la France médiévale.
Un rondeau courtois à mains jointes
La chanson médiévale du jour a pour titre « Amours et ma dame aussi« . Il s’agit d’un rondeau polyphonique à 3 voix et donc d’une pièce courte. Dans le registre profane, elle nous offre un nouvel échantillon de la lyrique courtoisie du trouvère d’Arras.
Sur le fond, le contenu de ce rondeau reste simple et épuré. Le poète a aperçu la grande beauté d’une dame et son cœur en a été transpercé. Désormais, il est condamné à implorer cette dernière, mais aussi « Amour », autrement dit, le sentiment amoureux personnifié auquel les troubadours et les trouvères ne cessent de s’adresser directement. Que l’un ou l’autre veuillent bien lui accorder miséricorde et le délivrer de cet aiguillon ardent qui l’a enchaîné d’un seul regard, car si la belle n’accepte de lui céder, il lui faudra souffrir le martyre d’amant courtois : incapable de se soustraire à l’emprise de la dame, ce sera alors un bien funeste jour que celui où il aura découvert sa beauté.
Sources manuscrites médiévales
On pourra retrouver ce rondeau avec sa partition ancienne dans le manuscrit médiéval ms Français 25566. Cet ouvrage ancien mêle partitions, chansons et autres pièces littéraires des XIIe et XIIIe siècles. Il est également connu sous le nom de chansonnier W. Daté de la fin du XIIIe ou des débuts du XIVe siècle, il est originaire de la cité d’Arras qui a donné naissance, durant cette période du Moyen Âge central, à de nombreuses vocations artistiques.
L’œuvre d’Adam de la halle tient une place de choix dans ce manuscrit d’époque entre chansons, rondeaux, motets, mais encore pièces de théâtre. Avec plus de 280 feuillets, cet ouvrage enluminé et annoté musicalement permet aussi au trouvère d’Arras de côtoyer un grand nombre d’autres auteurs de cette période dont Jean Bodel, Richard de Fournival, Huon de Méri, Baudouin de Condé.
Une version de l’ensemble Micrologus
Pour l’interprétation en musique de la pièce du jour, nous avons penché pour la version de l’Ensemble Micrologus et sa belle orchestration.
Depuis sa fondation, dans le courant de l’année 1984, cette formation italienne dont la musicienne et chanteuse Patrizia Bovi est devenue l’une des figures emblématiques, s’est fait une spécialité des musiques du Moyen Âge. En privilégiant une approche ethnomusicologique, l’ensemble a produit pas moins de 36 albums, dont 26 collent au répertoire médiéval, pour une dizaine d’autres plus libres et expérimentaux. A l’occasion d’une carrière exceptionnelle qui fêtera bientôt ses 40 ans, le travail de Micrologus a été récompensé, à de nombreuses reprises, par des prix et mentions.
Adam de la Halle : Le Jeu de Robin et Marion, l’album
En 2004, l’ensemble médiéval faisait paraître un album sur les pas d’Adam de la Halle. Sous le titre Adam de la Halle : Le Jeu de Robin et Marion et sur près de soixante minutes d’écoute, on y trouvait un mélange de nombreuses pièces du trouvère.
En terme de sources manuscrites, le ms Français 25566 y tenait une bonne place, aux côtés du codex de Montpellier H196, du codex Bamberg (Staatsbibliothek Bamberg Msc Lit 115) ou même encore du manuscrit du Roy (le ms français 844). A sa sortie, ce bel album fut largement salué par la scène médiévale et les revues spécialisées dans les musiques anciennes. Près de 20 ans après sa sortie, on peut encore le trouver édité chez Harmonia Mundi, à la commande chez votre disquaire préféré ou en ligne au lien suivant.
Membres de Micrologus présents sur cet album
Patrizia Bovi (voix, harpe gothique, instruments à vent), Adolfo Broegg (luth, guiterne), Gabriele Russo (viole, cornemuse, instrument à vent), Leah Stuttard (harpe médiévale et gothique), Goffredo Degli Esposti (chalemie, percussions, flute traversière, instruments à vent), Sofia Laznik-Galves (voix), Olivier Marcaud (voix), Mauro Borgioni (voix), Simone Sorini (voix), François Lazarevic (cornemuse), Luigi Germini (trompette), Gabriele Miracle (percussions).
Amours et ma Dame aussi*, en langue d’oïl & en français actuel
Amours et ma Dame aussi, Jointes mains vous proi merchi. Votre grant biauté mar vi Amours et ma Dame aussi. Jointes mains vous proi merchi Se n’avés pité de mi Votres grant biautés mar vi Amours et ma Dame aussi, etc.
Amours et ma Dame aussi, J’implore votre grâce (miséricorde) à mains jointes Hélas, pour mon malheur (1), je vis votre grand beauté Amours et ma Dame aussi.
Je vous implore à mains jointes Si vous ne me prenez en pitié Hélas, pour mon malheur, je vis votre grand beauté Amours et ma Dame aussi, etc.
Notes
(1) mar : par malheur, mal à propos. On comprend bien la nature déguisée et la flatterie sous-jacente de la tournure.
* NB : ce rondeau est à rapprocher d’un autre rondeau très semblable d’Adam de la Halle. La parenté des deux pièces montrent bien la nature littéraire de l’exercice courtois :
A jointes mains vous proi, Douche dame, merchi. Liés sui quant (je) vous voi. A jointes mains vous proi,
Ayez merchi de moi Dame, je vous en pri. A jointes mains vous proi, Douche dame, merchi.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE Pour Moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes
Sujet : poésie médiévale, fable médiévale, vieux français, anglo-normand, auteur médiéval, ysopets, poésie morale, oïl. Période : XIIe siècle, Moyen Âge central. Titre : D’une Singesse et de son Enfant Auteur : Marie de France (1160-1210) Ouvrage : Poésies de Marie de France, T2, B de Roquefort (1820)
Bonjour à tous,
ntre la fin du XIIe siècle et le début du XIIIe siècle, Marie de France nous a légué une œuvre fournie, connue notamment pour ses lais et ses ysopets. Pour rédiger ces derniers, la poétesse médiévale s’est inspirée de fables antiques qu’elle dit avoir traduites en anglo-normand depuis un manuscrit anglais ayant appartenu au roi Alfred (848-899). Hélas ! Pour l’instant, ce manuscrit du haut Moyen Âge n’a jamais été retrouvé et certains médiévistes en sont même venus à mettre en doute son authenticité ou, à tout le moins sa datation.
Quoi qu’il en soit, on peut toujours se consoler avec l’œuvre de Marie de France qui, elle, s’est conservée et, aujourd’hui, nous vous invitons à découvrir une nouvelle fable de cette auteur(e) médiévale considérée, à ce jour, comme une des premières poétesses en langue d’oïl.
Défiance & discrétion dans un monde incertain
Dans la fable du jour, Marie de France mettra en scène une guenon et son enfant pour nous proposer une réflexion sur la discrétion et la vigilance à tenir au moment de vouloir rendre publique notre vie privée, comme nos pensées. D’une part, la guenon de sa fable passera pour « folle » à vouloir à tout prix gagner l’adhésion de tous sur des choses qui l’agréent et l’enthousiasment mais qui restent, finalement, très personnelles. D’autre part, selon la fabuliste médiévale, le monde est peu sûr et tant d’étalage pourrait bien finir par se retourner contre celle-là même qui s’y adonne.
Dans un premier temps, nous vous proposerons le fable et ses traductions. Nous étudierons ensuite ses sources anciennes et leurs variations.
Concernant les images utilisées pour illustrer cet article, celle d’en-tête comme l’enluminure dans l’illustration ci-dessous, sont des créations réalisées à partir de deux sources principales. Le paysage en arrière plan et le fond de l’enluminure proviennent du Livre de la Chasse de Gaston Febus. Ce manuscrit médiéval, daté du XIVe siècle, est conservé à la BnF sous la référence ms Français 616 ; il est consultable sur Gallica. Pour la guenon, l’ours et le lion, nous les avons extraits du Rochester Bestiary. Ce superbe manuscrit, daté des débuts du XIIIe siècle ( 1230), est actuellement conservé à la British Library sous la référence Royal MS 12 F XIII.
D’une Singesse et de son Enfant dans l’anglo-normand de Marie de France
Une Singesse aleit mustrant A tutes Bestes sun Enfant, Si l’en teneïent tuit pur fole E par sanlant é par parole ; Tant k’à un Liun le mustra. Au commencier li demanda Se il est biax : c’il li a dit Qu’ains plus leide beste ne vit ; Porter li reuve en sa meisun E si recort ceste rèsun. Chascun Houpix prise sa couwe Si s’esmerveille qu’el est souwe.
Cele s’en vait triste et dolente, Un Ors encuntre enmi lasente ; Li Ors s’estut, si l’esgarda Par cointise l’arèsonna. Voi-jeo,fet-il, illec l’Enfant Dunt les Bestes parolent tant, Qui tant parest pruz è gentilx ? Oïl, fet-ele, c’est mes filx. Baille le ça tant que jel’ bès, Qar gel’ wol véir de plus près Cele li baille et l’Ors le prent S’i l’a mengié hastiwement.
Moralité
Pur ce ne devriet nus mustrer Sa priveté ne sun penser ; Car tel cose puet-hum joïr Que ne fet mie à tus plaisir. Par descuvrance vient grand max N’est pas li siècles tuz loiax.
D’une guenon et son enfant adaptée en Français actuel
Une guenon allait montrant A toutes bêtes son enfant Celles-ci la prenaient pour folle Pour ses actes comme ses paroles. Elle le montra jusqu’à un lion A qui, d’emblée elle demanda, en exhibant son rejeton S’il était beau. Le lion lui dit Que jamais bête plus laide ne vit ; Qu’elle le ramène en sa maison, Et se souvienne de ce dicton : Tout renard admire sa queue Et la voyant se sent glorieux.
Celle-ci s’en fut triste et peinée, Puis, croise un ours sur le sentier ; L’ours s’arrête et la regarde Et lui dit d’un ton avisé (1) : « Ainsi voilà donc l’enfant Dont toutes et tous parlent tant Qui a l’air si preux et gentil. » « Oui, répond-elle, c’est mon fils. » Tends-le moi pour que je l’embrasse Car je veux le voir de plus près. Celle ci lui tend. L’ours le prend Et le dévore en un instant.
Moralité
Pour cela, on doit se garder D’étaler secrets & pensées (2); Car certaines choses peuvent réjouir Qui ne fassent à d’autres plaisir. En les exhibant, vient grand mal Ce siècle (les temps) n’est pas toujours loyal.
(1) Cointise : gentillesse, amabilité, affabilité, coquetterie mais aussi ruse, hardiesse. (2) « Sa priveté ne sun penser » : choses privées, intimité, pensées, opinions. Il semble que Marie de France ait voulu ici tout englober.
En remontant le fil de cette fable
On trouve diverses sources qui, une fois croisées, peuvent permettre de remonter le fil de cette fable de Marie de France. Ici, nous reviendrons à Esope, à Phèdre mais aussi à Avianus, pour ce qui est des sources les plus anciennes. Puis, nous verrons au passage quelques versions plus modernes de ces mêmes sources avec La Fontaine et Isaac de Benserade.
Les deux besaces, d’Esope à Phèdre
« Jadis Prométhée, ayant façonné les hommes, suspendit à leur cou deux sacs, l’un qui renferme les défauts d’autrui, l’autre, leurs propres défauts, et il plaça par devant le sac des défauts d’autrui, tandis qu’il suspendit l’autre par derrière. Il en est résulté que les hommes voient d’emblée les défauts d’autrui, mais n’aperçoivent pas les leurs. On peut appliquer cette fable au brouillon, qui, aveugle dans ses propres affaires, se mêle de celles qui ne le regardent aucunement.«
Les fables d’Esope, Emile Chambry, Ed Les belles Lettres (1927)
Longtemps après Esope (564 av. J-C), on retrouvera, à peu de chose près, la même fable chez Phèdre (14 av. J.-C-50 apr. J.-C) :
« Jupiter nous a fait porteurs de besaces ; il a rempli la poche de derrière de nos propres défauts, & a chargé celle de devant des défauts d’autrui. Delà vient que nous ne pouvons voir nos défauts, & que nous censurons les autres aussitôt qu’ils manquent (commettent une faute). »
Fables de Phèdre affranchi d’Auguste en Latin et en François, Ed Marc Michel Rey (1769)
La guenon et Jupiter, de Flavius Avianus
Les besaces des fables d’Esope et de Phèdre sont sans doute trop courtes et laconiques pour avoir inspiré Marie de France. En revanche, on trouvera d’évidente similitude entre la fable de cette dernière et celle de la Guenon et Jupiter du poète romain Flavius Avianus (IVe, Ve siècle avant notre ère). Lui-même s’est inspiré de ses prédécesseurs et on reconnaîtra, entre ses lignes, la paraboles des deux besaces du fabuliste grec ou de Phèdre même si elle est ici, largement remaniée et délayée.
« Jupiter voulut une fois connaître lequel de tous les êtres qui peuplent l’univers produisait les plus beaux rejetons. Toutes les espèces de bêtes sauvages accourent à l’envi aux pieds de sa grandeur, et celles des champs sont forcées de s’y rendre avec l’homme. Les poissons écailleux ne manquent point à ce grand débat, non plus que tous les oiseaux qui s’élèvent aux régions les plus pures de l’air. Au milieu de ce concours, les mères, tremblantes, conduisaient leurs petits, sur le mérite desquels devait prononcer un si grand dieu. Alors, à la vue d’une Guenon à la taille courte et massée qui tramait après elle son hideux enfant, Jupiter lui-même fut pris d’un fou rire. Cependant cette mère, la plus laide de toutes, essaya de dissiper les préventions dont sa progéniture était l’objet. Que Jupiter le sache bien, dit-elle : si la palme soit appartenir à quelqu’un, c’est à celui-ci qui l’emporte sur tous les autres, à mon avis. L’homme est ainsi fait : il se complaît dans ses œuvres, tout imparfaites qu’elles puissent être. Pour vous, ne louez rien de ce que vous avez fait avant d’être sûr déjà de l’approbation d’autrui. »
Les Fables d’Avianus par Jules Chenu Edition CLF Panckoucke (1843)
Les enfants de la guenon, d’Esope
Revenons chez Esope à nouveau pour mentionner une autre fable qui pourrait avoir fait partie des sources ayant inspiré Marie de France. Dans ce récit antique, il est encore question d’une Guenon. Cette fois-ci, ayant donné naissance à deux petits, cette dernière négligera totalement l’un deux et reportera tous ses soins sur l’autre, au risque de l’étouffer par amour et de le tuer involontairement. De son côté, celui qu’elle avait délaissé, deviendra grand et fort. Les guenons, dit-on, mettent au monde deux petits ; de ces deux enfants elles chérissent et nourrissent l’un avec sollicitude, quant à l’autre, elles le haïssent et le négligent. Or il arrive par une fatalité divine que le petit que sa mère soigne avec complaisance et serre avec force dans ses bras meurt étouffé par elle, et que celui qu’elle néglige arrive à une croissance parfaite. Cette fable montre que la fortune est plus puissante que toute notre prévoyance.
Fables d’Ésope, Émile Chambry, Les belles Lettres (1927)
Comme on le voit, dans cette fable, la morale d’Esope se dirige plus vers le sort contre lequel on ne peut rien. Elle n’a donc pas grand chose en commun avec la « Singesse » de Marie de France, si ce n’est l’amour que la primate porte à son rejeton et qui finira, dans les deux cas, par tuer ce dernier. Au passage, Avianus reprendra également cette fable à la suite d’Esope mais, chez lui, la négligence de la mère aura permis de fortifier celui qui a su grandir humblement et dans l’adversité : « Ainsi l’indifférence est parfois utile ; la chance tourne, et les plus humbles s’élèvent d’autant plus haut. » (op cité)
En faisant un grand bond dans le temps, par dessus le Moyen Âge, au XVIIe siècle, l’écrivain et dramaturge Isaac de Benserade tirera de cette même fable de la guenon et ses deux petits, un quatrain qui pourrait s’approcher, indirectement, des leçons que tire Marie de France dans sa fable :
« Embrassant ses petits le singe s’en défait Par une tendresse maudite. À force d’applaudir soi-même à ce qu’on fait L’on en étouffe le mérite.«
Fables d’Ésope en quatrains, Isaac de Benserade, Editions Sebastien Mabre-Cramoisy (1678).
Une fable « sociale » chez Marie de France
Près de 15 siècles après Esope et 5 siècles avant Benserade, on voit bien comment chez Marie de France, la leçon prend, au passage, une dimension plus sociale. Sa fable interpelle, en effet, le bavard ou le vantard autant que le monde autour de lui. Il ne s’agit plus seulement de la relation critique à autrui et du manque de recul. Chez la poétesse du XIIe siècle, « le siècle est devenu déloyal ». Autrement dit, les temps sont à la défiance : il y a danger à exposer ses secrets, ses pensées ou son intimité aux autres pour des raisons qui touchent au contexte social lui-même.
Certes, la guenon est marginalisée par la société des bêtes, pour son insistance à exhiber aux yeux de tous sa progéniture. Dans sa grande noblesse, le lion aura la bonté de ne pas tirer parti de la faiblesse de la primate. Il lui fera même ouvertement la leçon. Hélas pour elle, l’ours ne sera pas si clément, ni loyal. Pourtant, au sortir, Marie ne blâme pas tant la guenon pour son excès de confiance ou sa naïveté qu’elle ne nous alerte sur des temps devenus dangereux et un monde qui n’est plus bienveillant : mieux vaut voiler ses choses privées, ses pensées et user de méandres pour s’exprimer en public et c’est d’ailleurs ce qu’elle fait en utilisant le genre de la fable. L’usage de la métaphore animalière contient, en quelque sorte, un renforcement de son propos. En terme de moralité, nous nous sommes éloignés des fables des anciens.
La besace de Jean de La Fontaine
Longtemps après Marie de France, on retrouve chez La Fontaine, une fable du nom de La Besace qui reprend la même mise en scène que celle utilisée par Avianus.
Jupiter y convoque les animaux pour qu’ils s’expriment, chacun, sur leur propre forme et les défauts qu’ils se trouvent. Le singe passe en premier. Puis suivent l’ours, l’éléphant, la fourmi, la baleine, et tous se comparant aux autres se trouveront mieux formés. En terme de moralité, cette fable de La Fontaine renouera avec Esope en revenant à l’adage de « la poutre dans son propre œil contre la paille dans celui du voisin » :
Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes On se voit d’un autre œil qu’on ne voit son prochain. Le Fabricateur souverain Nous créa Besaciers (porteurs de besace) tous de même manière, Tant ceux du temps passé que du temps d’aujourd’hui Il fit pour nos défauts la poche de derrière, Et celle de devant pour les défauts d’autrui.
Fables de La Fontaine illustrées par Grandville, Livre premier, Ed Furne et Cie Libraire (1842)
Sur les inspirations de Marie de France
Bonne nouvelle ! Si le manuscrit du roi Alfred sur lequel Marie de France dit s’être appuyée n’a jamais été retrouvé, en 2020, Baptiste Laïd, agrégé en lettres classiques et expert en littérature médiévale, s’est attaqué au sujet des sources ayant pu inspirer la poétesse du Moyen Âge central. Il leur même a consacré sa thèse avant de la faire publier, en 2020, chez Honoré Champion. Vous pourrez la trouver en librairie sous le titre, L’élaboration du recueil de fables de Marie de France. Trover des fables au XIIe siècle. C’est un ouvrage que nous vous recommandons si vous voulez approcher de peu plus près ces questions. Il est également disponible en ligne ici.
Une pensée sur notre modernité
Sur une note plus actuelle, cette fable nous semble résonner de manière plutôt édifiante, notamment à l’heure des réseaux sociaux. Depuis l’avènement de ces derniers, il semble, en effet, qu’on ait assisté à une exposition toujours plus avancée de choses qui, naguère, relevaient encore du privé. L’évolution a été foudroyante. Elle ne s’est étalée que sur quelques années, deux décennies tout au plus, mais elle a touché en profondeur les frontières du privé et du public, avec des conséquences dont les gens ne sont pas toujours conscients et dont ils ont, quelquefois, fait les frais à leur dépens.
A ce propos, on pourra citer, par exemple, ce faux magicien (hollandais, je crois) qui, il y a quelques années, avait fait le buzz avec une expérience assez intéressante. Cette dernière consistait à faire entrer des gens sous une tente aménagée pour l’occasion et à les filmer. Après quelques « rituels » divinatoires » (simulés donc), il leur faisait des révélations très privées et personnels sur eux-mêmes qui les laissaient tous, sous le choc, et littéralement subjugués par son grand pouvoir.
L’effet durait jusqu’au moment où il leur confessait avoir trouvé toutes ces informations à leur égard, simplement en épluchant leur compte Facebook et leur profil sur les réseaux sociaux. N’étant en rien magicien, il faisait justement cela pour faire prendre conscience au public de ce qu’une fois pris dans le jeu des réseaux sociaux et du partage d’informations sur sa vie privée, on peut finir par divulguer de soi-même et sans s’en rendre compte, bien plus de choses que l’on a conscience.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.