
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle.
Auteur ; Colin Muset (1210-?)
Titre :  « Volez oïr la muse Muset ? »
Interprètes : Ensemble für frühe musik Augsburg
Album : Amours & Désirs, Lieder der Trouvères Christophorus Records (1993)
Bonjour à tous,


Ajoutons que pour autant qu’on puisse apprécier certaines interprétations lyriques (et elles sont légion) des pièces en provenance des troubadours et des trouvères du moyen-âge, ici, sous des accents qui pourraient sonner presque « folk », la voix franche et enjouée du chanteur/conteur semble finalement s’approcher au plus près de l’esprit du poète du XIIIe siècle. Pour un peu, on imaginerait les convives autour en train de rire et festoyer au son du trouvère et de son instrument. Tout y est retraduit : le rythme enlevé, l’orchestration minimaliste, mais aussi l’enthousiasme, la farce, la nature légère de la poésie de Colin Muset et cette version pleine d’énergie que nous partageons avec vous, aujourd’hui, demeure, de ce point de vue, une totale réussite et un véritable enchantement. Nous la devons à une formation allemande qui n’a plus fait parler d’elle depuis quelque temps déjà et que nous vous présenterons un peu plus bas : L’Ensemble für frühe musik Augsburg.
Colin Muset par l’Ensemble pour la musique ancienne d’Augsburg
L’Ensemble für frühe musik Augsburg

Des musiques profanes au religieuses, des chants d’Hildegarde de Bingen ou des pèlerins du moyen-âge central aux chansons des trouvères français ou des minnesängers allemands, la formation a 
Leur dernier album remonte à 1997, date à partir de laquelle il semble que la formation musicale médiévale n’ait plus rien produit. De son côté et en 1999, Hans Ganser a fondé l’Ensemble vocal Celsitonantes dédié aux chants grégoriens, aux chants sacrés médiévaux et aux premières compositions polyphoniques du moyen-âge.
Consulter le site web de l’ensemble (en allemand)
« Amours et désirs », une heureuse incursion dans le moyen-âge des trouvères
En 1993, l’Ensemble musical allemand décidait de s’attaquer, à son tour, aux chants des trouvères, du XIIe siècle aux débuts du XIIIe. L’album avait pour titre « Amours & Désirs. Lieder der Trouvères » (chansons de trouvères). Comme son titre l’indique, plus que d’amour courtois, il y était question de couvrir le thème de l’amour et du désir, mais aussi de refléter l’effervescence créatrice de cette période dont nous avons déjà parlé ici. C’est un moment où l’art des troubadours trouve un terrain favorable en Oil, sous la plume des poètes du nord que le transposent et l’adaptent. C’est encore le siècle de floraison des grandes universités.

« Volez oïr la muse  Muset ? »
dans la langue d’oil de Colin Muset
Là où la lyrique courtoise s’épanche plus souvent qu’à son tour du côté de la frustration, de l’attente et des désirs insatisfaits, Colin Muset nous entraîne ici dans la « réalisation ». Sur le fond pourtant, l’amour de référence dont il est question reste bien « courtois » et le trouvère s’y décrit, en tout cas, de manière conventionnelle, comme un amant loyal : « Je l’aim tant, De cuer loiaument ».

Le poète joue aussi de son sobriquet en faisant allusion à une composition qui lui est propre. Cette « muse » désigne ainsi une pièce de son cru, connue de l’époque et Colin Muset nous conte même ici l’histoire de cette chanson qui, nous dit-il, quand il la chanta à une demoiselle chère à son coeur, en un « vergier flori », lui permit de la séduire. En entendant les vers du trouvère, la demoiselle (« dancelle », « donzelle ») dont il est question lui aurait donc cédé bien volontiers et avec force baisers, mais aussi (et cela semble pour lui et comme toujours d’égale importance) en le régalant de « bons morceaux » et de vin à profusion. La poésie s’épanche ainsi en de joyeuses ripailles copieusement arrosées à la célébration de ce moment.
Volez oïr la muse Muset ? 
En mai fu fête, un matinet, 
En un vergier flori, verdet, 
Au point du jour,
Ou chantoient cil oiselet 
Par grant baudor,* (gaiété)
Et j’alai fere un chapelet* (couronne de fleurs)
En la verdor. 
Je le fis bel et cointe et net 
Et plain de flor. 
Une dancele* (demoiselle) 
Avenant et mult bêle,
Gente pucele, 
Bouchete riant, 
Qui me rapele : 
« Vien ça, si vïele
Ta muse en chantant 
Tant mignotement. »
J’alai a li el praelet* (prairie, petit pré) 
Atout la vïele et l’archet, 
Si li ai chanté le muset 
Par grant amour : 
« J’ai mis mon cuer en si bon cuer 
Espris d’amors… », 
Et quant je vi son chief blondet 
Et sa color 
Et son gent cors amoreusct 
Et si d’ator, 
Mon cuer sautele 
Pour la damoisele ; 
Mult renouvelé 
Ma joie souvent. 
Ele ot gounele 
De drap de Castele
Qui restencele. 
Douz Deus, je l’aim tant 
De cuer loiaument !
Quant j’oi devant li vïelé 
Pour avoir s’amour et son gré, 
Elle m’a bien guerredoné* (récompensé)
Soe merci, 
D’un besier a ma volenté, 
Deus ! que j’aim si ! 
Et autre chose m’a donné 
Com son ami, 
Que j ‘a voie tant desirré : 
Or m’est meri ! 
Plus sui en joie 
Que je ne soloie, 
Quant celé est moie 
Que je tant désir ; 
Je n’en prendroie 
N’avoir ne mounoie ; 
Pour riens que voie 
Ne m’en qier partir ; 
Ançois vueil morir.
Or a Colin Muset musé 
Et s’a a devise chanté 
Pour la bêle au vis* (visage) coloré, 
De cuer joli. 
Maint bon morsel li a doné 
Et départi 
Et de bon vin fort a son gré, 
Gel vous affi. 
Ensi a son siècle mené 
Jusques ici. 
Oncor* (encore) dognoie, 
En chantant maine joie, 
Mult se cointoie, 
Qu’Amors veut servir, 
Si a grant joie 
El vergier ou dognoie, 
Bien se conroie, 
Bon vin fet venir 
Trestout a loisir.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com.
A la découverte du Moyen-Age sous toutes ses formes.
(1) Les chansons de Colin Muset, par Joseph Bédier, Ed. Honoré Champion (1938)
		
ujourd’hui, nous revenons sur les trouvères du nord de la France, et notamment d’Arras, avec le célèbre Adam de la Halle et une de ses chansons d’amour courtois. C’est un rondeau polyphonique à trois voix, comme le poète et artiste médiéval en laissa un certain nombre (dix-sept).  Son interprétation nous entraîne du côté des Etats-Unis avec une formation du nom de Tenet,  originaire de New York, que nous aurons ainsi l’occasion de vous présenter.



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