Archives par mot-clé : passion

« Passion médiévistes » un podcast autour de l’histoire médiévale par ses étudiants

passion_histoire_medievale_medievistes_doctorant_podcast_moyen-ageSujet : histoire médiévale, médiévistes, jeunes chercheurs, passion, moyen-âge, Passion médiévistes.
Période : Moyen-âge  central à tardif
Auteur / réalisatriceFanny Cohen Moreau
Média : programme audio, podcast, audio.

Bonjour à tous,

Q_lettrine_moyen_age_passionuand une jeune journaliste du nom de Fanny Cohen Moreau, ayant par ailleurs étudié l’histoire médiévale à la Sorbonne, avec déjà un Master en poche, décide d’allier ses deux passions pour le Moyen-âge et pour l’investigation, cela donne un podcast du nom de Passion Médiévistes qui part à la rencontre d’étudiants et  jeunes chercheurs de cette discipline.

Un podcast spécial  sur le moyen-âge
par des doctorants et « masterants »

passion_medievistes_podcast_programme_audio_etudiants_histoire_medievale_moyen-ageQuand nous parlons d’étudiants, il s’agit là de doctorants ou de « masterants », autrement dit de jeunes chercheurs déjà bien avancés et spécialisés sur  leur  sujet.  L’idée de leur offrir une tribune pour exposer leurs travaux est excellente à plus d’un titre et il faut préciser que pour être animé par des invités, immergés dans des sujets assez pointus, ce programme reste résolument à portée de tous : curieux, amateurs éclairés ou spécialistes.

Comme toujours, quand on se penche avec un minimum de sérieux sur le moyen-âge, on finit toujours par déconstruire les nombreux préjugés qui subsistent encore à son égard et  Passion Médiévistes  est aussi l’occasion (salutaire!) de revenir sur un certain nombre d’entre eux.

Plus de 10 épisodes déjà enregistrés

Le Podcast présente un peu plus d’une dizaine d’épisodes sur des sujets aussi divers que les états d’Orient autour des croisades, le Roman de Renart, les dragons et leurs représentations médiévales, la reine Gerberge, les messagers de guerre et j’en passe. Trois autres épisodes sont déjà en préparation.

Pour en vous faire une première idée, nous partageons ici un des podcasts déjà disponible. Vous apprécierez la bande annonce de de l’émission qui donne le ton avec l’humour, en particulier l’échange issu du film « On connait la chanson » de Alain Resnais  devenu culte pour tous les doctorants de France en Histoire, Archéologie et autres disciplines. C’est un court dialogue entre  histoire_medievale_podcast_etudiants_doctorants_moyen-ageJean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui  sur la thèse de cette dernière, autour des chevaliers paysans de l’an mil et des fouilles lacustres du lac de Paladru, et, du même coup, un véritable clin d’œil à la solitude insondable des étudiants chercheurs; la précision inévitable de leur objet de recherche rend quelquefois difficile, il est vrai, le partage de leur passion auprès du plus grand nombre. Fort heureusement, grâce aux podcasts de Passion Médiévistes, cela ne devrait plus demeurer une fatalité.


Retrouvez tous les épisodes du Podcast passion Médiévistes ici ou encore sur   passionmedievistes.fr

En plus de la formule habituelle, vous pourrez également retrouver, sur cette chaîne Soundcloud, certains reportages « hors série » dont un premier partagé ici. Il a été effectué au  Musée de Cluny, à l’occasion de l’exposition :  « Le verre, un Moyen Âge inventif » (sept 2017 – début Janvier 2018).

Pour information, si vous êtes doctorants, étudiants en histoire ou médiévistes, Fanny cherche toujours des invités pour les épisodes à venir, aussi n’hésitez pas à la contacter sur le FB officiel du Podcast.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour Moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes

Le musée de la figurine historique de Droiturier, une plongée merveilleuse au coeur de l’histoire

passion_histoire_figurines_art_musee_chevalerie_bourbonnais_XIVe_siecle_moyen-ageSujet : musée, figurines historiques, artisans d’art, figurines d’art,  passionnés, passion. Histoire, reconstituteurs. lieu d’intérêt
Période : de l’antiquité à la première guerre mondiale, nombreuses pièces du moyen-âge central à tardif.
Lieu : Musée de la figurine, le Souffle de l’Histoire, centre historique du Bourbonnais.
Adresse :  Le Champ de la Garde, Droiturier,  Allier, Auvergne-Rhône-Alpes.

Bonjour à tous,

I_lettrine_moyen_age_passion copial y a bien des manières de vivre et partager une passion pour l’Histoire. En dehors des oeuvres littéraires, illustrées ou cinématographiques, des reconstitutions en 3D, ou même encore des compagnies et mesnies de reconstituteurs qui se piquent de recréer, grandeur nature, des batailles médiévales ou des tranches de vie quotidienne du moyen-âge, il existe aussi des espaces où l’artisanat et l’art, à travers  le modelage, la sculpture, la peinture et la reconstitution patiente, peuvent redonner vie aux personnages ou aux plus grands moments du passé et nous transporter, émerveillés, au coeur même de l’Histoire.

Nous avions déjà parlé ici du travail d’orfèvre de Pascale Laîné autour de ses maquettes médiévales et nous voulons aujourd’hui vous entraîner dans l’univers magique de deux autres artisans d’art :  Hervé et Marie Maneval, créateurs et conservateurs du Musée de la figurines historiques d’Art : « le souffle de l’Histoire », à Droiturier, dans l’Allier.

passion_histoire_figurines_art_musee_croisade_moyen_age_monde_medieval

Une collection de figurines d’art unique

D_lettrine_moyen_age_passionepuis 30 ans, ses deux artisans passionnés façonnent de leurs mains d’incroyables figurines historiques, reconstituées minutieusement, à l’appui de sources documentaires d’époque, et mises en scène dans des dioramas, au coeur d’événements qui ont fait l’Histoire de France. Il faut insister sur le fait que nous sommes ici dans le domaine tout à fait à part, de la figurine d’Art puisqu’en plus de faire l’objet de toutes les attentions, chaque pièce présentée est unique.   Du côté historique,  la période couverte va de l’antiquité à la première guerre mondiale mais le moyen-âge y trouve une large place : des croisades à la guerre de cent ans et au plus funeste jour de la bataille d’Azincourt, en passant par d’autres scènes épiques ou encore d’autres chevaliers célèbres du monde médiéval, en provenance du bourbonnais ou d’autres provinces.

passion_histoire_figurines_art_musee_croisade_templier_terre_sainte_moyen_age_monde_medieval

Du point de vue de sa taille, la structure s’étale sur trois salles et sur plus de 120 m2.  La figurine d’art ayant l’avantage d’occuper peu d’espace, vous trouverez là l’une des plus belles collections qui soit dans ce domaine.

En plus de la découverte de cette exposition totalement originale dans son entier, la visite vous permettra de  contempler près d’une centaine d’armes d’époque, mais encore des documents, tableaux  et livres anciens, des armoriaux  et d’autres raretés historiques uniques.

Vous y apprécierez également la qualité d’accueil et la passion autant que l’érudition de ses guides, auront tôt fait de vous transporter au coeur d’un grand  voyage à travers les siècles. Au passage, vous y trouverez aussi quelques éclairages sur la réalisation de ces petites merveilles artistiques qui se tiennent, avec l’Histoire, au centre de leur passion.

Ajoutons encore que si Marie est plus spécialisée dans la réalisation des oeuvres, Hervé Maneval est aussi, de son côté, un expert attaché à l’évaluation de pièces historiques et un découvreur de trésors cachés. A ce titre, il est même conseiller de plusieurs commissaires priseurs. Vous pouvez donc compter sur lui quand il s’agit de prendre l’Histoire au sérieux.

passion_histoire_figurines_art_musee_azincourt_1415_guerre_de_cent_ans_moyen_age_monde_medieval

Collections privées et travail à façon

En plus de la collection exposée au musée, ces deux artistes proposent encore la réalisation sur mesure de pièces à façon et sur commande: figurines,  personnages, dioramas et scènes historiques, passion_histoire_figurines_art_musee_baudouin_IV_montgisard_jerusalem_terre_sainte_croisades_saladin_XIIe_siecle_moyen-ageou même encore  tableaux, à destination de collectionneurs privées: grandes familles désireuses de faire revivre leurs prestigieux aïeux mais encore institutions ou monuments historiques soucieux de valoriser leur histoire et leur patrimoine, à travers les personnages ou événements qui les ont fondées, côtoyées ou marquées.

Pour plus d’informations sur le musée de la figurine historique d’art de Droiturier, voici les liens utiles : Site officielFacebookTwitter

 

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

Rose des Roses, la Cantiga de Santa Maria 10 avec Marina Lys, artiste et trobairitz passionnée

cantigas_santa_maria_10_rose_des_roses_culte_mariale_vierge_marie_moyen-ageSujet :  musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, Sainte-Marie, rose, littérature courtoise, chant médiéval chrétien.
Epoque : moyen-âge central, XIIIe siècle
Auteur :  Alphonse X  (1221-1284)
Titre :  Cantiga 10 rosas das rosas
Interprète : Marina Lys  (2015) 
Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous poursuivons ici notre présentation, adaptation et traduction des Cantigas de Santa Maria, qui nous viennent de l’Espagne médiévale du XIIIe siècle et du règne d’Alphonse X le Sage.

Aujourd’hui, c’est une des plus célèbres de ces cantigas que nous abordons : la dixième. Elle est, comme toutes les autres, en galaïco-cantigas_santa_maria_10_chant_culte_marial_medieval_litterature_galaico-portugaise_alphonse_X_moyen-age_cental_XIIIe  portugais, elle a pour titre « Rosa das Rosas » (rose d’entre les roses) et c’est une chant allégorique entre la rose, fleur des fleurs de l’occident médiéval et la Sainte vierge. Nous sommes donc à nouveau au coeur du culte marial si prégnant au moyen-âge central, et nous verrons en particulier ici comment cette place réservée à la sainte a pu hériter dans certains textes ou chants chrétiens d’alors, d’aspects  tout droit sortis de la littérature profane des XIIe, XIIIe siècles, et notamment de la lyrique courtoise des troubadours et de leur fin’amor (ou fine amor).

Pour parler de cette Cantiga, nous avons choisi une belle version de l’artiste, chanteuse et musicienne Marina Lys que cet article va aussi nous donner le grand plaisir de vous présenter.

La Cantiga Santa Maria 10 : Rosa das rosas par Marina Lys

Marina Lys, chanteuse, musicienne et belle égérie  sur la route des fêtes médiévales

F_lettrine_moyen_age_passion-copiaormée au conservatoire de musique d’Orly, Marina  Lys excelle autant dans le chant que dans les instruments à cordes ou à archet.

A ses premières passions pour la guitare, du registre Jazz manouche au classique,  son goût pour les musiques anciennes et médiévales l’a rapidement conduite à compléter sa formation pour y ajouter, sous la houlette d’artistes et professeurs reconnus dans ce domaine, le chant mais encore des instruments aussi variés que la vièle à archet, le luth, le luthare, le bouzouki irlandais, la flûte et même la harpe ou la harpe-lyre, à l’occasion.

marina_lys_musique_anciennes_compagnies_artiste_musicienne_fetes_animations_medievales_moyen-age

Le travail artistique de Marina évolue des chants chrétiens anciens aux envoûtantes mélopées séfarades du moyen-âge central, en passant par des registres plus variés et folkloriques (tziganes, celtiques ou nordiques) mais toujours inspirés par les musiques anciennes. Entre restitution historique, émotion et adaptations artistiques plus libres, elle déroule encore ses talents vocaux dans un répertoire qui couvre près de dix langues, de l’araméen, à l’hébreu, en passant par le latin, le serbe, le galaïco-portugais, le tzigane russe ou encore le suédois.

A la manière de bien des artistes, trouvères ou trobairitz des XIIe et XIIIe siècles, c’est, pour l’instant, de manière itinérante que Marina a décidé de faire partager sa passion pour les musiques anciennes, bien décidée à  les faire découvrir au plus large public. Aussi, c’est dans l’ambiance enjouée d’une belle fête médiévale, dans la fraîcheur  et l’atmosphère propice d’une église, ou encore dans un beau jardin,, au milieu d’un parterre jadys_marinas_lys_compagnies_animations_musiques_danses_inspirtations_medievalesde fleurs, que vous pourrez avoir le plaisir de la rencontrer et de découvrir son art.

Elle ne sera d’ailleurs pas toujours seule puisqu’elle a fondé en 2012 la troupe  musicale  « Jàdys » qui se dédie à un répertoire d’inspiration festif plus ouvert : musiques tzigano-médiévales et danses  et chants du monde, au programme. Trois ans après sa création, le travail artistique de la formation a d’ailleurs été salué par la Fédération Française des Fêtes et Spectacles Historiques et lui a valu d’être distinguée comme le meilleur groupe 2014-2015.

Voici de liens utiles pour plus d’informations sur son art et son actualité  : Facebook officiel Site web – FB de la compagnie Jàdys

deco_frise

Rosa das rosas, les  paroles de la Cantiga 10  et leur traduction en français moderne

Questa è di lode a Santa Maria, come è bella e buona e ha gran potere.

Cette Cantiga est une louange à Sainte-Marie, à sa beauté et sa bonté et à son grand pouvoir.

Rosa das rosas e Fror das frores,
Dona das donas, Sennor das sennores.

Rose d’entre les roses, fleur d’entre les fleurs
Dame d’entre les dames, reine d’entre les reines 

Rosa de beldad’ e de parecer
e Fror d’alegria e de prazer,
Dona en mui piadosa ser
Sennor en toller coitas e doores.
Rosa das rosas e Fror das frores,
Dona das donas, Sennor das sennores.

Rose de beauté et belle apparence
Et fleur de joie et de plaisir.
Dame de grande piété (miséricorde)
Reine pour ôter peines et douleurs
Rose d’entre les roses, fleur d’entre les fleurs
Dame d’entre les dames, reine d’entre les reines 

Atal Sennor dev’ ome muit’ amar,
que de todo mal o pode guardar;
e pode-ll’ os peccados perdõar,
que faz no mundo per maos sabores.
Rosa das rosas e Fror das frores,
Dona das donas, Sennor das sennores.

Telle seigneuresse* (reine) doit-on bien aimer
Qui de tout le mal nous peut préserver
Et peut pardonner pour tous les péchés
Qu’on fait dans le monde  par mauvais goût ( à mauvais escient)
Rose d’entre les roses, fleur d’entre les fleurs
Dame d’entre les dames, reine d’entre les reines

Devemo-la muit’ amar e servir,
ca punna de nos guardar de falir;
des i dos erros nos faz repentir,
que nos fazemos come pecadores.
Rosa das rosas e Fror das frores,
Dona das donas, Sennor das sennores.

Nous devons l’aimer (beaucoup) et bien la servir
Car elle peut nous garder des fautes
Et  nous faire repentir des erreurs
Que nous commettons, nous, pécheurs,
Rose d’entre les roses, fleur d’entre les fleurs
Dame d’entre les dames, reine d’entre les reines

Esta dona que tenno por Sennore
de que quero seer trobador,
se eu per ren poss’ aver seu amor,
dou ao demo os outros amores.
Rosa das rosas e Fror das frores,
Dona das donas, Sennor das sennores.

Cette dame là que je tiens pour reine
et dont je veux être le troubadour
Si je pouvais obtenir (gracieusement) son amour
Je laisserai au démon tous les autres amours
Rose d’entre les roses, fleur d’entre les fleurs
Dame d’entre les dames, reine d’entre les reines

deco_frise

Culte Marial et lyrique courtoise
Littérature profane, littérature religieuse

A_lettrine_moyen_age_passionvec cette Cantiga 10 et ses louanges à la Sainte-Vierge, nous nous situons dans le registre du grand chant « adapté » de la lyrique courtoise profane, appliqué au culte marial. Ici, le croyant s’assimile en effet lui-même au troubadour et les sentiments voués à la Sainte viennent pratiquement se calquer sur la lyrique courtoise, ou y être transposés. C’en est même au point que le poète se dit prêt à « jeter au diable »  toutes ses autres amours s’il gagnait l’amour de la Vierge.

A partir de son émergence à la fin du XIIe et dans le courant du siècle suivant, c’est une tendance que l’on retrouvera souvent dans le culte marial. Certains médiévistes feront même l’hypothèse que l’entrée de la lyrique courtoise au sein des chants liturgiques et de la littérature religieuse mariale a été une forme de réponse cantiga_de_santa_maria_10_rosa_das_rosas_culte_mariale_partition_musique_chanson_medievale_XIIIe_siecle« politique » pour, en quelque sorte, reprendre à son compte les éléments de la littérature profane, tout en proposant une alternative pieuse et acceptable à la Fin’amor, qui, par ses transgressions et ses formes assez clairement adultérines n’était pas tout à fait du goût de l’église.  Quelques auteurs parlent de calquage littéral, ou même de « registre parasite » de la littérature courtoise profane, d’autres médiévistes restent un peu plus nuancés et mettent l’accent sur une forme adaptée et recomposée. Sans non plus verser dans la naïveté, peut-être n’y a-t-il pas eu là que des volontés d’instrumentalisation, mais aussi, par moments, quelques élans sensibles  de la part des auteurs religieux qui, inspirés par certains éléments de la lyrique courtoise et par certaines de ses valeurs chevaleresques aussi, se mettent au diapason d’une société qui à travers sa littérature et son art, est en train de repenser le sentiment amoureux au coeur même de ses valeurs  (1).

Retrouvez l’index de toutes les Cantigas de Santa Maria traduites et commentées par nos soins, et présentées par les plus grands ensembles de musique médiévale.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.


(1) Hors de l’Espagne médiévale et des Cantigas de Santa Maria, on trouvera un exemple saisissant de ces questions de transposition de la lyrique courtoise au culte marial, dans l’oeuvre du trouvère et moine bénédictin Gautier de Coinci et on pourra valablement se reporter, comme point de départ, à un article publié en 2010  par Jean-Louis Benoit  dans la revue Le Moyen : « La dame courtoise et la littérature dans Les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci »

Tels rit au main qui au soir pleure, une complainte médiévale de Guillaume de Machaut

Guillaume-de-Machaut_trouvere_poete_medieval_moyen-age_passionSujet : musique médiévale, musique ancienne, chanson, complainte,  amour courtois. fortune.
Titre : Tels rit au main qui au soir pleure
Œuvre : le remède de Fortune.
Auteur Guillaume de Machaut (1300-1377)
Période : XIVe siècle, Moyen Âge tardif
Interprète : Ensemble Project Ars Nova
Album : Machaut : remède de Fortune (1994)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous retournons aujourd’hui au Moyen Âge tardif et à l’Ars Nova avec une complainte du grand maître de musique du XIVe siècle, Guillaume de Machaut.

La pièce «  Tels rit au main qui au soir pleure » est  tirée du Remède de fortune du Manuscrit ancien FR 1586, pièce d’amour courtois dans laquelle le compositeur nous conte la quête et les revers d’un poète pour conquérir la cœur de sa dame. Dans le cas du chant présent, il emprunte l’image de la roue de la fortune (la médiévale, bien sûr, pas la télévisuelle) pour décrire ses déboires amoureux. Amertume d’un sort qui frappe de manière inéluctable, sans qu’on sache comment, ni qu’on s’y attende vraiment, la roue tourne comme dans le chant « O fortuna » écrit un peu plus d’un siècle avant cette complainte de Guillaume Machaut et qui sert d’introduction à la Carmina Burana de Carl Orff,

Nous sommes pourtant bien dans la même conception de ce sort, cette « fortune » changeante, qui abaisse ou élève dans un mouvement sans fin et contre lequel l’homme ne peut rien, qu’il soit empereur, pape,  roi ou simple poète et amoureux transi :

O fortuna, extrait des chants de Benediktbeuern (Carmina Burana) 

 Sors immanis
et inanis,
rota tu volubilis,
statu malus,
vana salus,
semper dissolubilis
obumbrata
et velata
michi quoque niteris;
nunc per ludum
dorsum nudum
fero tui sceleris.
 Sort monstrueux
Et informe,
Toi la roue changeante,
Une mauvaise situation,
Une prospérité illusoire,
Fane toujours,
Dissimulée
Et voilée
Tu t’en prends aussi à moi
Maintenant par jeu,
Et j’offre mon dos nu
A tes intentions scélérates.

Tels rit au main qui au soir pleure par l’ensemble Project Ars Nova

L’ensemble Project Ars Nova : la passion des musiques médiévales des XIVe, XVe siècles

Fondé aux début des années 80, au sein même de l’école suisse Schola Cantorum Basiliensis  pour la recherche et pour les musiques anciennes dont nous avons déjà dit un mot ici (voir article sur l’Ensemble Syntagma), l’Ensemble Project Ars Nova ou plus laconiquement l’Ensemble PAN  réunissait  principalement de jeunes passionnés de musiques médiévales originaires des Etats-Unis.

Composé au départ de trois artistes,  Laurie Monahan (chant mezzo-soprano), Michael Collver (chant, vièle à roue, cornet) et Crawford Young (luth), il fut bientôt rejoint par deux artistes supplémentaires: Shira Kammen  (vièle, instruments à cordes et ensemble_pan_project_ars_nova_musique_poesie_medievale_guillaume_machaut_moyen-age_XIVe_sieclearchet, ) et John Fleagle (chant ténor et harpe médiévale).

De 1985 à 1991, l’ensemble produisit  huit albums autour de sa période musicale de prédilection et du répertoire médiéval de  l’Ars Nova.  Il fut actif jusqu’un peu avant les années 2000, date à laquelle on perd sa trace. A ce qu’il semble, ils ne se produisent donc plus en scène ou en studio et s’ils le font peut-être à quelques rares occasions, il n’existe, en tout cas, pour l’instant, aucun site web ou page facebook officielle pour le relayer.

Itinéraires artistiques

Du côté des itinéraires respectifs des cinq membres de l’ensemble, Laurie Monahan a co-fondé avec deux autres artistes, en 1995 et à Boston l’ensemble vocal Tapestry. Ce dernier, largement salué depuis par la critique, propose un répertoire qui mêle musiques médiévales et compositions traditionnelles avec des pièces plus contemporaines. Crawford Young, désormais reconnu comme un grand expert du Luth de la période du XVe siècle et devenu par ailleurs, dans le cours de années 80, enseignant à la  Schola Cantorum Basiliensis, a une part active dans un autre ensemble médiéval qu’il a crée en Suisse et dirige depuis 84 : L‘Ensemble Ferrara, 

Michael_Collver_musique_poesie_medievale_complainte_guillaume_machaut_remede_fortune_moyen-ageQuant à Michael Collver  qui prête sa voix  de contre-ténor à la pièce du jour, après des contributions variées dans de nombreux ensembles, dont le Boston camerata, et des albums qu’il a pu diriger dans le courant des années 2010, il est également toujours présent, à la fois sur le terrain vocal et instrumental. On le retrouve notamment, encore tout récemment dans la formation Blue Heron, de Boston.

L’artiste John Fleagle,  décédé en 1999, a laissé derrière lui un album salué par la critique et ayant pour titre World’s Bliss : Medieval Songs of Love and Death, réalisé en collaboration avec Shira Kammen. Quant à cette dernière, elle a participé, depuis son histoire commune avec le Project Ars Nova, à près de vingt albums et joué avec de nombreux ensembles de musique ancienne. Du point de vue de son actualité, on peut la retrouver aux côtés du newberry consort pour des concerts autour de la tradition séfardie.

Comme on le voit, à la triste exception de John Fleagle et pour des raisons de fait, plus que de cœur, la passion pour les musiques anciennes et médiévales n’a pas déserté les artistes de l’ensemble PAN et chacun continue de la faire vivre à sa manière, à travers son travail.

Remède de Fortune, l’album

Pour revenir à la pièce du jour, elle est tirée d’un album sorti en 94 et dédié entièrement au Remède de Fortune de Guillaume de Machaut. C’est une version épurée musicalement, et il faut avouer que l’interprétation vocale de Michael Collver, associé au son de la musique_medievale_ensemble_PAN_project_ars_nova_guillaume_de_machaut_remede_de_fortune_moyen-age_XIVevièle à roue est totalement  envoûtant.

Cet album est encore disponible à la vente en ligne en format CD ou en format MP3 dématérialisé, au lien suivant : Le Remède De Fortune par l’Ensemble Project Ars Nova.

Tels rit au main qui au soir pleure,
la complainte de Guillaume de Machaut

Tels rit au main qui au soir pleure
Et tels cuide qu’Amours labeure
Pour son bien, qu’elle li court seure
Et ma l’atourne;
Et tels cuide que joie aqueure
Pour li aidier, qu’elle demeure.
Car Fortune tout ce deveure,
Quant elle tourne,
Qui n’atent mie qu’il adjourne
Pour tourner; qu’elle ne sejourne,
Eins tourne, retourne et bestourne,
Tant qu’au desseur
Mest celui qui gist mas en l’ourne;
Le sormonté au bas retourne,
Et le plus joieus mat et mourne
Fait en po d’eure.

Car elle n’est ferme n’estable,
Juste, loyal, ne veritable;
Quant on la cuide charitable,
Elle est avere,
Dure, diverse, espouentable,
Traitre, poignant, decevable;
Et quant on la cuide amiable,
Lors est amere.
Car ja soit ce qu’amie appere,
Douce com miel, vraie com mere,
La pointure d’une vipere
Qu’est incurable
En riens a li ne se compere,
Car elle traïroit son pere
Et mettroit d’onneur en misere
Deraisonnable.

Fortune est par dessus les drois;
Ses estatus fait et ses lois
Seur empereurs, papes et rois,
Que nuls debat
N’i porroit mettre de ces trois
Tant fus fiers, orguilleus ou rois,
Car Fortune tous leurs desrois Freint et abat.
Bien est voirs qu’elle se debat
Pour eaus avancier, et combat,
Et leur preste honneur et estat
Ne sai quens mois.
Mais partout ou elle s’embat,
De ses gieus telement s’esbat
Qu’en veinquant dit: « Eschac et mat »
De fiere vois.

Einsi m’a fait, ce m’est avis,
Fortune que ci vous devis.
Car je soloie estre assevis
De toute joie,
Or m’a d’un seul tour si bas mis
Qu’en grief plour est mué mon ris,
Et que tous li biens est remis
Qu’avoir soloie.
Car la bele ou mes cuers s’ottroie,
Que tant aim que plus ne porroie,
Maintenant vëoir n’oseroie
En mi le vis.
Et se desir tant que la voie
Que mes dolens cuers s’en desvoie,
Pour ce ne say que faire doie,
Tant sui despris.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.