Archives par mot-clé : légendes arthuriennes

Estampie et danse médiévale du XIVe et un mot sur Tristan et Yseult

musique_danse_medieval_tristan_iseut_yseut_yseult_estampie_litterature_moyen-ageSujet : musique, danse médiévale, estampie, Tristan et Yseut, littérature médiévale, amour courtois.
Période : XIIIe siècle, moyen-âge central
Auteur : anonyme
Manuscrit ancien :  Add MS 29987
Interprète : Jordi Savall, Hespèrion XXI
Titre:  Lamento di Tristano e rotta
Album : « Orient – Occident »
Editeur : Alia Vox (2006)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous vous proposons un peu de musique en provenance des XIIIe, XIVe et de l’Italie aujourd’hui, en compagnie de l’excellente formation Hespèrion XXI et son talentueux directeur Jordi SAVALL.

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Tirée de l’album Orient-Occident dont nous avons déjà parlé ici, cette « complainte » de Tristan, ayant pour titre original italien « Lamento di Tristano e rotta » est une Estampie (Istampitta) anonyme provenant du manuscrit ancien de Londres, référencé Add musique_danse_medievale_tristan_Yseut_Iseut_complainte_estampie_manuscrit_ancien_Add_MS_29987MS 29987 et dont nous avons déjà parlé ici. Si vous vous en souvenez l’ouvrage date du XVe et contient principalement des pièces et des danses médiévales en provenance de Toscane et de l’Italie du XIIe et XIVe siècles.

Si vous souhaitez consulter ce manuscrit ancien, il est disponible en ligne au lien suivant : Add MS 29987 – Manuscrit de Londres

La complainte de Tristan par Hespèrion XXI

Jordi Savall et Hespèrion XXI

Pour y revenir souvent ici, nous ne présentons plus Hespérion XXI et Jordi Savall, ces « musiciens-chercheurs » passionnés en quête  de la restitution la plus fidèle qui soit de l’univers musical du moyen-âge, de la renaissance, et même encore plus largement du répertoire des musiques anciennes ou classiques.
La patience d’orfèvres, le talent de virtuoses, de longues recherches immergées dans les partitions d’époques, chansonniers, manuscrits du roy et autres précieux codex, nous leur devons de nombreux concerts dans toute l’Europe et, à ce jour, ils ont déjà produits plus de cents albums de haute qualité. Tous sont disponibles sur leur site Alia Vox et vous pouvez également vous abonner à leur chaîne youtube officielle pour les suivre de plus près.

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Le roman de Tristan & Yseut :
oeuvre médiévale  majeure

« Belle amie, si est de nous : ni vous sans moi, ni moi sans vous. »
Tristan – Le roman de Tristan et Yseut

Pièce littéraire majeure de l’amour Courtois, l’histoire de Tristan et Yseut (Iseut ou encore Iseult) dont les premiers écrits remontent au XIIe siècle a fortement marqué le moyen-âge et sa littérature de son empreinte, autant qu’il a encensé les premières formes d’un amour qui allait connaître de longues heures de gloire et de noblesse: l’amour courtois. Concernant cet aspect, et même si les déboires des deux amants seront citée souvent par les poètes chantant l’amour courtois, leur passion dans le récit, à l’image de celle de Héloïse et Abelard finira pourtant par sortir du modèle de l’amour impossible et jamais consommé pour devenir transgressif, et partant transgresser aussi les valeurs de l’amour courtois, autant d’ailleurs que les valeurs chevaleresques. Tout n’est donc pas aussi simple.

Même si l’on a quelquefois glosé sur de plus lointaines origines de cette histoire, les historiens s’entendent, dans l’ensemble sur le fait, que les premières versions connues et datées de ce récit proviennent d’un poème narratif français du XIIe siècle dont la source se serait perdue, mais qui aurait inspirée l’auteur normand Béroul. (voir Le premier roman de Tristan – article persée).

"Le philtre d’amour”. Enluminure (1470) Manuscrit de Gautier de Map, Tiré du “Livre de Messire Lancelot du Lac” de Gautier de Map, Ms. français 112, fol. 239, BnF
« Le philtre d’amour”. Enluminure (1470) Manuscrit de Gautier de Map, Tiré du “Livre de Messire Lancelot du Lac” de Gautier de Map, Ms. français 112, fol. 239, BnF

A l’image du corpus des légendes arthuriennes, maintes fois reprises et ré-écrites par de nombreux auteurs (le normand Béroul, Eilhart Von Oberg, Thomas d’Angleterre, Marie de France, etc…) l’histoire du  chevalier héroïque condamné à un amour impossible avec celle qui deviendra la reine a fasciné bien des esprits dans le courant du moyen-âge central, et au delà, depuis huit siècles. Certains auteurs lui feront d’ailleurs croiser le mythe arthurien en faisant de Tristan un chevalier du roi Arthur et de la table ronde, ce litterature_poesie_medievale_tristan_yseut_amour_courtois_aventure_moyen-age_centralqu’il n’est pas dans la première version.

( Ci-contre enluminure du début du XVe siècle. Le roi Marc épie les deux amants),  Manuscrit français 97, BnF )

Magie et philtres d’amour, dragons et géants belliqueux, actes héroïques, intrigues et rebondissements, tous les ingrédients d’une grande aventure s’y trouvent, mais c’est aussi et surtout le récit d’un l’amour impossible qui, devenu charnel et passionné, conduira les deux amants à braver tous les interdits, jusqu’à défier l’autorité du Roi et toutes les règles sociales, pour finir par les dévorer dans les flammes de la passion et ne les unir que dans la mort. On fera de l’histoire de Tristan et Yseut pas moins que le premier roman d’amour français et certains auteurs le décriront même comme l’archétype de tous les romans d’amour qui lui succéderont par la suite dans la littérature.

Comme toute oeuvre devenue mythique, avec le temps, cette pièce médiévale a inspiré de nombreuses artistes et sous bien des formes: peinture, littérature, danse, théâtre et musique, et ce, dès les premiers temps de sa rédaction et pour longtemps encore après lui. La pièce d’aujourd’hui en témoigne.

En vous souhaitant une bonne écoute et une très belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Kaamelott: épisode audio clin d’oeil, Perceval et les échecs

kaamelott_alexandre_astier_legende_medievale_roi_arthur_moyen_age_passionSujet:  Kaamelott, roi Arthur, Perceval, maître d’armes, légendes arthuriennes, Graal, jeux d’échec, humour, humour médiéval, hommage, Auteur:  Alexandre Astier
Période: haut moyen-âge, moyen-âge central
Série télévisée : Kaamelott, M6
Média : lecture audio, épisode hommage

Bonjour à tous,

e vent Kaamelott continue de souffler de notre côté et de nous inspirer quelques nouvelles âneries, sans doute du fait de l’impatience d’avoir à se mettre sous la dent le premier volet de la trilogie sur grand écran. La concernant, pour l’instant, pas de nouvelles fraîches à l’horizon, mais comme plusieurs informations datant de l’année dernière étaient venues confirmer un tournage autour du début d’année 2017, nous formons l’espoir que tout se déroule au mieux et suivant les souhaits les plus chers du très créatif et talentueux Alexandre Astier, alias notre bon roi Arthur dans la série télévisée.

kaamelott_serie_culte_alexandre_astier_perceval_maitres_armes_video_humour_hommage

En attendant le long métrage donc et pour prolonger un peu la compagnie des personnages d’anthologie qu’il a créés pour notre plus grand plaisir, nous empruntons, le temps de quelques minutes leurs chausses et leurs guêtres, en mettant en audio, l’épisode dont nous avions l’autre jour posté le script: Perceval et les échecs.

Le traité est un peu à la façon de François Pérusse et ses « deux minutes du peuple », pour ceux qui s’en souviennent, ou encore à la Naheulbeuk pour ceux qui ne se souviennent pas que l’auteur de cette dernière série s’était aussi inspiré du premier. Encore une fois, ce n’est qu’un clin d’oeil et si vous ne connaissez pas la série Kaamelott, je ne peux que vous conseiller d’acquérir d’urgence les DVD’s, et au moins le livre 1 pour la découvrir.

Voilà donc l’épisode audio, en espérant que vous y retrouverez vos billes, si vous êtes fans de la série!

Perceval et les échecs. Episode Audio

Perceval  dans les légendes arthuriennes :
de la candeur au parcours initiatique

perceval_kaamelott_alexandre_astier_legendes_arthuriennes_medieval« Faut faire comme avec les scorpions qui se suicident quand ils sont entourés par le feu, faut faire un feu en forme de cercle, autour d’eux, comme ça ils se suicident, pendant que nous on fait le tour et on lance de la caillasse de l’autre côté pour brouiller… Non ? »
Perceval (Franck Pitiot), Kaamelott – Alexandre Astier

Dans le Roman de Graal de Chrétien de Troyes, Perceval est clairement un candide. Surprotégé par sa mère qui l’a tenu loin du maniement des armes, de peur qu’il ne connaisse le même destin que son frère et son père, chevaliers tous deux morts au combat, il ne sait rien de la chose militaire, ni des valeurs chevaleresques, avant de croiser un groupe de chevaliers dans la forêt. Cela donne l’occasion d’une scène mémorable dans laquelle l’auteur médiéval nous le présente dans toute son innocence. En voici un court extrait traduit, pris dans les premières lignes:

« Les compagnons s’arrêtent et le maître va vers le garçon à grande allure. Il le salue. Il le rassure :
– Garçon, n’aie donc pas peur !
– Je n’ai pas peur, dit le garçon, par le Sauveur en qui je crois! Etes-vous Dieu?
– Non, certes!
– Alors, qui êtes-vous donc?
– Un chevalier.
– Chevalier ? Je ne connais personne ainsi nommé ! Jamais je n’en ai vu. Mais vous êtes plus beau que Dieu.. Vous ressembler je le voudrais, tout brillant et fait comme vous ! »
Perceval le Gallois ou le roman de Graal – Chrétien de Troyes

Pour autant qu’il soit ingénu et même rustre, Perceval deviendra un personnage hautement héroïque de la légende Arthurienne et tirera son épingle du jeu. Il y a sans doute, derrière tout cela, l’idée que la noblesse de coeur et la destinée percent toujours là où elles le doivent. Et peut-être encore, dans l’innocence et l’ingénuité que Perceval personnifie fait-on l’éloge d’une forme de pureté qui, seule, peut permettre, de trouver le Graal.

Chez  Chrétien de Troyes et dans l’aventure de son Perceval, il y a encore l’invitation à un parcours initiatique qui est aussi l’occasion de disséquer les valeurs de la chevalerie, de la courtoisie et de l’Amour. Pour gagner sa place auprès du roi, autant que dans la société, l’innocent et jeune chevalier devra, en effet, perceval_kaamelott_chretien_de_troyes_roman_de_graal_legendes_arthuriennes_graal_enluminures_moyen-age faire  l’apprentissage d’un monde qui n’est pas le sien en intégrant ses valeurs, pour mieux les dépasser ensuite.

(Perceval  le Gallois de Chrétien de Troyes, enluminure du XIVe (1330 Manuscrit MS 12577, Bnf)

Pour autant qu’il soit candide, notre héros arthurien est aussi un être qui accepte sa destinée en s’ouvrant à ce processus de maturation. Est-ce parce qu’il est vide comme une coupe, prêt à accueillir les valeurs réelles qui animent le chevalier véritable en quête du Graal, qu’il y réussit mieux que tous? Sans doute. Comme dans tout parcours initiatique, le chemin parcouru compte au moins autant que le résultat et la finalité. Il y a, dans cette quête à la recherche de soi, du monde et de la transcendance, la présence nécessaire d’une innocence qui n’est plus tout à fait la candeur originelle mais qui pourtant, une fois cette dernière perdue à la faveur des valeurs apprises et des épreuves, sert de fil conducteur au dépassement de soi.

Le Perceval d’Alexandre Astier

Le Perceval d’Alexandre Astier dans Kaamelott réussit à allier inculture et conscience cosmique, candeur et poésie,  incompétence et loyauté sans faille, et même encore des mots même de son créateur « naïveté et intelligence » et cette relecture de la légende le place, sans aucun doute, dans la parfaite continuité de cette dernière, étant entendu qu’il prend aussi, au passage, la marque de son auteur. D’ailleurs, il ne fait aucun doute qu’il possède un destin et on lui connait mêmes des actes héroïques. Concernant ce personnage épique, il faut rendre tribut encore ici à la parfaite incarnation de Franck Pitiot (ici en photo) qui franck_pitiot_acteur_talent_perceval_kaamelott_alexandre_astierl’incarne admirablement bien à l’écran.

Nous l’avons sûrement déjà dit ici, mais il ne coûte rien de le répéter, même si tous ceux qui prennent l’humour au sérieux le savent déjà. Kaamelott est une oeuvre qui peut paraître légère dans ses formes pourtant, contre vents et marées et même si elle le fait toujours avec modestie et respect, elle s’inscrit sans aucune fausse note et avec brio dans le corpus des légendes arthuriennes. D’ailleurs, et c’est un véritable exercice de virtuosité auquel se livre son auteur, le ton change quand c’est nécessaire et ne sacrifie jamais à l’Histoire.

Au passage, si le sujet vous intéresse, je vous recommande aussi cet article sur la popularité médiévale des héros arthuriens.

En vous souhaitant une merveilleuse journée.
Longue vie!

Fred
Pour moyenagepassion.com
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus  Ier s. av. J.-C.

Kaamelott en alexandrin: la colère de Merlin

kaamelott_alexandre_astier_legende_medievale_roi_arthur_moyen_age_passionSujet :  Kaamelott, La légende du Roi Arthur et des chevaliers de la Table Ronde, humour, clin d’oeil, alexandrin.
Période : haut  moyen-âge, médiéval fantastique
Format : série télévisée « culte »
Auteur/ Réalisateur : Alexandre Astier
Date de sortie : de 2005  à  2010
Production : CALT & Alexandre Astier
Diffusion : Série télévisée. M6

Bonjour à tous,

B_lettrine_moyen_age_passionon c’est le week end, alors un peu de détente et un peu de « poésie », façon Kaamelott. Bon, attention, le langage est argotique, alors âmes sensibles s’abstenir.

Suite à un commentaire sympathique sur le titre et sur le fait que l’Alexandrin obéit à des règles que j’ai ici, il est vrai, allègrement transgressées, je me sens obligé de faire tout de même faire un erratum. Disons qu’en fait d’Alexandrin, il s’agit plus ici d’une farce à pieds, la plupart du temps dodécasyllabiques et, sans aucune autre prétention que celle d’amuser. Il se peut donc que vous comptiez en quelque endroit, un peu plus de douze pieds, si c’est le cas,  je fais cadeau de bonne grâce de tous ceux qui dépassent à la postérité, en m’en excusant déjà. Vous noterez encore, sans doute, que les césures et les règles propres à l’Alexandrin n’y sont pas respectées. Voilà pour l’Erratum et merci au commentaire fort pertinent qui m’a permis, ici,  de rétablir les choses.

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Merlin l’enchanteur (Jacques Chambon), revisité par la plume aiguisée d’Alexandre Astier (Kaamelott série culte)

Pour le reste et sur le fond de cette farce, elle suppose bien évidemment de connaître  un peu la série télévisée culte Kaamelott puisque le canevas est calqué sur les personnages d’Alexandre Astier. Vous pourrez trouver un digest sur la série Kaamelott ici et sinon, encore mieux, les DVD’s de la légende du roi Arthur revisitée par l’auteur et sa troupe sont dans toutes les bonnes boutiques.

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Elias de Kelliwic’h (Bruno Fontaine), enchanteur de la série Kaamelott d’Alexandre Astier

On conte que Merlin, un jour, mal tourné,
S’en fut pour voir Elias, enchanteur renommé.
« Ca commence à bien faire vos âneries » lui dit-il,
Le roi m’prend pour une truffe, voire même pour un débile.
Depuis que vous êtes dans le coin, y a plus rien qui va droit!
Vous m’avez j’té un sort ou un machin comme ça ?
J’vous préviens vaut mieux l’dire, plutôt que d’le cacher
J’finirai par l’savoir, parce qu’ici tout se sait. »

Elias a levé l’nez, en toisant l’vieux barbu :
« Moi, vous jetez un sort, à vous, vieux malotru?
Non désolé, mais là, vous vous trompez d’crémerie,
Moi quand on parle turbin, j’fais jamais rien d’gratuit.
J’aurais bien fait l’effort si c’était jour de fêtes
D’vous changer en morue ou même, tiens, en schtroumphette,
Mais j’vous préfère nature, car finalement dans l’fond,
Vous n’avez pas b’soin d’moi pour passer pour un thon. »

Merlin devint pivoine en entendant ses mots,
« Là vous l’aurez voulu, espèce de tête de veau! »,
Sortit de sous sa robe, un parchemin roulé.
Il y allait avoir du grain, ça sentait la raclée!
« SORT DE FOUDRE! » il a fait, en déroulant le papier,
« J’vais vous griller sur place, espèce de gougnafier »
« Alors ça vient ou quoi? » Elias il a demandé,
Vous le lancez votre truc ou il faut vous aider? »
« Non mais c’est bon, en fait, qu’il lui a fait Merlin
« J’me suis gouré d’pap’lard, c’est la r’cette d’un gratin… »

Une belle journée à tous.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

La table ronde, le tombeau d’Arthur et l’influence des légendes arthuriennes sur le moyen-âge central

excalibur_legendes_arthuriennes_conference_histoire_medieval_litterature_moyen-age_michel_pastoureauSujet : légendes arthuriennes, popularité médiévale, légende, influence médiévale des héros arthuriens, roi Arthur, table ronde, chevaliers, tombeau, littérature médiévale, reliques,
Période : moyen-âge central, haut moyen-âge
Auteurs : corpus, du XIIe à nos jours.
Sources: Britannia, Université de Rochester (the Camelot projet).

Bonjour à tous

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour ceux d’entre vous qui s’en souviennent, nous avions posté, il y a quelque temps ici, une conférence de Michel Pastoureau sur la popularité médiévale de la légende du Roi Arthur, notamment à travers l’étude des prénoms en usage durant le moyen-âge central. L’article d’aujourd’hui nous donne l’occasion de prolonger ces réflexions dans une autre direction et nous partons, cette fois, de l’autre côté de la Manche, pour y découvrir des objets historiques et des reliques, témoins de l’intérêt suscité par l’histoire de l’illustre roi de Bretagne, durant les siècles qui ont vu naître sa légende et les suivants.

La table ronde de Winchester

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Dans le grand hall du château de Winchester en Angleterre se tient, depuis près de six cents ans, une table ronde peinte qui mentionne les noms des chevaliers de la célèbre légende. Elle est en bois de chêne massif et dans sa forme originale, elle reposait sur douze pieds. Du point de vue de ses dimensions, elle mesure 5,5 legendes_arthur_roi_chevalier_table_ronde_relique_moyen-age_centralmètres de diamètre et pèse plus d’un tonne. Les dernières datations effectuées sur l’objet, dans le milieu des années soixante-dix, font remonter sa création, au début du règne d’Edouard 1er, soit dans le dernier tiers du XIIIe siècle: carbone 14 à l’appui, l’objet daterait précisément de 1270 et aurait été peint (ou repeint) autour du début du XVIe siècle, en 1522.

Si cette table ronde n’est pas contemporaine de la légende du roi Arthur qui se déroule au VIe siècle, elle reste indéniablement d’une grande valeur historique. Durant le moyen-âge central, parmi les grands personnages « mythiques » ou même ceux ayant vécu réellement mais étant devenues légendaires après coup, les figures de Charlemagne ou de Roland, côtoient celles du grand roi breton et de ses preux chevaliers en quête d’élévation dans la noblesse des valeurs comme dans la spiritualité et cet objet apporte encore la preuve de ce intérêt. Comme les légendes arthuriennes  ont circulé entre la France et l’Angleterre, du fait de l’origine de ses auteurs, anglais, gallois ou français, ses héros ont, sans conteste, imprimé leur marque des deux côtés de la manche, même si c’est sans doute plus Charlemagne qui remportera l’adhésion du côté des souverains français. Les deux héros ont, en tout cas, en commun d’être de grands fédérateurs qui ont su unifier leurs terres et tous deux ont edouard_1er_angleterre_legende_arthurienne_chevaliers_table_ronde_tournois_monde_medieval_moyen-age_centralencore hérité d’une ferveur chrétienne toute médiévale. Concernant cette dernière et pour ce qui est du Roi Arthur, des auteurs comme Chrétien de Troyes ou Robert de Boron s’emploieront encore à la renforcer.

(Portrait de Edouard 1er d’Angleterre, Anonyme, XIIIe siècle, Westminster)

En Angleterre, le roi Edouard 1er s’était, dit-on, pris d’un vif intérêt pour la légende du roi Arthur et l’on suppose que cette table a pu être utilisée lors de tournois organisés par lui, au début de son règne. Jouait-on alors à incarner Lancelot, Yvain, Gauvain ou Perceval? L’histoire n’en a, semble-t-il, pas gardé la trace. C’est, en tout cas, ce même roi Edouard 1er qui assista à l’ouverture du tombeau supposé d’Arthur et de Guenièvre sur les vestiges actuels de l’abbaye de Glastonbury, tombeau dont il est intéressant de dire un mot ici.

Le Tombeau du Roi Arthur et de Guenièvre

Le site originel de la tombe supposée d'Arthur à Glastonbury
Le site originel de la tombe supposée d’Arthur à Glastonbury

Tandis que les reliques de Charlemagne occupent les esprits en France et même au delà, en Europe, notamment du côté des Saints Empereurs de l’Empire Germanique, on découvre qu’en Angleterre, celles du bon roi Arthur suscite un vif legende_arthur_table_ronde_tombeau_moyen-age_central_popularite_medievale_mythe_arthurienintérêt. A ce titre, l’histoire de ce tombeau est assez édifiante. Il aurait, en effet, contenu un cercueil dans lequel on retrouva, à la fin du XIIe siècle, des ossements supposés être les restes d’Arthur et de Guenièvre, avec même une mèche de cheveux blonds tressés, ainsi qu’une croix de plomb arborant l’inscription suivante en latin: Hic iacet sepultus inclitus rex arturius: « Ci-gît enterré le renommé roi Arthur ». On rapporte encore que le cercueil se trouvait entouré, de part et d’autre, de deux pyramides sur lesquelles étaient gravées des lettres dont l’usure du temps autant que le style « barbare » avaient rendu impossible le déchiffrage. Suivant un autre récit d’époque, « Les chroniques de l’abbaye de Margam (1200-1299), il y aurait eu, non pas un seul, mais trois cercueils: celui du roi Arthur, celui de Guenièvre et plus surprenant encore, celui de Mordred, le neveu d’Arthur.

L’histoire de cette tombe d’Arthur vaut son pesant de deniers puisqu’on la doit à des moines, ceux de l’abbaye de Glastonbury qui, en 1190, annoncèrent, avec émotion, au roi Henri II d’Angleterre, leur étonnante découverte. Ils affirmèrent, en effet, avoir trouvé le tombeau après avoir été frappés de rêves et de visions leur en indiquant l’endroit. Nous sommes alors à peine soixante ans après que  Geoffrey de Monmouth ait écrit son Historia regum Britanniae et jeté les bases qui feront vraiment référence pour les récits autour du roi Arthur. A l’évidence la légende a alors déjà fait un peu son chemin. On dit, en effet, qu’une fois la nouvelle répandue, on vint de tous les coins du pays pour voir la tombe et qu’on fit également de nombreux dons à l’abbaye. Cela tombait à point nommé, puisqu’il semble que celle-ci traversait alors  les pires croix_tombeau_arthur_legende_chevalier_table_ronde_influence_moyen-age_centraldifficultés financières.

Faut-il voir une relation de cause à effet entre les coffres vides de l’abbaye et la découverte? Les moines n’en étaient, semble-t-il, pas à leur première tentative de « buzz » à la sauce médiévale puisqu’ils avaient déjà déclaré en 1184, avoir retrouvé les restes de Saint Patrick, sans parvenir à en convaincre quiconque. Ceci ne les avaient pourtant pas freiné puisque quelque temps après, ils récidivaient, en clamant avoir, cette fois, retrouvés ceux de Saint-Dunstan, sans pour autant rencontrer, là encore, plus de succès. Il fallait bien un roi Arthur pour venir à leur secours, fut-il mort, et le fait que cela fonctionna prouve au moins le crédit et la foi que l’on prêtait déjà à la légende.

Comme l’indique le panneau informatif que l’on peut trouver sur place, les restes furent déplacés en 1278 en présence du roi Edouard 1er dans une tombe de marbre noir sur le même site.

Quoiqu’il en soit, concernant la découverte du possible tombeau d’Arthur, si l’on semble bien s’entendre aujourd’hui du côté des experts pour affirmer que le bon roi n’a pas été enterré à Glastonbury mais qu’il s’agissait plutôt d’une invention des moines, les  recherches continuent et animent bien des débats passionnés. Encore récemment un historien anglais spécialiste du sujet, du nom de Graham Phillips affirme avoir trouvé le véritable emplacement après des années de recherche sur la question. La tombe serait dans le West Midlands et aux dernières nouvelles (courant 2016) il attendait les autorisations pour pouvoir y mener des fouilles.

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.