Sujet : château-fort, lieu d’intérêt, reconstitution 3D, vidéo, architecture médiévale, Guillaume le Conquérant, monument historique, patrimoine anglais. Période : Moyen-âge central (XIe siècle) Lieu : Château de Corfe (Dorset, île de Purbeck, Angleterre)
Bonjour à tous,
oilà quelque temps que nous n’avions pas publié un article sur un édifice et château-fort médiéval, et c’est un reconstitution très réussie à l’aide de technologies de pointe en matière de 3D qui nous en fournit aujourd’hui l’occasion.
Cette fois, il s’agit d’un château anglais, celui de Corfe. Situé dans le Dorset sur la péninsule de Purbeck, à la pointe sud de l’Angleterre, avant son occupation normande, le site et sa belle élévation auraient été occupés par des saxons. On prête la construction de cet édifice défensif à Guillaume le Conquérant, dans le courant du XIe siècle. Il est d’ailleurs considéré comme un des plus anciens châteaux fort anglais de cette époque à avoir été construit, dès le départ et partiellement, en pierre et non en terre et en bois comme de nombreuses autres châteaux à mottes ou mottes castrales de cette période.
Par la suite, le château de Corfe est demeurée forteresse royale anglaise jusqu’au milieu du XVIe siècle et plus précisément en 1572, date à laquelle il fut cédé par la couronne au lord chancelier Christopher Hatton, pour changer à nouveau de main jusqu’à l’aube de la révolution anglaise. Durant les XIIe et XIIIe siècles, ce beau château-fort connut un certain nombre d’aménagements par ses différents monarques successifs. dont la construction de son donjon, l’aménagement de sa cour intérieure et encore diverses autres opérations de restauration ou de renforcement sur ses ouvrages défensifs. Au début du XIIIe siècle, il servit encore de prison royale, de garde du trésor et même d’entrepôt militaire, c’est dire si l’on comptait alors sur la fiabilité de son architecture défensive.
Plus tard, dans le courant du XVIIe siècle, il fut un des derniers bastions des partisans de la royauté et du roi Charles 1er et fut assiégé par les Parliamentarians puritainsfarouches défenseurs du parlement anglais contre la couronne. Ils finirent d’ailleurs par faire tomber le château et ordonnèrent qu’il soit démantelé. Il le fut pratiquement complètement. De fait, aujourd’hui d’un édifice témoin du moyen-âge central, il est devenu également un des symboles encore débout de la révolution anglaise.
Comme nombre d’autres monuments historiques du patrimoine anglais, le château de Corfe est actuellement géré par le National Trust qui y organise les visites et finance le maintien de ses vestiges.
Les technologies 3D au service
de l’architecture médiévale et de l’Histoire
Pour en revenir à la vidéo qui accompagne cet article, bien qu’assez courte, elle permet bien de se représenter l’édifice tel qu’il se présentait encore dans le courant du XVe siècle. D’un grand réalisme et d’une très belle qualité d’intégration (sur le site réel), elle démontre bien tout l’intérêt et l’apport des technologies 3D pour approcher de manière réaliste l’architecture médiévale. Ajoutons encore qu’elle a été réalisée dans le cadre d’un projet de fin d’études par l’infographiste Ciprian Selegean, alors étudiant en animation digitale et 3D de l’université de Porthmouth. Le moteur de modélisation utilisé ici était le très puissant software Maya d’Autodesk.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE
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Sujet : beau livre, photographies, livre d’Art, légendes arthuriennes, forêt de Brocéliande, littérature médiévale, roman arthurien, Période : Haut moyen-âge, moyen-âge central. Lieu : Forêt de Brocéliande Ouvrage : « Brocéliande entre rêve et réalité »
Auteurs : Philippe Manguin et Vivian Fedieu Daniel
Bonjour à tous,
‘article d’aujourd’hui nous emmène au coeur des légendes arthuriennes, mais cette fois, du côté de la Bretagne continentale, dans la forêt mythique et profonde de Brocéliande. Nous y suivons les pas de deux amoureux de l’endroit qui n’ont de cesse, depuis des années, d’en traquer la magie et les lumières et viennent tout juste d’éditer un très beau livre d’art et de photographies sur le sujet. Et comme on ne se refait pas, tout en émaillant cet article de quelques belles photos empruntées, avec leur aimable autorisation, à leur ouvrage et pour vous en donner le goût, nous en profitons également, dans un second temps, pour remonter le fil de Brocéliande et de son apparition dans le roman arthurien.
Brocéliande , entre rêve et réalité
Un beau livre d’Art sur la forêt mythique
Installés au coeur de Brocéliande, Philippe Manguin et Viviane FedieuDaniel, tous deux fascinés par la mythique forêt bretonne, ont donc eu l’excellente idée d’éditer un beau livre pour nous en faire partager les beautés et les mystères. Il a pour titre Brocéliande, entre rêve et réalité, les photographies sont réalisées par Philippe Manguin et servies par les textes de Viviane Fedieu Daniel. Le propos n’est pas, ici de retracer l’histoire de Brocéliande mais plutôt d’y suivre le fil d’une balade émerveillée au coeur de ses lieux et à travers ses saisons.
Au delà des amateurs de beaux livres et de photographies, il ne pourra que ravir les férus de légendes arthuriennes et bretonnes, et les amoureux de ce beau lieu magique qu’est la forêt de Brocéliande. Et pour ce qui est de la nature légendaire de cette dernière, sans même parler de son histoire néolithique, de ses impressionnants menhirs, ou de certains autres de ses vestiges celtiques, nous voulons revenir ici, à son entrée et sa présence, devenue presque incontournable, dans les célèbres légendes du cycle arthurien.
Et toi Brocéliande, Sous ton lourd manteau d’hiver, Rêves-tu d’Arthur?
Brocéliande et le roman arthurien :
huit siècles de légende
Le poéte normand Wace et le roman de Rou
C’est au trouvère anglo-normand Wace (1100-1175) que l’on doit d’avoir mentionné pour la première fois la forêt de Brocéliande (Bréchéliant) et même la célèbre fontaine de Barendon, dans son roman de Rou. Contrairement à son roman de Brut, l’ouvrage ne s’intéresse pas tant à la matière de la Bretagne outre-manche qu’à l’histoire du duché de Normandie depuis Rollon (Rou ou Rol), mais Wace nous y apprend tout de même qu’avant même d’être investie par les légendes arthuriennes, la forêt de Brocéliande semblait déjà considérée comme un haut lieu de contes et de mystères, loué par les bretons, autant que ses chevaliers étaient renommés :
« … e cil devers Brecheliant donc Breton vont sovent fablant, une forest mult longue e lee qui en Bretaigne est mult loee.
La fontaine de Berenton sort d’une part lez le perron ; aler i solent veneor a Berenton par grant chalor, e a lor cors l’eve espuiser e le perron desus moillier ; por ço soleient pluie aveir. » Wace – Le roman de Rou
Comme l’indique le même extrait, Wace est donc aussi un des premiers à mentionner les prodiges de la fontaine de Barendon. Plus loin, il nous dit même s’être rendu en personne à Brocéliande, pour y débusquer ses « merveilles », et peut-être aussi pour avérer les croyances qui voulaient qu’en répandant quelques gouttes de la fontaine miraculeuse sur le sol, on pouvait déclencher la pluie et les orages, en période de grande sécheresse. N’était-il pas assez savant, méritant ou versé dans le druidisme pour la trouver ou pour y parvenir, l’histoire ne le dit pas, mais en tout cas et de son propre aveu (joliment tourné), il échoua totalement dans son entreprise :
« La allai je merveilles querre* (chercher) Vis la forêt, et vis la terre, Merveilles quis*, mais ne trovai, (*je cherchai) Fol m’en revins, fol y allai, Foll y allai, fol m’en revins, Folie quis, por fol me tins » Wace – Le roman de Rou
Brocéliande et Chrétien de Troyes :
Yvain et le chevalier au Lion,
près cette première entrée écrite et connue de Brocéliande dans la littérature des contes et légendes de la Bretagne continentale, Chrétien de Troyes mentionnera, à son tour, la forêt (devenue cette fois Brocheliande) dans son roman arthurien Yvain et le chevalier au lion, même s’il ne la situera pas tout à fait au même endroit queWace, mais plutôt outre-manche. C’est donc Yvain le narrateur ici:
Et trouvai un chemin a destre, Parmi une forest espesse. Mout y ot voie felenesse, De ronses et d’espines plaine. A quel ahan et a quel paine Tout* chele voie et chel sentier! A bien pres tout le jour entier M’en alai chevauchant ainsi Tant que de la forest issi, Et che fu en Brocheliande. De la forest en une lande Entrai et vi une breteche A demie lieue galesche; Yvain ou le chevalier au lion, Chrétien de Troyes
Et pour ce qui est de la fontaine de Barendon, Chrétien de Troyes lui fera également une belle place, sans en donner le nom. C’est à l’évidence la même que celle décrite par Wace.Elle en a, en tout cas, les propriétés merveilleuses et légendaires,et sous la plume de son auteur, Yvain aura même largement plus de réussite que Wace a en faire surgir les merveilles :
Puis erra dusque a la fontaine, Si vit quanques il vaut veoir. Sans arrester et sans seoir, Versa seur le perron de plain De l’yaue le bachin tout plain. De maintenant venta et plut Et fist tel temps que faire dut. Et quant Dix redonna le bel, Sor le pin vinrent li oysel Et firent joie merveillouse Seur la fontaine perillouse. Yvain ou le chevalier au lion, Chrétien de Troyes
Dans le courant des XIIe et XIIIe siècles, d’autres auteurs ou trouvères mentionneront encore Brocéliande. Pour n’en citer que deux de plus, Robert de Boron lui attachera le personnage de Merlin et elle gagnera même l’Occitanie dans le roman de Jaufré qui en fera aussi un lieu à part entière des légendes arthuriennes. Elle sera, dès lors et pour longtemps, définitivement entrée dans le roman arthurien.
Au XVe siècle, quelques maisons de seigneurs bretons de son voisinage revendiqueront même leur appartenance directe à la lignée d’Arthur. Le légendaire roi breton sera alors devenu à l’image de Charlemagne, ce héros qui inspire et dont on se réclame du côté de la Bretagne armoricaine et continentale et la forêt de Brocéliance, partie intégrante de cet héritage. Le pouvoir de fascination de cette dernière ne s’arrêtera d’ailleurs pas au moyen-âge, ni aux légendes du roi Arthur, puisqu’elle inspirera de nombreux autres romans contemporains qui la prendront encore pour cadre.
Pour revenir au livre du jour et ses belles photographies dont cet article a pu vous donner une idée – même si l’objet livre est quelque chose que l’on touche, que l’on sent et que l’on manipule, a fortiori quand c’est un livre d’Art – puisque Noel approche et avec lui, le temps des petites attentions et des beaux livres, peut-être céderez-vous à la tentation de suivre les pas inspirés de ses deux auteurs Philippe Manguin et de Viviane Fedieu à la découverte des lumières de cette belle forêt de légendes et de leur bel ouvrage: Brocéliande, entre rêve et réalité.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : littérature, poésie médiévale, fine amor, amour courtois, histoire, définition, contexte d’émergence, hypothèses. Période : moyen-âge central (XIIe et XIIIe siècles) Média : émission de radio, France Culture Titre : la fabrique de l’Histoire, l’amour courtois (2016) par Emmanuel Laurentin Intervenants : Michel Zink, Didier Lett, Damien Boquet.
Bonjour à tous,
‘où vient la notion d’Amour Courtois ? En dehors de son « invention » au XIXe siècle par Gaston Paris, que recouvre-t-elle de réalités médiévales et quelles furent les conditions de son émergence ? Voilà autant de questions que France Culture se proposait d’adresser en mars 2016 dans le cadre de son programme la Fabrique de l’Histoire, en invitant à sa table trois éminents universitaires et spécialistes d’histoire et de littérature médiévale : Michel Zink, professeur au Collège de France (Chaire de Littératures de la France médiévale), Didier Lett (professeur d’histoire médiévale à l’université de Paris 7) et Damien Boquet (maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille I).
NB ; ce n’est pas à proprement parler une conférence mais comme il s’agit d’un échange assez ouvert et informatif sur la question, nous indexons aussi cet article sous cette catégorie.
L’amour courtois, invention originale
du monde médiéval et occidental chrétien
Né dans le contexte d’une réforme grégorienne qui affirme plus que jamais le mariage comme institution et définit aussi clairement les lignes entre prêtres et laïques en faisant injonction formelle à ses derniers de demeurer célibataires, faut-il y voir là une relation de cause à effet ou constater plus prudemment avec Michel Zink que cette poésie qui met au centre cette fin amor ou cet amour courtois n’émergera, en effet, qu’au sein du moyen-âge occidental chrétien et lui sera propre.
Au vue du contexte dogmatique et clérical des XIIe et XIIIe siècles, on pourra alors sans doute mieux comprendre ce sentiment amoureux ou cette définition d’une « nouvelle forme » d’amour (littéraire), qui se cherche entre l’interdiction du passage à l’acte (hors mariage pour l’homme, adultérin pour la femme) et l’assouvissement symbolique d’un désir interdit, condamné d’avance à ne jamais se poser sur son objet :
« … C’est une poésie (celle de l’amour courtois) qui essaye d’intégrer à la vision chrétienne de l’amour cet amour relevant de l’Eros, mais qui dépasse largement le simple désir charnel et qui essaye de le récupérer… » Michel Zink – Extrait La Fabrique de l’Histoire
Ce serait donc aussi ce même « Amour » avec un grand A qui se tient au centre du christianisme, celui de Dieu, celui des uns et des autres qu’on cherche aussi à décliner, dusse-t-on le tirer du côté charnel et émotionnel, tout en ménageant les conditions pour transcender ces deux dimensions matérielles et le rendre, finalement, spirituel ?
En dehors de cette idée de l’exaltation, cette Delectatio Morosa qui lui sert de pendant ou d’argument (ce plaisir venu de l’attente et de la non satisfaction du désir qui excite et agite l’imagination), cette fine amor (fin’amor) et son désir jamais assouvi (quand la dame est sage ou que l’on respecte les interdits,) se transforme si souvent en souffrance et en complainte – celle de l’attente, celle de la distance infranchissable physique ou symbolique, celle du rejet, celle de la frustration pesante du non passage à l’acte, cet état où l’on n’en finit pas de se mourir d’amour – qu’on pourrait se demander s’il ne ménage pas encore une forme de « pénitence » qui ne serait, après tout, pas totalement étrangère au christianisme.
Pourtant, s’il est si chrétien, dans son essence, cet amour courtois, pourquoi se pose-t-il si souvent sur la dame du seigneur et de l’homme de pouvoir, et de fait aussi la femme déjà mariée ?
Faut-il voir là une forme de valorisation symbolique de l’adultère, et une sorte de « poésie résistante » ou plutôt ne pas perdre de vue que cet amour courtois naît aussi, au sein des méandres et des jeux de pouvoir de la féodalité. N’y aurait-il pas, encore ici, une forme de report ou d’extension symbolique de la relation de soumission, forte et codée du seigneur à ses vassaux ou ses sujets, vers ses proches ? En d’autres termes, faut-il aimer ou louer la dame de son maître comme on est supposé l’aimer et le louer lui et lui être fidèle ? Peut-être, à condition de ne pas déraper trop loin sur le terrain glissant des analyses de genre et de la théorie des « affects », en invoquant un peu hâtivement la grille commode de la psychanalyse moderne pour la calquer sur l’époque.
Et puisque nous n’en sommes plus à une question près, si je voulais ici semer une autre hypothèse, sans doute plus terre à terre et en tout cas plus micro-sociologique, au risque de me faire tirer l’oreille pour son manque cuisant de romantisme. Sans prétendre épuiser le sujet mais pour offrir un autre angle : au delà du simple attrait et de la séduction qu’inspire la femme du seigneur, et par contagion quelquefois sa sœur, sa cousine, bref encore la gente féminine alliée au pouvoir et souvent de condition supérieure à celui qui la convoite, pourrait-il y avoir, là aussi, quelques niches secondaires, pour paraphraser Erving Goffman dans Asiles, ou, pour le dire plus trivialement, quelques avantages indirects à retirer (économiques, politiques, jeux d’influences ou supplément de soupe, etc…) quand on est poète ou petit noble, en cherchant à devenir, à tout prix, le favori de la dame, au risque de se perdre dans ce jeu littéraire d’un désir à jamais inassouvi, ou même de se faire chasser de la cour par le seigneur en cas de dépassement des bornes ?
Bref, pour en revenir à l’émission du jour, si elle ne répond pas à toutes les questions, elle a le mérite d’en soulever un certain nombre en donnant trois approches assez différentes de cet amour courtois, qui peuvent se rejoindre par endroits (quoique) : une qui se centre sur l’analyse des genres et les lignes de démarcation entre les sexes, l’autre un peu plus axée sur la fine amor comme une forme de réponse littéraire, « anticléricale » ou « résistante » dans le cadre de la réforme grégorienne, et la troisième, sans doute un peu moins sociale ou psychologique et, de fait, plus prudente et moins spéculative aussi, basée sur une analyse qui se situe plus au niveau littéraire et au cœur des textes.
En vous souhaitant une bonne écoute et une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
PS ; vous aurez certainement reconnu, tout au long de cet article, des miniatures (quelque peu retouchées par nos soins) du Codex Manesse, célèbre manuscrit ancien allemand, contenant près de 700 chansons d’amour courtois.
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, pèlerinages médiévaux. Epoque : Moyen Âge central, XIIIe siècle. Auteur : Alphonse X de Castille (1221-1284) Titre : Maravillosos e piadosos , cantiga 139 Interprète : Guy Robert et l’Ensemble Perceval
Album : L’art Du Luth au moyen-âge (1980 )
Bonjour à tous,
n route pour la grande Espagne médiévale du XIIIe siècle, celle de la cour d’Alphonse le Sage et l’incontournable héritage musical et poétique qu’il nous a laissé avec les célèbres Cantigas de Santa Maria.
Il s’agit, cette fois, d’une version instrumentale plutôt enlevée et aux accents, par instants, presque byzantins de la Cantiga 139, arrangée et interprétée avec brio par le luthiste Guy Robert et l’ensemble Perceval (dont le musicien était, par ailleurs, le directeur et le co-fondateur).
La Cantiga Santa Maria 139 par Guy Robert et l’Ensemble Perceval
Guy Robert, l’Ensemble Perceval
et l’art du luth au Moyen Âge
On se souvient que l’Ensemble Perceval se forma à la faveur du film d’Eric RohmerPerceval le Gallois. Guy Robert en assuma alors la direction musicale et artistique et décida, par la suite, de poursuivre sur cette lancée sa riche exploration du répertoire des musiques médiévales avec une partie de l’équipe (comédiens et musiciens) que le film avait permis de constituer. Le travail artistique engagé depuis lors se poursuivit avec une partie de l’équipe originelle, pour donner naissance aux Productions Perceval dont nous avons déjà parlé ici.
La pièce musicale que nous partageons aujourd’hui est extraite d’un album sorti en 1980, chez Arion. Tout entier dédié à l’art du Luth au Moyen Âge et gravitant autour de la virtuosité instrumentale de Guy Robert, l’album présentait onze pièces musicales : estampies italiennes et même anglaises, virelais, ballades, motets et encore cantiga. Avec, entre autres sources, le Manuscrit de Montpellier, le Chansonnier du Roy ou le Codex Faenza, l’ensemble médiéval y revisitait au Luth ou à la guitare sarrasine, les musiques de l’Europe médiévale des XIIIe et XIVe siècles. On pouvait encore y trouver une version du virelai Douce Dame Jolie de Guillaume de Machaut.
Sorti originellement en vinyle, l’album fut réédité, plus tard dans le temps, au format CD pour le plus grand plaisir des amateurs de Luth tout autant que de danses et de musiques médiévales. On le trouve toujours disponible à la vente en ligne, sous un format dématérialisé. En voici le lien si vous êtes intéressés : L’Art du Luth au Moyen-âge (format MP3).
La Cantiga Santa Maria 139 : miracles de Sainte-Marie et culte marial médiéval
Même si la version du jour est instrumentale, nous présentons tout de même ici les paroles de cette Cantiga en vous fournissant quelques clés de compréhension. Nous aurons, sans doute, dans le futur l’occasion d’en poster une version vocale et nous prenons ainsi un peu d’avance.
Intitulé Maravillosos e piadosos, autrement dit Merveilleux et pieux, la cantiga 139 loue, une fois de plus, la vierge et ses miracles. La pièce est scandée tout du long par un refrain qu’on peut traduire ainsi:
« Merveilleux, plein de piété et très beaux, sont les miracles que tu fais, Sainte-Marie qui nous guide à la perfection de nuit comme de jour et nous apporte la paix. »
Un enfant généreux sauvé par le christ
Il est donc ici question d’un miracle survenu en Flandres, nous dit le poète. Une femme avait apporté à la vierge et en son église, son petit enfant pour que la Sainte le prenne sous sa garde et le protège du malheur.
Dans un élan spontané, l’enfant offrira alors le pain qu’il tenait à la main à l’image du Christ (la statue) en lui demandant s’il avait faim. La vierge s’adressera alors au Christ qui, à son tour, répondra directement à l’enfant, à haute voix : « Tu mangeras demain avec moi au ciel, et quand tu m’auras vu tu resteras toujours avec moi et tu entendras comment chaque saint chante, car je chante et défais le mal ».
Ainsi, l’enfant mourra et sera accueilli directement au Paradis où « Dieu fait règner la joie et le rire » ( Gozo y rizo). ie : récompensé pour sa bonté et sa charité (le partage spontané du pain), il sera délivré de l’emprise du mal et du malin, et accédera au royaume de Dieu, en évitant une vie de souffrance. Au passage, on note bien ici dans le culte marial, cette idée que la vierge (plus humaine par nature) peut intercéder directement auprès du Christ puisque le poète médiéval nous conte, dans ce Miracle de la Cantiga de Santa Maria 139, qu’elle le fait même directement et à haute voix.
Maravillosos et piadosos et mui Fremosos miragres faz Santa Maria, a que nos guia Ben noit’ e dia et nos dá paz
E d’est’ un miragre vos contar quero Que en Frandes aquesta Virgen fez Madre Deus, maravillos’ et fero, por Hua dona que foi hua vez A sa eigreja d’ esta que seja Por nós et veja-mola sa faz No parayso, u Deus dar quiso Goyo et riso a quen lie praz
Maravillosos e piadosos ….
A questa dona leuou un menynno Seu fillo, sigo, que en offrecon Deu aa Virgen, mui pequenynno Que de mal ll’ o guardass’ e d’ oqueijon Et lle fezesse per que disesse Sempr’ e soubesse den ben assaz Que, com’ aprendo, seu pan comendo Foi mui correndo, parouss’ en az
Maravillosos e piadosos ….
Cabo do Fillo daquela omagen E diss’ o menynno: « Queres papar? » Mais la figura da Virgen mui sagen Diss’ a seu Fillo: « Dille sen tardar Que non ss’espante, mais tigo jante U sempre cant’ e aja solaz E seja quito do mui maldito Demo que scrito é por malvaz. »
Maravillosos e piadosos ….
Quand’ esto diss’, a omagen de Christo
Respos ao menynno: « Pparas Cras mig’ en Ceo; e que me visto Ouveres, senpre pois migo seerás U ouças, que chanto e mal desfaz. » Esto comprido foi, e transsido E moç e ydo a Deus viaz
Maravillosos e piadosos ….
En vous souhaitant une bonne écoute et une belle journée.