Sujet: chant, chanson, musique médiévale, ancienne, poésie, amour courtois, Période : moyen-âge tardif (XVe) Auteur : Guillaume Dufay (1400-1474) Interprète ; The Unicorn Ensemble Titre : J’ai mis mon coeur et ma pensée Album : DUFAY, chansons (1995)
Bonjour à tous,
ous revenons, aujourd’hui, sur Guillaume Dufay pour partager un peu plus avant la partie de son répertoire dédié à la musique profane et au registre de l »amour courtois. Dans un premier temps et pour sa qualité, autant que pour son côté « enlevé », nous ne vous livrons qu’une version musicale de cette composition qui a pour titre « J’ay mis mon cuer et ma pensee ». Qu’on se rassure tout de même, pour ceux que cela intéresse, vous trouverez également les paroles de la chanson originale, en pied d’article.
La très belle interprétation du jour, nous vient de l’ensemble Unicorn (The Unicorn Ensemble). On doit déjà autour de huit albums à cette formation autrichienne qui se consacre aux musiques médiévales et qui s’est formée en 1991.
De formation classique, le groupe est dirigé par Michael Bosch, un musicien formé à l’Académie de musique et des arts de Vienne dont il est même sorti primé. Avec des contributions sur plus de trente cinq CD de musique ancienne et sa participation dans des groupes aussi prestigieux que le Clementic Consort, en plus de son rôle de directeur de l’Ensemble Unicorn, il est aujourd’hui à la fois, enseignant, interprète (flûtiste et à droite sur la photo ci-dessus) et contribue également à la rédaction d’ouvrages sur la question des musiques anciennes.
Pour en dire encore un mot, l’ensemble puise très sérieusement son inspiration à la source des Codex et manuscrits anciens et nous sommes là, aussi près qu’on peut l’être du monde médiéval et de ses musiques.
J’ay mis mon cuer et ma pensee,
Les paroles de la composition originale
Même si, comme nous l’avons dit, elles sont absentes de l’interprétation du jour, nous publions tout de même, ici, les paroles de la chanson originale de Guillaume Dufay. Nous aurons, à n’en pas douter, l’occasion de publier une version les contenant dans le futur.
J’ay mis mon cuer et ma pensee, Sachiés de vray certaynement, A vous servir, dame honnouree, Belle, bonne au vis cler et gent, Et vous jure par mon serment: Tant que mon corps aura duree, En chascun lieu diray vrayment Que vous estés la mieuls paree.
En vous souhaitant une merveilleuse journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : fabliau, conte populaire satirique médiéval, morale, charité chrétienne, larrons, gibet, potence. Période : moyen-âge central (XIIe, XIIIe) Auteur : Inconnu Titre : du prudhomme qui sauva son compère de la noyade Ouvrage : Fabliaux et contes (T 1), Etienne Barbazan (XVIIIe siècle) Manuscrit ancien : MS 1830 St Germain des prés. MS 2774.
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous publions et adaptons un fabliau médiéval des XIIe, XIIIe siècles, originellement en vieux français. C’est un conte ancien que nous avons de nos jours et, à peu de choses près, oublié. Nous le tirons d’une édition de 1808 en trois tomes dédiée au genre du fabliau et que nous devons originellement à Etienne Barbazan, érudit et auteur français du XVIIIe siècle.
L’histoire nous parle d’un pêcheur qui, ayant sauvé un homme de la noyade et d’une mort certaine, en le blessant malencontreusement à l’oeil, voit ce dernier se retourner contre lui, quelques temps après, et l’assigner même devant une cour de justice.
Toute proportion gardée, ce fabliau étant sans doute plus acerbe, le fond de l’histoire n’est pas sans rappeler le film tragi-comique de Jean Renoir, « Boudu Sauvé des Eaux » avec Michel Simon (en photo ci-contre) dans lequel un homme sauvait aussi des eaux un pauvre bougre près de se suicider qui, une fois rétabli, lui faisait payer sa bonté, en semant la zizanie dans sa maison.
Dans le cadre de notre fabliau du jour, l’homme est en train de se noyer involontairement alors que dans le film de Renoir, c’est par déprime que le trublion se jette à l’eau, les ressemblances s’arrêtent donc là mais, dans les deux cas, nous sommes en présence d’une histoire morale sur l’exercice de la bonté quelquefois payé d’ingratitude en retour. Dans le contexte médiéval, ce fabliau du preudome qui rescolt son compere de noier a ceci d’intéressant que sa morale semble bien le situer aux antipodes de la charité chrétienne et de ses valeurs, et nous y reviendrons.
Le fabliau du pêcheur en vieux français
Du Preudome Qui rescolt son compere de noier
Il avint à un pescheor Qui en la mer aloit un jor, En un batel tendi sa roi, Garda, si vit tres devant soi Un homme molt près de noier. Cil fu moult preus et molt legier, Sor ses piez salt, un croq a pris, Lieve, si fiert celui el vis, Que parmi l’ueil li a fichié: El batel l’a à soi saichié, Arriers s’en vait sanz plu attendre Totes ses roiz laissa à tendre, A son ostel l’en fist porter, Molt bien servir et honorer, Tant que il fust toz respassez A lonc tens s’est cil porpenser Que il avoit son oill perdu Et mal li estoit avenu, Cist vilains m’a mon ueil crevé, Et ge ne l’ai de riens grevé Ge m’en irai clamer de lui Por faire lui mal et enui, Torne, si ce claime au Major Et cil lor met terme à un jor, Endui atendirent le jor, Tant que il vinrent à la Cort. Cil qui son hueil avoir perdu Conta avant, que raison fu. Seignor, fait-il, ge sui plaintis De cest preudome, qui tierz dis Me feri d’un croq par ostrage, L’ueil me creva, s’en ai domage, Droit m’en faites, plus ne demant; Ne sai-ge que contasse avant.
Cil lor respont sanz plus atendre Seignor, ce ne puis-ge deffendre Que ne li aie crevé l’ueil; Mais en après mostrer vos vueil Coment ce fu, se ge ai tort.
Cist hom fu en peril de mort En la mer où devoit noier Ge li aidai, nel quier noier D’un croq le feri qui ert mien; Mais tot ce fis-ge por son bien: Ilueques li sauvai la vie, Avant ne sai que ge vos die. Droit me faites por amor Dé. C’il s’esturent tuit esgaré Ensamble pour jugier le droit. Qant un sot qu’à la Cort avoit Lor a dit : qu’alez-vos doutant? Cil preudons qui conta avant Soit arrieres en la mer mis, La où cil le feri el vis; Que se il s’en puet eschaper, Cil li doit oeil amender, C’est droiz jugement, ce me sanble. Lors s’escrirent trestuit ensanble, Molt as bien dit, ja n’iert deffait, Cil jugemnz lors fu retrait. Quant cil oï que il seroit En la mer mis où il estoit Où ot soffert le froit et l’onde, Il n’i entrat por tot le monde, Le preudome a quite clamé, Et si fu de plusors blasmé. Por ce vos di tot en apert Que son tens pert qui felon sert: Raember de forches larron Quant il a fait sa mesprison, Jamès jor ne vous amera Je mauvais hom ne saura grré A mauvais, si li fait bonté; Tot oublie, riens ne l’en est, Ençois seroit volentiers prest De faire lli mal et anui S’il venoit au desus de lui.
L’adaptation du fabliau en français moderne
ous prenons, ici, quelques libertés avec le texte pour les exigences de la rime, mais, pour ceux que cela intéresse, le rapprochement des deux versions devrait vous permettre de revoir l’original en vieux français avec plus d’éléments de compréhension.
De l’honnête homme Qui sauva son compère de la noyade
Il advint qu’à un pécheur Qui sur la mer s’en fut un jour, Sur son bateau tendit sa voile, Et regardant, droit devant lui vit, un homme près de se noyer. Il fut très vif et lestement, Sauta bien vite sur ses deux pieds, Pour se munir d’un crochet (une gaffe), Il le leva, pour saisir l’autre, Si bien qu’il lui ficha dans l’oeil, Puis le hissa sur le bateau, Et sans attendre s’en retourna Toutes voiles dehors vers son logis. Il fit porter l’homme chez lui, il le servit et l’honora, tant et si bien que peu après, il fut tout à fait rétabli.
Quelques temps plus tard pourtant, Le rescapé se mit à penser Qu’il avait son oeil perdu Et que mal lui était advenu. Ce vilain a crevé mon oeil, Je ne lui avais pourtant rien fait, J’irais porter plainte contre lui Pour lui causer tord et ennui. Aussi s’en fut-il chez le juge Qui fixa une date d’audience, Et tous deux attendirent le jour Puis se rendirent à la cour.
Celui qui l’oeil avait perdu Parla d’abord, comme c’est coutume Seigneur, dit-il, je viens me plaindre De cet homme qui voilà trois jours, Me blessa avec un crochet, me creva l’oeil et j’en souffris. Faites m’en droit, je n’en veux pas plus Et je ne peux rien dire de plus. L’autre rétorque sans plus attendre: Seigneur, je ne puis me defendre De lui avoir crevé l’oeil, Mais je voudrais vous démontrer,
Comment tout survint et quel fut mon tord. Cet homme fut en péril de mort En la mer, où il se noyait. Je l’ai aidé, je ne peux le nier, De ce crochet qui est le mien et l’ai blessé Mais tout cela fut pour son bien Car ainsi sa vie fut sauvée Plus avant ne sais que vous dire. Rendez-moi justice
pour l’amour de Dieu.
Les juges étaient tout égarés Ne sachant trop comment juger, Quand un sot que la cour avait Dit alors: de quoi doutez-vous? Qu’on mette celui qui se plaigne Au même endroit dans la mer, Là ou l’autre le blessa à l’oeil Et s’il s’en peut échapper que l’autre le doive dédommager. C’est droit jugement, il me semble Et tous s’écrièrent tous ensemble: Voila qui est fort bien parlé,
Qu’ainsi la chose soit jugée! Quand le rescapé eut appris Qu’il serait en la mer remis A souffrir le froid et l’onde Il n’y entra pour tout au monde. Le preudomme fut acquitté Et par bien des gens blâmé.
Tout cela montre, c’est bien clair Que son temps perd qui félon sert. Sauvez un larron du Gibet Une fois commis son forfait Jamais il ne vous aimera, Et pour toujours vous haïra. Jamais mauvais homme ne sait gré A un autre qui lui fait bonté. Il aura tôt fait d’oublier Au contraire, il sera même prêt A lui causer tord et souci S’il venait au dessus de lui.
La place du fabliau dans le contexte moral du moyen-âge chrétien
travers le mode satirique, ces petites contes populaires du moyen-âge que sont les fabliaux laissent souvent transparaître les leçons d’une sagesse populaire et critique qui souligne les faiblesses et les défauts de la nature humaine.
Comme nous l’avons déjà abordé, en nous penchant sur certains fabliaux de Bodel ou de Rutebeuf, on se souvient du prêtre cupide qui ne pense qu’à amasser les richesses et qui ne prêche que pour ses propres intérêts. Dans la housse partie du trouvère Bernier, on se rappelle encore du fils qui ne pratique pas la charité envers son vieux père puisqu’il est même près de le mettre dehors dans le froid et de laisser mourir de faim. C’est de la génération d’après et de son propre fils que viendra la leçon qui n’est d’ailleurs pas, là non plus, une leçon de morale chrétienne, mais bien plus une parabole sur l’éducation et une leçon de morale populaire: « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse ».
Dans cette exploration de ce que l’on moque dans les fabliaux et qui se situe assez souvent à l’autre bout des valeurs chrétiennes de compassion et de charité, ou qui les raille, le conte ancien d’aujourd’hui est un exemple édifiant supplémentaire. Sa morale ne sort pas de nulle part toutefois et elle n’est pas isolée du reste de son époque puisque cette histoire contient, autant qu’elle illustre, un dicton en usage au moyen-âge. Le voici dans notre fabliau, c’est sa morale:
Raember de forches larron Quant il a fait sa mesprison, Jamès jor ne vous amera
Sauvez un larron de la potence Une fois qu’il a commis son crime Il ne vous aimera jamais pour autant.
Au niveau populaire on le connait encore sous cette forme:
« Larroun ne amera qi lui reynt de fourches » Le larron n’aimera pas celui qui le sauve du gibet ou « Sauvez un larron du Gibet ne vous gagnera pas son amour ni son respect »
On l’aura compris, les fourches dont il est question ici n’ont rien d’agricoles. Ce sont les fourches patibulaires, autrement dit la potence ou le gibet. En creusant un peu la question, on retrouvera encore cette idée et ce proverbe dans le roman de Tristan sous une autre forme:
Pour autant qu’il soit fait référence à Salomon, dans ce dernier exemple, on ne trouve nulle trace de ce proverbe dans la bible. A la même époque, il faut encore noter qu’on le croisera dans plusieurs langues (allemand, italien, anglais notamment). Il se présente, à peu de choses près, toujours sous la même forme:
« Save a thief from the gallows and he ll be the first shall cut your throat »
Sauvez un voleur de la potence et ce sera le premier à vous couper la
gorge.
our arriver à situer ce proverbe ou même ce fabliau qui en est une illustration dans le contexte des valeurs médiévales, peut-être faut-il invoquer une certaine coexistence des valeurs humaines ou de bon sens, d’un côté avec les valeurs chrétiennes et leur morale de l’autre. L’homme peut-il naître mauvais ou bon? Même s’il peut s’amender, le moyen-âge croit sans doute à l’idée d’une persistance de la nature de l’homme ou d’un déterminisme que les valeurs de charité sont elles-mêmes impuissantes à sauver.
Peut-être faudrait-il être encore vigilant, dans notre approche, sur le fait que la notion de charité chrétienne si elle prend la forme du don envers les églises notamment, n’englobe pas nécessairement au moyen-âge, les mêmes choses que nous y projetons aujourd’hui. Même de la part d’un auteur chrétien comme Eustache Deschamps, il y a des poésies très acerbes contre les mendiants ou même affirmant que personne ne veut donner aux pauvres, alors que dire de l’idée de s’aventurer à sauver un larron de la potence? Sans doute que l’idée de s’interposer ne viendrait pas à l’esprit de grand monde et qu’au fond, on considère que c’est devant Dieu que le larron doive répondre de ses crimes.
Quoiqu’il en soit, dans le paysage de ce moyen-âge occidental très chrétien tel qu’on peut se le représenter parfois, les fabliaux viennent toujours appuyer sur des cordes sensibles et soulignent à quel point la nature humaine peut se situer à l’autre extrême de ces mêmes valeurs. D’une certaine manière et même si le cadre de cet article est un peu étriqué pour traiter d’un sujet aussi complexe et ambitieux, cette forme littéraire et satirique nous obligerait presque à repenser la place des valeurs chrétiennes sur l’échiquier des valeurs humaines et morales de ce monde médiéval, ou à tout le moins à les remettre en perspective ou en articulation. Pour être un amusement, la satire ou le genre satirique n’en sont pas moins des indicateurs et des baromètres du sens critique et s’il est indéniable que les valeurs chrétiennes sont au centre du monde médiéval, peut-être faut-il, à tout le moins, se méfier de dépeindre ce dernier d’une seule couleur en privant un peu vite ses contemporains de toute capacité de réflexion ou de distanciation.
Pour le reste et quant à la question de l’humour, à proprement parler, ce fabliau nous apparaît aujourd’hui sans doute plus grinçant et moral que désopilant, mais il est vrai que l’humour est si souvent attaché à l’air du temps que, dans bien des cas, il vieillit mal.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com. A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : couleur, symbolique, moyen-âge, catégorie cognitive et sociale, anthropologie, histoire médiévale, histoire des couleurs. Période : de l’antiquité à nos jours Média : émission radio, livre, « conférence » Auteur : Michel Pastoureau Titre : « Des goûts et des couleurs : le rouge» Radio : France Culture, Hors Champs, Laure Adler
« On ignore encore tout de l’usage que les hommes préhistoriques faisaient de l’ocre et autres colorants, mais on peut aller jusqu’à imaginer, sur la foi des documents ultérieurs, que, comme à partir de 35000 les Aurignaciens, ils créaient des formes, symbolisaient le sang et la vie avec le rouge, disposaient des différentes teintes pour leur décoration corporelle »
Emmanuel Leroi-Gourhan
Bonjour à tous,
ous publions aujourd’hui la deuxième vidéo du cycle de France Culture dédié à Michel Pastoureau et son histoire des couleurs. L’entretien, mené par Laure Adler, traite cette fois-ci du rouge et fait suite à l’histoire du bleu.
Le rouge est parmi les premières des couleurs que l’homme a su fixer et teindre. On la retrouve déjà à la préhistoire avec les empreintes de main dans des centaines de cavernes et de grottes de par le monde et elle est alors obtenue à partir d’ocre mêlé d’oxydes de fer.
(ci-contre portrait de Michel Pastoureau, historien médiéviste)
La symbolique du rouge à travers les âges
« Contrairement à ce timoré de bleu, le rouge, lui, est une couleur orgueilleuse, pétrie d’ambition et assoiffée de pouvoir, une couleur qui veut se faire voir et qui est bien décidée à en imposer à toutes les autres. Méfiez-vous de lui : cette couleur-là cache sa duplicité. Elle est fascinante, et brûlante comme les flammes de Satan. » Michel Pastoureau – Couleurs, le grand livre
epuis la protohistoire et à l’image du bleu, le rouge en occident a connu une histoire changeante au niveau symbolique. Couleur politique du XXe où quand aimer le rouge était l’expression d’une conviction politique et plus seulement un goût personnel, on apprend encore que, pendant une longue période et jusqu’au XIIIe siècle, qui consacrera le mariage chrétien et l’importance d’afficher sa virginité, la mariée, n’était ni en blanc, ni en noir, mais en rouge. Rouge de tous les possibles, cette couleur fut encore à travers les âges le réceptacle de bien d’autres symboles: danger, guerre, fête, amour passion, sexualité transgressive, couleur du sang, du mal ou du bien, couleur du feu purificateur de l’esprit sain ou du feu destructeur des enfers, la beauté, la colère… Combien de sens changeants pour ce rouge, dont la charge puissante ne se démentira pas et qui, à travers les époques, passera encore sans complexe de l’homme guerrier à la femme fatale?
(ci contre main préhistorique de la grotte du Pech Merle, Lot, -25000 ans légèrement détournée par nos soins, pardon pas pu résister. En même temps rouge danger donc bon…)
Avec cette couleur à la grande élasticité symbolique et dont l’émotionnel semble parfois rester la seule constante (on en rougirait presque), se trouve posé bien clairement l’impossibilité de chercher des sens figés associés aux couleurs sans les mettre en perspective historique, (ça on l’avait déjà compris) mais encore les difficultés qui subsistent, au delà même de l’analyse historique, à les enfermer dans des définitions symboliques étriquées et simplistes. Et ce n’est peut-être pas par hasard si ce rouge qui coule jusque dans nos veines est aujourd’hui encore chargée de connotations complexes comme si elle contenait en elle un potentiel tout à la fois sacré et interdit, prêt à exploser à chaque instant.
Les lois font les bagnes, les moeurs font les lupanars. La lumière crée le peuple, la nuit enfante la plèbe. La veste rouge du forçat est taillée dans la robe rouge du juge.” Victor Hugo
onnu depuis l’antiquité, on utilisait déjà les racines et les rizhomes de la garance en Egypte, 1500 ans avant notre ère et elle était aussi connue des grecs et des romains. En France, elle fut cultivée de manière intensive jusqu’à l’extraction au début du XIXe siècle et en 1835 de son composé chimique: l’alizarine, qui en supplanta l’utilisation, progressivement.
Au moyen-âge, pour obtenir le rouge, on connaissait aussi l’usage en teinture de la cochenille et du Kermes vermilio, insecte que l’on récoltait et que l’on faisait sécher avant de le réduire en poudre. Cette culture se faisait dans le sud de la France, en Languedoc et en Provence, et fit entre autre la célébrité de la ville de Montpellier pour ses rouges écarlates, dans le courant du XIVe siècle. Ces tons vifs ayant un coût de production toutefois bien supérieur à la garance, cette dernière était d’usage bien plus commun.
Nuance de rouge obtenu avec l’utilisation de garance
Sur ce, je vous laisse, j’ai eu ma dose de rouge pour aujourd’hui et je vais me mettre un peu au vert.
En vous souhaitant une bonne écoute et une très belle journée.
Fred
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Sujet : citations médiévales, extrait poésie, sagesse médiévale, poésie morale, satirique et critique. Auteur : Jean de Meung, Jean Clopinel (1250-1305) Période : moyen-âge central, XIIIe siècle. Extrait de : le codicille Manuscrit ancien : le roman de la Rose, Arsenal 5209, Bnf.
Bonjour à tous,
ous partageons, aujourd’hui, un peu de la poésie de Jean de Meung (Clopinel), en forme de citation morale. Les vers sont extraits du codicille dont nous avons déjà parlé ici. C’est un texte que l’auteur médiéval adresse à ses contemporains en forme d’exhortation morale. Même si on l’a souvent référencé ou confondu avec un autre écrit du poète qui s’appelle le testament, il semble pertinent de les différencier pour s’y retrouver un peu mieux.
“Qui autruy veult blasmer, il doit estre sans blasme; Et qui veult en blasmer, il doit avoir du blasme*: Bien dire sans bien faire, est comme feu de chausme Qu’on esteient de legier* au pied ou à la paulme.”
Jean de Meung (1250-1305) Le Codicille
Adaptation/français moderne :
“Qui autrui veut blâmer, il doit être sans blâme; Et qui veut embaumer, il doit avoir du du baume: Bien dire sans bien faire, est comme feu de chaume Qu’on éteint aisément du pied ou de la paume.”
Les vers de Jean de Meun dans le manuscrit ancien et médiéval: ms Arsenal 5209 (Bnf Paris)
On retrouve notamment ce codicille dans le manuscrit ancien du XIVe siècle, ms arsenal 5209 de la Bnf. consultable en ligne ici.
eplacés dans leur contexte, ces quatre pieds de vers s’adressent aux puissants, seigneurs, gens « savants » ou religieux face au peuple et aux petites gens. Il y est question de l’importance de leur probité, autant que de nécessaire cohérence entre leurs actes et leurs paroles. Au delà de simplement dénoncer la langue de bois, Jean de Meung les enjoint à être conscients de leur exemplarité s’ils prétendent recevoir en retour respect, crédibilité et même « amours » de ceux qu’ils gouvernent ou vers lesquels ils prêchent. Plus loin, il parlera même de « suivre la voye droite ». Nous sommes donc bien dans une dimension de morale, de justice, et de justesse.
Voilà tout un programme pour qui veut se livrer à l’exercice du pouvoir ou prétendre guider ses contemporains vers quelque lumière que ce soit et voilà des mots qui, à travers le temps, n’ont pas pris une ride et que l’on peut valablement reprendre aujourd’hui.
Un excellent début de semaine à tous!
Fred
Pour moyenagepassion.com. A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.