Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, Espagne médiévale. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Compilateur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Cantiga 7 « Santa Maria amar » Interprètes : Ensemble Apotropaïk Concert : Générations France Musique (2019)
Bonjour à tous,
Au XIIIe siècle, à la cour d’Alphonse X de Castille, on compile et on réunit des miracles et des chants autour du culte marial. L’œuvre et le corpus prendront le nom des Cantigas de Santa Maria. Sur moyenagepassion, nous sommes partis en quête de ces œuvres depuis quelques années. Comme elles sont originellement en galaïco-portugais, nous nous efforçons de les commenter et de les traduire. Nous en profitons, au passage, pour vous présenter de grands ensembles de la scène médiévale actuelle qui se sont attelés à leur interprétation.
La Cantiga de Santa Maria 7 ou l’absolution d’une abbesse piégée par le démon
Nous vous avons présenté cette cantiga de Santa Maria 7, dans le détail, il y a déjà quelque temps. Pour en redire un mot, ce miracle relate l’histoire d’une abbesse. Poussée à la faute par le diable nous dit la Cantiga, cette dernière s’était retrouvée enceinte de son intendant, un homme de Bologne.
Bientôt, la religieuse fut dénoncée auprès de l’évêque par ses nonnes empressées d’infliger une leçon à leur supérieure. Le dignitaire se déplaça donc pour la confondre, mais c’était sans compter sur l’apparition de la vierge à laquelle l’abbesse était particulièrement dévote. La sainte répondit, en effet, à ses appels de détresse et apparut pour la délivrer en songe de l’enfant qui fut envoyé à Soissons afin d’y être élevé. La religieuse s’éveilla donc, blanche comme neige et innocente comme au premier jour. Pour conclure, le chant marial nous conte que l’évêque n’ayant rien trouvé en l’examinant, il n’eut d’autres choix que de laisser tomber toute charge contre elle, non sans avoir blâmé au passage les nonnes accusatrices.
Aujourd’hui, nous vous proposons une nouvelle interprétation de cette cantiga par l’ensemble médiéval Apotropaïk. Nous vous avions déjà présenté cette jeune formation, à l’occasion d’un concert donné au Musée de Cluny en 2018. C’est avec plaisir que nous la retrouvons, cette fois, dans le cadre d’un programme-événement Générations France Musique, le live organisé par France Musique en janvier 2019. La valeur n’attend pas le nombre des années, dit l’adage. Clémence Niclas et ses complices font justice à cette pièce médiévale en la servant avec tout le sérieux et le talent qu’on pouvait en attendre.
Membres de l’Ensemble Apotropaïk : Clémence Niclas (voix), Marie-Domitille Murez (harpe gothique), Louise Bouedo-Mallet (vièle), Clément Stagnol (luth)
Vous pouvez retrouver le détail de la Cantiga de Santa Maria 7, en galaïco-portugais, ainsi que sa traduction en français moderne à la page suivante : la cantiga de Santa Maria 7 par le menu.
En vous souhaitant une belle journée! Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : poésie médiévale, auteur médiéval, moyen-français, courtoisie, rondeau, manuscrit ancien. Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle. Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : «Vivre du sien et non nuire a autrui» Ouvrage : Œuvres complètes d’Eustache Deschamps, Tome IV, Marquis de Queux de Saint-Hilaire, Gaston Raynaud (1893)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous revenons au Moyen Âge tardif et à Eustache Deschamps, avec une poésie courte. Ce rondel s’inscrit dans la partie plus morale de l’œuvre de cet auteur médiéval. On se souvient qu’Eustache nous a légué un grand nombre de « ballades de moralité » sur fond de valeurs chrétiennes médiévales (voir, par exemple, sa ballade sur les 7 péchés capitaux, sa ballade sur l’humilité, ou encore celle sur la gloutonnerie et l’avidité).
Contre la convoitise et pour la loyauté
Le rondel d’Eustache dans le MS Français 840
Au Moyen Âge, le « convoiteux » ne trouve ni grâce, ni salut au regard des valeurs chrétiennes (c’est encore la cas aujourd’hui, du reste). La poésie du jour traite de cela et d’une loyauté comprise comme une probité et une droiture en toute circonstance. Eustache fut, à la fois, un homme de loi (il sera bailli) et un homme d’armes à la cour. En plus d’une morale chrétienne dont il s’est souvent fait l’écho, on retrouve bien chez lui, ce côté droit et légaliste.
Du point de vue des sources, on pourra retrouver ce texte au côté de nombreux autres signés de sa plume d’Eustache, dans le manuscrit médiéval Français 840 conservé précieusement à la BnF et consultable sur gallica.fr.
Convoitise et cupidité
« Nul ne tend qu’à remplir son sac« nous disait Eustache Deschamps dans une autre ballade. Pour illustrer le rondel du jour (image en-tête d’article), nous avons privilégié l’angle de l’avidité et même d’une cupidité monétaire plus moderne. Si la notion de convoitise ne s’y limite pas, dans ce rondel, l’auteur nous précise tout de même juger la pauvreté moins dommageable que la convoitise comprise comme celle liée à l’accumulation de richesses, d’or ou d’avoirs : « A homme vault moult nette povreté , Convoitise fait souvent trop d ‘anui ». Cupidité, convoitise, avarice, la ligne entre tous ces travers était déjà ténue dans cet extrait du Roman de la Rose, bien antérieur à la poésie d’Eustache mais qui met bien en valeur la parenté de définition entre les deux textes.
« Après fu painte Coveitise : C’est cele qui les gens atise De prendre et de noient donner, Et les grans avoirs aüner. C’est cele qui fait à usure, Prester mainspor la grant ardare D’avoir conquerre et assembler. C’est celle qui semont d’embler Les larrons et les ribaudiaus. »
Le Roman de la Rose, Guillaume de Lorris et Jean de Meung (XIIIe s)
« Après fut décrit convoitise : c’est celle qui incite(exciter, attiser) les gens à prendre et jamais rien donner, et à amasser de grands avoirs. C’est celle qui fait à l’usure prêter moins par la grande ardeur (le désir brûlant) de conquérir et d’amasser. C’est celle qui invite les larrons et les débauchés à voler. »
« Vivre du sien et non nuire a autrui, » un rondel de Eustache Deschamps
Il n’est chose qui vaille loiauté(1), Vivre du sien et non nuire a autrui, Selon la loy, et sans hair nullui.
A homme vault moult nette povreté , Convoitise fait souvent trop d ‘anui : Il n ‘est chose qui vaille loiauté , Vivre du sien et non nuire a autrui.
Par convoitier ont maint honnis esté Et en la fin musis (moisi), comme je lui (j’ai lu) , Destruit et mat (2) ; qui bien pense a cestui, Il n’est chose qui vaille loiauté, Vivre du sien et non nuire a autrui, Selon la loy, et sans hair nullui.
Mieux vaut ne rien posséder qu’être obsédé par la possession du bien d’autrui et, pire encore, chercher à lui nuire. À plus de 600 ans de ce rondel, les paroles de sagesse d’Eustache continuent de résonner tandis que les formes modernes les plus extrêmes de convoitise nous sautent encore aux yeux.
On pense, bien sûr, à certaines violences délinquantes perpétuées au quotidien et, notamment, à la sauvagerie de certaines agressions récentes. À un autre niveau, des exactions d’envergure, plus feutrées et plus massivement létales, n’ont rien à leur envier si elles ne les dédouanent pas. Passons sur les guerres d’intérêts géostratégiques et économiques sur fond moralisateur. D’une certaine façon, elles n’ont rien de bien nouveau. Régulièrement, les conséquences de certaines prédations financières mettent des milliers de personnes à la rue, sans guère se soucier de leur devenir. Ailleurs, des manœuvres semblables sur le fond ont déjà ruiné des nations entières en spéculant sur leur dette ou en les aidant à la creuser. Enfin, pour prendre un dernier exemple, on a vu certains parias en col blanc, jouer à la hausse sur le cours des matières de première nécessité, en mettant en péril la vie de centaines de milliers d’hommes, femmes et enfants des pays en voie de développement. Le tout sans un scrupule, ni même un haussement de sourcil.
Dans un monde de plus en plus dématérialisé (y compris du point de vue monétaire), les actionnaires ou les spéculateurs n’ont pas de visage et, c’est bien connu, encore moins de responsabilités. Après tout, ce ne sont pas eux qui font les règles. D’ailleurs y en a-t-il seulement ?
Les horreurs du présent à l’aulne du passé
L’argent aurait-il de moins en moins d’odeur ? Quoiqu’on en dise, il existe pourtant bien une relation directe entre recherche outrancière et obsessionnelle d’enrichissement et convoitise. Dans un monde où tout est en interrelation, la création de richesses ex nihilo n’est qu’une vue de l’esprit. La règle demeure la prédation.
Et puisque nous nous évertuons, si souvent, à juger les hommes du Moyen Âge à l’aulne de notre glorieux présent, en projetant sur eux des visions goguenardes, ou selon, condescendantes ou horrifiées, on peut se demander, à l’inverse, comment ces derniers pourraient bien juger notre modernité ou même plutôt, « nous » juger pour de tels faits ? Avouons que l’exercice serait assez cocasse dans un XXIe siècle qui ne cesse de vouloir faire le procès les hommes du passé à la lueur de certaines projections présentes, tout en demandant, de surcroît, aux hommes du présent, de rendre des comptes sur ce passé. Etrange folie des temps… Quoi qu’il en soit et pour répondre à la question, non sans un brin de provocation : il n’est pas certain qu’un certain sens moral partagé des hommes de la France médiévale n’entrave leur compréhension de certaines de nos formes modernes les plus barbares de convoitise évoquées plus haut.
En vous souhaitant une belle journée. Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes
NB : sur l’image d’en-tête, l’illustration du gros prédateur en col blanc qui se gave de monnaie papier, est contemporaine. Comme vous l’avez compris, à la lumière de l’article, son anachronisme est tout à fait assumé. Quant à son arrière plan (présent également sur le visuel en milieu d’article), il s’agit d’une miniature tirée du superbe manuscrit médiéval : Compost et calendrier des bergers. Elle représente le supplice réservé aux avaricieux. Daté de 1493, cet ouvrage est conservé sous la cote impr. Rés. SA 3390, à la Bibliothèque municipale d’Angers.
Sujet : fête médiévale, marché médiéval, animations, exposants, artisans, événement, Moyen Âge festif. Evénement : la 22e Fête médiévale de Mehun Lieu : Mehun-sur-Yèvre, Cher, Centre-Val de Loire Dates : les 3 et 4 juillet 2021
Bonjour à tous,
a-t-on enfin sortir de cette folie ? Nous nous posons tous la question en ayant, de plus en plus, une certitude : c’est désormais une nécessité absolue. On ne pourra pas éternellement verrouiller la vie économique, sociale et culturelle. On ne pourra pas non plus, ad vitam aeternam, continuer à chasser les gens sur les plages et au dehors pour les verbaliser comme s’ils étaient des criminels. La science et la raison doivent reprendre leurs droits. La vie doit reprendre son cours avec les précautions d’usage si elles sont nécessaires, avec les distances, avec des moyens et des lits pour l’hôpital, avec des vraies informations sur les traitements préventifs déjà en place et sur les chiffres.
Pour ce qui est des fêtes médiévales 2021, nombre d’organisateurs sont encore sonnés. On le comprend. Dans une France sous couvre-feu, entre le chaud et le froid permanent des mesures et une navigation à vue sans calendrier, difficile d’oser s’avancer sur les mois à venir.
Dans ce marasme, on en trouve tout de même qui demeurent confiants et entendent bien maintenir leur programmation. C’est dans ce cadre que les organisateurs de la Fête médiévale de Mehun-sur-Yèvre nous ont contacté. Ils sont encore en bouclage et à la recherche d’artisans et d’exposants, en prévision de leur grande fête médiévale de juillet. C’est donc avec plaisir que nous relayons leur annonce, confiant que cet été ne sera plus sous le signe de cette politique moribonde et dévastatrice à tous points de vue.
Annonce pour le Marché Médiéval des 3 & 4 JUILLET 2021 à Mehun sur Yèvre
Notre 22e Fête médiévale de Mehun-sur-Yèvre (18) se déroulera les 3 et 4 juillet 2021 dans la prairie du Chateau. Nous recherchons des exposants, créateurs, artisans ou produit de bouche en lien avec la thématique médiévale.
Pour rappel, l’événement durera deux jours complets et de nombreuses animations médiévales y sont prévues, en plus du marché.
En vous souhaitant une belle journée! Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes
NB : l’image d’en tête représente un diner nocturne clandestin, en avril 2021, à Paris. On peut y voir uniquement des gens de bien (dont un ministre) immunisés socialement contre la Covid et ses mesures coercitives par un effet de classe. Nous plaisantons, bien sûr, elle est tirée d’une toile renaissante de Pieter Brueghel le Jeune (1564-1636) : The Wedding Dance in a Barn (« La danse de mariage dans une grange »)
En dépit des circonstances, de joyeux pâques pour tous ceux qui les célèbrent et pour tous les autres, un excellent week-end.
NB : la miniature ayant servi à l’illustration est issue du manuscrit médiéval Royal 19 A XXII conservé à la British Library de Londres : détail de la résurrection, Sept articles de la foy, Jean de Meun, (1440)
En vous souhaitant très belle journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.