Archives par mot-clé : auteur médiéval

Jean Froissart, l’amour courtois et l’odeur d’une rose

histoire_poesie_medievale_jean_froissart_chroniqueur_du_moyen-age_centralSujet : amour courtois, poésie médiévale, rondeau, auteur médiéval.
Période : moyen-âge central
Auteur : Jean Froissart (1337-1405)
Titre : Mon coeur s’ébat en respirant la rose
Tirée de : les poètes français d’Eugène Crépet (1861)

Bonjour à tous,

E_lettrine_moyen_age_passionn cette belle journée, nous vous présentons un peu d’amour courtois sous la plume de  Jean  Froissart, bien plus connu, il est vrai, comme un des premiers historiens « véritables » du XIVe siècle, à quelques réserves près, que comme un grand versificateur.

Même si la poésie de Froissart du bon chroniqueur de Saint-Louis n’est pas entrée dans l’Histoire autant que ses chroniques, on lui doit tout de même quelques jolies digressions sur le terrain de la rime. Rendons-lui en justice. Nous avions publié, il y a quelque temps déjà, sa ballade sur la marguerite et le retrouvons, aujourd’hui le nez dans une rose,  pour le dire trivialement, avec un rondeau.

Mon coeur s’ébat en respirant la rose
dans le français de Jean Froissart

Mon coer s’esbat en oudourant la rose
Trop mieulz me vault l’une que l’ autre chose.
Mon coer s’esbat en oudourant la rose.

L’ oudour m’est bon , mès dou regart je n’ ose
Juer trop fort, je le vous jur par m’ame;
Mon coer s’esbat en oudourant la rose
Et s’ esjoïst en regardant ma dame.

La traduction  en français moderne
d’Eugène Crépet

Mon cœur  s’ébat en respirant la rose
Et se réjouit en regardant ma dame.
Mieux vaut pour moi l’une que l’autre chose;
Mon cœur  s’ébat en respirant la rose.

L’odeur m’est bonne , mais du regard je n’ose
Jouer trop fort, (je)  vous le jure sur mon âme;
Mon cœur  s’ébat en respirant la rose
Et se réjouit en regardant ma dame.

hommage_phillipe_leotard_leo_ferre_rutebeuf_poete_medieval

Une excellente journée à tous dans la joie!
Fred
L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. Publilius Syru s   Ier s. av. J.-C

Raisonances poètiques : Philippe Léotard chante Léo Ferré qui chante Rutebeuf

leo_ferre_rutebeuf_poesie_medievale_pauvrete_rutebeuf_hommage2Sujet : poésie médiévale mise en chanson, Rutebeuf, complainte
Titre : Pauvre Rutebeuf, la Complainte de l’Amitié
Auteur : Rutebeuf, Léo Ferré (1916-1993)
Interprète : Philippe Léotard

Bonjour à tous,

oilà quelques temps que nous n’avons rien publié autour de Rutebeuf et, une fois encore, c’est par l’intermédiaire de Léo Ferré que nous allons le faire en revenant sur cette chanson « Pauvre Rutebeuf » que l’on appelle encore la complainte de l’amitié et que le célèbre chanteur et rutebeuf_troubadour_medieval_musique_moyen_age_passionauteur anarchiste écrivit, dans les années cinquante, en hommage au poète du XIIIe siècle.

Aujourd’hui, nous postons aussi les vers originaux de la poésie de Rutebeuf qui inspirèrent Léo Ferré. Il est indéniable que ce dernier y mit sa plume et son talent autant que sa grande sensibilité, ne se contentant pas simplement de traduire le poète médiéval. De fait, sa version est très librement inspirée et emprunte même à d’autres extraits de Rutebeuf autant que s’y mêle un véritable travail d’écriture poétique. Mettre les deux versions en miroir permet de mesurer un peu mieux cette distance d’une poésie à l’autre.

Philippe Léotard, le coeur au bord du gouffre

« Tout le monde aimerait qu’il ne manque personne à sa solitude. Qu’ on se réjouisse ou qu’ on se lamente, quand on est seul, c’est tout de même aux yeux du monde ! »
Philippe Léotard –  Clinique de la raison close

C_lettrine_moyen_age_passionomme nous l’avions évoqué lors d’un article précédent, cette chanson de Léo Ferré à donné lieu à d’innombrables versions, mais nous voulons profiter de l’occasion du jour pour en partager une très spéciale. Elle nous vient du regretté Philippe Léotard, artiste écorché vif, acteur, chanteur, poète et écrivain anticonformiste de talent que la vie a fini par emporter, de boires en déboires, à l’âge de soixante et un ans. C’était il y a philippe_leotard_leo_ferre_rutebeuf_hommage_poetesmaintenant plus de quinze ans, presque jour pour jour, le 27 août 2001, aussi que cette pensée s’envole jusqu’à lui, et que cet article permette de le faire revivre le temps d’une chanson.

Au delà de la coïncidence des dates, cette version est encore très particulière à deux titres au moins. Dans sa forme, elle nous permet de nous délecter de la voix éraillée de Philippe Léotard et de la sensibilité unique de ce coeur qui semblait toujours être au bord du gouffre. Sur le fond, c’est aussi un hommage en cascade qui raisonne de la voix de trois véritables artistes et poètes, à travers les temps et les âges, du monde médiéval à nos jours.

La version originale de Rutebeuf

Li mal ne sevent seul venir;
Tout ce m’estoit a avenir,
        S’est avenu.
Que sont mi ami devenu
Que j’avoie si pres tenu
        Et tant amé ?
Je cuit qu’il sont trop cler semé;
Il ne furent pas bien femé,
        Si ont failli.
Itel ami m’ont mal bailli,
C’onques, tant com Diex m’assailli
        En maint costé,
N’en vi un seul en mon osté.
Je cuit li vens les a osté,
        L’amor est morte.
Ce sont ami que vens enporte,
Et il ventoit devant ma porte
        Ses enporta.
C’onques nus ne m’en conforta
Ne du sien riens ne m’aporta.
        Ice m’aprent
Qui auques a, privé le prent;
Més cil trop a tart se repent
        Qui trop a mis
De son avoir pour fere amis,
Qu’il nes trueve entiers ne demis
        A lui secorre.
Or lerai donc fortune corre
Si entendrai a moi rescorre
        Si jel puis fere.

La complainte de l’Amitié ou Pauvre
Rutebeuf de Léo Ferré


Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte
Ce sont amis que vent me porte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

Avec le temps qu’arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n’aille à terre
Avec pauvreté qui m’atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d’hiver
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière

Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m’était à venir
M’est advenu

Pauvre sens et pauvre mémoire
M’a Dieu donné, le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient, le vent m’évente
L’amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

En vous souhaitant une très belle journée! Pleut-il chez vous? Ici, les tropiques n’en finissent pas de s’épancher en belles pluies capricieuses.

Fred
Pour moyenagepassion.com
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publilius Syrus   Ier s. av. J.-C.

« Tien toudis vraie ta parole », une ballade d’Eustache Deschamps

poesie_medievale_satirique_eugene_deschamps_moyen_ageSujet : poésie médiévale, poésies morales et satiriques, ballade
Période : moyen-âge tardif
Auteur : Eustache Deschamps  (1346-1406)
Titre : Tien toudis vraie ta parole (Tiens toujours vraie ta parole).

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passion
ous vous proposons aujourd’hui une nouvelle poésie d’Eustache DESCHAMPS, auteur médiéval dont nous avons déjà parlé à de nombreuses reprises ici et
auquel nous vouons, à l’image de VILLON et RUTEBEUF, une affection particulière.

Cette poésie fait partie des ballades morales, politiques et satiriques qu’affectionne particulièrement Eustache DESCHAMPS. Il y est  question à nouveau de belles valeurs humaines: loyauté, noblesse du coeur,  honneur,  et, chose qui en général va de pair avec ses valeurs et sur laquelle il insiste ici : l’importance des mots prononcés et avec eux de la parole donnée.  Et même si l’envoi de cette ballade suggère que le poète du XIVe siècle la destine à son fils, aujourd’hui comme hier et par delà les siècles, il vient une fois de plus nous interpeller et nous toucher de sa plume, d’une sagesse et une éthique qui, pour être médiévales, n’ont pourtant pas pris une ride.

Eustache Deschamps Ballade poésie médiévale

La ballade « Tien toudis vraie ta parole »
dans le français d’Eustache Deschamps

Bien que datant de plus de six cents ans, cette poésie ne présente pas de difficultés particulières au niveau compréhension. Aussi, nous vous la livrons telle quelle avec simplement quelques annotations en fin de texte, pour les mots les plus délicats.   Pour cette fois, nous empruntons ces quelques traductions aux œuvres complètes  d’Eustache Deschamps, publiées par le Marquis de Queux de Saint-Hilaire et Gaston Raynaud à la fin du XIXe siècle (1878).


Entre les choses de jeunesse
Que l’en m’aprinst dès mon enfance
Mon maistre me blâma yvresse
Et à trop emplire ma pence.
De trop parler me fîst deffense
Et à mouvoir de chaude sole*
Et me dist par belle sentence :
Tien toudis* vraie ta parole.

Garde à qui tu feras promesse
La cause pourquoy, et t’avance
De l’acomplir; cuer de noblesse
Doit acomplir sa convenance ;
Qui ne le fait, il desavance
Son honeur; le saige parole
Et dit que mentir est offense :
Tien toudis vraie ta parole.

Convent tenir est la hautesse
De cuer, de homme de vaillance ;
Se va rendre en une forteresse
Prinsonnier, et n’a espérance
D’en retourner; et est pour ce
Qu’il le promist : fouis est et fole
Qui conchie* sa conscience :
Tien toudis vraie ta parole.

ENVOI

Beau filz, mieulx vault faire silence
Que promettre ; li homs s’afole
De mentir, par acoustumance :
Tien toudis vraie ta parole.


*  Et à mouvoir de chaude sole : à céder aux mouvements de colère
* toudis : toujours
* conchie : déshonore, salit

Une très belle journée à tous où que vous vous trouviez en ce monde!

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Clément Marot de Cahors: portrait d’un esprit libre à la lisière du monde médiéval et de la renaissance

portrait_clement_marot_poesie_medievaleSujet : poésie médiévale, poésie satirique, portrait poète, auteur médiéval
Période : moyen-âge tardif, début renaissance
Auteur : Clément MAROT de Cahors (1496-1544)
Titre : De soi-même

« Plus ne suis ce que j’ai été,
Et ne le saurais jamais être.
Mon beau printemps et mon été
Ont fait le saut par la fenêtre.
Amour, tu as été mon maître,
Je t’ai servi sur tous les Dieux.
Ah si je pouvais deux fois naître,
Comme je te servirais mieux ! »
Clément MAROT, « De soi-même »

Bonjour à tous!,

A_lettrine_moyen_age_passion
ujourd’hui, nous voulons dire un mot de ce poète médiéval qu’était Clément MAROT. Bien sûr, au vue des dates, vous vous direz peut-être qu’en ce début de XVIe siècle français qui s’avance résolument en direction de la renaissance, nous usurpons quelque peu nos propres habitudes en nous aventurant sur des terres qui ne
sont plus nôtres, puisque déjà plus tout à fait médiévales, et pourtant. La question éternelle du « quand finit et quand débute le clement_marot_portrait_presume_poesie_medievale_auteurmoyen-âge? » se trouve à jamais reposée parce que les transitions tranchées n’existent que dans les chronologies simplistes. Mais s’il est bien l’enfant de ce XVIe siècle naissant qui se tourne déjà vers d’autres lumières, c’est sans doute parce qu’il se situe dans l’héritage des valeurs d’un certain moyen-âge que Clément MAROT peut être le porteur d’une modernité dans laquelle on verra même, quelquefois, l’annonce de la renaissance. Trempé de l’héritage poétique de François VILLON, imprégné de François Pétrarque et de Virgile, mais aussi de l’Amour courtois du Roman de la Rose qu’il éditera d’ailleurs, comme il le fera de l’oeuvre de VILLON à la demande du roi François 1er, Clément MAROT nous offre le portrait d’un esprit libre dont l’itinéraire houleux, entre faveurs de cour, exils et déboires, n’est pas sans évoquer quelques similitudes avec celui de François VILLON (ci-dessus portrait présumé de Clément MAROT, par Corneille de Lyon, début du XVIe siècle).

Eléments de bibliographie

Issu de la petite bourgeoisie, Clément MAROT naît en 1496 à Cahors en Quercy, dans le Lot et Garonne d’aujourd’hui. Ayant suivi des études de clerc, en vue  d’embrasser, plus tard, la carrière juridique et devenir procureur ou chancelier, il y montre aussi peu de zèle que d’intérêt, préférant même occuper son temps avec les Enfants-sans-souci, joyeuse confrérie, célébrant la fête des « fous », qui paradait et festoyait alors dans les rues de Paris.  Plus apte à l’écriture poétique et de plus de poesie_medievale_clement_marotgoût pour l’aventure, il laissera finalement de côté la carrière juridique pour embrasser celle des armes.

(ci-contre buste de Clément MAROT par Jean TURCAN, fin XIXe siècle – 1888)

Il fera, ainsi, ses premières classes en tant que page au service de Nicolas de Neufville, propriétaire d’une maison et d’un jardin sur les bords de Seine, nommés « Les Tuileries » qui seront cédés plus tard à François 1er, avant que Catherine de Médicis n’en fasse le lieu qu’on connait aujourd’hui. A l’issu de cet apprentissage, Clément MAROT servira quelques temps comme soldat et combattra même sur le champ de bataille à Pavie (sixième guerre d’Italie) où il sera blessé. De son côté,  son père, lui-même versificateur et rhétoriqueur, se montrera soucieux de la carrière littéraire de son fils et intercédera auprès de ses appuis à la cour pour qu’une place lui soit faite; le jeune Clément y sera finalement présenté et c’est une traduction des deux premiers livres de la métamorphose d’Ovide offerte au roi François 1er qui lui servira de billet d’introduction et lui ouvrira les portes de cette dernière.

Un  esprit libre à la cour

"Portrait of a man", portrait supposé de Clément MAROT Giovanni Battista Moroni (1520-1587)
« Portrait of a man », un autre portrait supposé de Clément MAROT par Giovanni Battista Moroni (1520-1587)

On a dit de Clément MAROT qu’il était un poète de cour. De fait et en exceptant le sens péjoratif que le terme peut recouvrir, il l’a été. Suivant les traces de son père qui avait servi la reine Anne de Bretagne, il sera bientôt sous la protection de Marguerite de Navarre (Marie d’Angoulème), soeur ainée du roi François 1er et épouse d’Henri, roi de Navarre. Cette dernière le prendra en affection et fera de lui son valet de chambre. Il sera aussi remarqué par le roi lui-même qui le tiendra en ses faveurs. Pourtant, même si au cours de sa vie, Clément MAROT saura concéder de son
temps et de sa plume aux puissants, et même, peut-on dire, les séduire, il connaîtra aussi les affres de la prison et de l’exil pour sa marguerite_de_navarre_protectrice_de_clement_marot_auteur_medievalliberté d’esprit, ses prises de positions, certaines de ses satires et, finalement, pour ses rimes.

(ci-contre portrait de Marie D’Angoulème, par Jean Clouet début du XVIe siècle)

A l’image de RUTEBEUF, d’Eustache DESCHAMPS ou de François VILLON, Clément MAROT est, en effet, un autre de ces auteurs qui s’exercent aux jeux de cour et côtoient les puissants, sans se laisser pourtant totalement dompter, ni conquérir par les normes de son temps. Y a-t’il, au moyen-âge, d’autres manières de vivre de son art et de sa plume que dans l’ombre du pouvoir? Rien n’est moins sûr, comme il n’est pas tout à fait certain d’ailleurs, toute proportion gardée, que le cours de l’histoire ait véritablement changé cela, mais le fait est que conserver une certaine liberté d’esprit et exercer son sens critique en se tenant si proche des puissants relève bien souvent de la gageure et de la prise de risque en ces temps reculés.  De fait, même quand leurs facéties ou leur satire amusent à la cour, les auteurs de cette veine finissent presque invariablement par s’y faire des ennemis véritables. Une autre question demeure de savoir si cette proximité des puissants ne les conduit pas, quelquefois, à certaines imprudences nées d’un excès de confiance dans la protection que cette proximité leur confère; au delà de susciter des jalousies impitoyables et des rancœurs tenaces, l’un a alors tôt fait de déraper, perdant en un instant une protection qu’il se croyait solidement acquise. Cette question se pose sans doute dans le cas de Clément MAROT puisque à de nombreuses reprises le roi lui-même viendra intercéder pour le tirer de mauvais pas, lui apportant un soutien plus ou moins marqué, au fil du temps, en fonction des querelles au centre desquelles le poète se retrouvait engagé.

De déboires en exils

1540 le roi François Ier, l'empereur Charles Quint et le cardinal Farnèse à Paris , par Taddeo Zuccaro,1566
1540 le roi François Ier, l’empereur Charles Quint et le cardinal Farnèse à Paris , par Taddeo Zuccaro,1566

Q_lettrine_moyen_age_passionuoiqu’il en soit, malgré la prison ou les exils qui jalonneront son parcours, les faveurs du roi ne peuvent suffire à tout expliquer et Clément MAROT restera, jusqu’au bout,  un esprit en recherche, refusant de se laisser plier tout à fait aux dogmes qui lui sont contemporains. Quel courage ou quel amour éperdu de sa propre liberté d’homme faut-il pour oser se définir, ou simplement pour suivre son propre chemin de questionnement dans ce XVIe siècle où la vie est encore réglée par la force du dogme, la puissance des institutions religieuses et une justice qui n’hésite pas à broyer les railleurs comme les impertinents?  On dit qu’il fit libérer un prisonnier ce qui lui valut la prison, il y retourna encore et par deux fois pour avoir fait la francois_premier_1er_protecteur_de_Clement_Marotnique à l’église en ne respectant pas le jeûne au carême.

(ci-contre portrait de François 1er, qui intercéda à plusieurs reprises en faveur de Clément MAROT, Jean Clouet, début du XVIe siècle)

Dans une France qui voit la doctrine orthodoxe s’étendre et même se soulever face à l’église catholique, notre poète sera même encore dénoncé comme un chef de file et devra fuir. Même s’il semble aujourd’hui bien difficile d’établir de manière certaine si MAROT était véritablement calviniste ou luthérien. il ne pourra, dés lors, plus compter sur le soutien du roi (qu’il regagnera plus tard dans le temps). Commencera alors un premier exil d’un an qui prendra la forme d’une errance; d’une cour à l’autre, de province en province et usant de ses charmes, Clément MAROT se rapprochera de ceux qui depuis longtemps l’ont nourri et protégé: les puissants. C’est d’abord en Italie qu’il trouvera refuge auprès de la Duchesse de FERRARE, première épouse de François 1er, puis, plus tard à Venise. Bientôt, comme la couronne française assouplira un peu sa position à l’égard des luthériens, acceptant même que les exilés reviennent sur les terres de France sous couvert de repentance, MAROT rentrera, repenti, mais en joie.

Une guerre armée de rimes et de plumes

« Je dy Dieu gard à touts mes ennemys
D’aussi bon coeur qu’à mes plus chers amys. »
Clément MAROT

Mais comme elle est coûteuse la recherche d’un chemin de vie en marge des ornières quand les haines tenaces se fomentent et s’accrochent dans les recoins obscurs des couloirs du pouvoir. De la satire à la raillerie, Clément MAROT ne semble au fond  jamais s’être lassé au jeu du sens critique, et même quand il baissait la garde, conscient d’être sans doute aller trop loin et voulant pardonner à tous, pour ne pas subir encore l’exil ou pour en revenir, dans l’ombre, ses ennemis n’oubliaient rien et continuaient d’attendre leur heure. Il s’en fit de nombreux du côté de la Sorbonne et certains ambitieux en saisirent aussi l’opportunité au grand jour. Ce fut le cas de François SAGON, ancien ami de MAROT bientôt retourné contre lui. poesie_medievale_satirique_eugene_deschamps_moyen_ageS’engagera alors par poésies interposées une lutte sur laquelle il ne faut pas se tromper: pour être littéraire, elle n’en fut pas moins meurtrière dans ses intentions et avec elle, viendra pour le poète le temps d’un nouvel exil. Les amis de MAROT – il lui en reste de fidèles et de nombreux – viendront même à s’en mêler, prenant sa défense de leur plume.

Loin de la cour et dans son nouvel exil, dans un premier temps, MAROT n’entrera dans le jeu que du bout de la plume, espérant plutôt que les esprits se calment pour pouvoir rentrer en France. Mais les attaques de ses ennemis, autant que les coups bas de SAGON, finiront par l’irriter. Jugeant indigne d’une réponse directe les exécrables attaques et rimes de SAGON, et pour rabaisser ce dernier, MAROT lui répondra en faisant parler son valet, Il écrira alors un texte que l’on qualifie, en certains endroits, de première satire de la littérature française moderne. (universalis, Pierre JOURDA) : l’Épître de Fripelipes, valet de Marot, à Sagon,

posie_medievale_clement_marot_de_soi_meme

Quoiqu’il en soit, au terme de ces échanges de rimes aux plumes rageuses et trempées de vindicte, l’Histoire, autant que son talent et les sympathies qu’il a su s’attirer, donneront raison à MAROT; cette guerre finira donc par être gagnée et le poète pourra bientôt rentrer de son exil. Hélas encore pour lui, ses amitiés du côté de la philosophie comme ses tentatives de traduire les psaumes lui attireront à nouveau les foudres des autorités judiciaires comme de l’Eglise et tout se passe comme si chacun de ses pas fournit une occasion de plus à ses ennemis de lui fondre dessus. Bientôt, comme une malédiction qui lui colle à la peau, ce sera encore et à nouveau, l’exil, le départ forcé et déchirant pour cet homme qui semble ne se sentir bien et véritablement chez lui qu’à la cour et en France. C’est ainsi que la mort le surprendra à l’automne 1544, loin de ses terres et durant ce dernier exil, dans la ville italienne de TURIN. En guise d’épitaphe, nous citons ici les belles lignes d’Abel GRENIER dans son ouvrage « Oeuvres complètes de Clément MAROT » (1951) qui, entre autres sources, nous a inspiré l’essentiel de cette bibliographie.

« Telle fut la fin de cet homme aimable dont la vie s’écoula tour à tour joyeuse et paisible, inquiète et vagabonde, sans que jamais il ait cessé de garder, dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, la vivacité de son esprit, l’insouciance de son humeur et la liberté de sa muse primesautière. »
Abel GRENIER « Oeuvres complètes de Clément MAROT »

Même si on a quelquefois dit de la poésie de MAROT qu’elle était « légère », quand on n’a pas simplement dit qu’elle était « moyenne », elle reste une poésie du coeur et de sincérité à l’image de ses premiers vers de lui partagés ici et qui nous ont fourni l’occasion de ce portrait. Nous lui devons aussi des textes satiriques et critiques et nous aurons, bien sûr, l’occasion d’en partager quelques uns de plus ici.

En vous souhaitant une  journée pleine de joie.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
« A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes »