Sujet : poésie médiévale, morale, satirique, politique et réaliste, ballade, vieux français Période : moyen-âge tardif, bas moyen-âge Média : lecture audio, lecture poétique Musique : Erik Satie, Gymnopédie Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : Nul ne tent (fort) qu’a emplir son sac
Bonjour à tous,
« Par ce convient que le peuple mendie Car nulz ne tent qu’a emplir son Sac » Eustache Deschamps (1346-1406)
llez-vous bien mes amis? Etes-vous en joie et ne ployez-vous pas trop sous la charge? Nous l’espérons de tout coeur. De notre côté, à quelques jours de l’article sur cette ballade d’Eustache Deschamps sur la cupidité et l’injustice des temps, et finalement, sur l’obsession des puissants à s’enrichir au détriment du travail du petit peuple, nous ne sommes finalement fendus de sa lecture audio.
Du point de vue langagier et même si six siècles nous en séparent, le vieux français d’Eustache Deschamps est déjà beaucoup plus proche du nôtre que celui d’un Rutebeuf et se comprend beaucoup mieux. Nous ne donnons donc que quelques indications sur certains mots sur lesquels vous pourriez buter en fin de lecture. Si vous le souhaitez, vous pouvez également vous référer à l’article plus détaillé sur cette ballade ici.
Lecture audio en vieux français
Nulz ne tent qu’a emplir son sac
ncore une fois, la morale, quand elle est bonne, est un peu comme un vin de garde, elle ne vieillit pas ou, si elle le fait, elle le fait bien. Je vous laisse donc déguster à nouveau ces mots écrits, il y a plus de six siècles, par un des auteurs et poètes les plus prolifiques du monde médiéval et, notamment, du XIVe siècle: le grand Eustache Deschamps. Peut-être les trouverez-vous, comme nous, d’une grande modernité ou en tout cas d’une brûlante actualité? Sur certains aspects, les temps changent-ils vraiment? La question reste ouverte. (photo ci-contre quand le valet Blaze (Yves Montand) réveillait le cupide Don Salluste (Louis de Funès) à grands coups de « Monseignor, il est l’or » et de pièces trébuchantes dans le film la folie des grandeurs, libre adaptation de la pièce « Ruy Blas » de Victor Hugo, par Gérard Oury )
Du côté musical, nous avons conservé, en fond, cette très belle pièce tirée des Gymnopédies de Erik Satie que nous avions déjà utilisé pour mettre en audio l’épitaphe de François Villon ou sa ballade des pendus.
Une excellente journée à vous où que vous vous trouviez sur notre belle planète bleue.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : ballade, poésie médiévale, poésie satirique Auteur : Eustache DESCHAMPS (Morel) (1346-1406) Période : moyen-âge tardif, bas moyen-âge, XIVe Titre : Ballade sur le néant des choses de ce monde
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons une autre pièce du grand Eustache Deschamps, dit Morel, C’est cette fois-ci, clairement, une poésie satirique sur les conflits de son temps. Souvenez-vous que ce poète médiéval a eu le privilège de vivre assez longtemps. Officier de cour, tour à tour messager, écuyer, huissier d’armes, il a occupé des emplois d’importance variable à la cour et a pu, au long de sa longue vie durant laquelle il ne cessa d’écrire, servir deux souverains. Concernant sa longévité, les avis sont partagés, dans la préface d’un ouvrage du XIXe siècle sur ses œuvres poétiques et satiriques, on lui prêtait près de vingt ans de vie en plus qu’on ne lui prête aujourd’hui.
Quoiqu’il en soit, Eustache Deschamps connaîtra les guerres et les conflits de son temps, l’interminable guerre de cent ans, le pays à feu et à sang, les épidémies de peste, encore, qui ravagent les terres. Avec ces réflexions en forme de poésie sur le néant des choses de ce monde, il s’attaque frontalement, à l’orgueil et la vanité des puissants, aux vaines conquêtes qui ne cessent de mettre les pays à feu et à sang. Jusqu’au bout du texte, on sent l’homme d’expérience désabusé, las des guerres et des conflits de pouvoir mis face à l’évidence de la vacuité des choses et nous retrouvons encore, ici, un Eustache Deschamps engagé, témoin critique et satirique de son temps.
Ballade d’Eustache Deschamps
Sur le néant des choses de ce monde
Las ! que j’ay veu de tribulacion, De tempestes et de mortalitez, De haines, de peuples mocion , De grans orgueilz et de grans vanitez , De traïsons et de crudelitez, Puis cinquante ans ; et vengence soudaine Conflis de Roys en France et en Espaigne Pour nos péchiez , et universel guerre Pour le débat de France et d’Angleterre, Pais ardoir, tout destruire à larronde, Pour convoitier et seignourie acquerre : C’est tout néant des choses de ce monde.
Car nul n’en a vraie posession, N’estre ne puct qu’à sa vie héritez, Au mieulx venir, et par déception En sont pluseurs ou par force privez A leur vivant. Entre vous, qui vivez, Aiez regart aux conquests Charlemaine, Ceulx d’Alixandre et de la gent romaine, Qui tant de maulx soufrirent pour conquerre ; Mais puis leur mort tout fut cas comme un voirre , Et divisé ; ainsi fault que tout fonde Des biens mondains; foulz est qui pour eulx erre : C’est tout néant des choses de ce monde.
Quatre lignie et généracion Ay veu des Roys , depuis que je fu nez : Philippe, Jehan, Charle en succession Le cinquième , Charles ses filz ainsnez Régna après, dont furent subjuguez A Rosebeth Flament sur la montaigne; Vingt-six mille moururent soubz s’enseigne ; Que treize ans n’ot quant les ala requerre; Après au Dant par siège les va querre ; Bonbourc assist ; à celle fois seconde Ses ennemis en desloge et desserre : C’est tout néant des choses de ce monde.
A Amiens vi la conjunction , Et les noces quant il fut espousez A Ysabel qui de l’estracion De Bavière est. Je vis ses osts menez En la duchié de Guclre, et feux boutez ; Le duc venir es tentes en la plaine Devers le Roy, et sa volunté plaine Faire du tout. Et qui en veult enquerre A Saint-Denis un chafault , et par terre Joustes très grans où l’or luit et habonde ; Mais qui vouldroit jugier à droitte esquerre ; C’est tout néant des choses de ce monde.
La feste vi passant en mission Toutes autres, de la Royne entendez, Faicte à Paris après l’Ascencion ; Pour la guerre j’ay veu pluseurs traictez , Les grans trêves des deux Roys ; assemblez Dessoubz Ardre leur gent et leur compaigne, La fille au roy de France qu’il amaine Au roy Anglois , qui pour femme o lui erre Droit à Calays ; n’a que sept ans soubz serre, Là espousa la vierge enfant et monde ; Mais qui ces poins sent dont li cuers me serre : C’est tout néant des choses de ce monde.
ENVOI
Prince, j’ay vu les temps desordonnez; Sanz droit, sanz loy, païs habandonnez; Tous maulx courir , iniquité parfonde, Lesquelz je voy en mieulx estre espérez ; Mais jà pour ce trop ne vous y fiez : C’est tout néant des choses de ce monde.
Une belle journée à tous.
Fred
Moyenagepassion.com « L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus Ier s. av. J.-C
Sujet : Poésie médiévale, poésie satirique. Auteur : François Villon (1431 -1463) Titre : Ballade Villon Période : fin du moyen-âge, bas moyen-âge
Je meurs de soif auprès de la fontaine, Chauld comme feu, et tremble dent à dent, En mon païs suis en terre loingtaine; Lez un brazier friçonne tout ardent; Nu comme ung ver, vestu en president; Je ris en pleurs, et attens sans espoir; Confort reprens en triste desespoir; Je m’esjouys et n’ay plaisir aucun; Puissant je suis sans force et sans povoir, Bien recueilly, debouté de chascun.
Rien ne m’est seur que la chose incertaine, Obscur, fors ce qui est tout evident; Doubte ne fais, fors en chose certaine; Science tiens à soudain accident; Je gaigne tout, et demeure perdent; Au point du jour, diz: «Dieu vous doint bon soir!» Gisant envers, j’ay grant paour de cheoir; J’ay bien de quoy, et si n’en ay pas un; Eschoicte attens, et d’homme ne suis hoir, Bien recueilly, debouté de chascun.
De riens n’ay soing, si metz toute ma paine D’acquerir biens, et n’y suis pretendant; Qui mieulx me dit, c’est cil qui plus m’attaine, Et qui plus vray, lors plus me va bourdant; Mon ami est qui me fait entendant D’ung cygne blanc que c’est ung corbeau noir; Et qui me nuyst croy qu’il m’aide à povoir. Verité, bourde, aujourd’uy m’est tout un. Je retiens tout; riens ne sçay concepvoir, Bien recueilly, debouté de chascun.
Prince clement, or vous plaise savoir Que j’entens moult, et n’ay sens ne sçavoir; Parcial suis, à toutes lois commun. Que fais−je plus? Quoy? Les gaiges ravoir, Bien recueilly, debouté de chascun.
Sujet : chanson, poésie médiévale, Amour Courtois, musique médiévale Auteur-Compositeur : Gilles de Binche, Gilles Binchois (1400-1460) Titre : pour prison ne pour maladie Période : Début du XVe siècle, bas Moyen Âge Interprètes : Ensemble médiéval Gilles Binchois
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons un peu d’amour courtois bourguignon, en provenance de la fin du XVe siècle. Nous devons cette composition, du Moyen Âge tardif, à Gilles de Binche, compositeur franco-flamand du début du XVe siècle, que l’on connait mieux sous le nom de Gilles Binchois. On lui doit à la fois des compositions religieuses et profanes, mais ce sont surtout ces dernières qui l’ont fait entrer dans la postérité. Cinquante-cinq de ses chansons profanes nous sont parvenues, dans lesquelles il mit en musique des poésies médiévales qu’il n’avait pas écrites lui-même, mais qu’il emprunta, avec discernement, aux plus beaux auteurs de son temps. Sauf erreur, le texte du jour est d’ailleurs inspiré d’une poésie d’Alain Chartier (célèbre poète et auteur de la fin du XIVe et du début du XVe siècle).
L’ensemble Gilles Binchois
L’ensemble médiéval qui interprète cette pièce porte le même nom que son compositeur et s’est formé un peu avant les années 80. Voilà donc plus de 35 ans que ces musiciens courent les routes pour y proposer leurs concerts et faire partager les plus belles musiques du Moyen Âge à la renaissance.
Dominique Vellard, l’âme qui inspire cet ensemble par ses recherches très sérieuses dans le domaine de la musique médiévale, est aussi féru de musiques traditionnelles, au sens large. A ce titre, il a aussi guidé le groupe dans des expérimentations les plus variées avec des musiciens aux origines diverses, de l’Espagne à la Bretagne en passant par l’Inde, le Maroc ou l’Iran. Voilà donc encore une belle formation à découvrir dans le domaine du répertoires de musiques anciennes et médiévale. Tous leurs albums et toutes les informations sur leur ensemble sont ici : site web de l’ensemble Gilles Binchois
Paroles de la chanson « Pour Prison ne pour Maladie » De Gilles Binchois
Pour être en moyen français, les paroles de cette chanson se rapprochent tout de même de notre langue moderne. Nous sommes loin de la langue d’un Rutebeuf et nous les laisserons donc libres de traduction, jugeant qu’elles demeurent tout à fait compréhensibles. Mais assez parlé, place à l’amour courtoué pour le plaisir du Roué !
Pour prison, ne pour maladie, Se pour chose qu’on me die, Se vous peut mon cuer oublier. St sy ne peult ailleurs penser, Tant ay de vous veoir en vie.
M’amour, ma princesse et amie, Vous seule me tenes en vie, Et ne peult mon desir cesser.
Ne doubtes ja que vous oblie, Qu’onques nulle tant assouvie Ne fust qui me peult faire amer, Que vous, belle et douce sans per, Don’t amours point ne me deslie.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.