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l’Amour à double-tranchant du trouvère Robert de Reims

Sujet : musique, chanson, médiévale, vieux français, trouvère, Champagne, amour courtois, satire, langue d’oïl, courtoisie.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle.
Auteur :  Robert La Chièvre de Reims (1190-1220)
Titre : Qui bien vuet Amors descrivre
Interprète : Brigitte Nesle
Album: 
« Ave Eva », chansons de femmes du XIIe & XIIIe siècles (1995)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nos pérégrinations médiévales nous entraînent à la découverte d’un nouveau trouvère du Moyen Âge central. Connu sous le nom de Robert la Chièvre ou Robert de Reims, cet auteur compositeur des XIIe et XIIIe siècles appartient à la génération des premiers trouvères du nord de la France.

Nous le retrouverons ici dans une jolie chanson satirique sur les joies mais aussi les chausse-trappes de l’Amour. L’ambivalence est donc au programme de cette pièce qui s’éloigne des standards habituels de la lyrique courtoise. Avant cela, disons tout de même un mot de l’œuvre et de la biographie de ce trouvère.

Biographie & œuvre de Robert de Reims

Peu de détails nous sont parvenus de la vie de Robert La Chièvre. Originaire de Champagne, ce trouvère aurait été actif entre la toute fin du XIIe siècle et le premier tiers du XIIIe siècle (1190-1220). Cela le situe comme contemporain d’auteurs comme Blondel de Nesle (1155-1202), Gace Brûlé (1160-1213), Conon de Béthune (1150-1220) ou encore un peu plus tardivement Colin Muset (1210-1250).

Des confusions autour de son nom

Concernant son patronyme, les copistes des manuscrits médiévaux (et les médiévistes à leur suite) ont jonglé longtemps entre Robert de Reins, Robert de Rains, Robert li Chièvre, la Chièvre, etc…

Certains auteurs ont considéré logiquement que La Chièvre était son patronyme puisqu’il s’en sert dans certains de ses envois poétiques. Entre ceux-là, Arthur Dinaux émit même l’hypothèse que le trouvère pouvait être originaire du Hainaut et de la petite seigneurie de Chièvres 1. L’hypothèse semble avoir été réfutée depuis, en l’absence de faits pour l’étayer.

D’autres auteurs des XIXe et XXe siècles ont pensé que La Chièvre pouvait être un pseudonyme (cf Jeanroy : Robert de Reims « dit » la Chèvre 2). Au milieu du XIXe siècle, la monumentale Histoire littéraire de la France en 43 volumes semble toutefois avoir tranché le débat, en classant l’auteur sous le nom de Robert la Chièvre de Reims3.

"Qui bien vuet amors descrive", chanson de Robert La Chièvre de Reims, annotée musicalement dans le Manuscrit enluminé ms 5198 de la Bibliothèque de l'Arsenal.
Chanson annotée de Robert la Chièvre de Reims dans le ms 5198 de la Bibliothèque de l’Arsenal.

Peu d’éléments factuels

Sur les détails de la vie ou les origines de Robert de Reims, nous en savons donc peu et sa poésie ne nous est guère d’un grand secours. Il semble avoir été jongleur et trouvère, vraisemblablement plus proche du petit clerc que d’un seigneur ayant fief et cour.

Le contenu de ses vers ne fait pas non plus référence à des noms ou des faits auquel se raccrocher. Ses textes gravitent principalement autour du sentiment amoureux ou ses désillusions, avec quelques pièces satiriques. Aucun noble ou lieu ne s’y trouvent cités qui puissent nous aider à percer la vie du trouvère.

En parcourant son leg poétique, on pourrait lui prêter une maîtresse qui le quitta et lui causa quelques désillusions. Toutefois, là encore le propos reste purement spéculatif et on ne peut guère l’extrapoler hors de son cadre littéraire.

L’œuvre de Robert la Chièvre de Reims

Elle est composée de neuf pièces monodiques dont quatre se doublent de versions polyphoniques pour aboutir à treize pièces en tout. Certaines sont attachées à la lyrique courtoise dans ses formes habituelles. D’autres sont plus satiriques ou caustiques. On trouve également une pastourelle, une sotte chanson sur l’amour (la première du genre), une chanson sur Robin et Marion et une autre sur le thème médiéval de la belle Aélis.

Outre le fait que certaines de ses pièces ont pu inspirer des trouvères plus tardifs, une des originalités du répertoire de Robert la Chièvre de Reims est la présence dans les manuscrits de variantes polyphoniques pour des pièces monodiques. Pour Samuel Rosenberg, l’un des derniers biographes du trouvère (voir notes, ouvrage de 2020), cette présence de motets et cette mixité de répertoire pourrait être révélatrice de la manière dont les premiers trouvères ont pu contribuer activement au développement de la polyphonie 4 et même à influencer le corpus liturgique.

Aux Sources manuscrites de son œuvre

"Qui bien vuet amors descrive", chanson de Robert La Chièvre de Reims, annotée musicalement dans le Chansonnier Cangé, ou Français 846 de la Bibliothèque National de France
Robert de Reims dans le Chansonnier Cangé (ms français 846) de la BnF, à Consulter sur Gallica.

Les chansons de Robert de Reims sont présentes dans un nombre important de manuscrits médiévaux : treize en tout5. L’œuvre s’y trouve disséminée la plupart du temps avec quelques chansons ça et là. Des manuscrits comme le chansonnier Clairambault (Nouvelle Acquisition française 1050) ou le Manuscrit du Roy (ms Français 844) comptent au nombre des manuscrits qui en réunissent le plus grand nombre.

Pour la pièce du jour et sa partition d’époque, nous avons choisi quant à nous deux autres manuscrits. D’abord, le Chansonnier Cangé ou ms Français 846. Ce célèbre manuscrit médiéval daté de la fin du XIIIe siècle contient pas moins de 351 pièces de trouvères. On peut y retrouver de nombreuses pièces courtoises et des auteurs reconnus comme Thibaut de Champagne, Gace Brûlé, Conan de Bethune, Blondel de Nesle ou encore le châtelain de Coucy et Adam de la Halle.

Plus haut dans ce même article, vous retrouverez également la version annotée musicalement de cette même chanson dans le ms 5198 de la Bibliothèque de l’Arsenal. Ce riche manuscrit médiéval du XIIIe siècle présente, lui aussi, sur 420 pages de très nombreuses pièces de trouvères annotées musicalement.

En ce qui concerne la graphie moderne de cette chanson, nous l’avons reprise de l’ouvrage de A. Jeanroy et A. Langfors : Chansons Satiriques et Bachiques du XIIIe siècle. Quant à son interprétation en musique, nous vous invitons à la découvrir au travers de la belle interprétation de Brigitte Lesne.

Brigitte Lesne à la découverte des chansons de femmes des XIIe et XIIIe siècles

En terme de postérité, Robert de Reims est loin d’atteindre la notoriété d’un Gace Brûlé, d’un Colin Musset ou même d’un Thibaut de Champagne. De fait, on le trouve assez peu joué sur la scène médiévale moderne. En 1995, Brigitte Lesne décidait d’y faire une exception. Elle faisait, en effet, paraître un album solo à la découverte des chansons de femmes du Moyen Âge central où l’on retrouve notre trouvère.

A propos de Brigitte Lesne

On ne présente plus cette grande artiste et vocaliste passionnée de musiques anciennes. Après son conservatoire, elle intègre les bancs de la Schola Cantorum Basiliensis où sont passés les plus grands noms de la scène médiévale.

Plus tard, on la retrouve dans l’Ensemble Gilles Binchois. Elle cofonde également l’ensemble Alla Francesca aux côtés de Pierre Hamon, et fonde aussi l’ensemble Discantus qu’elle dirige. Impliquée dans la création du Centre de musique médiévale de Paris, elle enseigne également à la Sorbonne dans le champ des musiques anciennes et médiévales et de leur interprétation.

L’album Ave Eva : chansons de femmes des XIIe et XIIIe siècles

Au long de 20 pièces, pour 61 minutes d’écoute, cet album solo de Brigitte Lesne explore le répertoire des trouvères de la France médiévale ainsi que des chansons en provenance de la péninsule ibérique et du répertoire galaïco-portugais.

Du côté français, Gautier de Coincy, Adam de la Halle, Robert de Reims et la Trobairitz Beatritz de Dia (comtesse de Die) y font leur apparition. Au sud du continent, Martin Codax et ses cantigas de Amigo y trouvent une belle place au côté de la cantiga de Santa Maria 109 d’Alphonse X. La sélection comprend encore de nombreuses pièces de trouvères demeurés anonymes.

Musiciens ayant participé à cet album

Brigitte Lesne (voix, harpe, percussion)

Où se procurer cet album ?

Cet album est encore disponible en version CD (à voir avec votre disquaire). A défaut, on peut également le trouver en ligne sous ce format : Ave Eva: Chansons de femmes des XIIe et XIIIe siècles, l’album de Brigitte Lesne. Notez que les plateformes légales de streaming le proposent également sous forme digitale et dématérialisée.


Une chanson sur la duplicité de L’Amour

Les trouvères comme les troubadours ont pu quelquefois se distancer de l’exercice courtois pour rédiger des pièces plus critiques ou satiriques sur le sentiment amoureux.

Dans la chanson médiévale du jour, Robert de Reims se prête lui-même à cet exercice. En prenant ses distances du portrait idyllique de la lyrique courtoise, il rédige là une pièce plus satirique sur l’ambivalence de l’amour et du sentiment amoureux.

On ne peut saisir le grain sans la paille. Balançant entre éloge et défiance, entre le feu et la glace, il nous dépeint avec vivacité le portrait d’un Amour tout en contradiction : grande aventure qui libère ou qui lie, qui fait vivre et fait mourir.


Qui bien vuet Amors descrivre,
en vieux français originel

NB : ayant pour l’instant résisté à la tentation de l’adaptation en français actuel, nous vous fournissons quelques clés de vocabulaire pour vous aider à décrypter un peu mieux le vieux français de Robert de Reims.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour Moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.


NOTES

  1. Les Trouvères brabançons hainuyers, liégeois et namurois, Arthur Dinaux, chez Techener Libraire (1903) ↩︎
  2. Chansons Satiriques et Bachiques du XIIIe siècle, A. Jeanroy et A. Langfors, Ed Honoré Champion (1921) ↩︎
  3. Histoire littéraire de la France, Tome 23 (1856) ↩︎
  4. « Robert’s production thus allows us to discover the role of a recognized trouvère in the interplay of composition and recomposition of works through their various monophonic and polyphonic recastings. Critically, it reveals not only that some trouvères took part in the development of polyphony, but also that their involvement occurred very early in the development of the motet, even influencing the enrichment of liturgical corpora. The case of Robert de Reims jostles and tempers the standard history of the chanson and motet. » Samuel N. Rosenberg,
    Robert de Reims : Songs and Motets. Eglal Doss-Quinby, Gaël Saint-Cricq, Samuel N. Rosenberg (ed.), Penn State University Press (2020) ↩︎
  5. Les chansons de Robert La Chièvre de Reims trouvère du XIIIe siècle mises en langage moderne avec leur musique et une notice sur ce poète, Madeleine Lachèvre ↩︎
  6. Et se li biens li demeure de tant a il avantage que li biens d’une seule eure les maus d’un an assoage : Et s’il doit en attendre les bienfaits, par une seule heure de félicité
    il a tant d’avantage que les maux d’une année entière s’en trouvent soulagés
    ↩︎






Les 8eme Médiévales de Tiffauges ou la forteresse assiégée

Sujet : animations médiévales, reconstituteurs, marché médiéval, compagnies médiévales, histoire vivante, guerre de cent ans, Bertrand du Guesclin.
Période : Moyen Âge central, XIVe siècle.
Evénement : Les 8e Médiévales de Tiffauges 2025
Lieu : château de Tiffauges, Vendée, Pays de la Loire.
Date : 27 & 28 septembre 2025

Bonjour à tous,

la fin de ce mois, le château de Tiffauges reconvoquera en ses murs sa vibrante histoire médiévale. Portée par le département de Vendée et l’Association du Roi Uther, cette manifestation connait un succès grandissant. A l’occasion de leur 8eme édition, les Médiévales de Tiffauges affirmeront, à nouveau, leur ambition de porter haut la reconstitution historique et l’évocation de la guerre de cent ans.

Tiffauges : immersion au cœur du siège.

Tiffauges, médiévales 2025, 8eme édition, affiche officielle.

Cette année, les visiteurs se trouveront plongés au cœur d’une forteresse assiégée.

Nous sommes dans le dernier tiers du XIVe siècle. Les temps sont à l’affrontement entre les troupes françaises guidées par le Dogue noir de Brocéliande, le célèbre Bertrand du Guesclin et les anglais commandés par John Chandos, limier du prince noir. Débarqués fraichement d’Angleterre, ces derniers sont bien décidés à s’accrocher à leurs derniers bastions fortifiés en terre de France. Pour du Guesclin, il est question de les en déloger sans ménagement.

On retrouvera, d’un côté, un ost français composé de soldats mais aussi de barons, de mercenaires, d’experts en siège et de sapeurs réunis par du Guesclin. De l’autre, un ost anglais constitué principalement d’archers et de soldats de métiers.

Scénarisation & réalisme historique

Immerger le visiteur dans l’atmosphère d’un véritable siège médiéval, voilà donc le défi ambitieux de cette 8eme édition. C’est d’autant plus vrai que les Médiévales de Tiffauges sont toujours très scénarisées avec un fort parti-pris de réalisme historique.

Ici, pas question de simples mêlées désordonnées, ni de mélange d’époques ou de genres. Tous les aspects de l’événement ont fait l’objet d’un cahier de charges précis. Cela va des tenues, aux armes, aux attitudes en combat, jusqu’à la sécurité et l’organisation générale de l’événement.

Des mouvements de troupes, aux échauffourées en passant par le rôle des civils, des ingénieurs ou des artisans, l’ensemble des reconstituteurs sera là pour contribuer à la cohérence de l’ensemble (historique, hiérarchique, scénaristique).

Revivre un siège médiéval et revisiter l’Histoire


Au delà du spectacle, se niche une volonté affichée de transmission historique. En plus de l’atmosphère bouillonnante, l’événement entend bien faire découvrir au public un certain nombre de réalités à l’œuvre lors d’un siège au Moyen Âge tardif. Voici quelques aspects qui seront soulignés à l’occasion de ces Médiévales de Tiffauges :

  • Découverte de la poliorcétique avec présentation détaillée des machines de siège et construction sur place d’un couillard,
  • Démonstration du travail des sapeurs et de leur œuvre de sabotage incontournable durant les sièges médiévaux,
  • Constructions d’abris de soldats loin de l’image habituelle des forêts de tentes en toile,
  • Reconstitution de l’écologie des camps de guerre avec leurs personnels militaires, civils et religieux, leurs classes dirigeantes.

Autre ambition à souligner de Tiffauges 2025, s’attacher à souligner les différences entre les écoles de guerre médiévale anglaise et française.

Une volonté d’incarner l’Histoire

A l’habitude, les différents corps militaires, chevaliers et soldats ne seront pas les seuls à accompagner l’armée. Experts, artisans, personnels civils et religieux seront aussi là pour soutenir l’effort de guerre de chaque camp. A Tiffauges, c’est vraiment tout un monde que les organisateurs s’attachent à faire revivre avec son écologie, ses acteurs et ses différents corps sociaux et finalement sa réalité historique et organique.

Médiévales de Tiffauges 2025 : revivre un siège médiéval avec 400 reconstituteurs

Pas question donc de simple figuration pour les 400 reconstituteurs issus des troupes françaises et européennes venus se joindre à l’événement. Chacun sera là pour incarner un statut, une fonction, un ensemble d’actions inspirées de rôles définis qui prennent place dans une hiérarchie et un objectif collectif. L’effort de cohérence historique est donc loin de se limiter aux costumes et à la simple présence sur site.

Dans le même esprit, les actions de siège et de défense s’articuleront entre stratégies militaires offensives, missions secrètes et psychologiques (sape, sabotage, empoisonnement, …), interventions civiles (construction, ravitaillement, etc…) sous l’égide des maréchaux de chaque armée.

Là encore, cette scénarisation est le fruit d’une travail précis de reconstitution historique.

Quelques autres temps forts à Tiffauges

Entre actions continues et effervescence permanente sur le champ de bataille, des temps forts permettront de revivre en grand les manœuvres des troupes, des revues à l’entraînement.

Les puissants tirs d’artillerie et autres rebondissements spectaculaires assureront aussi le spectacle. Ils côtoieront des moments plus inédits et plus tranquilles comme l’appel à la trêve dominicale par les prêtres ou d’autres actions que l’on a rarement l’occasion de voir lors d’un événement médiéval même très orienté sur la reconstitution.

Nous le disons chaque année mais nous le redirons encore ici, le terme de « Médiévales » semble décidemment un peu étroit pour retraduire le soubassement de cet événement. Ici, pas de Moyen Âge fourre-tout. A Tiffauges, les organisateurs ont à cœur de faire œuvre d’une grande ambition historique et d’un perfectionnisme assez unique.

Compagnies médiévales & Reconstituteurs

Mesnie Enguerran – Alliance des Lions d’Anjou – Mesnie de l’Hermine – Genz d’Armes 1415 – Compagnie Guesclen – Milite Nothi – Les Tards Venus – La Guerre des Couronnes – Via Historiae – L’Ost du Phenix – Soudarded – Obliti Milites – La Guilde des 3 Couronnes – La Grand Compaigne – Les Ecorcheurs Stimwe – Les PLantagenets – Cercle d’Armes du DauphinéGallina Solaris – Mesnie de Wittelbach – Le Feu Liegeois – Alsaciae Protectores – La Quintefeuille – L’Ost du Castel – Mignoned Ar Bro – Emptivus Miles – Les Penthièvres

Marché médiéval & ripailles

Si cette programmation étourdissante vous en laisse le temps, un marché médiéval est également prévu sur place. Bien sûr, collations et ripailles seront aussi là pour assouvir ou étancher grand-faim et grand-soif.

Pour plus d’information sur les accès et le programme, voir le site officiel du département de Vendée.


Voilà donc pour ces Médiévales de Tiffauges 2025 et leur alléchant programme. En cette fin septembre, la guerre de cent ans avec sa vibrante histoire et ses héros médiévaux revivront sur les terres de Vendée.

Le château tombera-t-il sous les assauts de l’ost français, au terme d’un week-end d’émotions fortes et d’immersion complète ? Pour le moment, le roi Uther en garde jalousement le secret et il faudra, pour le découvrir, se rendre à Tiffauges, les 27 & 28 septembre prochain.

Retrouvez tous nos articles sur les Médiévales de Tiffauges : Edition 2019Edition 2022Edition 2023Edition 2023 (retour en images) – Edition 2024Edition 2024 (retour en images)

Une belle journée à vous, en vous remerciant de votre lecture.

Fred
Pour Moyenagepassion.com
A la découverte du Monde Médiéval sous toutes ses formes.

le miracle de Cantiga de Santa Maria 154 : une flèche ensanglantée pour un joueur colérique

Sujet : Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracle, Sainte-Marie, colère, blasphème, joueur de dés, Catalogne.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle.
Auteur : Alphonse X  (1221-1284)
Titre : Cantiga de Santa Maria 154  « Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fillo » 
Interprète : Música Antigua et Eduardo Paniagua, Cantigas De Catalunya (2007)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous voguons vers le XIIIe siècle et le Moyen Âge central avec l’étude de la Cantiga de Santa Maria 154. Au cœur de l’Espagne médiévale, le roi Alphonse X de Castille compila plus de 400 récits de miracles et chants de Louange à la vierge Marie.

Issu d’une lignée de rois lettrés, Alphonse le Sage aimait s’adonner à la poésie et à l’écriture. Il composa et mit en musique lui-même une partie de ces cantigas de Santa Maria. Pour l’ensemble du corpus, des troubadours et musiciens de sa cour apportèrent aussi leur contribution.

La plupart des miracles relatés dans les cantigas de Santa Maria ont pour origine des lieux de pèlerinage de l’Europe médiévale mais certains proviennent aussi de destinations plus lointaines (Afrique, Proche-Orient, …).

Témoin de l’importance du culte marial au Moyen Âge central, tout autant que de la musique de cette période, le corpus des chants à Sainte-Marie d’Alphonse X est encore largement joué sur la scène des musiques anciennes et médiévales. Nous espérons que le fait de détailler leurs partitions et traductions, en y associant des versions musicales par les plus grands ensemble de la scène médiévale contribuera à les faire mieux connaître mais aussi jouer.

La Cantiga de Santa Maria 154 et ses enluminures dans le Codice Rico de l'Escurial
La Cantiga de Santa Maria 154 et ses enluminures dans le Codice Rico de l’Escurial (consulter en ligne)

Le Miracle de la cantiga de Santa Maria 154

La Cantiga de Santa Maria 154 se déroule en Catalogne. Elle a pour théâtre les abords d’une église dédiée à Sainte Marie et met en scène un groupe de joueurs de dés. Parmi eux, un joueur de dés malchanceux et coutumier du fait tente à nouveau sa chance.

Enluminures de la Cantiga 154 : les joueurs de dés sont devant l'église de Sainte Marie, le joueur malchanceux s'empare d'une arbalète.
Le joueur de dés malchanceux se saisit d’une arbalète

Ayant perdu une fois de plus, l’infortuné succombera à la colère. Dans son emportement, il décidera de tirer un trait d’arbalète en direction du ciel pour rendre à Dieu ou à la vierge la monnaie de leur pièce pour sa propre malchance. La flèche sera perdue de vue. Revenu à son occupation, le joueur et son auditoire auront la surprise de voir choir du ciel la flèche ensanglantée. Elle viendra même se ficher directement dans le plateau de jeu éclaboussant le plateau de sang et suscitant l’épouvante du joueur comme de l’assistance.

Le sang était-il celui de Dieu ou de la vierge ? Comme on le verra, il s’agit bien plutôt une leçon pour apprendre à l’intéressé à se méfier de son vice et de ses colères, comme de ses intentions violentes et blasphématoires.

Terrifié par son acte et ses conséquences, le joueur rentrera sur le champ dans les ordres. Ayant opté pour une voie monastique et d’ascèse, il trouvera finalement le salut après une vie plus rangée et, on l’imagine, loin des blasphèmes et des jeux de dés.

Au Moyen Âge central, les miracles ouvrent constamment des portes vers le surnaturel et rien ne semble freiner le pouvoir de Marie et ses manifestations dans le monde temporel.

Enluminure de la Cantiga 154 : le  joueur de dés tirent en direction du ciel  une flèche, la flèche retombe ensanglantée et se plante sur le plateau de jeu
Dans un geste de colère il tire une flèche en direction de Dieu et de la Vierge, qui retombe ensanglantée

Autres miracles des cantigas sur les joueurs de dés

Ce n’est pas la première fois que les cantigas de Santa Maria nous présentent un miracle marial lié au jeu. On se souvient notamment du ménestrel et joueur de dés invétéré de la Cantiga de Santa Maria 238.

Dans ce récit très similaire à celui du jour, ce féru de jeu ne cessait de blasphémer et de fustiger Dieu et la Sainte pour sa malchance. Emporté par la passion du jeu, il s’en prit à un religieux qui lui conseillait de faire pénitence. Ayant blasphémé et défié l’homme de foi, une fois de trop, le joueur finit emporté en pleine lumière par le démon, tout droit jusqu’aux enfers. S’il est, lui aussi, victime de propre colère, le joueur de la Cantiga de Santa Maria 154 trouvera, après une leçon plutôt sanglante, un peu plus de clémence.

Dans la même veine, on trouve encore la Cantiga de Santa Maria 163. Ici, un joueur de dés de Huesca ayant tout perdu reniera la sainte, la rendant coupable de sa déroute. L’affaire lui vaudra de se trouver paralysé sur le champ et de perdre totalement l’usage de la parole. Il lui faudra beaucoup de repentance et rien moins qu’un pèlerinage pour obtenir la clémence de Marie et recouvrer l’usage de ses membres et de sa langue. Moralité : si le jeu d’argent ne paye pas, le blasphème paye encore moins.

Dans les trois cas, il est intéressant de relever que c’est la colère et l’attitude blasphématoire des joueurs qui les condamnent, plus que le jeu en lui-même.

Enluminure de la Cantiga 154 : le joueur se convertit et se fait moine jusqu'à sa mort, il obtiendra finalement le pardon et le salut
Converti à la suite de ce miracle, le joueur de dés trouvera finalement le salut et le pardon à sa mort

Au Moyen Âge, les jeux de dés sont extrêmement populaires et on les croise à la taverne comme dans la littérature. Entre tricheries (les pipeurs de dés de Villon), addiction ou malchance (la Grièche d’Hiver de Rutebeuf), ils auront causé la déroute de plus d’un homme médiéval, sans même que les miracles s’en mêlent.

Cantiga 154 & enluminures du Codice Rico

La partition de la Cantiga De Santa Maria 154 dans le Codice de los Musicos de l'Escurial (MS B.I.2)

Pour les sources historiques de la Cantiga 154, nous avons choisi, tout au long de cet article, le très beau Codice Rico de la Bibliothèque de l’Escurial et ses enluminures (Manuscrit MS T.I.1).

On retrouve également cette cantiga et sa partition dans le Códice de los músicos conservé lui aussi à l’Escurial. Ci-contre, voici la partition de la Cantiga 154 telle qu’on peut la trouver dans ce dernier manuscrit.

Pour la version en musique, nous avons puisé, une fois de plus, dans l’impressionnant travail de restitution des Cantigas de Santa Maria par Eduardo Paniagua et sa formation Música Antigua.

L’impressionnant tribut d’Eduardo Paniagua aux Cantigas de Santa Maria

Passionné de musiques anciennes, le musicien et directeur Eduardo Paniagua accompagné de sa formation Música Antigua entreprit, un jour, l’ambitieux projet d’enregistrer l’ensemble des Cantigas de Santa Maria. Il lui fallut près de 30 ans pour y parvenir et cela donna lieu à de nombreux albums classés par thèmes abordés ou par région.

Les cantigas de Santa Maria en Catalogne avec Música Antigua


C’est en 2007 que sortit l’album d’Eduardo Paniagua dédié aux Cantigas de Santa Maria ayant pour cadre la Catalogne. Intitulée « Cantigas De Catalunya, Abadía de Montserrat, Alfonso el Sabio 1221-1284 » (Chants de Catalogne, abbaye de Montserrat, Alphonse le Sage), cette production propose 9 titres à la façon du directeur espagnol dont celui du jour. Sa durée totale d’écoute est de 75 minutes.

Il ne semble pas que cet album ait été réédité aussi pour vous le procurer au format CD, voyez avec votre disquaire favori. Sans cela, vous pourrez le trouver au format MP3 sur certaines plateformes légales de streaming. Voici un lien utile à cet effet : téléchargez l’album Cantigas De Catalunya d’Eduardo Paniagua.

Musiciens ayant participé à cet album

César Carazo (chant, alto), Luis Antonio Muñoz (chant, fidule), Felipe Sánchez (luth, citole, vièle), Jaime Muñoz (cornemuse, flaviol, tarota, axabeba, tambour), David Mayoral (darbouka, dumbek, tambourin), Eduardo Paniagua (psaltérion, flûte à bec, cloche, darbouka, gong, rochet, hochets, hochet, goudron) et direction.


La cantiga de Santa Maria 154 en galaïco-portugais & sa traduction française

Como un tafur tirou con ũa baesta ũa saeta contra o céo con sanna porque perdera, e cuidava que firiría a Déus ou a Santa María.

Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança,
que porque i non dultemos, a vezes faz demostrança.

Celle-ci (cette Cantiga) relate comment un joueur en colère tira une flèche contre le ciel car il avait perdu, pensant ainsi blesser Dieu ou Sainte-Marie.

Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, qu’elle le démontre de nombreuses fois afin que nous n’en doutions pas.

Desto mostrou un miragre grand’ e fórte e fremoso
a Virgen Santa María contra un tafur astroso
que, porque perdía muito, éra contra Déus sannoso,
e con ajuda do démo caeu en desasperança.
Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança…

A ce sujet, elle montra un miracle aussi grand que beau et impressionnant,
La vierge Sainte-Marie, contre un joueur malchanceux
Qui, parce qu’il perdait beaucoup, était en colère contre Dieu,
Et, par l’influence du Démon, était tombé dans le désespoir.
Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …

Esto foi en Catalonna, u el jogava un día
os dados ant’ ũ’ eigreja da Virgen Santa María;
e porque ía perdendo, creceu-lle tal felonía
que de Déus e de sa Madre cuidou a fillar vingança.
Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança…

L’histoire survint en Catalogne, un jour qu’il était en train de jouer
Aux dés devant une Eglise de Sainte-Marie ;
Et comme il était en train de perdre, il lui vint une telle colère
Qu’il pensa pourvoir se venger de Dieu et de sa mère.
Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …

E levantou-se do jógo e foi travar mui correndo
lógo en ũa baesta que andava i vendendo
un corredor con séu cinto e con coldre, com’ aprendo,
todo chẽo de saetas; e vẽo-ll’ ên malandança.
Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança…

Ainsi, il se leva de la table de jeu et courut pour se saisir
D’une des arbalètes que vendait, non loin de là,
Un soldat, avec sa ceinture et son carquois (comme on me l’a l’appris)
rempli de flèches ; et le joueur fit cela par pure disgrâce (mauvaise conduite),
Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union,

E pois armou a baesta, disse: “Daquesta vegada
ou a Déus ou a sa Madre darei mui gran saetada.”
E pois que aquesto disse, a saet’ houve tirada
suso escontra o céo; e fez mui gran demorança

Et alors il arma l’arbalète, en disant : « Cette fois
Je ferai une très grande blessure à Dieu ou à sa mère. »
Et une fois qu’il eu dit cela, il tira la flèche
En direction du ciel ; et celle-ci disparût et tarda beaucoup

en vĩir; e el en tanto, assí como de primeiro,
fillou-s’ a jogar os dados con outro séu companneiro.
Entôn deceu a saeta e feriu no tavoleiro,
toda cobérta de sángui; e creede sen dultança

A retomber ; et pendant ce temps, l’homme retourna à ses occupations,
Il se remit à jouer aux dés avec un autre de ses compagnons.
Et alors, la flèche retomba et vint se planter sur le plateau de jeu,
Toute couverte de sang ; et vous pouvez me croire sans douter
Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …

Que sanguent’ o tavoleiro foi. E quantos i estavan
En redor veend’ o jógo fèrament’ ên s’ espantavan,
Ca viían fresc’ o sángui e caent’, e ben cuidavan
que algún deles ferido fora d’ espad’ ou de lança.
Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança…

Que le plateau se trouva tout ensanglanté, et tous ceux qui étaient
Là autour, à regarder le jeu, en furent épouvantés,
Car en voyant tout ce sang frais et chaud, ils pensèrent
Que l’un deux avait été blessé par une épée ou une lance.
Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …

Mais depois que entenderon que esto assí non éra
e que o sang’ a saeta ben do céo adusséra,
e nembrou-lle-la paravla que ant’ o tafur disséra,
houvéron mui grand’ espanto. Mas o tafur sen tardança

Mais quand ils comprirent que ce n’était pas le cas
Et que le sang de la flèche provenait bien du ciel,
Ils se souvinrent des mots qu’avait prononcé le joueur,
Et alors leur terreur fut plus grande encore. Mais le joueur, sans attendre
,

fillou mui gran pẽedença e entrou en ôrdin fórte,
fïand’ en Santa María, dos pecadores conórte.
E assí passou sa vida; e quando vẽo a mórte,
pola Madre de Déus houve salvament’ e perdõança.
Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança…

Fit pénitence et rentra dans un ordre religieux très stricte
En mettant sa confiance dans Sainte Marie qui est le réconfort des pécheurs.
Et il passa sa vie ainsi et quand vint la mort
Par la mère de Dieu, il obtint le pardon et le salut.
Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …


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En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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Injustice, violence politique & oppression des faibles dans le Boustan de Saadi


Sujet   : sagesse persane,  conte moral, devoir politique, justice, citations médiévales, citations, sagesse, conte politique.
Période  : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur :  Mocharrafoddin Saadi  (1210-1291)
Ouvrage  :  Le Verger de Saadi traduit pour la première fois en français,  par A. C. barbier de Meynard, (1880)

Bonjour à tous,

près notre article précédent sur le Disciplina Clericalis de Pierre Alphonse, juif séfardi converti au christianisme ayant introduit, dans l’Espagne des débuts du XIIe siècle, les contes orientaux en Occident, le moment ne pouvait être mieux choisi pour une escapade du côté de la Perse médiévale.

Nous sommes au XIIIe siècle et le voyageur, écrivain et conteur Mocharrafoddin Saadi distille ses contes moraux à destination de ses contemporains. Deux ouvrages de lui sont restés célèbres, le Gulistan (Golestan) ou Jardin de Roses et le Boustân (Bustan), le Verger ou Jardin de Fruits.

Exercice juste et raisonné du pouvoir, précis de bonne conduite, philosophie et sagesse, pratique religieuse, éducation, attitudes face aux âges de la vie, les sujets couverts par le poète persan sont multiples. Si de nombreux thèmes touchent l’homme du commun, la dimension politique reste toutefois importante. De nombreux passages du Boustan ou du Gulistan évoquent même les Miroirs aux Princes, genre qu’on dédiait, au Moyen Âge, à l’éducation et à l’édification morale des puissants.

« Que les rois doivent ménager le Peuple« 

Les deux extraits que nous partageons aujourd’hui sont issus du Boustan de Saadi. Violence envers les faibles, injustice et tyrannie sont des thèmes récurrents chez l’auteur du XIIIe siècle. Pour lui, le pouvoir ne vaut que s’il n’est juste, trempé de mansuétude et au service du peuple.

Dans un chapitre du Boustan destiné à la conduite des rois intitulé « Que les rois doivent ménager le Peuple« , il rappelait à nouveau les devoirs des puissants contre l’injustice et l’oppression des faibles. Il le faisait même, à l’occasion, au nom de l’humanité tout entière. Comme pour de nombreux auteurs moralistes et politiques, si l’objectif est moral, il est aussi pragmatique. En faisant preuve de mansuétude, le roi peut protéger du même coup ses propres intérêts et l’exercice pérenne du pouvoir.

Une Citation médiévale de Saadi extrait du Boustan : le peuple est un arbre fruitier qu'il faut soigner pour jouir de ses fruits.

« C’est une lâcheté d’opprimer les faibles, comme le passereau avide qui dérobe à la fourmi le grain qu’elle charrie péniblement. Le Peuple est un arbre fruitier qu’il faut soigner pour jouir de ses fruits ; n’arrache pas impitoyablement les branches et les racines de cet arbre ; l’ignorant seul agit contre ses propres intérêts. »

Que les rois doivent ménager le Peuple, Le Boustan,
Edition traduite par A. C. barbier de Meynard, (1880)


Une Citation médiévale de Saadi extrait du Boustan : ne pas verser le sang

A plus de sept siècles de Saadi, ses perles de sagesse continuent de résonner comme des évidences. Il est d’ailleurs toujours enseigné dans le monde perse et on le célèbre même grandement, chaque année, en Iran.


Pour découvrir d’autres textes médiévaux sur les devoirs politiques et moraux des puissants, c’est ici :

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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NB : l’image d’en-tête est un détail d’enluminure issu d’un manuscrit du Boustan datant des débuts du XVIe siècle. Elle représente Saadi à la proue d’un navire apercevant le derviche de la ville de Faryab qui traverse la rivière sur un tapis volant. The David Collection, Museum National d’Art de Copenhague.