Sujet : centre historique, rencontre, écritures, conférence, atelier, histoire médiévale, paléographie, sigillographie, événement Période : moyen-âge tardif. Lieu : Centre Historique Médiéval d’Azincourt
22, rue Charles VI. 62310 Azincourt Evénement : l‘écriture au XVe siècle Intervenant : Dominique Delgrange Date : Samedi 24 juin 2017 (après-midi)
Bonjour à tous,
our ceux qui souhaiteraient se plonger dans le moyen-âge festif ce week end, nous vous avons déjà indiqué quelques pistes intéressantes: la Fête des Bâtisseurs à Guédelon, les Médiévales de Provins et encore la cité lorraine de Rodemack aux couleurs de moyen-âge. Mais nous voulons ajouter ici un autre événement qui prend cette fois, la forme d’un atelier conférence ludique et néanmoins très sérieux autour d’un aspect particulier de l’Histoire médiévale.
Les rencontres thématiques
du centre médiéval d’Azincourt
i vous vous tenez dans le Pas-de-Calais, le Centre Historique médiéval d’Azincourt vous propose en effet, ce samedi après-midi un atelier-rencontre thématique d’une demi-journée, sur le thème de l’Ecriture au XVe siècle.
Dominique Delgrange, secrétaire général de la Société française d’héraldique et de sigillographie, sera en charge de cette présentation et partira avec vous à la découverte de l’écriture, à l’aube de l’imprimerie et de la renaissance.
Qui écrit au XVe siècle ? Actes officiels, juridiques ou administratifs, relations épistolaires, messages, mais encore manuscrits, chroniques, ouvrages de sciences et techniques ? Dans ce moyen-âge déjà bien tardif, l’écriture n’est plus, depuis longtemps déjà, seulement l’apanage des clercs ou des moines, et son public s’est élargi. Et puis comment écrit-on? Avec quel style et comment le gothique a-t-il évolué au fil du temps? Enfin, de quels outils se sert-on ? Plumes, roseaux, sceaux, l’usage du papier s’est aussi généralisé, les techniques et les instruments ne sont plus les mêmes et l’atelier fournira l’occasion d’approcher ces derniers de près.
Sigillographie, paléographie, codicologie, la rencontre sera aussi le prétexte d’aborder les sciences ou disciplines connexes qui viennent au secours de l’Histoire pour lui permettre de reconstruire avec justesse et au plus près les périodes passées.
Pour plus d’information, vous pouvez contacter directement le centre d’Azincourt au numéro de téléphone suivant : 03 21 47 27 53 ou par courriel :
En vous souhaitant une très belle journée.
Fred
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Sujet : histoire médiévale, plus beaux villages de France, seigneurie de Rodemack, lieux d’intérêt. cité médiévale, Abbaye d’Echternach, comté du Luxembourg Période : moyen-âge central à tardif Lieu : Rodemack, Mozelle, Lorraine, région Grand- Est.
ité d’histoire et de patrimoine, inscrite au titre des plus beaux villages de France depuis 1987, celle que l’on appelle encore La Petite Carcassonne Lorraine s’enorgueillit d’une histoire médiévale qui remonte, pour ses sources écrites, au tout début du moyen-âge central et au IXe siècle.
Occupé depuis l’époque romaine, c’est le don du site à l’abbaye allemande de Fulda par le roi Louis Ier dit « le Pieux », qui le légua à son tour à la puissante et renommée abbaye luxembourgeoise d’Echternach qui impulsa son véritable développement. Comme dans de nombreux cas, les moines se chargèrent d’aménager et de valoriser le patrimoine naturel de l’endroit autant que d’en entreprendre l’exploitation.
Il faut attendre les débuts du XIe siècle pour trouver la première mention d’un Seigneur de Rodemack et ce n’est au XIIe siècle, que l’un d’entre eux, Arnould 1er de Rodemack (ou Arnaud 1er), s’affranchit plus nettement de la main mise de l’abbaye sur les terres et le site. Usurpant, semble-t-il, au passage l’abbaye d’Echternach, il érigea, en effet, un château fort digne de ce nom sur le site de la forteresse actuelle et se fit aussi vassal du Comte de Luxembourg, en se mettant, du même coup, sous la protection de ce dernier.
Ces nouveaux alliés du Comté de Luxembourg s’avéreront rapidement de bons conquérants et de fins politiques, puisque dans les siècles qui suivront, les seigneurs de Rodemack étendront leurs frontières, pour les mener jusqu’aux portes de Metz.
Ce n’est qu’à la fin du XVe que l’empereur d’Autriche Maximilienmettra fin à cette puissance en faisant tomber les seigneurs de Rodemack sous le coup de félonie – ces derniers s’étant alliés au roi de France – et en confisquant leurs biens et leur fief pour les remettre aux mains de la maison des Blade (ancienne province allemande) et son représentant Christophe 1er .
Après un XVIe et XVIIe siècles quelque peu mouvementés durant lesquels la ville passera de l’Autriche à l’Espagne pour être reprise par les français, puis reperdue au profit de l’Espagne, puis reprise finalement par la couronne de France, la ville sera finalement reconnue comme légitimement française au XVIIIe par le traité de Versailles.
Archéologie sur site, campagnes de 2014
n 2014, la forteresse de Rodemack a fait l’objet de fouilles archéologiques conduites par l’INRAP. Cette campagne a permis de mettre à jour le noyau du château médiéval originel construit par Arnould 1er. A la surprise des chercheurs, on a même pu relever des traces d’occupations du site datant du XIe siècle: mobilier, monnaies, fragments de céramiques. Les vestiges d’un spacieux logis seigneurial du XIIIe siècle ont également été découverts.
Tout aussi intéressant encore, les fouilles ont permis d’avérer la présence de systèmes défensifs élaborés datant du XIVe et XVe siècle et il ne fait plus aujourd’hui nul doute que tout au long de son histoire médiévale et notamment durant la guerre de cent ans, ce site stratégique, au carrefour de trois frontières, à quelques kilomètres du Luxembourg et de l’Allemagne a dû se prémunir d’attaques subies sur divers fronts. C’est d’ailleurs dans le courant du XIVe que le site fut transformé en une véritable forteresse et l’on a même retrouvé les traces d’un pont-levis et sa barbacane en forme de tour porte carré datant de ce siècle.
Entre autres vestiges de la période médiévale, il reste aujourd’hui à Rodemacksept cent mètres de puissants remparts ainsi qu’une grande porte encadrée de deux tours jumelles : la porte de Sierck(photo en début d’article).
Une très belle journée à tous.
Fred
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Sujet : poésie médiévale, chevalerie, valeurs chevaleresques, chevaliers, bacheliers, tournois, littérature médiévale, ballade, français ancien, , moyen-âge chrétien, baccalauréat. Période : moyen-âge tardif Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : « Ballade du bachelier d’armes » Ouvrage : Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps, Georges Adrien Crapelet (1832)
Bonjour à tous,
ous publions aujourd’hui, une ballade médiévale d‘Eustache Deschamps à l’attention des jeunes ou futurs chevaliers de son époque. Le poète et Seigneur de Barbonval et bailly de Senlis connait bien lui-même les métiers d’armes, puisqu’il occupa, entre autres fonctions et à un point de sa longue carrière, celle d’écuyer du duc d’Orleans.
Là encore, l’œuvre prolifique d’Eustache Deschamps, tout autant la façon direct qu’il a d’aborder les sujets les plus divers, en font un témoin précieux du moyen-âge central à tardif.
Cette poésie nous permet notamment d’approcher, de manière très concrète les valeurs chevaleresques du XIVe et même, dans une certaine mesure, des deux siècles le précédent. Et comme l’auteur adresse très directement sa ballade aux jeunes bacheliers d’armes qui lui sont contemporains, les valeurs dont il nous parle s’en trouvent du même coup « actualisées » dans la réalité de son temps. Dit autrement, ces dernières ne sont plus seulement ici des valeurs lointaines, admirables et allégoriques dont l’on pourrait s’inspirer à la lecture d’un roman arthurien. Que leurs sources premières soient littéraires ou historiques, elles prennent, sous la plume du poète médiéval, force de loi et de conseils directs pour l’action.
Bachelier, aux origines du mot.
(NB : nous suivons ici le fil d’un article de Maurice Tournier, paru en 1991, dans la revue « Mots » et disponible sur Persée.)
Avant que d’œuvrer dans des salles d’examen, le stylo fébrile à la main et le souffle court pour obtenir le diplôme tant convoité qui leur offrira le ticket d’entrée pour les universités et autres hautes écoles, historiquement le nom de bachelier, a désigné des choses diverses. Au plus loin que l’on puisse remonter et notamment au latin baccalarius, il désignait des petits propriétaires de vignes (de Bacchus) ou même d’élevages bovins, soit des gardiens de vaches. Que les futurs titulaires du diplôme ou ceux qui le briguent se rassurent, même si le métier de gardien de vaches reste tout à fait noble, leur avenir ne sera pas nécessairement voué à cette fonction.
Plus tard, dans le courant du haut moyen-âge, le terme de bachelerou bachelier désignera encore un petit propriétaire terrien, mais aussi, par extension un noble n’ayant pas été « armé chevalier » ou adoubé, ou même aspirant à le devenir. Il s’appliquera aussi pour un gentilhomme qui n’a pas suffisamment de possession pour avoir sa propre « bannière », soit un banneret. Dans ce cadre, le terme s’appliquera donc plus favorablement au futur héritier d’un fief.
Tournois et chevalerie médiévale, Enluminure,
Code Manesse, (1310-1340)
Dans le courant du moyen-âge central, le mot évoluera pour désigner une classe d’armes entre les écuyers et les chevaliers, mais on le retrouvera encore usiter pour désigner de manière plus générale la classe des jeunes chevaliers. Il semble que l’usage qu’en fasse ici Eustache Deschamps se situe plutôt dans ce champ d’application puisqu’il leur donne une leçon sur les valeurs auxquelles ils devront se plier.
Dans une autre extension plus tardive du terme bachelier, on trouvera enfin la désignation de tout jeune homme libre et non encore engagé maritalement, d’où d’ailleurs également la variante Bachelette et même Bacelle qui, par le passé, fut en usage pour désigner une jeune fille à marier. Le nom du diplôme « Baccalauréat » est, quant à lui, le fait de François 1er qui créa un ordre de chevalerie nommé ainsi.
Ballade du Bachelier d’Armes.
Eustache Deschamps XIVe siècle
Vous qui voulez l’ordre de chevalier, Il vous convient mener nouvelle vie, Dévotement en oroison veillier, Péchié fuir, orgueil et villenie. L’Eglise devez deffendre , Le vefve aussi , l’orphenin entreprandre ; Estre hardis et le peuple garder, Prodoms, loyaux, sanz riens de l’autrui prandre Ainsi se doit chevalier gouverner.
Humble cuer ait, toudis doit traveillier Et poursuir faiz de chevalerie, Guerre loyal, estre grant voyagier; Tournoiz suir et jouster pour s’amie : Il doit à tout honnour tendre, Si c’om ne puist de lui blasme reprandre ; Ne lascheté en ses oeuvres trouver; Et entretouz se doit tenir le mendre* : (*moindre) Ainsi se doit gouverner chevalier.
Il doit amer son seigneur droiturier, Et dessus touz garder sa seignourie ; Largesce avoir, estre vray justicier, Des prodommes suir la compaignie, Leurs diz oïr et aprandre, Et des vaillans les prouesces comprendre , Afin qu’il puist les grans faiz achever Comme jadis fist le roy Alixandre : Ainsi se doit chevalier gouverner.
Eustache Deschamps
Au passage, souhaitons une bonne chance et une belle réussite à tous ceux qui passent leur baccalauréat cette année !
Sujet : poésies courtes, épigrammes, école marotique, ouvrage ancien, humour, grivoiseries, gauloiserie, Clément MAROT. Période : hiver du moyen-âge, renaissance Auteurs : collectif (1575, puis 1595) Titre : La récréation et passe temps des tristes, recueil d’épigrammes et de petits contes en vers (1862)
« Gardez bien de toucher ce livre (Mesdames) il parle d’amour : C’est aux hommes que je le livre Que l’on tient plus constants toujours Laissez-le aller vers eux son cours A eux et non à vous est dû Mais vous le lirez nuit et jour Puisque je vous l’ai défendu » La récréation et passe temps des tristes
Bonjour à tous (et à toutes!),
i vous nous suivez régulièrement, vous savez combien nous apprécions ici la poésie de Clément MAROT et plus particulièrement ses pièces courtes, pleines d’esprit, d’humour et de causticité.
Dans la lignée de l’école marotique qui faisait des adeptes dans le courant du XVIe siècle, nous vous parlions, dans un article précédent, d’un petit ouvrage « collectif » de 1542 : la fleur de poésie françoyse. Souvent compulsés à l’initiative des imprimeurs, ces carnets de poésie rassemblaient, pour l’essentiel, des formes courtes et des épigrammes et se souciaient peu des auteurs (qu’ils ne citaient, souvent, pas). Il y était d’abord question de « récréation » et, finalement, d’une poésie « légère » dont l’unique ambition était d’être un « remède » à l’ennui autant qu’une invitation au divertissement et à l’humour.
Aujourd’hui, nous vous présentons un autre ouvrage de la même veine. Son titre est éloquent et en résume tout entier l’objectif : « LA RECREATION ET PASSETEMPS DES TRISTES, Traictant de choses plaisantes et récréatives touchant l’amour et les dames, pour resjouir toutes personnes mélancholiques ». Nous émaillons aussi cet article de quelques extraits choisis pour vous permettre de vous en faire une idée.
Autre d’un amoureux voulant mener jouer s’amie
« Allons aux champs sur la verdure, Passer le temps joyeusement Cependant que le beau temps dure, Il n’est que vivre plaisamment Allons y donc hastivement Allons chanter, gaudir et rire, Mieux faut s’esbatre gayement Q’employer sa langue à mesdire » La récréation et passetemps des tristes
Dans une première réédition du XVIIIe, ces « récréations » avaient été attribuées au poète Guillaume des Autels, mais l’éditeur de 1862 sur laquelle nous nous basons ici venait contredire ce fait. L’ouvrage se situe, en effet, dans la filiation de l’école marotique et certaines de ses pièces ne peuvent même appartenir qu’à Clément MAROT,Mellin SAINT-GELAIS et encore d’autres auteurs qui s’inscrivaient sous l’influence du poète originaire de Cahors pour exercer leur verve et leur esprit.
Il y a, dans ce petit manuel qui a traversé presque cinq siècles, quelques pièces sérieuses qui flirtent avec l’amour courtois, mais il contient surtout d’autres épigrammes largement plus grivois et osés. Au bout du compte, on y trouve bien plus de gauloiseries que dans la fleur de poésie françoyse, même si l’ouvrage reprend quelques pièces qui s’y trouvaient présentes, ainsi que d’autres poésies en provenance d’autres « carnets » de poésie du même type et qui datent tous du XVIe siècle. Comme sa courte préface en vers l’indique, cette récréation et passetemps des tristes a pour thème de prédilection les choses de l’amour. Les « dames » y sont visées par endroits avec un humour souvent plus potache que satirique, mais elles ne sont pas les seules dans la ligne de mire. Maris et amants, bon ou mauvais, y passent aussi et d’autres sujets y sont abordés. On trouve encore quelques jolies perles poétiques « inclassables ».
Du loquet de l’huis de s’amie
« N’a pas longtemps fut faite une dispute Sur instrumens, et faict de la musique. Les uns loüoyent le hautbois ou la fluste, D’autres le luth, comme chose angéliques : Lors un d’entr’eux, le moins mélancolique Leur dit : Messieurs, voulez-vous que je die, Quel instrument a plus de mélodie, C’est à mon gré, le loquet d’une porte : Car quand il faut que la mignonne sorte De bon matin, ferme l’huis doucement : L’oyant sortir, le mignon se conforte Est-il au monde un plus doux instrument ? » La récréation et passetemps des tristes
Si l’on devait y mettre un peu de subjectivité, (pour ce que cela vaut, c’est à dire pas grand chose), nous pourrions avancer que toutes les poésies que l’on trouve dans cette Récréation et Passetemps des Tristesn’ont pas l’élégance, ni la grâce de la poésie d’un MAROT, même si elles tentent d’en emprunter les formes. A n’en pas douter, il y a ici, certains émules moins talentueux que lui, qui s’essayent à son genre ce qui, cela s’entend, ne diminue pas pour autant l’intérêt de l’ouvrage pour qui s’interroge sur l’Histoire de la langue française et de sa poésie, mais encore de son humour.
Ajoutons encore que la deuxième édition de 1595, qui sert de base au livre présenté ici, a été censurée de certaines pièces dont les moines et l’Eglise faisaient les frais et dont l’imprimeur de 1862 nous indique dans sa préface, de manière toute directe, « qu’elles sentaient l’hérésie ».La satire s’y trouve donc quelque peu patinée. De fait les grivoiseries, même si on ne peut résumer uniquement l’ouvrage à cela non plus, y prennent largement le pas.
A une glorieuse tenant sa gravité par trop grande
« Vous estes belle en bonne foy Ceux qui dient que non, sont bestes, Vous estes riche, je le voy, Qu’est-il besoin d’en faire enquestes? Vous estes bien des plus honnestes, Et qui le nie est bien rebelle : Mais quand vous vous loüez, vous n’estes, Honneste, ne riche, ne belle. » La récréation et passetemps des tristes
Du point de vue du contexte historique, au moment de l’impression de cet ouvrage, les temps sont déjà ceux de la pléiade et de ses poètes qui, dans une ambition tout académique, chercheront à élever la langue française tout autant qu’à l’enrichir. Soucieux de trancher d’avec la poésie médiévale, leurs recherches et leur ambition déclarée se tiendront alors bien loin des formes de cette poésie marotique légère et de sa frivolité. Avec la réédition 1595 de l’original de 1575, Nous sommes déjà près d’un demi-siècle après la mort de MAROT. Son oeuvre sera bientôt reléguée aux archives et il faudra pratiquement attendre le XVIIIe siècle pour qu’il soit redécouvert.
Epigrammes et école marotique : une poésie et des formes qui plaisent à la cour
Au XVIe, cette poésie marotique est applaudie et appréciée à la cour pour son esprit. Badine, elle s’épanche en rimes vives et incisives qui semblent tout vouloir sacrifier à la grâce du bon mot et à son élégance, et qui peuvent aller, comme ici, jusqu’à la grivoiserie ou même la gauloiserie.
Et quand d’impertinente et caustique, elle devient nominative et plus directe-ment assassine, on pourrait presque être tenté déjà, à quelques formes près, d’y voir préfigurer les jeux de cour cruels d’un Versailles décadent comme ceux dont Patrice LECONTE nous faisait le tableau dans son film « Ridicule ». Quelques siècles avant sa cour de Louis XVI, on entrevoit alors déjà dans cet « esprit » et ses « bons mots » quelquefois tranchants de MAROT, la verve du perfide abbé VILECOURT (l’excellent et regretté Bernard GIRAUDEAU) et sa bouche en O, pour être tombé en disgrâce pour un vers de trop.
D’un Vieil Amoureux
« Je suis amant en l’extresme saison, Pres de ma mort, je chante comme un cigne, En attendant d’icelle guarison Que mon blanc chef prendra pour mauvais signe La rose, et lis, neige, la lune insigne Et le jour ont telle couleur eslite. Doncques, Amour, mes armes je ne quitte Ains bon espoir j’ay en ma dame seulle, Vieillard je suis mais grand flamme m’incite Car le bois sec plus que tout autre brusle. » La récréation et passetemps des tristes
Favori un jour, exilé ou miséreux le suivant. Dans les méandres des jeux d’influences nobiliaires et les couloirs froids des châteaux, comme ailleurs, on sait que le verbe peut tuer. Sous ces nouveaux dehors légers et moqueurs que Marot, comme Mellin Saint-Gelais pratiquaient si bien, sont-ils, ces jeux de cour, les mêmes que ce dont Eustache Deschampsnous contait déjà les travers? L’ombre de Rutebeuf et de sa paix planent encore ici sur le poète de cour, médiéval ou renaissant, dépendant de son « protecteur », de ses grâces comme de ses largesses. Le drôle doit être transgressif par nature mais la ligne est fine de la moquerie, à l’impertinence, de la satire à « l’hérésie », et l’on s’y brûle quelquefois. On se souvient des combats meurtriers de plume du temps du poète de Cahors, et, plus tard encore de ses successeurs à la cour : Mellin SAINT-GELAIS moquant la pédanterie de Ronsard et ce dernier préférant, semble-t-il, « marcher » sur la tête d’un Marot plutôt que se jucher sur ses épaules. Pour la postérité du français renaissant, il bâtira, en partie sur le terreau de son dédain, d’autres projets pour la poésie et pour la langue.
Flaubert écrira quelques siècles plus tard « Le mauvais goût du temps de RONSARD, c’était MAROT« . Si le public du XVIe siècle goûte suffisamment ces formes poétiques qui se complaisent dans la frivolité ou la « récréation », pour qu’on imprime des manuels à son usage, elles ne rallieront pas, loin de là, tous ceux qui s’exercent à l’art de la rime durant ce même siècle, Ronsard en tête.
Un amant est toujours honteux
« Amour un jour desbanda les deux yeux, Pour contempler ses serviteurs fidèles, Si m’aperceut pensif et soucieux Sans dire mot entre deux damoiselles. Lors promptement il esbranla les aisles, Et vint vers moy, en me disant ainsi : O pauvre amant que fais-tu tan icy. Que ta chaleurs n’est point encore esteinte ? Je lui responds en lui criant mercy Qu’un vray amant n’est point sans honte ou crainte. » La récréation et passetemps des tristes
Les formes courtes de l’école Marotique et
Les « agréables riens » de la poésie du XVIe
Au cours de cet hiver du moyen-âge, dans cette longue aventure humaine de l’art poétique français et au delà de ses apports stylistiques, on sent bien que la forme marotique des XVe, XVIe siècles porte en elle les germes d’une nouveauté. Les racines encore plantées dans le monde médiéval et la tête déjà renaissante, ces thèmes ne sont pourtant pas si nouveaux : l’amour peut y être courtois, la belle Margot et avec elle la pastourelle et ses attraits rupestres y sont encensés (ou moqués), mais on y trouve encore les jeux adultérins, grivois ou transgressifs dont se régalait déjà un certain moyen-âge ou ces odes au buveur qui pourraient être goliardiques si elles étaient encore latines. Bien sûr, les religieux de peu de morale et autres frères « Frappart » que l’on moque y ont aussi leur place. Dans cet héritage thématique « moyenâgeux », cette poésie goûte encore l’usage de quelques vieux mots et quelques archaïsmes que MAROT affectionnait, qu’il remit au goût du jour et qui donne un tour si particulier à ses vers.
D’un Avocat et de sa Femme
« Un avocat dict à sa femme Sus mamie, que jouerons-nous? Si je gaigne ( ce dict la Dame) Vous me le ferez quatre coups : Quatre coups ? c’est couché trop gros, Comment seroit jeu sans pitié. Non, non maistre, tenez-les tous, (Dict le clerc) J’en suis de moitié. » La récréation et passetemps des tristes
A l’évidence, sur sa « modernité » renaissante, les codes de son humour, de ses « badineries » ou de sa satire sont déjà plus directement « saisissables » par nous que ne le sont ceux des fabliaux des XIIe et XIIIe siècles. Et tout cela n’est pas qu’affaire de meilleure compréhension entre le vocabulaire du « français moyen » renaissant et celui d’un Oil balbutiant. Cette poésie marotique n’a plus la Rudesse ou la lourdeur du Boeuf, pas d’avantage que la nature souvent absconse des proverbes aux vilains. La langue a changé mais les codes de l’humour aussi.
Pour le reste, si cette poésie, avec son goût pour l’épigramme, renoue avec les formes classiques des grecs du IVe siècle avant notre ère ou encore celles d’un MARTIAL, le tour qu’elle lui donne est plus résolument satirique ou « spirituel ». Il y souffle un esprit léger et frais et elle cherche, dans le cadre étroit et contraint des formes courtes, à affûter la pointe de sa plume. De fait, c’est aussi une école de précision (les rhétoriciens et leurs jeux de mot comme les pratiquaient le père de MAROT ont peut-être été de quelque influence sur ce fils prodigue). Et même si elle cède par instants aux gauloiseries (on la dira même immorale), quand de grivoise, elle deviendrait presque graveleuse, sa recherche d’élégance et de justesse dans le verbe vient à la rescousse de ses rimes comme un dernier rempart dressé : on peut bien être impertinent, pourvu que l’on est de l’esprit.
D’un bon biberon
« Blanc et clairet sont les couleurs De ce bon vin que j’ayme fort, Dont souffriray maintes douleurs Si de luy n’ay souvent confort. D’en user, bien fay mon effort, Pour en avoir meilleure grace, Si je n’en boy, me voila mort, Car de boire eau, je me pourchasse. » La récréation et passetemps des tristes
Alors, élégance stylistique « renaissante », émergence d’un esprit nouveau, d’une définition nouvelle du bon mot ? Sommes-nous ici face aux signes d’un rapport à la langue en mutation ou simplement face à un esprit original dont certains feront, bien plus tard, l’annonciateur d’un Voltaire, d’un Jean de La Fontaine ou même encore d’un Musset ? (voir Pierre JOURDA – MAROT – Universalis). Quoiqu’il en soit, après Marot, l’épigramme restera une arme de choix dans la besace des poètes et des auteurs, au service de leurs règlements de comptes.
Ayant dit tout cela, il faut encore ajouter que Marot ne saurait se résumer à ses épigrammes pas d’avantage qu’à son impertinence ou ses traits assassins. Il a aussi contribué par ses poésies à la littérature religieuse, a légué de beaux vers sur des thèmes plus profonds et fut encore traducteur de nombreuses œuvres classiques.
D’une Dame aisée à courroucer
« M’amie et moy apres joyeux esbats, Nous courrouçons si tressoudainement Et reprenons apres noise et debats, Soudaine paix, et doux esbatement, Que je crains plus ses beaux yeux doucement Tournez vers moy, et ses ris gracieux, Que ses sourcils et regards furieux : Car j’ay espoir de joye et paix nouvelle Apres courroux, apres esbats joyeux Je crains toujours une guerre mortelle. » La récréation et passetemps des tristes
En vous souhaitant une très belle journée
Fred
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