Sujet : fêtes, festival, médiéval fantastique, médiéval fantaisie, fantasy, marché, animations médiévales, concerts, folk, neo-folk médiévale Evénement : Festival Echos & Merveilles 2018 Lieu : Bruguières, Haute-Garonne, Occitanie Dates : du 26 au 28 avril 2018
Bonjour à tous,
our ceux qui se trouveront en région occitane et dans le sud de France cette fin de semaine, un grand festival est à retenir. Il se tient à Bruguières, à quelques lieues au nord de Toulouse et il a pour nom « Echos et Merveilles ».
Créé à l’origine par le groupe Neko Light Orchestra, (collectif de compositeurs et orchestre de rock mélodique spécialisé dans la ré interprétation des musiques des « cultures de l’imaginaire »), relayé depuis par l’Association Echos & Merveilles, cet événement célèbre, cette année, sa 3ème édition.
Du point de vue thématique, ce festival se situe « au carrefour des cultures de l’imaginaire, des cultures médiévales, celtiques et de la fantasy ». Au delà de son aspect musical, ilpropose encore une foule d’autres animations et s’articule autour de deux grands axes festifs. Le premier, en journée, se concrétise autour de la mise en place d’un grand « village des légendes ». Le second axe est nocturne et rejoint la vocation musicale initiale de l’événement avec trois soirées, les jeudi, vendredi et samedi autour de concerts exceptionnels.
Le « Village des Légendes »
Animations, spectacles, concerts, conférences, grand marché artisanal, rencontre d’auteurs, …
nstallé au coeur d’un théâtre de verdure de plusieurs hectares – le Parc du Bascala de Bruguières -, le Village des Légendes du festival Echos et Merveilles propose sur les journées du vendredi et du samedi quantités d’activités et de divertissements autour des thèmes du médiéval-fantastique, des cultures celtiques et encore du monde de la fantasy. L’accès à l’ensemble de cette partie de l’événement est gratuit.
On pourra ainsi y trouver des compagnies médiévales avec leurs campements (démonstrations d’escrime ancienne, vie quotidienne, etc…) mais aussi des espaces dédiés à des jeux grandeur nature ou de plateaux, et encore bien d’autres divertissements et surprises. Au coeur du parc et toujours en journée, l’amphithéâtre proposera également un programme continu riche en contes, conférences et concerts.
Quelques campements, compagnies et artistes présents au village
Asso Armadag – Escrime médiévale – La Loubatière d’Occitanie – Escape Game Thème Magie – Florant Mercadier – Les Becuts de Gascogne – Béhourd – Les Compagnons d’Ancelin – Les Afustés – Troubadours – Asteria Karavan – Libertalia – Barbar’O Rhum – The Deep ones – Mestr Tom
La bande annonce du Festival 2018
Grand Marché Artisanal
On pourra aussi trouver sur place un grand marché artisanal totalement original puisque les exposants proposeront là des créations et produits en relation avec l’esprit et les thèmes du festival. Plus de cent artisans devraient être au rendez-vous de cette édition 2018.
Rencontre d’auteurs et d’illustrateurs
La dimension « salon » ne sera pas non plus en reste puisque un espace sera dédié aux auteurs et illustrateurs du genre fantasy, médiéval fantastique ou imaginaire. Près d’une vingtaine d’entre eux seront présents pour présenter et dédicacer leurs oeuvres.
Tavernes & Restauration sur place
Côté ripailles, un large espace est dédié aux restaurateurs et aux tavernes.
n nocturne et comme nous le disions plus haut, le Festival Echos et Merveillesouvrent ses portes sur trois grandes soirées concerts avec des groupes venus de toute la France, mais aussi d’Angleterre et d’Allemagne. Au programme : Neo Folk, Folk médiéval, « Dark » Folk, Folk Celtique ou irlandais, et même encore une touche de pop, de rock et d’inclassables pour faire bonne mesure.
Jeudi 26 avril Luc Arbogast – Fanel – Guilhem Desk
Vendredi 27 avril Echos de Poudlard – Nekko light Orchestra – The Greenaways – The Rowan Tree – Firdan
Samedi 28 avril Faun – La Horde – Les Compagnons du Gras Jambon – Stille Volke
(la soirée du samedi est prolongée par une spéciale à la taverne jusqu’à tard dans la nuit)
Sujet : chansons, musique, poésie médiévale, amour courtois, poésie lyrique, trouvère, vieux français. livre, Période : Moyen Âge central Auteur : Thibaut IV de Champagne (1201-1253), Thibaut 1er de Navarre Ouvrage :« Thibaut de Champagne, textes et mélodies » Auteurs : Christopher Callahan, Marie-Geneviève Grossel, Daniel E. O’Sullivan Editeur : Honoré Champion (avril 2018)
Bonjour à tous,
epuis près d’un siècle et demi, la prestigieuse maison d’édition Honoré Champion publie de diffuse les plus grands titres de la recherche universitaire de l’espace francophone. De fait et sur le sujet qui nous préoccupe, nous lui devons nombre des ouvrages sur la littérature, la poésie médiévale et ses auteurs que nous avons déjà cités ici. Depuis ses premières parutions, la maison a poursuivi son oeuvre sans relâche et avec plus de 10 000 titres déjà parus, elle s’est s’imposée comme une référence incontournable dans son domaine de prédilection.
Sur la partie médiévale, à la lumières des nouvelles découvertes et des avancées des romanistes ou médiévistes, elle revisite régulièrement des œuvres ou des auteurs déjà édités longtemps auparavant. C’est le cas de l’ouvrage que nous vous présentons aujourd’hui puisqu’elle nous fait le grand plaisir de publier un livre tout entier consacré à Thibaut de Champagne et à ses chansons. Un siècle s’étant écoulé depuis le dernier ouvrage en date dédié au grand roi poète du XIIIe siècle, il était grand temps de réexaminer son œuvre et c’est désormais chose faite.
Avec un ouvrage qui déborde les huit-cent pages, les auteurs ne se sont pas contentés ici de présenter et d’adapter en français moderne le legs poétique de Thibaut le Chansonnier, ce qui aurait déjà représenté, en soi, un travail conséquent. Au delà des traductions de ses œuvres, ils ont aussi compilé les nombreuses variantes mélodiques associées à ses chansons. De ce point de vue, en plus des férus d’histoire, de littérature et de moyen-âge, ce livre devrait encore ravir les amateurs de musique ancienne désireux de restituer, au plus près, l’art du roi de Navarre et seigneur-trouvère de Champagne.
Comme nous l’indiquions plus haut, l’ouvrage bénéficie encore des éclairages les plus récents en matière de littérature médiévale. En plus des éléments biographiques rassemblés sur Thibaut de Champagne, mais aussi de la revue des manuscrits anciens dans lequel on peut retrouver ses chansons, une large partie du livre est ainsi consacrée à l’analyse de sa poétique; il s’agit ici de remettre en perspective son originalité et son art dans le contexte de la lyrique courtoise de son siècle.
Un mot des auteurs
Trois grands experts de littérature, de vieux-français d’oil et de lyrique courtoise se sont attelés à cet ambitieux projet. Il s’agit de Christopher Callahan, Marie-Geneviève Grossel, et Daniel E. O’Sullivan et il convient d’en dire quelques mots.
Christopher Callahan est professeur de français et de littérature médiévale et renaissante à l’Université Wesleyan de Bloogmington, dans l’Illinois, Passionné par cette période historique, cet universitaire américain s’est fait une véritable spécialité de la poésie lyrique du moyen-âge et on lui doit nombre de contributions, articles et parutions dans ce champ. Au sujet des trouvères des XIIe et XIIIe siècle, on retiendra notamment sa participation à deux ouvrages sur Les Chansons de Colin Muset, parus également chez Honoré Champion en 2005.
Maître de conférence à l’Université de Valenciennes où elle enseigne le français médiéval et le latin, Marie-Geneviève Grossel, est, de son côté, une spécialiste reconnue de la Champagne du XIIIe siècle et de son bouillonnement littéraire et artistique d’alors. L’art et les chansons des trouvères de cette période, ainsi que les codes de l’amour, de la séduction et de la lyrique courtoise font donc partie de ses grands sujets de prédilection et on lui doit des ouvrages reconnus sur la question ou sur des sujets connexes: Le Milieu littéraire en Champagne sous les Thibaudiens: 1200-1270, (1994), Les chansons de langue d’oïl: l’art des trouvères (2008), pour ne citer que ces deux-là. On peut encore retrouver nombre de ses contributions ou articles dans des ouvrages collectifs ou actes de colloques portant sur le moyen-âge.
Enfin, « last not least« , professeur de français médiéval à l’Université du Mississippi, Daniel E. O’Sullivan s’est fait une spécialité de l’approche comparative et interdisciplinaire de la musique, la littérature et la culture de l’Europe médiévale. Il a lui aussi, à son actif, de nombreuses parutions sur la période, sur des thèmes aussi variés que le culte marial dans la lyrique française du XIIIe siècle (Marian Devotion in Thirteenth-century French Lyric, 2005), la formation et la naissance de la courtoisie dans la France médiévale (Shaping Courtliness in Medieval France, 2013) ou même encore sur le jeux d’échecs du moyen-âge à l’entrée de l’ère moderne. On doit également à cet universitaire des articles de référence sur la lyrique de Thibaut de Champagne.
Il fallait bien l’oeil aiguisé et la collaboration de ces trois érudits pour approcher de manière complète et avec toute la rigueur que l’on pouvait en attendre, l’oeuvre du seigneur trouvère croisé, élevé dans la grande effervescence culturelle et artistique de la cour de Champagne des débuts du XIIIe siècle (1).
Où se procurer l’ouvrage ?
Ce nouvel ouvrage autour de Thibaut de Champagne avec lequel il faudra désormais compter vient juste de paraître. Vous le trouverez donc dans toutes les bonnes librairies et il est aussi disponible en ligne, sur le site de l’éditeur et à l’adresse suivante : Thibaut de Champagne, Chansons, Textes et Mélodies
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes
(1) Sur le sujet de la cour de Champagne et des trouvères champenois de la fin du XIIe et des débuts du XIIIe siècle, on pourra valablement consulter nos articles sur Blondel de Nesle, sur Gace Brûléet bien sûr sur Thibaut de Champagne.
Sujet : musique, chanson médiévale, poésie médiévale, vieux français, trouvères d’Arras, rondeau, chansons polyphoniques, amour courtois, loyal amant, rondeau. Période : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Adam de la Halle (1235-1285) Titre :Tant con je vivrai Interprètes : TENET Média : concert donné à l’église Saint-Malachie de New-York, en 2015 (extrait)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous revenons sur les trouvères du nord de la France, et notamment d’Arras, avec le célèbre Adam de la Halle et une de ses chansons d’amour courtois. C’est un rondeau polyphonique à trois voix, comme le poète et artiste médiéval en laissa un certain nombre (dix-sept). Son interprétation nous entraîne du côté des Etats-Unis avec une formation du nom de Tenet, originaire de New York,que nous aurons ainsi l’occasion de vous présenter.
Tan con je vivrai, par l’ensemble TENET
Tenet, de la france médiévale des XIIIe, XIVe, aux Etats-unis du XXIe
Fondé en 2009 par la chanteuse soprano Jolle Greenleaf, l’ensemble New-yorkais TENET couvre une longue période musicale qui, partant du moyen-âge, va jusqu’à la renaissance et la période baroque et s’étend même jusqu’à des œuvres classiques plus récentes. Puisant à la source du répertoire profane ou liturgique, on peut retrouver la formation sur des œuvres variées : Claudio Monteverdi, Michael Praetorius, Guillaume de Machaut, etc…, et nous sommes donc avec elle dans le champ des musiques anciennes (Early Music) au sens large.
En 2015-2016, TENET se proposait de faire une incursion dans la France du moyen-âge et des trouvères, pour explorer « l’avant-garde de la musique médiévale » avec des pièces en provenance des XIIe au XIIIe siècles. C’est dans ce cadre que la formation présentait la belle interprétation du rondeau Tant con je vivraidu trouvère Adam de la Halle. On peut la retrouver sur leur chaîne youtube sur laquelle ils partagent très généreusement nombre de leurs travaux.
A l’occasion de ce programme « Song of trouvères », l’ensemble recevait aussi Robert Mealy, directeur d’orchestre, musicien, violoniste baroque et joueur de vièle et encore professeur dans le domaine des musiques historiques à l’Université de Yale. Fondateur par ailleurs de l’orchestre de musique baroque d’Harvard en 2004, cet artiste très renommé outre-Atlantique a également été primé par un Awards dans le champ de l’enseignement des musiques anciennes.
Du point de vue de l’actualité de TENET, le programme réadapté et rebaptisé « the Sounds of time : medieval music from France » fait toujours partie de la large palette de concerts que ces artistes accomplis proposent au public américain de la région de New-York mais aussi au delà, en Amérique latine et, bien que plus rarement, en Europe.
Léger et court, comme il se doit pour un rondeau, la chanson du jour, bien qu’en vieux français, ne présente pas de difficultés particulières de compréhension. En bon loyal amant, le poète y prend un engagement amoureux envers sa dame et lui fait la promesse de se dédier tout entier à la servir.
Partition et notations musicales tirées des Oeuvres complètes du trouvère Adam de la Halle: poésies et musique, par Charles Edmond Henri de Coussemaker, 1872
Tant con je vivrai N’aimerai Autrui que vous. Ja n’en partirai, Tant con je vivrai. Ains vous servirai Loiaument mis m’i sui tous. Tant con je vivrai N’aimerai Autrui que vous.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen-Age sous toutes ses formes.
Sujet : musique, poésie, chanson médiévale, amour courtois, trouvère, vieux-français, langue d’oil, fine amor. Période : XIIe, XIIIe, moyen-âge central Titre: Onques maiz nus hom ne chanta Auteur : Blondel de Nesle Interprète : Ensemble Sequentia Album: Trouvères :Höfische Liebeslieder Aus Nordfrankreich (chants d’amour courtois des pays de langue d’Oil) (1987)
Bonjour à tous,
près avoir étudié de près les éléments biographiques en notre possession sur le trouvère Blondel de Nesle, voici donc une de ses chansons. Elle est interprétée par le groupe Sequentia dans un album tout entier dédié au Chansons d’amour courtois des trouvères du nord de France. Nous profiterons de cet article pour faire un large crochet pour vous présenter cette belle formation médiévale, son directeur artistique et le double album dont ce titre est issu.
Concernant la chanson de Blondel de Nesle présentée ici, le thème est clairement inspiré de la lyrique courtoise des troubadours d’oc. Comme nous le disions dans notre article précédent, avec Gace Brûlé et quelques autres trouvères de la même période (Conon de Bethune, le Châtelain de Couci), Blondel de Nesle fait partie de ce mouvement d’artistes du nord de la France qui transposèrent la poésie et le fine amor d’oc en langue d’oil. Comme un certain nombre d’entre eux fréquentèrent la cour de Marie de Champagne, nul doute qu’ils eurent de l’influence sur le petit fils de cette dernière, celui qui allait devenir Thibaut le Chansonnier ou Thibaut de Champagne et qui n’était encore qu’un enfant en ces débuts de XIIIe siècle.
La fine amor en langue d’oil de Blondel de Nesle par L’ensemble séquentia
L’Ensemble Sequentia
Voila encore un bel ensemble spécialisé dans le répertoire médiéval qui s’est formé au sein de la très renommée école suisse Schola Cantorum Basiliensis toute entière dédiée aux musiques anciennes.
Fondé en 1975 par Benjamin Bagby et Barbara Thornton alors étudiants à l’école sus-nommée, Sequentia évolua dans ce cadre, pour se produire pour la première fois professionnellement en 1977. Comme de nombreux ensembles dans le domaine des musiques anciennes, la formation était à géométrie variable. Au fil de son parcours et en fonction des oeuvres abordées, elle a su s’entourer ou s’enrichir de collaborations artistiques externes.
Depuis sa création, il y a plus de quarante ans, l’ensemble a gratifié le monde de la musique ancienne de près de 40 albums dont une dizaine en collaboration avec d’autres formations. Avec un nombre important de récompenses et de prix, il s’est définitivement affirmé comme un des acteurs avec lequel il faut compter quand on s’intéresse de près au répertoire musical du moyen-âge.
Après la disparition prématurée de Barbara Thornton en 1998, Benjamin Bagby s’est retrouvé seul à porter la direction artistique de Sequentia. La formation a ainsi poursuivi son exploration du monde médiéval musical jusqu’à aujourd’hui. Aux dernières nouvelles et dans le courant 2016-2017, elle se produisait toujours sous la forme d’un trio, autour d’un programme dédié aux moines du moyen-âge « chantant des chants profanes et même païens » (« monks singing pagans« , du IXe au XIIe siècle). Du côté des albums et sauf erreur de notre part, le dernier en date est de 2013 mais au vue de l’activité de l’ensemble, il faut s’attendre à en voir sortir de nouveau.
Pour en savoir plus sur Sequentia, le site web très complet est ici. Il est pour l’instant en langue anglaise (sa version française est prévue mais n’est pas encore en ligne). Au delà des informations que vous pourrez y trouver sur l’ensemble médiéval, il est aussi la vitrine des concerts et contributions de son très actif fondateur et directeur artistique Benjamin Bagby dont nous voulons dire un mot de plus ici.
Portrait de Benjamin Bagby, co-fondateur et directeur artistique de Sequentia.
Musicien, harpiste, chanteur baryton et directeur artistique, Benjamin Bagby est un artiste accompli et largement reconnu sur la scène des musiques médiévales et anciennes. Son travail et ses nombreuses contributions dans le domaine ont d’ailleurs été salués par un Rema Early Music Award en 2016.
Enseignement et transmission
Au nombre de ses activités, la transmission par l’enseignement compte au moins autant pour lui que les arts de la scène et le travail de restitution. Il a notamment enseigné longtemps dans le cadre du prestigieux programme sur la pratique des musiques médiévales, proposé par l’Université de Paris Sorbonne. Toujours très actif dans le domaine pédagogique, en 2017 et 2018, il est intervenu et intervient encore dans le cadre de divers ateliers, universités ou institutions en Allemagne, Espagne, Italie, Suisse et aux Etats-Unis, et auprès d’artistes désireux de se spécialiser dans le domaine des musiques et des chants en provenance du moyen-âge.
Ethnomusicologie et passion de la restitution
Sur la partie ethnomusicologie et restitution, on saluera ici l’originalité et la ferveur aussi que peut mettre Benjamin Bagby à explorer des territoires musicaux laissés totalement vierges jusque là. Tout cela bien sûr au moyen d’une étude scrupuleuse et originale des manuscrits. Entre autres exemples, il a été notamment un des rares à avoir proposé, en 2015-2016 et dans le cadre de Sequentia, un programme sur la musique carolingienne des débuts du moyen-âge central et du VIIIe au Xe siècle (« Frankish Phantoms », « Fantômes francs »). Il est également occupé, depuis quelques années, sur un projet autour des « chants ou chansons perdus » (« The Lost Songs Project ») et visant à restituer quelques traditions orales et musicales perdues ou oubliées de l’Europe médiévale : Islande, Irlande, Allemagne, etc…
Dans ce cadre et du point de vue de son actualité personnelle, on notera que depuis quelques temps déjà, il propose sur scène, accompagné de sa seule harpe, un spectacle autour de la légendaire poésie antique Beowulf. Un site web complet a même été dédié à ce spectacle (bagbybeowulf.com) que l’artiste a déjà eu l’occasion de jouer devant les publics les plus variés sur la scène internationale (Etats-Unis, France, Hollande, Russie, …). A suivre de près l’itinéraire de ce grand passionné de musique et de moyen-âge, on comprend mieux la déclaration qu’il fit en 2016, après avoir reçu son Rema Award dans le domaine des musiques anciennes ;
« I want to make voices of the past come to life again. To be recognized for this work is a great honor. »(« Je veux faire revivre les voix du passé. Etre reconnu pour ce travail est un immense honneur ») Benjamin Bagby – Rema Early Music Award 2016
Nul doute qu’il met toute son énergie et son talent à faire de cette volonté une réalité.
Une anthologie des trouvères : chants d’amour courtois des pays de langue d’oïl
L’album auquel nous empruntons la chanson de Blondel de Nesle est issu de la première période de l’Ensemble Sequentia. En réalité, il se présentait dans sa première édition de 1984 sous la forme de trois albums, mais lors de sa réédition en 1987, quelques coupes franches furent faites par rapport à l’édition originale et il fut finalement distribué sous la forme d’un double album.
Comme de nombreuses productions de l’ensemble, il fut distribué par Deustche Harmonia Mundi ce qui explique son titre original allemand : « Trouvères,Höfische Liebeslieder Aus Nordfrankreich », retraduit « Trouvères, chansons d’amour courtois des pays de Langues d’Oil », depuis sa réédition française par Sony Music. Si le titre allemand pouvait de prime abord dérouter, il n’y a dans ce double album que des pièces provenant du répertoire médiéval français de la fin du XIIe à la fin du XIIIe siècle (1175/1300) et toutes les chansons qu’on y trouve sont en langue d’oil, comme le titre « Trouvères » le suggérait clairement.
Il contient 43 titres et alterne pièces vocales – rondeau, ballades, motets, chansons de toile et de trouvères – avec des pièces instrumentales datant de la même période. On y retrouvera des pièces de Blondel de Nesle, mais aussi de Gace Brûlé, Conon de Bethune (une seule pour chacun d’entre eux) et en nombre plus conséquent des chansons de Jeannot de L’Escurel, Adam de la Halle, Petrus de Cruce, et encore de nombreuses pièces demeurées anonymes.
Depuis sa première parution, le succès de cette excellente production de l’Ensemble Sequentia a favorisé plusieurs ré-édition et on le trouve toujours disponible en ligne sous forme CDs et même sous forme dématérialisée. Comme toujours, la mise a disposition du format MP3 offre la liberté de pouvoir acquérir des pièces choisies, mais aussi l’avantage de pouvoir en écouter des extraits. A toutes fins utiles, voici le lien vers les deux formats : Trouvères : Chants D’Amour Courtois Des Pays De Lanque D’Oïl
« Onques maiz nus hom ne chanta »
chanson médiévale de Blondel de Nesle
Nous sommes dans le registre de la Fine amor. Le poète se tient dans l’attente d’un signe de la dame que son coeur a élu. Dans le cas précis, il semble que cette dernière ne soit pas déjà prise mais le sentiment n’est pas pour autant réciproque et le trouvère se tient, languissant et plein d’appréhension, espérant qu’elle lui concède son amour.
Il n’y a de meilleur « fine amant » que lui. Il est plus irrité qu’il ne le montre, mais si elle se refuse à lui ou le rejette (occire), jamais elle ne pourra trouver homme qui l’aime autant que lui, aussi qu’elle ait une plus grande pitié de lui qui se tient là, languissant. Elle n’a jamais aimé personne, il ne l’en aime que plus pour cela, mais il prie Dieu que, si c’est le cas, cet amour lui soit réservé.
Son doux visage rieur le plonge dans la confusion. Il n’ose la regarder tant il craint de ne pouvoir ensuite détacher ses yeux d’elle. Elle est si belle qu’on a d’autres choix que de la servir. Elle a encore tant de qualités qu’on ne pourrait les décrire sans en oublier et il ne peut lui que languir en espérant qu’elle lui prête attention et se souvienne de lui.
Onques maiz nus hom ne chanta En la maniere que je chant, Ne ja maiz nus ne chantera, Pluz ait d’ire, a mains de samblant. Et quant ma dame ocis m’avra, Sachiez de voir – a li m’en vant- Que ja maiz nul n’en trouvera, Qui tant l’aint en tout son vivant. Merci deüst avoir pluz grant De moi, qui ci vois languissant.
Biaus sire dex, s’ele aime ja, Dounez que ce soit moi avant, Quar je sai bien c’onques n’ama, Pour c’en est mes cuers pluz en grant. Mout a envis i aprendra, Je m’en vois bien apercevant, Quant ele encore sentu* (de sentir participe passé) n’a Nus des mauz d’amer donc j’ai tant. Ses clers vis* (doux, clair visage), qu’ele a si rïant, Fait le mien mat, triste et pensant.
Li lons delais d’a li parler Me fait souvent taindre* (rougir) et palir. Quant g’i sui, ne l’os esguarder, Tant en dout mes ex* (yeux) a partir ; Tant i aimment le sejorneir Qu’il ne s’en sevent revenir, Ne je ne les en puis tourner Pour chastoier de mieuz couvrir, Quar ce dont on a grant desir Fait bien mesure tressaillir
Tant ait en li a recordeir* (me rappeler, me souvenir) Biauteit por c’on la doit servir : Se tuit cil ki seivent pairleir Voloient ces taiches* (qualités) gehir* (décrire, rapporter), Ne poroient il resconteir Ke en li deüst riens faillir, Fors tant k’il ne l’en veult membreir* (se rappeller) De son home, ne sovenir ; Ainçois me covandrait languir Tant com li vandrait a plaixir.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.