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Eustache Deschamps, une ballade médiévale sur les exactions des grands seigneurs

poesie_ballade_morale_moralite_medievale_Eustache_deschamps_moyen-age_avidite_gloutonnerieSujet : poésie médiévale, littérature médiévale,  auteur médiéval, ballade médiévale, poésie morale, réaliste, satirique, ballade, moyen-français,  exactions, puissants, seigneurs.
Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Eustache Deschamps  (1346-1406)
Titre :  « Sà, de l’argent, çà, de l’argent»
Ouvrage :  Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps, par Georges Adrien Crapelet, 1832

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous partageons une nouvelle ballade satirique et politique d’Eustache Deschamps.  Direction la deuxième moitié du XIVe siècle donc, comme d’autres l’avaient fait avant lui et le feront après, le poète du moyen-âge tardif critique ici les exactions des seigneurs et prend la défense, comme il l’a souvent fait, des petites gens.

Rapacité et prédation des Seigneurs
contre misères du petit peuple

Sur le mode de la fable, notre auteur médiéval met ainsi en scène les pauvres animaux fermiers, saignés à blanc, par l’avidité des puissants ( loups, lions et autres prédateurs) et qui défilent pour se plaindre. Bien sûr,  on s’empresse d’ignorer leurs doléances et leurs misères pour leur réclamer à tue-tête : « Sà de l’argent, ça de l’argent » qu’on pourrait traduire : « Ici, de l’argent ! », « Allez ! de l’argent », « Envoyez votre argent ! » ou encore « Par ici la monnaie ! ». Bref, vous avez compris l’idée générale.

A la fin du texte, suite à la remarque d’une fée, le poète, dans un élan d’ironie et d’humour grinçant, aura tout de même une maigre consolation : certaines de ses bêtes  (prédatrices)  fréquentent aussi la cour où elles ne sont pas non plus épargnées puisque c’est là qu’elles ont entendu répété ces tristes mots.

eustache_deschamps_ballade_medievale_poesie_satirique_politique_morale_fable_moyen-age

Publié par Georges Adrien Crapelet dans la catégorie des fables (voir référence en tête d’article), rééditée un demi-siècle  plus tard et classée  par le Marquis de Queux de Saint-Hilaire dans les chants royaux (Oeuvres complètes d’Eustache Deschamps Tome VII, 1882), cette poésie n’est pas sans évoquer des accents que l’on retrouvera quelques années plus tard, sous la plume de Jean Meschinot et ses Lunettes de Princes

Pour le reste, l’histoire est vieille comme le monde qui nous conte ce moment où celui qui est censé incarner le pasteur et le protecteur se change en loup pour devenir le prédateur de ses propres brebisSans pour autant gommer les aspects historiques, on sait bien que les meilleures des poésies morales tendent à transcender leur contexte d’émergence pour sembler, quelquefois, ne pas prendre de rides. De fait, toute résonance avec l’actualité pourrait bien, au bout du compte, ne pas être totalement fortuite.

Ballade médiévale
Des exactions des grands Seigneurs

En une grant fourest et lée
Nagaires que je cheminoie,
Où j’ay mainte beste trouvée ;
Mais en un grant parc regardoye,
Ours, lyons et liepars *(léopards) veoye,
Loups et renars qui vont disant
Au poure *(pauvre) bestail qui s’effroye :
Sà, de l’argent; çà, de l’argent.
(Allez de l’argent ! par ici de l’argent !)

La brebis s’est agenoillée,
Qui a respondu comme coye :
J’ay esté quatre fois plumée
Cest an-ci ; point n’ay de monnoye.
Le buef et la vaiche se ploye.
Là se complaingnoit la jument,
Mais on leur respont toute voye :
Sà, de l’argent; çà, de l’argent.

Où fut tel paroule trouvée
De bestes trop me merveilloie. 
La chièvre dist lors : Ceste année
Nous fera moult petit de joye ;
La moisson où je m’attendoye
Se destruit par ne sçay quel gent;
Merci, pour Dieu. — Va ta voye ;
Sà, de l’argent ; sà , de l’argent.

La truie, qui fut désespérée,
Dist : Il fault que truande soye* (que je sois mendiante)
Et mes cochons ; je n’ay derrée* (denrée)
Pour faire argent. —Ven de ta soye,
Dist li loups ; car où que je soye
Le bestail fault estre indigent ;
Jamais pitié de toy n’aroye :
Sà, de l’argent; sà, de l’argent.

Quant celle raison fut fînée, *(quand tous ces discours s’achevèrent)
Dont forment esbahis estoye, *(dont j’étais fortement surpris)
Vint à moi une blanche fée,
Qui au droit chemin me ravoye* (me remit)
En disant : Se* (de cela) Dieux me doint joye , 
Sers(Ces? Cerfs ?) bestes vont à court souvent ;
Sont ce mot retenu sanz joye :
Sà, de l’argent; sà, de l’argent.

Prince, moult est auctorisée
Et court partout communément
Ceste paroule acoustumée :
Sà, de l’argent ; sà, de l’argent.

Une belle journée à tous.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes

Les quatre saisons de la vie par Eustache Dechamps et quelques réflexions sur la mort médiévale

poesie_ballade_morale_moralite_medievale_Eustache_deschamps_moyen-age_avidite_gloutonnerieSujet : poésie médiévale, littérature médiévale,  auteur médiéval, ballade médiévale, poésie morale, réaliste, ballade, moyen-français, mort, vieillesse
Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Eustache Deschamps  (1346-1406)
Titre :  « Il n’est  chose qui ne viengne a sa fin»
Ouvrage :  Oeuvres complètes d’Eustache Deschamps, Tome V. Marquis de Queux Saint-Hilaire, Gaston Raynaud (1893)

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion-copiauisqu’arrive le début du mois de novembre, il est  de circonstance de penser à nos chers disparus et, à cette occasion, de se replonger un peu dans les conceptions médiévales de la mort.

Comme il a porté aux nues l’amour courtois, le moyen-Age a aussi beaucoup chanté le destin inéluctable qui nous conduit à notre propre finitude. De Jean de Meung et Rutebeuf à Villon, en passant par Michaut Taillevent, Jean Meschinot, Eustache Deschamps et bien d’autres encore, la camarde a traversé la poésie médiévale comme un constant rappel. Elle n’est pas tant perçue alors comme un grand vide inconnu, un néant dévoreur de consciences, mais plutôt comme un passage obligé entre deux mondes, au moins autant qu’une guide pour l’action aux services des valeurs chrétiennes.

La mort au présent dans le monde médiéval
remède contre la vanité des hommes.

« Vous vous moqueiz de Dieu tant que vient a la mort,
Si li crieiz mercei lors que li mors vos mort
Et une consciance vos reprent et remort;
Si n’en souvient nelui tant que la mors le mort. »
Rutebeuf – Le dit de la croisade de Tunis

Dans les poésies morales ou satiriques, elle fait ainsi figure indirectement de conseillère, ou disons d’un fait inéluctable à conserver à l’esprit si l’on veut avoir quelque chance d’échapper aux affres des enfers. Etape inévitable précédant le jugement, elle est celle qui rattrapera tôt ou tard, dans sa course, le puissant présomptueux, l’avide, le « convoiteux » ou le tyrannique. Et c’est encore elle dont l’approche fait se retourner le poète, entré dans son hiver, sur le temps passé et sur une vieillesse propice à le faire choir, même si, à l’image de Michaut Caron dans son passe-temps, on craint peut-être même plus le spectre de la misère, que celui de la mort.  Au fil du  moyen-âge, on finira par personnifier cette dernière de plus en plus et elle prendra des formes plus grinçantes et morbides, en s’invitant, dansante et goguenarde, dans ses représentations eustache_deschamps_ballade_poesie_medievale_mort_vieillesse_moyen-ageiconographiques comme un personnage à part entière.

On a quelquefois tendance à penser que le moyen-âge la chantait parce qu’elle était partout et que l’on n’avait finalement le choix que de l’avoir sous le nez. C’est un raccourci hâtif. Les guerres y étaient-elles plus meurtrières que celles de notre temps ? Non. Qu’on se souvienne simplement des millions d’enfants et de civils morts sous les bombes depuis la fin du XXe et le début de notre siècle pour s’en convaincre. Par ailleurs et quoiqu’on puisse, là encore, en préjuger, les auteurs du monde médiéval n’ont pas non plus attendu la peste noire et ses terribles ravages pour invoquer la camarde au secours de la morale. Le fait qu’on la trouve encore exposée aux gibets et aux fourches participe également d’une société qui l’enrôle dans sa marche de multiples façons.

Si la mort est omniprésence dans les esprits, c’est que le moyen-âge « l’embrasse ». Il l’invite même, quand elle n’est pas là, pour des raisons philosophiques et religieuses. Pour l’homme médiéval, elle fait partie d’une vision globale où le monde matériel et le monde immatériel ont le même degré de « réalité ». Elle se tient à leur frontière, prise dans un système de valeurs qui la met au cœur de l’action éthique et morale.

Modernité occidentale, la mort sous cloche ?

Il faut bien le constater, dans notre monde moderne occidental, indépendamment du fait que notre espérance de vie s’est améliorée, on a surtout tout mis en oeuvre pour qu’on meurt en silence et loin des regards : « penser à notre propre fin, certes, mais le plus tard possible » est un peu devenu la ligne à suivre. La mort, la vraie, pas celle de l’univers télévisuel, où se mêlent, derrière l’écran plat, morts d’actualité et morts fictionnels dans une véritable inflation, est-elle devenue indécente ? Recouverte de son terrifiant linceul, c’est en tout cas dans l’ombre qu’on la préfère et l’on rêve secrètement, plus que l’on ne l’a jamais fait, de la vaincre et de la faire reculer dans ce monde de matière même, sous la promesse d’une médecine et d’une science qui s’engagent, chaque jour un peu plus, à nous faire durer.

eustache_deschamps_ballade_poesie_medievale_mort_vieillesse_saison_moyen-ageSous la pression du matérialisme, la mort a donc indéniablement perdu de sa « superbe » même s’il convient, toutefois, de rester prudent dans ce genre d’analyses de surface. La société a certes organisé son éloignement manifeste sous la pression de divers phénomènes : laïcisation et recul de l’éducation religieuse – émergence d’une science moderne « toute puissante » qui allait bientôt prétendre faire reculer tous les mystères et toutes les fatalités – mouvement général d’individualisation (l’individu-client, laissé libre de ses choix, consommateur de spiritualité ou de religion et « faisant son marché ») et encore, corollaire de cette individualisation, éclatement de la famille traditionnelle (éloignement, placements des générations précédentes, et des personnes âgées,…)

De fait, une part importante des problématiques et des conceptions autour de la mort se sont beaucoup recentrées dans la sphère de l’espace privé à individuel mais cela ne signifie pas, pour autant que cette dernière s’y trouve vidée de toute substance spirituelle ou de tout rôle « actif » dans le cheminement de vie. D’ailleurs, hors de la sphère publique et quoiqu’elles projettent sur l’après-vie, nombre de pratiques religieuses ou spirituelles actuelles ont conservé à la camarde un statut « moral » d’importance . On vit alors avec elle, dans un esprit qui n’est sans doute pas très éloigné de celui qui gouvernait déjà au moyen-âge,  même si la société ne vibre plus à cette unisson, au moins dans son espace public.

Eustache Deschamps, ballade Médiévale :
Il n’est chose qui ne viengne a sa fin

Au cœur du XIVe siècle, Eustache Deschamps nous parlait des  quatre saisons de la vie et de la finitude de toute chose et c’est la ballade que nous avons choisi de partager avec vous aujourd’hui. Comme il s’agit de moyen-français, nous ne donnons ici que quelques clés de vocabulaire. Le reste demeure largement compréhensible.

Tout finit

Selon les temps et les douces saisons,
Selon les ans et aages de nature,
Selon aussi .IIII. complexions,
Vient joie ou dueil a toute créature.
Le sec aux champs, autre foiz la verdure,
Folie et sens, povreté et richesce
Es corps humains, force, vertu, jeunesce,
Et puis convient tout aler a déclin,
Arbres, bestes, gens mourir par viellesce :
II n’est chose qui ne viengne a sa fin.

En jeune temps, nous nous esjouissons
Pour le sang chaut; lors sommes plains d’ardure,
Nos jeunesces et folies faisons
Sanz y garder loy, raison ne mesure,
Fors volunté; tout est en adventure,
En cellui temps Cuidier* (croire, être présomptueux) nous point* (pique) et blesce;
C’est le doulz May qui dormir ne nous lesse,
Qui du vert bois nous monstre le chemin ;
Lors a un coup fleur, fruit et vert delesse :
II n’est chose qui ne viengne a sa fin.

Mais assez tost ceste chaleur laissons ;
Après Printemps vient Esté qui po dure,
Ou folement de noz vouloirs usons,
Gastans noz corps en pechié et laidure.
Autonpne après, moyenne saison, dure,
Qui des .II. temps les fruiz meure* (mûrir) et adresse :
Aux bien faisans les donne a grant largesce,
Mais pareceux n’ont d’elle blef ne vin,
Dont mainte gent muèrent en grant destresce :
II n’est chose qui ne viengne a sa fin.

En Décembre fueilles cheoir veons
D’arbres, de prez et venir la froidure ;
Es chaux foyers pour ce nous retraions,
Qui a de quoy, et qui non, si endure.
Recorder fault sa fole nourreture,
Ses maulx soufrir. De legier* (aisément) se courresse* (courroucer)
Homs en ce temps qui de mal sent l’appresce* (l’oppression)
Et li chéent* (choir) par viellesce li crin* (les cheveux);
Ainsis s’en vont roys, ducs, contes et contesse :
Il n’est chose qui ne viengne a sa fin.

Janvier, Février sont neges et glaçons,
Ceuls sont de l’an la fin froide et obscure;
En cel aage la teste blanche avons,
En déclinant vers nostre sépulture ;
Nous sommes lors chargans et plains d’ordure
Hors du doulz May de joie et de leesce* (liesse).
La vient la Mort qui sonne nostre messe,
Car riens qui naist n’eschive son chemin
Qui par ce pas sa voie ne radresce* (redresser) :
Il n’est chose qui ne viengne a sa fin.

L’envoy

Prince, empereurs, rois, dames et barons,
Religieus, peuples, considérons
Que tuit sommes du monde pèlerin
Et qu’en passant nous y trespasserons;
Faisons donc bien et le mal eschivons :
Il n’est chose qui ne viengne a sa fin.

En vous souhaitant une excellente journée et un bon week end de la Toussaint.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

Sur le sujet de la mort au moyen-âge, nous vous invitons  à découvrir également  l’article suivant:  Mort médiévale, mort moderne : idées reçues, approche comparée et systèmes de représentations 

Grand Art, Jean-Pierre Joblin, Bruno Daraquy, François Villon en scène et en chanson : spectacle vivant

françois_villon_piece_recital_chanson_poesie_medievale_moyen-ageSujet : poésie médiévale, poésie, chansons, spectacle vivant, livre, exposition
Période : moyen-âge tardif, XVe siècle.
Auteur : François Villon (1431-?1463)
Parolier, illustrateur : Jean-Pierre Joblin Interprète : Bruno Daraquy.
Evénement : « François Villon, Corps à coeur »   Lieu : Théâtre de la Closerie, Etais la Sauvin Yonne, Bourgogne-Franche-Comté
Dates : Samedi 13 octobre  à 20h30, Dimanche 14 octobre à 16h00 et 20h00

Bonjour à tous,

Q_lettrine_moyen_age_passionue les amateurs de François Villon le rebelle, le truculent, le marginal, le supplicié et encore l’angoissé qui se trouve du côté de l’Yonne, cette fin de semaine, ne passent pas à côté de ce bel événement consacré au poète médiéval. Ce samedi et ce dimanche à Etais la Sauvin, on pourra, en effet, assister tout à la fois à un spectacle-vivant de chansons, poésies, repris ou inspirée de Villon ainsi qu’à une exposition d’illustrations sur l’auteur médiéval.

Si les deux aspects sont mêlés c’est qu’ils sont d’abord le fruit d’une rencontre : celle de l’auteur, illustrateur, parolier Jean-Pierre Joblin et celle du chanteur Bruno Daraquy. Partis d’une idée de evenement_francois_Villon_spectacle_vivant_chansons_poesies_auteur_medieval_moyen-age_tardifcollaboration autour d’un récital  de chansons sur Villon, les deux artistes ont bientôt été rejoints par un musicien compositeur Malto, suivi, un peu plus tard, de quelques autres excellents musiciens et d’un regard extérieur éclairé sur la mise en scène (Maurice Galland).

Jouée pour la première fois au Théâtre Libre de Saint-Etienne en 2012, cette pièce-récital plusieurs fois saluée par la presse, continue de tourner depuis. Elle a notamment été présentée au Printemps de Bourges en Avril dernier et c’est donc celle que vous aurez le plaisir de retrouver ce week-end à quelques encablures au sud d’Auxerre pour trois représentations.

Depuis sa création, l’aventure ne s’est pas arrêtée à ce seul spectacle puisqu’elle a fini par donner le jour, un peu plus tard dans le temps, à une oeuvre totalement originale. Sorti en Janvier 2017, ce livre-CD est enrichi de belles illustrations réalisées de la main même de Jean-Pierre Joblin qui double son talent d’auteur-parolier avec celui d’illustrateur. Les images présentes dans cet article ne vous en donneront qu’un très bref aperçu.

La voix, la chair et le verbe :
Villon à Fleur de peau et de plume

bruno_daraquy_spectacle_villon_poesie_medievale_recital_chansonDu côté du récital, qui est émaillé de textes, de « dits », de mots, de « cris », comme ceux de Léo Ferré pouvaient en contenir, il propose 16 chansons auxquelles Bruno Daraquy prête son talent, et même au delà, son cœur, sa chair et sa peau. Incarne-t-il Villon ou, par un étrange tour de passe-passe médiumnique, le poète médiéval serait-il revenu, le temps d’un spectacle, se rêver dans la peau du chanteur-conteur ? La voix, les intonations, le ton, la révolte, la gouaille, tout est là. Fermez les yeux, Villon est sur les planches et le trouble est entier, et si ce n’est pas lui, sans doute n’aurait-il pu songer à un meilleur tribut, une meilleure incarnation.

Illustration de Jean-Pierre Joblin tirée de l'ouvrage François Villon, Corps à Coeur
Illustration de Jean-Pierre Joblin tirée de l’ouvrage François Villon, Corps à Coeur

Quant au verbe, qui vient au commencement, voilà ce que l’auteur lui-même nous en dit, en guise de préface dans le livre CD illustré dont nous parlions plus haut :

« Soucieux d’épargner au lecteur contemporain l’écueil du « vieil langage françois » je me suis employé à développer un style qui mêle le plus « gustativement » possible la saveur des mots actuels à celles des tournures médiévales » Jean-Pierre Joblin

spectacle_villon_poesie_medievale_recital_chanson_joblin_jean-pierre_album_cdEt si c’est toujours une gageure de se frotter à Villon et un pari sans doute encore plus grand que de décider de ne pas le suivre à la lettre, le défi est là aussi brillamment relevé. Avec une dose copieuse d’argot, (d’aucun diront, à ne pas mettre entre toutes les oreilles, âmes sensibles s’abstenir donc, mais il en est encore ainsi pour les plus chastes, de certains textes de Villon), le verbe du parolier a fait totalement corps avec celui de l’auteur médiéval, dans un processus, là encore, étrangement fusionnel.

La hantise de Villon et le terrible gibet de Montfaucon sous la plume de Jean-Pierre Joblin.

Jean-Pierre Joblin a dû, nous dit-il s’immerger tout entier dans tout ce qui faisait François Villon, dans tout ce qui tournait autour de l’homme, dans l’oeuvre de ses biographes, des plus anciens aux plus modernes : a-t-il  hérité au passage de la  fascination d’un Clément Marot pour le style de l’auteur du Testament ou suivi les pas curieux  d’un Pierre Champion sur la piste du poète, dans le Paris du XVe siècle, ses tavernes et ses quartiers?  Qu’on ne s’y trompe pas pourtant, pour un tel exercice lire ne suffit pas et il a fallu une passion dévorante et une véritable plume pour que la magie opère vraiment et pour que Jean-Pierre Joblin  fasse de Villon sien.

Agenda, informations et Livre-CD

Pour ne pas le manquer  s’il passe près de chez vous. retrouvez plus d’informations sur ce beau projet et son agenda au lien suivant :

françois_villon_album_cd_illustration_chanson_poesie_medievale_moyen-age_XVePour plus d’informations sur le livre CD et pour l’acquérir, voici le lien.

Pour le reste et pour rappel, si vous êtes dans l’Yonne le spectacle, l’exposition, les dédicaces et la rencontre des artistes en vrai, c’est à  Etais la Sauvin, ce samedi  et ce dimanche.

En vous souhaitant une  belle journée et un excellent week end.

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
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La Repentance de Rutebeuf, adaptation en français moderne sur les traces de Léon Clédat

rutebeuf_auteur_medieval_satiriqueSujet : poésie médiévale, poésie réaliste, satirique, jongleur, vieux français, langue d’oil, adaptation, traduction, « trouvère »,
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle
Auteur ; Rutebeuf (1230-1285?)
Titre : La repentance de Rutebeuf
Ouvrage : Rutebeuf, Léon Clédat (1891)

Bonjour à tous,

oilà longtemps que nous ne nous sommes aventurés dans le moyen-âge de Rutebeuf et nous le faisons, aujourd’hui,  à la faveur d’une adaptation en français moderne de sa célèbre « repentance ».

Comme à chaque fois qu’on entre dans l’oeuvre de ce grand auteur, farceur, jongleur, conteur satirique du XIIIe siècle, en relisant ses « dits » débordant d’un « je » qui nous invective ou nous interpelle, on ne peut faire l’économie de repenser au mystère qui l’entoure. Etait-il un clerc qui occupait son temps à d’autres activités entre ses éclats poétiques et satiriques?  En lisant entre les lignes de ses poésies, on serait tout de même bien tenté de  supposer que non. Il nous le dit dans plus d’un texte,  ressassant à l’envie le tableau de ses misères : privé de ses appuis du côté des puissants, (voir la paix de Rutebeuf article, lecture audio ) ayant emprunté à tous sans jamais rendre, il en est réduit à dormir dans une couche de paille et n’a pas de quoi faire vivre décemment sa « maison » (la pauvreté Rutebeuf article, lecture audio ), et puis, à tout cela, il faut ajouter encore ses déboires de santé, un nouveau-né dont il sait s’il ne pourra le nourrir, etc, etc (la complainte de l’oeil article, lecture audio), Bref, une situation presque toujours inextricable qui, si Dieu lui-même ne l’en sauve, ne pourra trouver remède qu’auprès de quelques mains généreuses, dans son public ou chez les puissants, pour lui faire tomber quelques pièces, en retour de sa poésie.

« Bon clerc est qui mieux sait mentir. » ?

Personnage complexe et multifacette, tout à la fois ou tour à tour, moraliste, satirique, grave, goguenard ou bonimenteur. « Rude ou rustre » comme une excuse à ses mauvaises manières et à « son ignorance », comprenons sa franchise. « Boeuf » tranquille, lent et lourdaud ?  Non pas. mais plutôt résolu et qui charge ses cibles pour les renverser de son verbe impitoyable. Rutebeuf est encore ce trouvère qui présente, en permanence, à son public le miroir de ses infortunes et de  ses misères, en les invitant même à en rire.

Quelle est la part du vrai et de l’artifice ? Faut-il prendre tous les complaintes de ses  « Je » pluriels, au premier degré, comme certains auteurs ont parfois choisi de le faire ? Sous le fard du jongleur,  ces misères sont-elles vraiment siennes ? Dans ses jeux littéraires et stylistiques, il les instrumentalise en tout cas, pour les mettre totalement au service de son personnage, une façon de quémander sa pitance pour son art de jongleur, qui lui fournit, peut-être, au passage une nouvelle excuse pour se dégager des implications de ses dits et de leur force satirique : « Ne me punissez pas ou ne me jugez pas trop durement pour mes propos, Je suis un pauvre type, miséreux, « mal foutu », malchanceux, et Dieu le fait déjà. »

« Ci a boen clerc, a miex mentir ! » Rutebeuf  nous le dira lui-même dans cette poésie du jour « Bon clerc est qui mieux sait mentir ».  Nombre de spécialistes de littérature médiévale et médiévistes contemporains nous enjoindront à la même prudence dans l’approche de ses textes. Même s’il n’est pas non plus question de rejeter comme en bloc tout ce qu’il nous dit pour vrai, ne pas tomber trop vite dans le premier degré, y mettre quelques guillemets.  Au sortir, entre mise en scène et vérité, entre complainte et humour, du « je » au « jeu » de ce grand maître du style, bien malin celui qui, aujourd’hui, pourrait dire où est et qui est le véritable Rutebeuf.

Rutebeuf, par Léon Clédat
Dans la lignée des découvreurs du XIXe

Il faut bien l’avouer, sans quelques connaissances solides en vieux français, la langue de Rutebeuf reste relativement opaque, pour ne pas dire  totalement. De fait, nous en profitons ici pour vous parler d’un petit livre datant de la fin du XIXe siècle et toujours édité sur lequel nous nous sommes largement appuyés : Rutebeuf par Léon Clédat (1891).

Assez concis, l’ouvrage balaye l’oeuvre du poète médiéval sur un peu plus de 200 pages, en en offrant de larges passages traduits et adaptés en vers, de manière heureuse et agréable, tout en restant assez proche du texte original. Pour les amateurs de la vision de « l’infortuné » Rutebeuf par Léo Ferré, vous y trouverez rien moins que des traductions qu’on retrouve pratiquement reprises telles quelles dans les chansons du vieux lion anarchiste parisien du XXe siècle et qui laissent à supposer que ce livre est peut-être passé dans ses mains.

Du côté de la datation de cette traduction (partielle )  de Léon Clédat, un certain nombre de romanistes ou de médiévistes  se sont, me direz-vous, frottés depuis à l’exercice. C’est vrai. Mais ceux qui nous suivent savent que nous cédons souvent aux charmes des grands découvreurs, historiens et paléographes du XIXe siècle et on aurait tord d’y voir, de notre part, une sorte de marotte désuète. Il s’agit pour nous bien plus d’une façon d’avoir les idées claires sur les origines et sur ce que nous devons véritablement à tous ces auteurs. Durant ce siècle, l’Histoire, en tant que science, a connu des bouillonnements sans précédent. Elle y a affirmé d’autant ses méthodes et la littérature médiévale y fut sujette à un véritable fourmillement d’études.

On s’affaire alors autour des manuscrits en s’évertuant à les rendre lisibles au plus grand nombre :  attribution, versions croisées des oeuvres dans les différents documents et codex, nouvelles poésies mises à jour, auteurs ressortis de l’ombre dans lequel les tenaient les lettres gothiques et serrées incompréhensibles au profane,…, Au fil du XIXe et jusque même les premiers années du XXe, toutes les raisons sont bonnes pour enchaîner les publications autour des mêmes auteurs médiévaux. Bien sûr, on s’escrime, voire on s’écharpe aussi, sur les sens, les nuances, les interprétations et les corpus, les approches, mais qu’on se rassure, dans une certaine mesure, les historiens, romanistes et médiévistes le font encore.

Bien entendu,  sur certains aspects et sur certains faits,  on peut aisément convenir que de nouvelles choses ont été découvertes depuis, faits ou documents, affinement de la datation, etc… Notre vision de la littérature et du moyen-âge a changé. Certains experts du XXe ont également beaucoup compté dans l’approche de certains auteurs médiévaux sur la partie biographique quelquefois, sur la façon de nous distancier encore d’avec leurs productions, sur de nouvelles hypothèses qu’ils ont pu mettre à jour, etc. Pour autant, pour revenir à Rutebeuf  et concernant son adaptation, sans vouloir sous-estimer les avancées de la linguistique autour du français ancien ou du vieux français, ni minimiser les efforts d’auteurs plus modernes sur ces questions, l’ouvrage de Léon Clédat trouve encore bien sa place dans une bibliothèque autour du jongleur médiéval.

S’il vous intéresse, il est toujours édité et on peut le trouver en ligne au format broché et même au format kindle

En  croisant cet ouvrage  avec les grands travaux de Michel Zink qui, par humilité sans doute,  a fait le choix de privilégier dans son approche le sens, sur les vers, vous pourrez encore enrichir d’autant la lecture de cette poésie satirique et de ses trésors cachés (voir Rutebeuf, Oeuvres complètes en deux tomes, Michel Zink, 1990),

Quant à la question posée plus haut de savoir qui est Rutebeuf (ce qu’on ne sait finalement toujours pas), mais surtout celle de comment approcher ses différents niveaux de lectures, on trouvera encore chez ce brillant chartiste et philologue, expert de littérature médiévale, doublé d’une vraie plume qu’était Léon Clédat, quelques éléments pertinents à ranger au compte de l’Histographie. La question étant complexe et non tranchée, pour en compléter l’approche, on pourra toujours se reporter aux nombreux et brillants auteurs modernes qui continuent d’essayer de démêler son « Je »  de ses « jeux ».

La repentance de Rutebeuf

Notes sur l’adaptation en français moderne

Pour cette version de la repentance de Rutebeuf (en vieux-français, Ci coumence la repentance Rutebeuf), nous empruntons donc à Léon Clédat la traduction de la plupart des strophes. Comme il en avait laissé trois en berne, nous nous y sommes modestement attelés en usant pour nous éclairer des travaux de Michel Zink mais aussi de quelques copieux dictionnaires d’époque. Autant vous le dire tout de suite, nous y avons pour l’instant consacré moins d’heures que nous l’aurions souhaité et nos strophes mériteraient largement une repasse. Nous la ferons sans doute plus tard dans le temps, mais à tout le moins vous aurez une première approche de leur sens.

Le code

Vert le vieux français de Rutebeuf,
Gris les strophes adaptées de Léon Clédat.
Noir notre pâle complément d’adaptation des strophes manquantes.

Ci coumence la repentance Rutebeuf

I
Laissier m’estuet le rimoier,
Car je me doi moult esmaier
Quant tenu l’ai si longuement.
Bien me doit li cuers larmoier,
C’onques ne me soi amoier
A Deu servir parfaitement,
Ainz ai mis mon entendement
En geu et en esbatement,
C’onques n’i dignai saumoier.
Ce pour moi n’est au Jugement
Cele ou Deux prist aombrement,
Mau marchié pris a paumoier.

Renoncer me faut a rimer,
Et je me dois moult étonner
Quand l’ai pu faire si longtemps!
Bien me doit le cœur  larmoyer
Que jamais ne me pus plier
A Dieu servir parfaitement.
Mais j’ai mis mon entendement
En jeu et en ébattement,
Jamais ne daignai dire psaumes.
Si ne m’assiste au Jugement
Celle en qui Dieu reçut asile,
J’ai passé bien mauvais marché.

II
Tart serai mais au repentir,
Las moi, c’onques ne sot sentir
Mes soz cuers que c’est repentance
N’a bien faire lui assentir.
Coment oserai je tantir
Quant nes li juste auront doutance ?
J’ai touz jors engraissié ma pance
D’autrui chateil, d’autrui sustance:
Ci a boen clerc, a miex mentir !
Se je di: « C’est par ignorance,
Que je ne sai qu’est penitance ».
Ce ne me puet pas garentir.

Tard je viendrai au repentir.
Pauvre moi! Point ne sut comprendre
Mon fol cœur  ce qu’est repentance,
Ni à bien faire se résoudre!
Comment oserais-je mot dire
Quand justes même trembleront ?
Tous les jours j’engraissai ma panse
Du bien d’autrui, d’autrui substance.
Bon clerc est qui mieux sait mentir.
Si je dis « C’est par ignorance,
Car je ne sais qu’est pénitence »,
Cela ne peut me garantir* (sauver)

III
Garentir ? Diex ! En queil meniere ?
Ne me fist Diex bontés entiere
Qui me dona sen et savoir
Et me fist en sa fourme chiere ?
Ancor me fist bontés plus chiere,
Qui por moi vout mort resovoir.
Sens me dona de decevoir
L’Anemi qui me vuet avoir
Et mettre en sa chartre premiere,
Lai dont nuns ne se peut ravoir
Por priere ne por avoir:
N’en voi nul qui revaigne arriere.

Me sauver ? Dieu ! De quelle manière ?
Dieu, dans sa bonté entière 
En me donnant sens et savoir (raison et sagesse)
Me me fit-il à sa chère image  ?
Et me fit Bonté d’avantage
(celui) Qui pour  moi, a reçu la mort.  (le Christ)
Me donnant le sens (l’intelligence, le bon sens) de duper
L’ennemi (le diable) qui me veut avoir
Et mettre en sa geôle première
Là d’où nul ne peut s’enfuir
Contre prières ou contre avoirs.
Je n’en vois  nul  en revenir

IV
J’ai fait au cors sa volentei,
J’ai fait rimes et s’ai chantei
Sus les uns por aux autres plaire,
Dont Anemis m’a enchantei
Et m’arme mise en orfentei
Por meneir au felon repaire.
Ce Cele en cui toz biens resclaire
Ne prent en cure m’enfertei,
De male rente m’a rentei
Mes cuers ou tant truis de contraire.
Fusicien n’apoticaire
Ne m’en pueent doneir santei.

J’ai fait au corps sa volonté,
J’ai fait rimes et j’ai chanté
Sur les uns pour nus autres plaire
Car l’Ennemi m’a enchanté
Et rendu mon Âme  orpheline
Pour la mener au noir repaire.
Si celle en qui brille tout bien
Ne prend en souci mon affaire,
Mauvaise rente m’a valu
Mon cœur  d’où me vient tel tourment.
Médecins ni apothicaires
Ne me peuvent donner santé.

V
Je sai une fisicienne
Que a Lions ne a Vienne
Non tant com touz li siecles dure
N’a si bone serurgienne.
N’est plaie, tant soit ancienne,
Qu’ele ne nestoie et escure,
Puis qu’ele i vuelle metre cure.
Ele espurja de vie oscure
La beneoite Egyptienne:
A Dieu la rendi nete et pure.
Si com est voirs, si praigne en cure
Ma lasse d’arme crestienne.

Je connais une physicienne (femme médecin)
A  Lyon, ni même à Vienne
Pas plus que dans le monde entier
Il n’est si bonne chirurgienne.
Il n’y a de plaie, fut-elle ancienne
Qu’elle ne nettoie et ne récure.(désinfecter)
Elle expurgea de tout péché
La bienheureuse égyptienne
La rendant à Dieu, nette et pure
Comme elle le fit (Si vrai que), puisse-t-elle soigner
Ma pauvre et lasse âme chrétienne

VI
Puisque morir voi feble et fort,
Coument pantrai en moi confort,
Que de mort me puisse deffendre ?
N’en voi nul, tant ait grant effort,
Que des piez n’ost le contrefort,
Si fait le cors a terre estendre.
Que puis je fors la mort atendre ?
La mort ne lait ne dur ne tendre
Por avoir que om li aport.
Et quant li cors est mis en cendre,
Si couvient l’arme raison rendre
De quanqu’om fist jusqu’a la mort.

Comme je vois mourir faibles et forts
Où trouver en moi réconfort
Qui de mort me puisse défendre ?
N’en voit nul, malgré ses efforts
Dont elle n’ôte des pieds le support
Pour faire, au sol, son corps s’étendre.
Qu’y puis-je, sinon la mort attendre ?
La mort n’épargne ni durs, ni tendres
Peu lui chaut avoirs et apports
Et quand le corps est rendu cendre,
A l’âme il faut bien raison rendre 
De ce qu’elle fit jusqu’à la mort.

VII
Or ai tant fait que ne puis mais,
Si me covient tenir en pais.
Diex doint que ce ne soit trop tart !
J’ai touz jors acreü mon fait,
Et j’oi dire a clers et a lais:
« Com plus couve li feux, plus art. »
Je cuidai engignier Renart:
Or n’i vallent enging ne art,
Qu’asseür est en son palais.
Por cest siecle qui se depart
Me couvient partir d’autre part.
Qui que l’envie, je le las.

J’ai tant fait que plus je ne puis
Aussi me faut tenir en paix
Dieu veuille que ne soit trop tard!
Tous les jours j’ai accru mon fait,
Et chacun dit, clerc ou laïque
« Plus le feu couve, plus il brûle ».
J’ai pensé engeigner * (tromper) Renard
Rien n’y valent engins ni arts,
Tranquille il est en son palais.
Pour ce siècle qui se finit,
Il m’en faut partir d’autre part
Nul n’y peut rien, je l’abandonne.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
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