
Epoque : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur : Alphonse X (1221-1284)
Titre : Cantiga 152, le bol d’argent
Tantas nos mostra a Virgen
Direction : Eduardo Paniagua (2003)
Album : Caballeros, Cantigas de Alfonso X, el sabio
Bonjour à tous,

Culte Marial au Moyen Âge
La bonté d’une Sainte et la bienveillance d’une mère, au secours de l’homme médiéval
On ne peut s’intéresser au Moyen Âge en Europe occidentale, sans se pencher sur ses aspects profondément chrétiens. Impossible non plus d’occulter le culte qui s’y développe autour de la vierge Marie et dont témoigne les Cantigas de Santa Maria.

Entre le ciel et la terre, la mère de Dieu sera alors devenue celle de tous les hommes. Toujours prompte à les secourir, elle peut leur offrir le salut. Mère de miséricorde, le XIIe et le XIIIe siècles la vénéreront intensément à travers de nombreuses productions artistiques et de nombreux récits de Miracles. (1)
Amour et pouvoir d’intercession
Au XIIIe siècle, les Cantigas de Santa Maria sont chantées à la cour d’Espagne. Elles résonnent dans les chants des pèlerins et les accompagnent au long des grandes routes souvent périlleuses du Moyen Âge.
Chez certains prêcheurs de l’Eglise, cet amour pour la Sainte héritera même des formes de la lyrique courtoise. L’émotion qu’elle suscite chez bon nombre d’hommes occidentaux, au cœur du Moyen Âge, nous est aujourd’hui difficile à percevoir dans toute sa profondeur et sa complexité mais elle recouvre une réalité indubitable dont nous gardons encore de nombreux témoignages.

A lui, on n’ose pas toujours d’adresser directement, jamais tout à fait certain d’en être digne, ni d’avoir son écoute. Et comme on crédite Sainte Marie de cette bonté infinie. tout autant que de cette proximité, elle apparaît aussi, souvent et se montre quand on l’appelle, pour peu qu’on le fasse avec une foi sincère. Ainsi, l’histoire de la Cantiga de Santa Maria du jour, la Cantiga 152, est encore celle d’un miracle et d’une apparition.
La Cantiga 152 par Eduardo Paniagua
Eduardo Paniagua et les chevaliers dans les cantigas de Santa Maria
Nous avions déjà dédié à Eduardo Paniagua, un long article à l’occasion de notre présentation détaillée de la Cantiga 23 (celle du miracle du vin). Aussi, si vous désirez en savoir plus sur ce brillant et talentueux musicien espagnol entièrement dévoué au répertoire médiéval, nous vous invitons à le consulter.
Rappelons simplement que dans les nombreuses productions musicales médiévales qu’il a ramené à la lumière et réinterprétées, on doit à Eduardo Paniagua l’immense travail d’avoir recompilé et 
Dans un album de 2003 ayant pour titre Caballeros, il proposait une selection des Cantigas d’Alphonse le Sage, sur le thème des chevaliers et de la chevalerie. C’est de cet album qu’est tiré l’interprétation de la Cantiga 152 du jour. Vous le trouverez disponible à la vente en ligne sous ce lien : Caballeros, l’album d’Eduardo Paniagua
La Cantiga 152 Un bol d’argent plein d’amertume pour un chevalier débauché
Petits pèlerins, simples gens, marchands, bourgeois, seigneurs et princes, les miracles des Cantigas de Santa Maria ne font pas d’ostracisme social et la vierge ne distingue pas entre les classes pour accomplir ses prodiges. Bien au contraire, la multiplicité des exemples ne fait que renforcer l’idée que la Sainte est à portée de tous. Le Miracle de la cantiga 152 concerne, cette fois-ci, un chevalier arrogant et enclin à la luxure mais qui sera sauvé.
Como u bon cavaleiro d’armas, pero que era luxurioso, dezia sempr’ «Ave Maria», e Santa Maria o fez en partir per sa demostrança.
Comment un bon chevalier d’armes, mais qui était plein de luxure, disait toujours « Ave Maria » et comment Sainte Marie par sa démonstration lui permis de s’en défaire.
Bien qu’il invoqua souvent le nom de la vierge en disant « Ave Marie », l’homme ne se rendait jamais aux messes, ni aux offices et ne priait guère non plus. Fort talentueux dans les arts de la guerre et doté d’un grand courage, il demeurait aussi arrogant et licencieux, se rendant coupable de tous les péchés de luxure, les plus grands comme les plus petits.

A la vue du liquide, le chevalier fut pris d’une grande peur et somma l’apparition de vouloir se nommer. La Sainte lui répondit : « Je suis Sainte Marie et je viens avec ce bol te décrire ta situation afin que tu les abandonnes tes erreurs. Car, vois-tu, ce bol te montre que tu es beau et doté de très grandes qualités. Et pourtant, comme tu es aussi plein de péchés et sale dans ton âme, tu empestes comme ce mets malodorant et tu iras en enfer, qui est plein d’amertume. »
Ayant prononcé ces mots, la vierge s’en fut, et depuis cet instant, jusqu’à la fin de ses jours, le chevalier s’amenda et vécut dans la droiture. Et quand son âme fut séparée du corps, il s’en fut dans le lieu de Paradis où l’attendait la vierge sainte qui est la dame des dames.
Refrain « La vierge nous montre tant de merci et d’amour
Que jamais et pour aucune raison nous ne devons être de mauvais pêcheurs. »
La Cantiga de Santa Maria 152
en galaïco-portugais original
Como u bon cavaleiro d’armas, pero que era luxurioso, dezia sempr’ «Ave Maria», e Santa Maria o fez en partir per sa demostrança.Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores
que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
E dest’ un mui gran miragre mostrou por un cavaleiro
que apost’ e fremos’ era e ardid’ e bon guerreiro;
mas era luxurioso soberv’ e torticeiro,
e chẽo d’ outros pecados muitos, grandes e mẽores.
Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores
que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
Este per ren madodynnos nen vesperas non oya,
nen outras oras nen missa; pero en Santa Maria
fiava e muitas vezes a saudaçon dizia
que ll’ o Sant’ Angeo disse, de que somos sabedores.
Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores
que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
E un dia, u estava cuidando en ssa fazenda
com’ emendass’ en sa vida, e avia gran contenda,
ca a alma conssellava que fezesse dest’ emenda,
mas a carne non queria que leixasse seus sabores;
Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores
que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
El estand’ en tal perfia, pareceu-ll’ a Groriosa
con ha branqu’ escudela de prata, grand’ e fremosa,
chẽa dun manjar mui jalne, non de vida saborosa,
mas amarga, e sen esto dava mui maos odores.
Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores
que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
U a viu o cavaleyro, foi con medo [e]spantado
e preguntou-lle quen era. Diss’ ela: «Dar-ch-ei recado:
eu sõo Santa Maria, e venno-te teu estado
mostrar per est’ escudela, porque leixes teus errores.
Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores
que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
Ca ves, esta escudela mostra-ti que es fremoso
e ás muitas bõas mannas; mas peccador e lixoso
es na alma, poren cheiras com’ este manjar astroso,
per que yrás a inferno, que é chẽo d’ amargores».
Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores
que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
E pois ll’ ouv’ aquesto dito, a Virgen logo foy ida;
e el dali adeante enmendou tant’ en sa vida,
per que quando do seu corpo a ssa alma foy partida,
foi u viu a Virgen santa, que é Sennor das sennores.
Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores
que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour Moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
(1) Voir Débora González Martínez, Sur la translatio de miracles de la Vierge au Moyen Âge. Quelques notes sur les Cantigas de Santa Maria, FMSH-WP-2014-57, janvier 2014
Sujet : troubadours, langue d’oc, poésie, chanson, musique médiévale, lyrique courtoise. poésie satirique, sirvantes, occitan
ujourd’hui, nous vous proposons une nouvelle chanson et poésie médiévale de Marcabru, troubadour et maître occitan du « trobar clus ». Comme nous le disions dans l’article précédent, nous sommes, en effet, avec cet artiste médiéval face à une poésie hermétique faite d’allusions et de sous-entendus qui ne se livre pas toujours simplement. Avec la longueur de temps passé, la difficulté se corse d’autant et prétendre en détenir toutes les clés relève de la gageure. Tout cela étant dit, nous donnerons tout de même quelques éclairages sur la chanson du jour et nous en approcherons même la traduction.

langue occitane du Moyen Âge central et des XIe et XIIe siècles : Raimon de Miraval, Bernart de Ventadorn, Bertran de Born, entre autres noms, et encore la trobaraitz Beatriz de Dia.
Au pied d’un arbre rendu sans feuille, le poète médiéval attend donc le renouveau mais il n’est pas vraiment question ici de conter fleurette. Les jeux de l’amour reviendront un peu avant la fin de la poésie. Est-ce simplement par convention ou règle-t-il ici tout en sous-entendu des comptes avec une maîtresse qui l’aurait éconduit? Difficile de l’affirmer. L’amour ne sera, en tout cas pas au centre des préoccupations du troubadour dans cette poésie et le thème restera traité dans un contexte satirique plus global. Au fond, si les jeux d’amour sont biaisés, ce n’est qu’une des conséquences de ce « siècle » aux usages corrompus.
our conclure, comme nous le disions en introduction, même une fois traduite, la poésie de Marcabru peut s’avérer assez difficile à décrypter. Elle est faite assurément de son actualité immédiate mais elle est aussi codée pour s’adresser à un public d’initiés.
Sujet : humour médiéval, littérature médiévale, fabliaux, vilains, paysans, satire, conte satirique, poésie satirique, conte moral, moyen-âge chrétien.
oncernant cette traduction/adaptation et pour en préciser l’idée, nous avons plutôt cherché, autant qu’il était possible, à suivre au plus près le fil de la traduction littérale tout en conservant le rythme et la rime du texte original. Pas de grandes envolées lyriques ou de révolution ici donc, on trouvera même sans doute quelques coquilles de rimes, mais cette adaptation n’a que la prétention d’être une « base » de compréhension ou même, pourquoi pas, une base de jeu pour qui prendrait l’envie de s’essayer à sa diction ou de monter sur les planches. La morale serait sans doute à retravailler pour la rime mais, pour être honnête, je n’ai pas eu le coeur à la dénaturer.
n se servant de la distance au personnage, l’auteur semble à première vue, conduire ici une réflexion profonde et acerbe sur la légitimité des intermédiaires (en l’occurrence les apôtres), pour accorder l’entrée au paradis et juger de qui en a le privilège ou non. En mettant l’accent sur la dimension humaine des Saints et leurs faiblesses, on pourrait même vraiment se demander à quel point l’auteur n’adresse pas ici vertement la reforme grégorienne. On se souvient que par certains aspects, cette dernière avait confisqué, en effet, aux chrétiens le dialogue direct avec Dieu ,en faisant des personnels épiscopaux les intermédiaires nécessaires et incontournables pour garantir aux croyants, le Salut de son âme.
out d’abord et par principe finalement, le vilain n’est pas autorisé à entrer au Paradis. « Il ne peut être un bon chrétien ». Le fabliau s’évertuera à nous démontrer le contraire, mais d’emblée, c’est un fait entendu qui a force de loi. Dès le début du conte, nous sommes dans la conclusion du « Pet du vilain » de Rutebeuf. : aucun ange, ni diable ne viennent chercher l’âme défunte. Personne ne veut du vilain; ni l’enfer ni le paradis ne sont assez bons pour lui. S’il veut sa place, il lui faudra la gagner, faire des pieds et des mains. Autrement dit dégager, un à un, tous les intermédiaires et leurs arguments – en réalité ils n’en ont pas, il ne font qu’opposer une loi – en remettant en cause leur légitimité à juger de ses mérites.


