ujourd’hui, nous sortons un peu de l’ornière pour faire tribut à Angus McBride, un peintre britannique contemporain de talent, décédé, hélas, il y a quelques années et qui a dédié la plus grande partie de sa carrière à se spécialiser dans les illustrations historiques et d’époque. Bien sûr, tout cela nous ramène, comme on s’en doute, au monde médiéval et au moyen-âge qu’il a aussi contribué largement à illustrer.
Portrait d’un artiste de talent
L’infanterie française pendant la guerre de cent ans. Angus McBride
Né dans l’Angleterre de l’entre deux guerres, de parents écossais, Angus McBride devient orphelin à l’âge de cinq ans et sera recueilli et éduqué par l’école de la cathédrale de Canterbury.
Après guerre, la crise économique anglaise le poussera à immigrer en Afrique du sud pour y tenter sa chance. Il commencera à s’y faire connaître pour son Art et son talent d’illustration. Se sentant pourtant à l’étroit sur le marché sud africain, il en reviendra dans les années soixante pour s’installer à nouveau en Angleterre. Il y travaillera principalement pour des magasines éducatifs de renom, exerçant alors déjà son art sur les illustrations et reconstitutions d’époque. Il y consacrera d’ailleurs sa vie.
Quelques temps plus tard, il aura l’opportunité de travailler pour la célèbre compagnie Osprey Publishing, un éditeur d’Oxford spécialisé dans les ouvrages autour de l’histoire militaire. Il participera notamment à une série historique spécialisée sur les hommes d’armes (Men-at-arms).
De l’Histoire militaire jusqu’au médiéval fantastique et l’univers de JRR Tolkien
Charge celte, Angus Mc bride, illustrations historiques, XXe siècle
Dans les années soixante-dix la crise économique qui frappera à nouveau l’Angleterre poussera Angus McBride à retourner vivre avec sa famille en Afrique du Sud tout en continuant à travailler pour Osprey Publishing et quelques autres sociétés spécialisées dans l’histoire militaire.
Il aura également l’occasion de s’aventurer, avec succès, sur le terrain du médiéval fantastique, en mettant son talent au service de Iron Crown Enterprises, une société américaine spécialisée dans l’édition de jeux de sociétés. A ce titre, il participera notamment, pour le plus grand plaisir des rôlistes, à la réalisation des illustrations d’une série de jeux de rôle inspiré de l’univers de JRR Tolkien et la terre du Milieu (Middle-earth Role Playing). Dans ces années là, il gratifiera encore de son Art la société d’édition anglaise Ladybird, à l’occasion d’une collection dédiée au monde de l’horreur et autres créatures « vampiresques » ou « momietesques » ( je sais, cela n’existe pas et c’est totalement « pléonasmique », d’où les guillemets). Du point de vue des techniques, le talentueux peintre utilisera indifféremment l’huile ou la gouache mais gardera une prédilection pour cette dernière.
Le moyen-âge et Angus Mcbride
1241 Bataille de Legnica ou Liegnitz. Les envahisseurs mongoles mettent en déroute les chevaliers chrétiens.
Tout au long de sa carrière, Angus McBride a eu l’opportunité de s’atteler à bien des genres historiques différents, des époques les plus reculées aux plus récentes, mais sur la partie qui nous intéresse, le monde médiéval, on lui doit un grand nombre de planches de qualité. Avec l’appui et le soutien de ses éditeurs et un sérieux travail sur les sources et les références, son Art et ses illustrations font revivre, avec force détail et mouvement, les grandes batailles du monde médiéval, mais aussi les costumes, les armes et armures d’époques.
Comme nous avons déjà ici sollicités quelques unes de ses excellentes œuvres à l’occasion de certains articles, il nous semblait grand temps de rendre justice à cet illustrateur de talent et à son travail, autant qu’aux compagnies qui l’ont soutenu et fait travailler. C’est donc chose faite. Merci encore à Angus Mcbride pour son art et pour avoir fait renaître sous ses pinceaux et avec son art, un peu de l’histoire des hommes.
Une très belle journée à tous. Longue vie!
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com « A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes »
Aujourd’hui, nous dédions un premier article à Jean Froissart, Chroniqueur, écrivain et poète du XIVe, reconnu comme comptant parmi les premiers historiens médiévaux par nombre de nos contemporains.
Eléments de Biographie
é à Valenciennes et ayant reçu une éducation de clerc qui le destinait à l’Eglise, Jean Froissart ne s’y incline pourtant pas et lui préfère, très tôt, le monde de l’Art, de la musique et de la poésie, autant que celui de la chevalerie. De fait, il commence, âgé à peine de vingt ans, à rédiger l’histoire des guerres de son siècle, et notamment bien sûr la guerre de cent ans, à la demande de son protecteur d’alors Robert de Namur, un noble proche du roi Edouard III d’Angleterre. C’est ce dernier qui amènera Froissart en Angleterre et l’introduira à la cour en lui présentant notamment la reine Philippe, épouse d’Edouard III. Il y reviendra plus tard, quand inconsolable et n’ayant pu séduire la dame de son coeur qui, non contente de s’être mariée, n’avait de cesse de se refuser à lui. (Vous voyez où ça mène l’amour courtois? Je plaisante, pardon, restons concentré). Quoiqu’il en soit, la reine Philippe le prendra longtemps sous son aile et grâce à elle, il pourra approcher nombre de nobles et les interroger pour continuer son entreprise d’historien et de témoin de son temps.
Curieux de tout et aimant les voyages, l’âme d’un troubadour tout autant que celle d’un chevalier (même si l’on est pas certain qu’il fut véritablement adoubé), Jean Froissart voyagera dans de nombreux pays d’Europe, pour satisfaire son insatiable appétit de découvertes; Angleterre, Pays de Galles, Pays Bas, Ecosse, Espagne, Italie, etc. Avec méthode, il interrogera ses différents protecteurs et les chevaliers qu’il croisera au hasard de sa grande destinée afin de parfaire l’oeuvre de sa vie: ses chroniques historiques. Vers la fin de son existence, il sera aussi ordonné prêtre, rattrapant en quelque sorte, la voie qu’on avait voulu lui faire suivre.
Jean Froissart, gravure du XIXe siècle,colorisée moyenagepassion;com
« Les Croniques de France, d’Engleterre et des païs voisins »
« Partout où je venais, je faisais enquête aux anciens chevaliers et écuyers qui avaient été dans les faits d’armes, et qui proprement en savaient parler ; et aussi aux anciens hérauts d’armes, pour vérifier et justifier les matières. Ainsi ai-je rassemblé la noble et haute histoire, et tant que je vivrai par la grâce de Dieu, je la continuerai ; car plus j’y suis et plus y labeur, plus me plaît. » Jean Froissart, Citation, Extrait.
n plus d’être considéré comme un des chroniqueurs de référence du quatorzième siècle dont il est contemporain, on doit encore à Jean Froissart des pièces lyriques, mais aussi un certain nombre d’écrits ou de poèmes qui s’inscrivent dans l’amour courtois, et également un roman « Meliador » qui se déroule dans le monde des légendes Arthuriennes qui semble loin de faire l’unanimité au niveau littéraire dans le genre et qui n’a connu qu’un petit succès.
En dehors de ses productions littéraires, et même si on y a, longtemps, peu prêté d’attention, l’Histoire retiendra bien plus ses Croniques de France, d’Engleterre et des païs voisins, fortement inspirées d’une chronique du chanoine liégeois Jean le Bel mais qu’il aura eu à coeur de compléter et d’étoffer de sa plume talentueuse, autant que du large travail de terrain qu’il aura pu effectuer tout au long de sa vie. Froissart n’est pas le premier, bien sûr, à s’essayer au genre des chroniques historiques et elles sont assez prisées des rois et des nobles durant cette partie du moyen-âge central. On les illustre et on les enlumine, en général, et elles servent tout autant à apprendre l’histoire qu’à s’y retrouver soi-même sous un jour avantageux. De fait, les chroniques de Jean Froissart ont donné lieu à un nombre impressionnant de manuscrits illustrés. (Ci-contre, Manuscrit 2643, Chroniques de Jean Froissart, BnF, XVe, Bruges)
Concernant cet ouvrage, haut en faits et en couleurs, on se doit encore ajouter que, comme pour bien des chroniques de cette période, il ne faut pas nécessairement y rechercher l’objectivité. Cela a-t’il vraiment changé de nos jours pour ce même genre, peut-être finalement plus proche d’un certain journalisme que de l’Histoire? Rien n’est moins certain. Dés l’instant où quelqu’un paye, il finit bien toujours par en demander pour son argent.
Quoiqu’il en soit, concernant les chroniques de Froissart, les dates n’ont pas la précision qu’un Historien moderne exigerait, les faits relatés ne le sont pas toujours à l’aide d’une méthodologie sans faille, les témoignages ne sont pas systématiquement recoupés, etc.., et Froissart n’échappe pas non plus à sa propre condition qui l’incline quelquefois à encenser ses protecteurs ou la chevalerie, au détriment du reste. Ce n’est, donc, bien entendu, qu’en les recoupant avec d’autres documents d’époque que l’on peut faire le tri des talents littéraires de Froissart et de ses propres implications, avec la justesse de ses vues sur les faits qu’il décrit. Il reste que son legs demeure une référence et, son approche opiniâtre pour témoigner de son époque autant que ses efforts pour la relater au plus près, lui ont gagné, pour beaucoup, une place de choix parmi les premiers historiens du monde médiéval. Ses chroniques restent aussi une oeuvre de référence majeure sur la guerre de cent ans.
Pour ce premier article le concernant, nous prenons un peu le contre-pied de l’habituel et plutôt qu’un extrait de ses chroniques, nous vous présentons, ici, une de ses ballades, ma foi, assez légère et très fleurie.
Ballade de Jean Froissart
SUS toutes flours tient on la rose à belle, Et, en après, je croi, la violette. La flour de lys est belle, et la perselle; La flour de glay est plaisans et parfette; Et li pluisour aiment moult l’anquelie; Le pyonier, le muget, la soussie, Cascune flour a par li sa merite. Mès je vous di, tant que pour ma partie: Sus toutes flours j’aimme la Margherite.
Car en tous temps, plueve, gresille ou gelle, Soit la saisons ou fresce, ou laide, ou nette, Ceste flour est gracieuse et nouvelle, Douce et plaisans, blancete et vermillette; Close est à point, ouverte et espanie; Jà n’i sera morte ne apalie. Toute bonté est dedens li escripte, Et pour un tant, quant bien g’i estudie: Sus toutes flours j’aimme la Margherite.
Mès trop grant duel me croist et renouvelle Quant me souvient de la douce flourette; Car enclose est dedens une tourelle, S’a une haie au devant de li fette, Qui nuit et jour m’empeche et contrarie; Mès s’Amours voelt estre de mon aye Jà pour creniel, pour tour ne pour garite Je ne lairai qu’à occoision ne die: Sus toutes flours j’aimme la Margherite.
Une belle journée à tous et longue Vie!
Fred
Pour moyenagepassion.com « A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes«
« Maintenant nous allons travailler à rendre pure et parfaite la matière imparfaite »
Petit Traité d’Alchimie, intitulé « Miroir de l’Alchimie ».
Citation médiévale prêtée au « Doctor Mirabilis » Roger Bacon, savant, philosophe et alchimiste du XIIIe siècle, (1214-1292) mais qui à l’évidence ne lui appartient pas.
Gravure Portrait du savant, médécin, alchimiste et astronome Roger Bacon, XVe siècle (recolorisé et retraité par nos soins)
Quand les auteurs se changent en corpus
ous avons déjà évoqué, ici, dans un article, du phénomène qui s’est souvent produit consistant à attribuer à un auteur ancien tout un ensemble de textes qui ne lui appartenait, en définitive, pas du tout. (voir article sur les Goliards et l’Archipoète). Outre les possibles erreurs d’archivage qui peuvent expliquer cela, il faut y voir encore les erreurs des lecteurs de textes non signés, convaincus de bonne foi de leur paternité quand les ouvrages ou les productions ne sont pas eux-même signés faussement de la main des auteurs originaux. L’affaire n’est donc pas simple mais de fait, les auteurs célèbres du monde médiéval, savants, poètes comme alchimistes (Albert le Grand, Arnaud de Villeneuve, etc, …), ont eu souvent tendance à se voir changer, malgré eux, en « corpus ».
Concernant cette citation que nous vous livrons ici et le fait qu’elle aurait été écrite par Roger Bacon, les mêmes flottements ont existé même si l’hypothèse semble en être, aujourd’hui, définitivement écartée. L’ouvrage, pas d’avantage que la citation présente en tête de cet article, ne sont de lui. Cette dernière est, en revanche, réellement tirée de l’ouvrage que l’on appelle le Miroir de l’Alchimie (Speculum alchimiae) qui aurait été écrit, en réalité, au XVe siècle et ne peut donc être contemporain du vrai Roger Bacon décédé, quant à lui, près de 300 ans avant, sauf à croire qu’il ait, en secret, découvert la pierre philosophale et l’immortalité. Mais ce sont des légendes qui courent pour l’instant plus sur Nicolas Flamel que sur le célèbre « Doctor admirable » du XIIIe siècle.
Alchimie & mystique de la transformation
Quoiqu’il en soit, cette citation résume, en une ligne, l’objet autant ambitieux que fascinant de l’Alchimie. Pour en avoir une vision plus juste et plus complète de cette science médiévale, il faudrait encore ajouter que la perfection recherchée était, bien sûr, une perfection divine. Je dis que cet objet est fascinant parce que, même si l’Alchimie a souvent pris, sous des odeurs de souffre, les dehors de la recherche obscure et quelquefois obsessionnelle de l’or ou de l’immortalité, et même si elle a été, il est vrai, noyauté par une ribambelle d’imposteurs qui lui ont fait du tord, dans sa Maestria, son ambition réelle était bien plus profonde et spirituelle. A la faveur des incompréhensions qu’elle a suscité, il faut encore ajouter l’hermétisme de son langage autant que de ses processus de transmission comme autant de facteurs aggravants pour la faire méjuger. Science et discipline ancienne incomprise ne faisant, dans sa forme, pas l’effort de se mettre à portée du commun et même, tout au contraire, cultivant l’hermétisme, l’Alchimie était, d’abord et avant tout une mystique de la transformation, une quête du divin et du sacré jusque dans le coeur de la matière. A travers ses actes de transmutation et ses opérations tant symboliques que matérielles, c’était la quête d’un chercheur solitaire, en recherche pour devenir un agent du divin, pour se bonifier, se purifier et finalement transcender sa propre nature dans une quête initiatique dont on disait qu’une vie entière ne suffisait souvent pas à l’épuiser ou à l’atteindre. Y-a-t’il quête plus fascinante ou plus merveilleuse que celle d’un homme qui cherche à dépasser les imperfections de sa propre nature pour s’élever? Le débat est, bien sûr, ouvert pour qui pense que l’univers manque de sacré ou pour qui , au contraire, soutient que nous lui en prêtons encore trop.
Une chose demeure certaine, que le but soit ou non atteint et que l’on tende l’oreille aux mystérieuses légendes de ses grands ayant trouvé la pierre philosophale, devenu riche et peut-être immortel comme on le dit d’Hermès Trismégiste (encore un corpus!) à Nicolas Flamel, cette science médiévale aura favorisé de nombreuses découvertes qui sont venues, au fil des manipulations de la matière, comme les conséquences accessoires ou les accidents d’une recherche bien plus vaste et ambitieuse : découverte de quantité de solutions acides, citrique, sulfurique, chlorhydrique, acétique, …, et encore, gaz carbonique, potasse, phosphore, eau de vie, sans parler des applications cosmétiques et médicinales, etc, La liste est longue.
Une définition parmi d’autres du mot Alchimie, dictionnaire des inventions et découvertes, XIXe siècle.
L’alchimie, ancêtre de la Chimie ?
« L’alchimie, aussi bien que l’astrologie et la magie, doit être considérée comme une science traditionnelle. Elle doit être définie en fonction de ses rapports avec les structures et les valeurs des sociétés et des civilisations de type traditionnel, orientales et occidentales, antiques et médiévales où elle est née et où elle s’est développée. Il faut donc la considérer en fonction de ses propres critères et se garder de la réduire à nos systèmes. » René Alleau, historien des sciences, (voir article ici sur universalis)
L’Alchimie était-elle « simplement » l’ancêtre de la chimie ? Peut-on simplement la réduire à cela ? C’est ue définition commode et souvent entendue. Je ne le crois pas. Factuellement, elle a, certes, donné naissance à la chimie mais les sciences modernes sont nées dans une rupture matérialiste et rationaliste d’avec leurs aïeules. L’Alchimie n’est pas simplement la Chimie, une fois Dieu « ôté » ou quelques croyances soustraites. Bien sûr, à l’évidence, cette science médiévale, pour peu qu’on veuille avec René Alleau, encore lui prêter ce caractère de science, date d’un temps où l’objet de la science n’était pas dissocié de la recherche du divin et où, dans les mystères de l’univers, c’est toujours, au bout du compte, le divin que l’on cherchait, que l’on voyait à l’oeuvre et que l’on finissait, invariablement, par trouver, dedans les découvertes comme face aux mystères. Mais quand je dis que la Chimie n’est pas simplement « l’Alchimie moins Dieu », en dehors de la complexité des opérations auxquelles elle se livrait et de l’intentionnalité qui les sous-tendait et qui en font bien plus qu’une Chimie balbutiante, il demeure aussi évident que la pratique de la science moderne n’a pas évacué, tout à fait, certains questionnements chez l’ensemble de ses chercheurs.
Gravure de Michael Maier, médecine et alchimiste allemand, XVIIIe siècle,
Il aura fallu sans doute quelques siècles pour que la jeune science matérialiste et rationaliste, né d’un « schisme » et ayant commencé à faire le deuil de ses vieilles luttes au corps à corps avec les institutions religieuses, s’ouvre à nouveau et admette que la question du divin n’est toujours pas tranchée de manière irrévocable par son exercice. Cette question continue d’appartenir, au fond, à chacun de ses chercheurs et depuis la deuxième moitié du XXe siècle, les sciences de la nature ne peuvent plus tout à fait se contenter de l’hégémonie du seul matérialisme. Albert Einstein, repensant la matière dans l’espace quantique et les mystères de la lumière et du temps, nous parlait de Divin, mais il n’est pas le seul de tout ceux qui cherchent à prêter à la marche de l’univers quelques mystères ou quelques lois à l’oeuvre, qui relève d’autre chose que de
la simple mécanique hasardeuse. De la même façon, une certaine biologie née récemment tente de repenser les lois de la vie en s’affranchissant de la physique matérialiste des origines.
(ci-contre gravure du XIXe, (colorisée par nos soins) qui représente le Faust de Goethe créant un Homunculus)
Au fond, on pourrait dire que Dieu reste dans la chimie, s’il est dans le chercheur, à quoi un croyant me répondrait sans nul doute: « Mon jeune ami, que le chercheur y prête foi ou non , Dieu est dans chaque chose et n’attend pas que l’homme croit en lui pour être », mais ceci est un autre débat. En tout cas, pour toutes ces raisons, on ne peut plus simplement réduire à la fois la Chimie et l’Alchimie à des définitions matérialistes et rationalistes: la chimie n’est pas l’Alchimie moins Dieu, pas d’avantage que la vieille science médiévale n’est simplement la Chimie enrobée d’une couche de foi.
Pour en revenir à cette citation du Miroir de l’Alchimie et concernant le grand Roger Bacon, il a également comme de nombreux savants et érudits du monde médiéval pratiqué l’Alchimie. On ne prête toujours qu’aux riches.
En vous souhaitant une belle journée!
Frédéric Effe
Pour moyenagepassion.com
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publilius Syrus Ier s. av. J.-C
«C’est une bonne chose que la paix ; car en terre de paix ceux qui vont à quatre pieds mangent l’herbe paisiblement ; et ceux qui vont à deux, labourent la terre [dont les biens viennent] paisiblement.» Kubilai Khan (1215-1294), roi des Tartares, Grand Khan des Mongols, Lettre à Louis IX (vers 1260)
Attention citation médiévale piégée!
Bonjour à tous!
oilà encore un petit article léger pour se détendre et appeler au sens critique; une autre façon de dire, finalement, méfions-nous des citations et de l’information toute mâchée.
Il y a quelque temps, au hasard de mes errances sur le web, je trouvais, en effet, cette citation que je reprends volontairement, en tête d’article. Je me disais: quel beau témoignage de paix fait par ce roi tartare et mongol, petit-fils de Ghengis Khan, dans cette missive à Saint Louis, en plein coeur du moyen-âge. La phrase était tirée de l’ouvrage « Œuvre de Jean, sire de Joinville » de 1867 de Natalis de Wailly, traduction de textes du XIIIe siècle du célèbre chroniqueur, historien, poète, écrivain et Sénéchal de Champagne, Jehan de Joinville (1225-1317). Le journaliste ou l’historien qui la mentionnait ajoutait: « Les deux rois s’entendent pour manifester le même amour de la paix. Et c’est chose rare, à l’époque. » Bref, tout cela valait bien une recherche un peu plus poussée, en vue, peut-être, d’un article. (peinture ci-contre, Jehan de Joinville par Blondel Merry Joseph, XIXe siècle, salle des croisades, château de Versailles).
Insatiable curieux de nature, je décidais, avant toute chose, d’en savoir un peu plus et me mettais donc en quête d’information sur la question. Qui était ce roi mongol si pacifique? Quelle était donc cette lettre? La lecture de Joinville pouvait certainement m’en apprendre plus. Je finis ainsi par trouver le texte original de l’ouvrage cité et, pour être honnête, à l’heure où j’écris ces lignes, je suis encore en train d’en rire.
En effet, en fait de missive de paix, la belle citation de Kubilai Khan ressemble plutôt à une belle introduction avant racket, façon Soprano ou Corleone. Je vous laisse en juger par vous-même en découvrant ce que nous apprend la lecture complète de cette missive du roi tartare (mongol) au roi de France, Saint Louis, en réponse aux présents et messages que ce dernier lui avaient adressés. L’ombre du Attila de Kaamelott n’est pas très loin.
Traduction de Jean de Joinville par Natalis de Wailly (1867) « Avec les meffagers vinrent les leurs; & ils apportèrent au roi de France des lettres de leur grand roi* (*le roi tartare donc) qui étaient ainfi conçues : « C’eft une bonne chofe que la paix ; car en terre de paix, ceux qui vont à quatre pieds mangent l’herbe paifiblement; et ceux qui vont à deux labourent la terre (dont les biens viennent) paifiblement. Et nous te mandons cette chofe pour t’avertir : car tu ne peux avoir la paix fi tu ne l’as avec nous. Ca prêtre Jean fe leva contre nous, & tel roi & tel (& ils en nommaient beaucoup), & tous nous les avons paffés au fil de l’épée. Ainsi, nous te mandons que chaque année tu nous envoies affez de ton or & de ton argent pour que tu nous retiennes comme ami. & fi tu ne le fais, nous te détruirons toi & tes gens, ainfi que nous avons fait de ceux que nous avons ci-devant nommé. » Et fachez que le faint roi fe repentirt fort d’y avoir envoyé. »
Source historique de la lettre de Saint Louis
L’original de Jean de Joinville pour le plaisir de la langue
« Avec les meffages, le roy vindrent li leur & aportèrent lettres de leur grant roy*(*le roi tartare donc) au roy de France qui difoient ainfi : « Bonne chofe eft de pez, quar en terre de pez manguent cil vont à quatre piez, l’erbe pefiblement. Cil qui vont à deus labourent la terre dont les biens viennent paifiblement. Et cefte chofe te mandons-nous pour toy avifer; car tu ne peus avoir pez fe tu ne l’as à nous. Car preftre Jehan fe leva encontre nous, & tel roy & tel (& moult en nommoient), & tous les avons mis à l’efpée. Si te mandons que tu nous envoies tant de ton or et de ton argent chafcun an, que tu nous retieignes à amis. & fe tu ne le fais, nous deftruirons toy & ta gens auffi comme nous avons fait ceulz que nous avons devant nommez. »Et fachiez qu’il fe repenti fort quand yl y envoia. »
Toute la Vérité Historique en Images
Du coup, rétablir l’Histoire véritable de la lettre du grand roi tartare Kubilai Khan à Saint Louis valait bien une illustration et nous nous en sommes fendus sans plus attendre.
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Aller du coeur des textes vers les citations
En quelques lignes pour conclure, il semble bien que le monde lise de moins en moins et cite de plus en plus. De mon côté, je me méfie toujours des citations, même si je m’y adonne, parce qu’on peut faire dire tout et n’importe quoi, à n’importe qui, quand on saucissonne un texte.
En général, en sciences humaines, qu’il s’agisse d’Histoire, d’Anthropologie ou de Sociologie, comme on devrait le faire aussi en journalisme, on lit d’abord l’ouvrage entier avant de lui faire référence et, quand on le cite, on extrait des passages significatifs de la pensée de l’auteur et qui abondent dans son sens. Il y a, bien sûr, toujours des historiens porteurs d’idéologies fortes qui vous feraient entrer n’importe quel auteur dans n’importe quel concept à coup de copier-coller douteux, mais c’est un procédé réputé malhonnête et qui ne tient jamais la distance. Je parle donc ici du chercheur honnête ou même de l’amateur éclairé qui conduit sa recherche de la vérité avec une certaine honnêteté.
Dans le cas présent et pour la source que nous aurons l’élégance de ne pas citer, je pense qu’il s’agissait surement plus d’une petite négligence à creuser, mais il faut avouer que le commentaire n’en est que plus désopilant, une fois qu’on connait l’ensemble de cette lettre à Saint Louis. A l’ère d’une certaine superficialité, on trouve aussi dans le genre, de nombreux repiquages faciles de contenus non vérifiés sur le web par des webmasters en mal de contenus ou d’imagination et qui ne cherchent que l’audience. Dans un autre registre, enfin, depuis que les réseaux sociaux existent, on n’a jamais autant prêté à des personnages célèbres comme Albert Einstein ou Bouddha des tas de choses qu’ils n’ont, en réalité, jamais dites ou écrites.
D’une certaine manière, tombé, par hasard, sur cette citation, il y a quelques temps, aura été une illustration éclatante de ce propos. Il n’y a pas à en douter, c’est toujours un saint réflexe que d’aller chercher l’information au coeur des textes avant d’en utiliser des parties extraites sans les connaître.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge et du monde médiéval sous toutes ses formes, et toujours avec passion.