Sujet : poésie médiévale, littérature médiévale, ballade médiévale, poésie morale, ballade, moyen-français, humilité, poésie satirique, satire Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : « Humilité attrait le cuer des gens» Ouvrage : Oeuvres complètes d’Eustache Deschamps, Tome V. Marquis de Queux Saint-Hilaire, Gaston Raynaud (1893)
Bonjour à tous,
ans la veine des poésies morales, satiriques et politiques du moyen-âge tardif, voici une nouvelle ballade du très prolifique Eustache Deschamps,
Si cet auteur médiéval a abordé, dans ses écrits, une quantité innombrable de sujets, cette poésie du jour peut être rangée aux côtés de celles touchant les devoirs des princes. Au delà de la nécessité d’une morale chrétienne dans l’action qu’il a souvent eu l’occasion d’exposer par ailleurs (non convoitise, non avidité, mansuétude, compassion, respect des petites gens, etc…), le poète s’intéresse ici à une qualité dont tout puissant, selon lui, devrait être doté : l’humilité. La force de cette dernière devrait même être inversement proportionnelle à la puissance et aux richesses du Prince ou du seigneur et, comme souvent, notre bon vieil Eustache n’hésite pas à se tourner vers la plus haute noblesse, pour lui adresser ses leçons et lui rappeler ses devoirs.
A son habitude encore, il se revêt, dans cette poésie, de « sa robe de prêche » pour porter les valeurs partagées du moyen-âge occidental, tout en leur trouvant de nouveaux arguments. Si cet idéal d’humilité participe, en effet, tout entier de la morale médiévale chrétienne, il déborde aussi quelque peu du cadre puisque l’humilité y est présentée, non seulement sous le jour d’une vertu « qui plait à Dieu », mais aussi comme une qualité qui peut avoir des retombées utiles dans l’exercice politique du pouvoir. Ainsi, sous la plume acerbe du grand maître de la ballade médiévale, que les puissants du monde, non félons et non encore corrompus, en prennent de la graine : en pratiquant l’humilité, ils pourront, à la fois, « plaire à Dieu » et peut-être sauver leur âme, tout en gagnant le cœur des hommes et des plus faibles qu’eux : « Humilité attrait le cuer des gens ».
Ballade sur l’humilité « L’humilité des grands attire le cœur des petits »
Com plus est grans en ce monde li homs, Et com plus a richesce et habondance, Tant doit il moins estre fiers et félons Et tant doit mieulx avoir la congnoissance D’umilité, non monstrer sa puissance Aux soufraiteux, foibles et indigens : Humilité attrait le cuer des gens.
Quant aux vertus* (à ses qualités, ses vertus), c’est uns tresnobles dons Que Dieux eslut en celle et prinst plaisance, Que sainte Vierge et sa mère appelions, Dont nostre foy vient et nostre créance* (croyance). Si nous devons bien tuit mirer* (réfléchir, prendre exemple) en ce Pour acquérir l’amour de noz sergens (2) : Humilité attrait le cuer des gens.
Rigour* (fig : sévérité, cruauté) non pas, qui eslonge* (éloigne) les bons, Orgueil aussi, qui mettent en balance Ceuls qui usent seulement de leurs noms; Chascuns les fuit et het* (hait) et desavance* (repousser, retarder). Avise cy tout homme et toute enfance, Et d’estre humble soit chascuns diligens : Humilité attrait le cuer des gens.
L’envoy
Prince royaulx doit avoir congnoissance D’orgueil fuir, d’umblesce avoir le sens; Par orgueil pert, et l’autre point l’advance : Humilité attrait le cuer des gens.
(1) Sergens : serviteur, domestique, homme d’armes, écuyer.
En vous souhaitant une excellente journée !
Fred
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Sujet : chanson médiévale, poésie médiévale, trouvère, auteur médiéval, vieux-français, fine amant, lyrique courtoise, amour courtois. Période : moyen-âge central, XIIIe siècle. Auteur ; Colin Muset (1210-?) Titre : « Moult m’anue d’iver ke tant ait dureit.» Ouvrage : Les chansons de Colin Muset, par Joseph Bédier, avec la transcription des mélodies par Jean Beck. Paris, Champion, 1938.
Bonjour à tous,
our avancer dans notre exploration du répertoire des trouvères du moyen-âge central, nous vous présentons, aujourd’hui, une nouvelle pièce de Colin Muset.
Si ce poète médiéval a mis dans nombre de ses chansons, une touche personnelle d’humour et même de truculence rafraîchissantes, il épouse, ici, de manière plus sage, les formes « classiques » de la lyrique courtoise : les saisons y reflètent les états émotionnels du poète et, contre l’hiver, l’arrivée du beau temps et du rossignol l’inspireront et le mettront en joie. Ce sera le moment idéal pour louer la dame chère à son cœur et qui n’a que des qualités, dont la moindre n’est pas de lui avoir cédé. Enfin, dans un « siècle » qui compte bien peu de courtoisie, nous dit-il, il est bien décidé à demeurer, de son côté, contre les fous, les vilains et autres rustres, un fine amant parfait.
La notation musicale de cette chanson ne nous est, hélas, pas parvenue et il faut encore noter, à son sujet, que sa versification assez inusuelle la démarque clairement du reste de l’oeuvre de Colin Muset. De fait, contre le copiste du manuscrit de Berne, Gaston Paris avait émis quelques doutes sur son attribution. Dans son édition de 1938 (op cité), Joseph Bédier a, quant à lui, fait le choix de se fier au manuscrit et de la maintenir dans les compositions du trouvère. C’est un débat qui reste ouvert entre médiévistes et on en trouvera quelques subsides, notamment chez le spécialiste de littérature médiévale Alain Corbellari, dans son ouvrage Joseph Bédier: écrivain et philologue, paru chez Droz, en 1997.
Moult m’anue d’iver ke tant ait dureit
en vieux français avec clefs de vocabulaire
I Moult m’anue d’iver ke tant ait dureit Ke je ne voi rossignor en bruel ramei* (sur un buisson feuillu), Et, dès ke je voi lou tens renoveleit, Si me covient ke je soie en cest esteit Plux mignos* (gracieux) et envoixiez *(enjoué) ke n’aie esteit.
Il Bone dame belle et blonde l’a loweit* (loué, approuvé), S’est bien drois* (juste) ke j’en faice sa volenteit, Ke j’avoie tout le cuer desespereit. Par son doulz comandement l’ay recovreit ; Or ait mis en moult grant joie mon penseir.
III Jai* (jamais) de joie faire ne serai eschis* (rétif, exempté), Pues ke ma dame le veult, a simple vis, Et g’i ai si por s’amor mon penseir mis Ke ne poroie troveir, ce m’est avis, Dame de si grant valor ne de tel prix.
IV Medixant* (les médisants) ont tout le mont en mal poent mis, Ke li siècles n’est maix cortois ne jolis, Et nonporcant* (cependant) ki seroit loiauls amis, K’il ne fust fols ne vilains ne mal apris, Cil poroit avoir grant joie a son devis. (à sa disposition, à discrétion)
V Sa biaulteis et sui vair ueil (yeux bleus) et ces doulz ris* (rires) Me tiennent mignot et gai ; plux seus jolis Ke je n’avoie ains esteit, ce vos plevis* (je vous le certifie).
*
* *
C’est por la millor ki soit jusc’a Paris.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE
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Sujet : troubadours, langue d’oc, poésie, chanson, musique médiévale, chant de croisade. poésie satirique, occitan Période : moyen-âge central, XIIe siècle Auteur : Marcabru (1110-1150) Titre : « Lo vers del lavador» Interprète : Jordi Savall, Hespérion XXI Album: Jerusalem, la ville des deux paix (2014)
Bonjour à tous,
n plein cœur du Moyen-âge central, le troubadour Marcabru exhortait ses contemporains à la croisade, celle d’outre-mer mais plus encore celle, bien plus proche, des terres d’Espagne et de la « Reconquista ». Nous vous proposons, aujourd’hui, d’étudier de près cette chanson médiévale du XIIe siècle, ainsi que de vous en fournir la traduction. Du côté de l’interprétation et pour le temps de ce voyage, nous serons accompagnés de l’Ensemble médiéval Hespèrion XXI et la grande voix de Marc Mauillon, sous la direction de Jordi Savall.
Les vers du lavoir de Marcabru, par Hespérion XXI et Jordi Savall
Jerusalem, la ville des deux paix,
sous la direction de Jordi Savall
En 2008, Jordi Savall et Montserrat Figueiras accompagnés de La Capella Reial de Catalunya, la formation Al-Darwish et l’ensemble Hespèrion XXI, partaient à la redécouverte musicale de Jerusalem. Ils signaient ainsi un livre double-album, riche de 52 pièces, au carrefour de nombreuses influences musicales et civilisationnelles. La virtuosité de l’exercice fut salué par la scène des musiques anciennes et l’album fut primé d’un Diapason d’Or.
Comme à son habitude, Jordi Savall était bien décidé à transcender la simple interprétation musicale, pour se situer dans un message résolument humaniste et pacifiste. Sous sa maestria, Jérusalem devenait ainsi la ville des deux paix, paix céleste et paix terrestre et il déclarait à son sujet:
« Ce projet a été conçu comme un hommage à Jérusalem, la ville construite et détruite à l’infini par l’homme, dans sa quête du pouvoir sacré et du pouvoir spirituel. Par le pouvoir de la musique et des paroles, ce fruit de la collaboration passionnée et engagée de musiciens, poètes , chercheurs, écrivains et historiens de 14 pays, ainsi qu’Alia Vox et les équipes de la Fondation CIMA, est devenu une fervente invocation pour la paix. » Jordi Savall
Au delà de son agencement savant de compositions et chants profanes, chrétiens, juifs ou musulmans, le maître de musique catalan nous proposait ici un véritable appel à la paix, en réunissant aussi autour de lui des musiciens européens, juifs, palestiniens et venus encore du monde arabe. D’un point de vue narratif, l’oeuvre évoquait la cité sainte, à travers les âges, au large d’un périple de plus de 3000 ans : Jérusalem la juive de l’antiquité, Jérusalem la chrétienne et médiévale des pèlerinages, puis l’ottomane et musulmane, pour, finalement, s’ouvrir sur une dernière partie plus contemporaine et qui se voulait porteuse de réconciliation et d’espoirs, envers toutes les cultures en présence,
Pax in nomine Domini,
la chanson du lavoir de Marcabru
Contexte historique, 2e croisade et reconquista
Dans ce Pax in nomine Domini, plus connu encore sous le nom de les vers ou la chanson du lavoir (Vers del lavador), le célèbre troubadour comparait l’engagement aux croisades à un « lavoir » dans lequel tout chevalier et combattant chrétien pouvait et devait même « se laver » (se purifier de ses péchés). Mise à l’épreuve de sa foi véritable mais aussi purification de l’âme avec assurance d’y gagner le Paradis, il y pointait du doigt, au passage, les péchés de luxure et l’absence de foi de certains de ces contemporains.
Au sujet des nobles et seigneurs auxquels le poète médiéval fait allusion dans ce chant de croisade, on peut se risquer avec l’appui des médiévistes à quelques conclusions, même si certains éléments sont encore sujets à débat, Du point de vue datation, il semble que cette chanson ait été composée dans l’année 1149 et sans doute dans sa deuxième moitié.
(ci-contre le Pax in nomine Domini de Marcabru tronqué, mais accompagné de sa partition, Mss Français 844 de la Bnf)
Un an auparavant, la deuxième croisade s’enlisait devant Damas et, au début de l’année 1149, Louis VII levait le siège en mettant fin à la deuxième croisade, expliquant sans doute les critiques que Marcabru adresse aux français, dans sa dernière strophe. Du côté espagnol, et depuis quelques années, le comte de Barcelone Raimond-Berenguer IV avait accumulé les succès dans la reconquête de l’Aragonais contre les Maures. Autour de 1147, il leur avait notamment repris Tortosa, héritant ainsi du titre de Marquis de Tortosa. C’est sans doute de lui dont le troubadour nous parle dans l’avant dernière strophe de cette poésie.
Quant au comte défunt auquel Marcabru souhaite le repos de l’âme, à la toute fin de ce chant de croisade, et bien que les avis soient mitigés sur la question, on peut tout de même avancer qu’il s’agit sans doute de Raymond d’Antioche (1098-1149) (1). Les débats entre experts au sujet de cette identité gravitent principalement autour du fait que le noble était désigné sous le titre de « prince d’Antioche » et non de « comte » (2). Pour le reste, outre le fait qu’il était le second fils de Guillaume IX de Poitiers, lui-même duc d’Aquitaine et comte de Poitiers, Raymond d’Antioche est justement décédé dans le courant de l’année 1149, lors de la prise d’Antioche par le sultan Nur ad-Din, et durant la bataille d’Inab (29 juin 1149). Dès lors et si c’est bien de lui dont il s’agit ici, on peut supputer que Marcabru rédigea ses vers, peu après avoir appris la nouvelle. Cela, du reste, cadrerait tout à fait avec cette « Antioche » dont « le prix et la valeur sont pleurés par la Guyenne et le Poitou » dans la même strophe.
Concernant le lieu où le troubadour écrivit ses vers, là encore les avis ne sont pas tranchés. Il peut les avoir écrit alors qu’il était à la cour d’Espagne (probablement au service d’Alphonse VII) ou bien, ce que pourrait suggérer son chant, alors qu’il se trouvait encore en Aquitaine.
De l’Oc de Marcabru au français moderne
Pour la traduction de cette chanson, nous nous appuyons, à nouveau, largement, sur l’ouvrage de JML Dejeanne (Poésies complètes du troubadour Marcabru (1909) mais en les croisant avec quelques autres sources (notamment l’article de Silvio Melani(1)) et recherches complémentaires.
Dans l’interprétation musicale proposée plus haut, Jordi Savall a fait le choix de tronquer deux des strophes de la poésie originale (la 3 et la 4). De notre côté, nous vous la livrons dans son entier.
I Pax in nomine Domini Fetz Marcabrus los motz e.l so. Aujatz que di : Cum nos a fait, per sa doussor, Lo Seingnorius celestiaus Probet de nos un lavador, C’anc, fors outramar, no.n fon taus, En de lai deves Josaphas: E d’aquest de sai vos conort.
Pax in nomine Domini Marcabru a fait les paroles et l’air* (la musique) . Écoutez ce qu’il dit : Comme nous a fait, par sa bonté, Le Seigneur céleste, Il a fait près de nous un lavoir tel qu’il n’y en eut jamais, sinon outre-mer, là-bas, vers Josaphat, et c’est pour celui qui est près d’ici que je vous exhorte.
II Lavar de ser e de maiti Nos deuriam, segon razo, Ie.us o afi. Chascus a del lavar legor! Domentre qu’el es sas e saus, Deuri’ anar al lavador, Que.ns es verais medicinaus! Que s’abans anam a la mort, D’aut en sus aurem alberc bas.
Nous devrions nous laver, soir et matin, Si nous étions raisonnables, Je vous l’assure; Chacun peut s’y laver à loisir ! Pendant qu’il est encore sain et sauf, Chacun devrait aller au lavoir
Car c’est pour nous un véritable remède; De sorte que si nous allons à la mort avant cela, notre demeure ne sera pas là-haut, mais nous l’aurons bien bas.
III Mas Escarsedatz e No-fes. Part Joven de son compaigno. Ai cals dois es, Que tuicl volon lai li plusor, Don lo gazaings es enfernaus! S’anz non correm al lavador C’ajam la boca ni·ls huoills claus, Non i a un d’orguoill tant gras C’al morir non trob contrafort.
Mais Mesquinerie et absence de foi Séparent de Jeunesse son compagnon. Ah! quelle douleur c’est Que le plus grand nombre vole là Où on ne gagne que l’Enfer ! Si nous ne courons au lavoir Avant d’avoir la bouche et les yeux clos, Il n’en est pas un si gonflé d’orgueil Qui, dans la mort, ne trouve(ra) son adversaire(3)
IV Que·l Seigner que sap tot quant es E sap tot quant er e c’anc fo, Nos i promes Honor e nom d’emperador. E-il beutatz sera, sabetz caus De cels qu’iran al lavador? Plus que l’estela gallz ignalls Ab sol que vengem Dieu del tort Que’ill fan sai, e lai vas Domas.
Car le Seigneur, qui sait tout ce qui est, Et sait tout ce qui sera et qui fut, Nous y a promis Honneur au nom de l’empereur. Et savez-vous quelle beauté sera celle De ceux qui se rendront au lavoir? Plus grande que celle de l’étoile du matin, Pourvu que nous vengions Dieu du tort Qu’on lui fait ici, et là-bas, vers Damas.
V Probet del lignatge Cai, Dei primeiran home felho, A tans aissi C’us a Dieu non porta honor! Veirem qui.ll er amics coraus! C’ab la vertut del lavador Nos sera Jhezus comunaus! E tornem los garssos atras Qu’en agur crezon et en sort
Proches du lignage de Caïn, De ce premier homme félon, Il y en a tant ici Qui à Dieu ne portent honneur ! Nous verrons qui sera son ami cordial ! Car, par la vertu du lavoir, Jésus sera avec nous tous. Et nous ferons reculer les misérables* (JML Dejeanne : « mauvais garnements ») Qui croient aux augures et aux sorts.
VI C.il luxurios corna-vi, Coita-disnar, bufa-tizo, Crup-en-cami Remanran inz ei felpidor! Dieus vol los arditz e.ls suaus Assajar a son lavador! E cil gaitaran los ostaus! E trobaran fort contrafort, So per qu’ieu alor anta.ls chas.
Ces libertins, cornes-à-vin* (ivrognes), Presse-dîner, souffle-tison, Ces accroupis sur le chemin (4) Resteront dans les souillures* (folpidor, fumier) Dieu veut les hardis et les doux Éprouver à son lavoir ! Et ceux-là guetteront les maisons ! Et trouveront un rude adversaire C’est pourquoi, à leur honte, je les chasse.
VII En Espaigna, sai, Io Marques E cill del temple Salamo Sofron Io pes E.I fais de l’orguoill paganor, Per que Jovens cuoill avollaus. E.I critz per aquest lavador Versa sobre.ls plus rics captaus Fraitz, faillitz, de proeza Ias, Que non amon Joi ni Deport.
En Espagne, ici, le Marquis Et ceux du Temple de Salomon Souffrent le poids Et le fardeau de l’orgueil des païens Par quoi Jeunesse recueille mauvaise louange. Et le blâme, à cause de ce lavoir, Tombe sur les plus puissants seigneurs, Brisés, faillis, vides de prouesse Et qui n’aiment ni joie ni amusements.
VIII Desnaturat son li Frances, Si de l’afar Dieu dizon no, Qu’ie.us ai comes. Antiocha, Pretz e Valor Sai plora Guiana e Peitaus. Dieus, Seigner, ai tieu lavador L’arma dei comte met en paus: E sai gart Peitieus e Niort Lo Seigner qui ressors dei vas
Dépravés sont les Français S’ils se refusent à soutenir Dieu, Car je les ai mis en demeure. Antioche, ton Prix et ta Valeur Sont pleurés ici par Guyenne et Poitou. Dieu, Seigneur, en ton lavoir Donne paix à l’âme du comte, Et ici, puisse garder Poitiers et Niort! Le Seigneur qui ressuscita du Sépulcre.
Frédéric EFFE
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Sources
(1)« Intorno al Vers del lavador. Marcabruno e la riconquista ispanica », Medioevo romanzo, XXII (s. iii, ii), 1997, Silvio Melani.
(2)Marcabru: A Critical Edition – Marcabrun, Simon Gaunt, Ruth Harvey and Linda Paterson Brewer, Cambridge, UK, 2000.
(3) « C’al morir non trob contrafort ». Contrafort : adversaire. JML Dejeanne (op cité) traduit : « Qui dans la mort ne trouve un vainqueur » ou « Qui ne soit vaincu par la mort ». Concernant cet adversaire, Silvio Melani (1) y voit plutôt sous-entendu « le diable ».
(4) Crup-en-cami. Là encore divergence de traduction entre JML Dejeanne « Accroupi sur le chemin » et une interprétation de Silvio Melani qui se référera de son côté au « Crup-en-cendres » utilisé par ailleurs par Giraut de Borneil. Autrement dit, ceux qui restent accroupi sur le chemin pour l’un et pour l’autre ceux qui restent accroupi auprès de la cheminée ou de l’âtre, pour se chauffer le dos et ne rien faire.
Sujet : poésie médiévale, amour courtois, troubadours, fine amor, lyrique courtoise, langue d’oc Période : moyen-âge central Auteur : Michel Zink Ouvrage : Les troubadours, une histoire poétique (éditions Perrin, 2013) Programme : Ça Rime à Quoi
Sophie Nauleau, France Culture
Bonjour à tous,
n 2014, l’auteur(e), productrice et animatrice de Radio Sophie Nauleau recevait Michel Zink, sur France Culture, dans le cadre de son programme Ça Rime à Quoi. L’académicien et grand spécialiste de littérature médiévale venait lui présenter son ouvrage, daté de 2013 et ayant pour titre « les troubadours une histoire poétique« .
« C’est le Moyen-âge qui a mis l’amour au centre de la poésie (…) mais il y a quelque de particulier dans la poésie des troubadours, qui est tout à fait délibéré et qui est extrêmement fascinant, c’est que les troubadours considèrent que l’amour est un sentiment essentiellement contradictoire. C’est, à la fois, une exaltation et une dépression, c’est une joie et une souffrance. L’amour c’est le désir, le désir va vers son assouvissement, mais redoute d’être assouvi, parce qu’assouvi, il disparaîtra comme désir. Donc l’amour est en lui-même quelque chose de contradictoire. » Michel Zink extraits entretien France Culture (2014)
Après nous avoir touché un mot de son parcours et sa prédilection pour la poésie médiévale. Michel Zink en profitait pour faire ici, avec sa générosité et sa passion habituelles, une belle incursion dans l’art poétique et l’esprit des troubadours occitans du moyen-âge central, ce « moment où l’amour est devenu la grande affaire de la poésie ». On abordera ainsi, à ses côtés, les particularités de l’Amour Courtois, les liens entre exercice poétique et Fine Amor (fin’amor), entre savoir-faire littéraire et « compétence amoureuse », le rapport au langage et aux sentiments, le tout ponctué de quelques lectures et extraits.
Au passage,le médiéviste philologue nous gratifiera encore de quelques « anecdotes » issues des Vidas et Razos, On sait que leur étude lui a toujours été cher, pour peu qu’on les approche pour ce qu’ils sont : des « objets » littéraires. Si ces récits postérieurs à la vie des troubadours sont, dans bien des cas, demeurés les seules traces « biographiques’ que nous ayons conservées d’un certain nombre d’entre eux, on sait, en effet, qu’ils mêlent sans complexe, détails factuels et extrapolations, pour nous présenter une véritable romance de la vie des troubadours des XIIe, XIIIe siècles.
Ça rime à quoi : Les Troubadours : Une histoire poétique. Michel Zink
Depuis 2017, ce livre de Michel Zink est disponible au format poche chez Tempus Perrin. Voici un lien utile pour vous le procurer : Les troubadours. Une histoire poétique
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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