Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales

Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …

Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.

En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.

Boustan ou le verger, un miroir des princes du grand Saadi

saadi_mocharrafoddin_sagesse_persane_moyen-age_XIIIe_siecleSujet  : citations médiévales, sagesse persane, poésie morale, miroirs des princes, sagesse politique, mauvais conseillers, précis de morale politique
Période  : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur :   Mocharrafoddin Saadi (1210-1291)
Ouvrage :  Le Boustan  (Bustan) ou Verger,  traduction de Charles Barbier de Meynard (1880)

Bonjour à tous,

E_lettrine_moyen_age_passionn poursuivant nos lectures autour de Saadi, nous approchons maintenant de son « Verger » ou Boustan,  autre ouvrage empreint de sagesse et de raison laissé par ce grand conteur persan du Moyen Âge central.

Le Boustan : miroir à l’usage
de l’éducation des puissants

Les histoires qui pavent le verger de Saadi sont comme autant de leçons de discernement et de mansuétude à l’usage de princes et des puissants.  En voici pour commencer une simple citation. Elle est tirée du chapitre de l’ouvrage intitulé le ministre calomnié et dans lequel un roi fait montre de grande sagesse face aux manœuvres d’un conseiller jaloux et déchu.


Saadi-citations-medievales-sagesse-persane-miroirs-des-princes-sagesse-politique
« Il faut savoir repousser les inspirations   perfides de la malveillance, pour ne pas s’exposer au regret de les avoir écoutées. »

Mocharrafoddin Saadi – « Le ministre calomnié », Le Boustan ou Verger 


En vous souhaitant une belle journée.

Fred
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« Ne m’oubliez mie », une chanson polyphonique courtoise du XIIIe siècle par l’Ensemble médiéval La Rota

trouveres_troubadours_musique_poesie_medievale_musique_ancienneSujet : musique, chanson médiévale, amour courtois, vieux-français, langue d’oïl,  chants polyphoniques, motets, manuscrit médiéval
Période :  XIIe siècle,  XIIIe siècle, Moyen Âge central
Titre: 
Ne m’oubliez mie
Auteur :  Anonyme

Interprète :  Ensemble La Rota
Album : Heu, Fortuna  (2007)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous revenons, aujourd’hui, vers l’amour courtois avec un chant polyphonique médiéval, daté de la deuxième partie du XIIIe siècle. Cette pièce est demeurée anonyme et on peut la retrouver dans un beau manuscrit ancien dont nous vous dirons un mot ici. Nous partagerons également sa belle interprétation par l’Ensemble La Rota, ensemble médiéval québécois crée au début des années 2000.

Le Chansonnier ou codex de Montpellier H196 : trésor de la polyphonie médiévale

manuscrit-montpellier-chanson-poesie-medievale-amour-courtois-moyen-age-central-XIIIe-siecle_sAvec 336 oeuvres polyphoniques et motets, le Codex de Montpellier H196, connu encore comme Chansonnier de Montpellier est un précieux témoin de la musique polyphonique du moyen-âge central. Pour son contenu, autant que ses enluminures et l’état de sa conservation, il est, à juste titre, considéré comme un véritable trésor patrimonial. Les pièces présentées dans ce manuscrit médiéval, daté de 1300, s’étalent, dans leur grande majorité, sur la deuxième moitié du XIIIe siècle.

Vous pouvez consulter le manuscrit original en ligne ici. Vous trouverez également toutes ses pièces retranscrites dans l’ouvrage Recueil de Motets français des XIIe et XIIIe siècles, de Gaston Raynaud (1881)

Ne m’oubliez mie chanson médiévale anonyme par l’Ensemble la Rota

L’ensemble médiéval la Rota

Installés originellement au Québec, le quatuor La Rota s’est spécialisé, dès sa création, dans le répertoire des musiques médiévales. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que le nom  qu’ils ont choisi pour leur formation, fait référence à une danse du moyen-âge, mais surtout et de leurs propres mots, à la roue de la fortune médiévale dont nous vous avons souvent parlé ici.

ensemble-medieval-la-Rota-musiques-chansons-moyen-ageFondé en 2002, l’ensemble a vu ses efforts récompensés quelques années plus tard ; en 2006, il a, en effet, été primé, outre atlantique, pour son travail dans le domaine des musiques anciennes et médiévales par la Early Music América. Un an plus tard, la formation sortait un premier album qui, sauf erreur, n’a pas été suivi d’autres productions à ce jour.

Actualité

Après des débuts très prometteurs sur la scène musicale médiévale, l’Ensemble La Rota ne nous a plus laissé grand chose à nous mettre sous la dent depuis les années 2011-2012. De fait, du point de vue de leur actualité, il semble bien que la formation soit totalement en sommeil, On peut, toutefois, retrouver certains de ses membres toujours affairés dans des projets autour des musiques anciennes et du moyen-âge, notamment outre-atlantique.

Membres de l’ensemble Sarah Barnes (chant, soprano), Tobie Miller (flûte, vièle à roue, soprano), Baptiste Romain (Vielle),  Esteban La Rotta (luth, harpe gothique)

Heu Fortuna, l’album

En 2007, avec son premier album, l’Ensemble La Rota a choisi de mettre en exergue les musiques de la France médiévale de la deuxième partie du XIIIe siècle. Enregistré en l’église Saint-Augustin de Mirabel, au Québec), l’album propose vingt-une pièces de choix puisées dans différents manuscrits médiévaux dont le Codex de Montpellier.

ensemble-la-rota-musique-medievale-moyen-ageLes compositions anonymes de cette période (chansons, estampies,  rondeaux, jeu parti,…) y côtoient des œuvres d’auteurs plus célèbres comme Philippe de Vitry, Blondel de NesleGuiot de Dijon,  Gillebert de Berneville, Jehan de Lescurel.  On peut encore trouver cet album à la vente, au lien suivant :  Heu Fortuna : Ensemble la Rota.

« Ne m’oubliez mie » : chant d’amour courtois

Dans cette courte pièce anonyme du XIIIe siècle, l’amant courtois, loin de sa dame, lui chante son amour et sa loyauté, en ne tarissant pas de louanges sur les valeurs tant physiques que morales de cette dernière. Il n’en aimera jamais d’autres et il se tient dolent et affligé, dans la douleur de cet amour de loin qui est le lot coutumier des fine(s) amants médiévaux.

Le vieux-français en usage dans cette chanson ne pose pas de difficultés particulières mais nous vous en proposons, tout de même  une traduction simple et sans prétention. Pour les musiciens qui souhaiteraient s’essayer à cette partition, nous l’avons trouvée retranscrite par Han Tischler dans un ouvrage de 1978 (The Montpellier Codex, Fascicles 6, 7 and 8) et nous vous la livrons donc ici.

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Les paroles de cette chanson médiévale
dans le vieux français du XIIIe siècle

Ne m’oubliez mie,
Bele et avenant :
Quant je ne voz voi, s’en sui plus dolens,
Car je n’oubli mie
Vostre grant valour
Ne la compaignie
A nul jour.
N’avré mes envie
D’amors
D’autre feme née.
C’est la jus en la ramée,
Amours ai ! Marions i est alée !
Bone amour ai qui m’agrée !

Ne m’oubliez pas,
Belle juste et agréable !
Quand je ne vous vois plus, j’en suis d’autant plus affligé
Car je n’oublie jamais
Votre grande valeur
Ni votre compagnie, 
A chaque jour qui passe.
Et je ne désirerai jamais
D’amour
D’une autre femme.
C’est là-bas, sous le buisson,
Je suis amoureux ! Marion y est allée :
J’ai bel amour qui m’agrée.

En vous souhaitant une  excellente journée.

Fred
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Fortune et « ses joyes ne sont fors que droit vent », une ballade de Christine de Pizan

christine_de_pisan_auteur_poete_philosophe_monde_medieval_moyen-ageSujet  : ballade, fortune, poésies médiévales,  poésie morale, auteur(e) médiéval(e), roue de fortune, sort, impermanence, valeurs chrétiennes médiévales, Moyen Âge chrétien
Auteur  :  Christine de Pizan (Pisan) (1364-1430)
Période : Moyen Âge central à tardif
Ouvrage :   Œuvres poétiques de Christine de Pisan, publiées par Maurice Roy, Tome 1, (1896)

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionu Moyen Âge central au Moyen Âge tardif, Fortune court, Fortune tourne, jamais Fortune nul n’épargne qui peut faire dégringoler le plus puissant, sitôt qu’il s’élève au sommet.

La roue de Fortune
alliée de la morale chrétienne médiévale

Dans le monde médiéval, l’invocation de Fortune et sa roue sonne comme un rappel entêtant, une leçon perpétuelle sur la nécessité de pratiquer un certain détachement face aux caprices du sort, mais plus encore. Si gloire, pouvoir, richesses, avoirs, ne portent en eux que des joies illusoires et passagères, c’est bien parce que, pour l’homme du Moyen Âge , ce monde matériel aux lois changeantes n’est qu’un court passage vers l’éternité. Or, justement, le salut de l’âme au sens chrétien, implique qu’on sache se détacher des tentations de ce monde transitoire, mais aussi de la vanité. Et c’est une deuxième leçon de Fortune que d’expliquer aux hommes accrochés sur sa roue, qu’ils ne peuvent se glorifier totalement de leur propre ascension puisque, au fond, ils n’y sont pas pour grand chose.

roue-de-fortune-moyen-age-miniature-enluminure-morale-medievaleDu Roman de la Rose aux fabliaux (voir la roé de fortune), en passant par les poésies et chansons de quantités d’auteurs du monde médiéval – Guillaume de Machaut, Michault Caron Taillevent, le O Fortuna  repris par Carl Orff dans Carmina Burana, pour n’en citer que quelques-uns –  Fortune et sa roue capricieuse, alliée de la morale chrétienne médiévale, ne cesse de mettre en garde le puissant, comme elle rassure, sans doute aussi, les plus indigents. 

Aujourd’hui, c’est dans une courte ballade sous la plume de Christine de Pizan que nous la retrouvons. La grande dame et auteur(e) du Moyen Âge savait des illusions de la permanence et de l’évanescence des bonheurs terrestres. Mariée à l’adolescence, veuve à 22 ans, elle a laissé, au sein de son œuvre considérable, de nombreuses poésies sur les douleurs de ce deuil. Elle y fait d’ailleurs allusion dans cette pièce.

« Que ses joyes ne sont fors que droit vent »
Une ballade de Christine de Pisan

Qui trop se fie es* (aux) grans biens de Fortune,
En vérité, il en est deceü;
Car inconstant elle est plus que la lune.
Maint des plus grans s’en sont aperceü,
De ceulz meismes qu’elle a hault acreü,
Trebusche test, et ce voit on souvent
Que ses joyes ne sont fors que droit vent.

Qui vit, il voit que c’est chose commune
Que nul, tant soit perfait ne esleü,
N’est espargné quant Fortune répugne
Contre son bien, c’est son droit et deü
De retoulir* (reprendre) le bien qu’on a eü,
Vent chierement, ce scet fol et sçavent
Que ses joyes ne sont fors que droit vent.

De sa guise qui n’est pas a touz une
Bien puis parler; car je l’ay bien sceü,
Las moy dolens! car la fausse et enfrune* (gloutonne, avide)
M’a a ce cop trop durement neü* (de nuire),
Car tollu m’a* (m’a ôté) ce dont Dieu pourveü
M’avoit, helas ! bien vois apercevent
Que ses joyes ne sont fors que droit vent.

En vous souhaitant une belle journée.
Fred

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Au XVe siècle, le Mystère de la Passion de Jean Michel et la leçon du pêcheur Zébédée à ses deux fils

poesie-medievale-moyen-age-chretien-mystere-de-la-passion-Jean-michel-XVe-siecleSujet : poésie médiévale, nouveau testament, mystère, valeurs chrétiennes médiévales,  auteur médiéval, drame, théâtre médiéval, poésie morale
Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle.
Œuvre : Le Mystère de la Passion (1486)
Auteur : Jean Michel (1435 -1501)

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionaté de 1458, le Mystère de la Passion de Arnould Gréban fut un Mystère chrétien très prisé du Moyen-âge tardif. On peut le trouver publié, en 1878, par deux célèbres médiévistes du XIXe siècle : Gaston Paris et Gaston Raynaud. Pourtant ce n’est pas cette pièce originale qui nous intéresse, aujourd’hui, mais sa version remaniée, quelques trente ans plus tard, vers la fin du XVe siècle.

Le Mystère de la Passion de Jean Michel

Publiée pour la première fois en 1486, la pièce en question porte le même nom que celle qui l’avait inspirée. Elle est signée de la main d’un grand dramaturge angevin du nom de Jean Michel. Si on doit, par ailleurs, à ce même auteur médiéval, l’écriture d’un autre mystère (celui de la Résurrection), sa réécriture du Mystère de la passion fut si heureuse et talentueuse qu’elle en vint même à éclipser l’œuvre originale de Arnould Gréban.

C’est donc de l’œuvre de Jean Michel que sont extraits les vers que nous partageons avec vous ici. La scène est inspirée du Nouveau Testament ; le vieux pêcheur Zébédée y donne à ses deux fils, Jacques et Jean, une leçon de vie profonde. On se souvient que, selon les évangiles, les deux jeunes gens deviendront bientôt deux grands apôtres du Christ. Ce dernier en fera, en effet, des « pécheurs d’hommes » dans une autre scène bien connue des écritures.

Dans un style d’une grande pureté, Jean Michel nous expose ici des valeurs qui sont au cœur du monde chrétien médiéval : humilité, contentement, simplicité. En prenant un peu de hauteur et au delà de la référence biblique et purement chrétienne, on pourra voir ici  une leçon plus générale sur le sens de la vie.

poesie-medievale-mystere-de-la-passion-jean-michel-nouveau-testament-evangile-pécheur-Zebedee-Moyen-Age-chretien

Pour ceux que ce mystère de la passion, au complet, intéresserait, sa version papier semble, pour l’instant, assez difficile à trouver. Le plus simple serait, sans doute, de miser sur une réédition  d’un ouvrage qui lui avait été consacré en 1959. Le titre en est : Le mystère de la Passion (Angers 1486), édité par Omer Jodogne. Pour l’instant, il ne semble pas disponible en ligne mais votre libraire préféré saura, peut-être, comment vous le procurer. Si ce n’est pas le cas, il vous faudra vous contenter de sa version numérique que vous pourrez emprunter pour quelques jours,  sur le site archive.org. Vous trouverez, sinon, d’autres extraits de ce Mystère de la Passion selon Jean Michel  (dont celui du jour),  dans l’ouvrage Morceaux choisis des auteurs français, poètes et prosateurs, de Louis Petit de Julleville (1901).

Pour ce qui est de sa traduction, son moyen français ne pose pas de difficultés particulières, aussi nous ne vous donnons ici que quelques menues clefs de vocabulaire.


La leçon du pêcheur Zébédée et ses deux fils
Extrait du Mystère de la Passion de Jean Michel

Mes enfans, congnoissés que c’est
De nostre povre vie humaine :
En ce monde n’a point d’arrest,
Le temps court ainsi qu’il nous maine;
Et qui quiert* (veut) richesse mondaine
la fault gaigner loyaulment,
Ou encourir d’enfer la peine,
A jamais perdurablement.

J’ay en povre simplicité
Vescu sans avoir indigence;
Je vy selon ma povreté ;
Si j’ay petit, j’ay patience.
Mes enfans, j’ay mis diligence
A pecher et gaigner ma vie ;
Assés a qui a suffisance.
Des grans biens n’ay je point envye.

Jehan et Jaque, or aprenés
A congnoistre vent et marée;
Si tous deulx mon mestier tenés,
Vous vivrez au jour la journée.
Si vous avez bonne denrée,
Vendés bien, et a juste pris,
Et merciés Dieu la vesprée* (au soir)
De tout ce que vous aurés pris.


En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE.
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