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« Pos vezem que l’iverns s’irais », Peire Vidal revisité par le talent de Maurice Moncozet et sa Rose Sauvage

peire_vidal_troubadour_toulousain_occitan_chanson_medievale_sirvantes_servantois_moyen-age_central_XIIeSujet : musique, poésie, chanson médiévale, troubadours, occitan, langue occitane, langue d’oc, amour courtois, Provence médiévale, lyrique courtoise, désillusion, rejet
Période : moyen-âge central, XIIe, XIIIe siècle
Auteur : Peire Vidal (? 1150- ?1210)
Titre : Pos vezem que l’iverns s’irais
Interprète : la Rosa Salvatja, Maurice Moncozet
Concert (extrait) : Tenso Electrica (2011)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous revenons à la poésie occitane du grandiloquent Peire Vidal.  Frappé par les affres de la trahison amoureuse, le troubadour nous contera ici toute l’étendue de ses désillusions, mais aussi de sa colère et de son amertume. Cette belle chanson médiévale, empreinte d’émotion, va également nous fournir l’occasion d’approcher, de plus près, le talent d’un grand artiste qui s’est consacré largement au répertoire musical du Moyen-âge. Il s’agit de Maurice Moncozet, en compagnie, ici, de son ensemble médiéval La Rosa Salvatja ( la rose sauvage).

Peire Vidal au prisme de la Rosa Salvatja de Maurice Moncozet

Maurice Moncozet : la passion de la poésie et des musiques occitanes médiévales

Co-fondateur de l’Ensemble Tre Fontane, on doit encore à Maurice Moncozet la création, aux débuts des années 2000, de la formation La Ròsa Salvatja. Il a également participé au groupe Trob’Art de Gerard Zuchetto ou encore à l’ensemble Concert dans l’Oeuf, tous deux dédiés au répertoire médiéval. Rebec, chant, flûte, cet artiste multi-instrumentiste Peire-Vidal_passion_musiques-medievales_troudadours_occitan_Maurice-Moncozet_moyen-agea décidément tous les talents et si sa passion marquée pour les musiques en provenance du Moyen-âge n’est plus un secret pour personne, il s’est aussi ouvert, au fil de sa longue carrière, sur bien d’autres genres musicaux : des musiques de scène au registre des musiques plus contemporaines. On reconnaîtra d’ailleurs, sans peine, cette dernière influence, dans la pièce du jour.

Tenso electrica et la Rosa Salvatja : a la fusion de la musique médiévale et contemporaine

Dans le courant des années 2010, avec son ensemble La Rosa Salvatja, Maurice Moncozet décida, en effet, d’opérer une audacieuse fusion de genres, à travers un programme dénommé Tenso electrica. Cet ambitieux programme se proposait de revisiter le répertoire des troubadours occitans, en y adjoignant la contribution de la musique électronique et contemporaine. Dix pièces étaient ainsi présentées, en provenance des répertoires de Jaufré Rudel, Bertrand de Born, Bernart de Ventadorn et encore Peirol, Raymon de Miraval et Peire Vidal. Que l’on se rassure, rien de froid dans cette interprétation où se mêlent sons modernes et instruments anciens. Le rebec et la voix de l’interprète demeurent au service de l’oeuvre et rien n’y est dénaturé. Au contraire, le troubadour et son envoûtante mélopée renaissent, sous nos yeux, dans une étonnante modernité, qui ne dessert en rien l’émotion de l’amant courtois. Un site web complet a été dédié à ce programme à découvrir ici : Tenso electrica.

Voir la chaîne youtube de Maurice Moncozet  – Son site web officiel


L’hiver des sentiments et la colère
d’un troubadour trahi par sa dame.

Comme nous le disions plus haut, bien que prise dans la lyrique courtoise, cette chanson en est en quelque sorte le pendant négatif. A travers les revers d’un amant courtois, ce n’est plus l’attente et l’espoir qu’elle ne nous conte, mais la désillusion et la rupture. Trahi, déçu, après avoir été même vertement critiqué ( on peut le deviner entre les lignes), le troubadour renonce et se retranche dans la colère.

Pour cette traduction d’oc vers le français moderne, nous marchons, avec quelques revisites, dans les pas de Joseph Anglade et l’ouvrage qu’il consacra, aux débuts du XXe siècle à l’oeuvre et aux chansons du troubadour : Les poésies de Peire Vidal, Joseph Anglade, chez Honoré Champion, 1913. Si vous en avez la curiosité, vous pourrez également trouver une autre traduction de cette chanson sur la page du programme de la Rosa Salvatja.

Pos Vezme que l’iverns s’irais
chanson médiévale de Peire vidal

I
Pos vezem que l’iverns s’irais
E part se del tems amoros,
Que non aug ges voûtas ni lais
Dels auzels per vergers folhos,
Per lo freit del brun temporal
Non laissarai un vers a far,
E dirai alques mon talan.

Puisque nous voyons que l’hiver s’irrite
Et qu’il s’éloigne du temps amoureux,
Puisque je n’entends plus ni chants, ni chansons
D’oiseaux par les vergers feuillus,
Dans le froid du temps sombre
Je composerai une poésie
Et je dirai quels sont mes désirs.

II
Lonc desirier e greu pantais
N’ai agut al cor cobeitos
Yes cela qui suau me trais ;
Masanc ves li non fui greignos,
Anz la portava el cor leial ;
Molt fui leugiers a enganar,
Mas peccat n’aia de l’aman.

Longs désirs et graves tourments (rêves),
J’ai eu, en mon cœur avide,
Pour celle qui, doucement, m’a trahi,
Et cependant jamais je n’ai murmuré contre elle,
Mais je la portais dans mon cœur loyal ;
Je fus très facile à tromper,
Mais qu’elle soit punie à cause de son amant.

III
No gens per autr’ orgolh no*m lais
De s’amor, don tan sui coitos,
E conosc ben corn ben mi pais
E fui galiatz ad estros. 
Las ! remasutz sui del cabal,
Qu’anc per autra non vole ponhar
Per me ni per mon Drogoman.

Ni pour un autre orgueil je ne m’éloigne
De son amour dont je suis si désireux ;
Et cependant je sais bien comment elle m’a payé
Et comment je fus rapidement trompé.
Hélas ! je suis resté en son pouvoir,
Car jamais pour une autre, je n’ai voulu me consacrer,
Ni pour moi ni pour mon Drogoman.

IV
Totz meschavatz, car a gran fais
Me teng, dona, quan pens de vos,
Et quant n’aug parlar, m’es esglais,
Et ja jorn no*n serai gaujos,
Qu’eu sui iratz de vostre lau
Et ai joi de vostre blasmar
E plason me tuit vostre dan.

Tout me peine et c’est un grand fardeau dans lequel,
Je me tiens, dame, quand je pense à vous ;
Et quand j’entends parler de vous, cela me tue (me mine) ;
Et désormais, jamais je ne serai joyeux,
Car je suis irrité d’entendre qu’on vous loue,
Et suis heureux de vous entendre blâmer,
Et je me réjouis de tout le mal qui peut vous advenir.

V
Non pose mudar que no – n biais
Ves aquel joi tant orgolhos,
Qu’anc non vi orgolh non abais ;
Quan plus en poja, melhs cai jos ;
Et es fols qui ve e qui au,
E si non sab son melhs triar ;
E n’a el siècle d’aquels tan !

Je ne puis m’empêcher de me détourner
de cette joie si orgueilleuse ;
Car jamais je n’ai vu d’orgueil qui ne s’abaissât ;
Plus il monte haut, plus il tombe bas ;
Et il est fou celui qui voit et qui entend
Et qui ne sait pourtant choisir le meilleur parti ;
Et, dans le monde, il y a tant de ces gens-là !

VI
Hui mais s’en fenhan drutz e lais,
Cel qui non estan enoios,
Qu’a totz l’esfenis e lo lais
Per so que nern soi poderos.
Pos poder no’i sai ben ni mal,
Ben es dreitz qu’om lo desampar ;
Et ai ne perdut mon afan.

Désormais, qu’ils s’en occupent, hommes courtois et vilains,
Ceux qui  ne sont pas ennuyeux ;
A tous ceux-là,  je l’abandonne et la laisse,
Puisque je n’y puis pas assez puissant
Et que je ne sais rien du pouvoir, bon ou mauvais,

Il est bien juste qu’on l’abandonne ;
Quant à moi, j’y ai perdu ma peine.


En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
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Cantiga de Santa Maria 26 : le miracle du pèlerin trompé par le diable, sur la route de Compostelle

La Cantiga de Santa Maria 26 par Evo & Almodí

cantiga-santa-maria_26_musique-ancienne_chansons-medievales_moyen-age_Alphonse_XUn pèlerin avait l’habitude de se rendre, chaque année, à Saint-Jacques de Compostelle, mais une de ces nombreuses fois, avant de se mettre en chemin, il s’acoquina avec une femme de petite moralité et passa la nuit avec elle. Facteur aggravant, nous conte le poète, l’homme n’était pas marié avec sa partenaire de passage, mais, pire encore, il ne se lava pas de son péché (en le confessant), avant de prendre la route de Compostelle. C’est ainsi que le diable, attiré par l’odeur du coupable péché, lui apparût en chemin. « Blanc comme une hermine« , le Malin, qui avait pris l’apparence de Saint-Jacques de Compostelle, prétendit vouloir sauver le pécheur et lui demanda pour cela de s’amputer du membre par lequel il avait fauté, avant de se trancher le cou.

Désireux d’échapper aux affres de l’Enfer, le dévot pèlerin suivit scrupuleusement les perfides consignes et, après s’être émasculé, il mit fin à ses jours, en s’ouvrant la gorge. De crainte d’être accusés de l’avoir occis, ceux qui l’accompagnaient pelerinage_saint-jacques-de-compostelle_cantiga-santa-maria_26_musique_chansons-medievales_moyen-age_Alphonse_Xs’enfuirent et les démons vinrent bientôt chercher l’âme de l’infortuné pour la porter avec eux, aux enfers. L’affaire ne fut pourtant pas si simple car, comme leur cortège passait devant une belle chapelle dédiée à Saint-Pierre, Saint-Jacques en personne, en sortit pour s’interposer. Le pèlerin avait été trompé en son nom et l’âme égarée ne pouvait être conduite aux enfers ; c’est la ruse du Diable, autant que la grande foi de l’homme en la parole usurpée du Saint, qui l’avaient, en effet, conduit au suicide et non sa propre volonté. Les démons, de leur côté, argumentèrent que, comme le pécheur s’était donné la mort de ses propres mains, il devait être conduit, sans délai, devant l’ange déchu.

Voyant que le débat demeurait sans issue, Saint-Jacques fit appel au jugement de la Sainte-Mère, dont même les démons ne pourraient que convenir de l’impartialité. Dans sa grande mansuétude, la vierge ne donna pas cause à ces derniers et l’âme du pèlerin que la perfidie du Malin avait poussé à l’irréparable, fut retournée dans son corps, afin qu’il puisse culte_marial_miracle_pelerinage_compostelle_cantiga-santa-maria_26_musique_chansons_moyen-agevivre :  « Non é gran cousa se sabe bon joyzo dar a Madre do que o mundo tod’ á de joigar.« . Ce n’est pas très étonnant qu’elle sache bien juger, la Mère de celui qui, dans le monde entier, est juge de toute chose. 

Suite à cela, l’homme put faire pénitence et servit Dieu, le reste de sa vie. L’appendice par lequel il avait péché ne lui fut, toutefois, pas restitué.


NB : concernant la traduction, merci de prendre en compte qu’elle n’a la prétention que d’être indicative.  Comme ce n’est pour l’instant qu’un premier jet, elle comporte encore certaines imperfections. 

Esta é como Santa María juïgou a alma do Roméu que ía a Santïago, que se matou na carreira por engano do dïabo, que tornass’ ao córpo e fezésse pẽedença.

Celle-ci raconte comment Marie a jugé l’âme d’un pèlerin qui allant à Santiago de Compostelle, s’était tué en chemin après avoir été trompé le diable, de sorte qu’elle la fit retourner dans son corps pour qu’il fasse pénitence.

Mui gran razôn é que sábia dereito
quen Déus troux’ en séu córp’ e de séu peito
mamentou, e del despeito
nunca foi fillar;
porên de sen me sospeito
que a quis avondar.

Non é gran cousa se sabe | bon joyzo dar
a Madre do que o mundo | tod’ á de joigar.

Il est très juste que celle qui fit croître Dieu dans son corps, le nourrit de son sein, et ne l’a jamais mécontenté, soit capable de juger justement, car j’ai confiance qu’il l’a doté en abondance (de grands dons).

Ce n’est pas chose étonnante qu’elle sache bien juger
la Mère de celui qui, dans le monde entier, est juge de toute chose. 

Sobr’ esto, se m’ oissedes, diria
dun joyzo que deu Santa Maria
por un que cad’ ano ya,
com’ oý contar,
a San Jam’ en romaria,
porque se foi matar.
Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…

A ce propos, si vous m’écoutez, je vous parlerai d’un jugement que fit Sainte Marie pour un qui chaque année, allait, comme je l’entendis conter, en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle où il se  donna la mort.
Refrain ….

Este romeu con bõa voontade
ya a Santiago de verdade;
pero desto fez maldade
que ant’ albergar
foi con moller sen bondade,
sen con ela casar.
Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…

Ce pèlerin de bonne volonté se rendait vraiment à Santiago mais, il se comporta mal, car avant de prendre la route, il coucha avec une femme de peu de moralité, sans être marié avec elle.
Refrain ….

Pois esto fez, meteu-s’ ao caminno,
e non se mãefestou o mesquinno;
e o démo mui festinno
se lle foi mostrar
mais branco que un arminno,
polo tóst’ enganar.

Cela fait, il se mit en chemin sans confesser son péché, le mesquin, et le démon  très rusé se manifesta à lui, plus blanc qu’une hermine, pour le tromper totalement.
Refrain ….

Semellança fillou de Santïago
e disse: “Macar m’ éu de ti despago,
a salvaçôn éu cha trago
do que fust’ errar,
por que non cáias no lago
d’ iférno, sen dultar.
Non é gran cousa se sabe | bon joízo dar…

Sous l’apparence de Saint-Jacques , il lui dit « Même si je devrais te donner le bâton, je vais t’apporter le salut car tu t’es égaré, pour que tu ne tombes pas dans le lac de l’enfer,  qui t’attend sinon. »
Refrain ….

Mas ante farás esto que te digo,
se sabor ás de seer méu amigo:
talla o que trages tigo
que te foi deitar
en poder do ẽemigo,
e vai-te degolar.”
Non é gran cousa se sabe | bon joízo dar…

Mais avant cela tu feras ce que je te dis, si tu as le désir d’être mon ami
coupe la partie de toi qui t’as fait tomber au pouvoir de l’ennemi et ensuite, tranche toi la gorge.
Refrain ….

O romeu, que ssen dovida cuidava
que Santiag’ aquelo lle mandava,
quanto lle mandou tallava;
poi-lo foi tallar,
log’ enton se degolava,
cuidando ben obrar.
Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…

Le pèlerin, qui était persuadé que Santiago était celui qui lui avait  commandé de tout couper, trancha tout  et ensuite il s’ouvrit la gorge, en croyant bien faire.
Refrain ….

Séus companneiros, poi-lo mórt’ acharon,
por non lles apõer que o mataron,
foron-s’; e lógo chegaron
a alma tomar
démões, que a levaron
mui tóste sen tardar.
Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…

Ses compagnons, par la suite, trouvèrent le mort et de peur qu’on les accuse de l’avoir tué, s‘enfuirent; et après cela, les démons arrivèrent pour prendre l’âme et l’emportèrent sans tarder.
Refrain ….

E u passavan ant’ ha capela
de San Pedro, muit’ aposta e bela,
San James de Conpostela
dela foi travar,
dizend’: «Ai, falss’ alcavela,
non podedes levar
Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…

Et ainsi ils passèrent devant une chapelle de Saint Pierre, très belle et bien entretenue.  Et Saint-Jacques de Compostelle est venu vers eux, en disant:  » Ohé, faux trafiquants !, vous ne pouvez emporter
Refrain ….

A alma do méu roméu que fillastes,
ca por razôn de mi o enganastes;
gran traïçôn i penssastes,
e, se Déus m’ampar,
pois falssament’ a gãastes,
non vos póde durar.”
Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…

L’âme de mon pèlerin que vous avez prise de force et qu’en vous servant de moi, vous avez trompé. Grande trahison vous fîtes là et si Dieu me protège, vous ne pouvez persister dans cette erreur, à votre guise,
Refrain ….

Responderon os demões louçãos:
«Cuja est’ alma foi fez feitos vãos,
por que somos ben certãos
que non dev’ entrar
ante Deus, pois con sas mãos
se foi desperentar.»
Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…

Les démons répondirent : « Ceci est une âme dévoyée (rendue vide), car nous sommes bien certains qu’elle ne doit pas se présenter face à Dieu, puisque qu’elle s’est donnée la mort de ses propres mains ».
Refrain ….

Santiago diss’: «Atanto façamos:
pois nos e vos est’ assi rezõamos,
ao joyzo vaamos
da que non á par,
e o que julgar façamos
logo sen alongar.»
Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar…

Santiago dit : « Regardons les choses en face, puisque vous et moi ne pouvons nous accorder, faisons appel au jugement de celle qui est impartiale afin de nous fier ensuite à son jugement, sans plus tergiverser.
Refrain ….

Log’ ante Santa Maria veron
e rezõaron quanto mais poderon.
Dela tal joiz’ ouveron:
que fosse tornar
a alma onde a trouxeron,
por se depois salvar.
Non é gran cousa se sabe | bon joizo dar..

Puis ils vinrent face à Sainte-Marie et argumentèrent autant qu’ils purent
Et celle-ci rendit tel jugement que l’âme  fut renvoyée  d’où elle venait pour qu’elle puisse ensuite, être sauvée.
Refrain ….

Este joízo lógo foi comprido,
e o roméu mórto foi resorgido,
de que foi pois Déus servido;
mas nunca cobrar
pod’ o de que foi falido,
con que fora pecar.

Ce jugement fut bientôt exécuté et le pèlerin mort fut ressuscité
après quoi il servit Dieu le reste de sa vie ;  Mais sans jamais retrouver ce par quoi il avait failli et avec quoi il avait péché.
Refrain ….


Retrouvez l’index de toutes les Cantigas de Santa Maria traduites et commentées, et présentées par les plus grands ensembles de musique médiévale ici,

Une très belle journée à tous.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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Concert-événement : l’ensemble médiéval Vox in Rama, sur les traces de Saint-Antoine l’égyptien

ordre_des_antonins_freres-hospitaliers_moyen-age_central_mal-des-ardents_mystique-chretienneSujet : musique médiévale, mystique chrétienne, Saint-Antoine l’égyptien,  
Période : 
moyen-âge central à tardif
Auteurs : Guillaume Dufay
(et divers)
Ensemble : Vox in Rama
Concert :  Chants de dévotion à Saint-Antoine
,  église Saint-Antoine des Quinze-Vingts,
57 Rue TraversièreParis 12e.
Date : le Samedi 6 avril 2019 à 20h30

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionprès avoir fait vibrer son public, au son de la musique, des visions et de la médecine de la mystique rhénane Hildegarde de Bingen, l’Ensemble Vox-in-Rama et son directeur artistique Frédéric Rantières ont décidé, cette année, de nous entraîner sur les traces de Saint-Antoine l’égyptien et des musiques et chants donnés en son honneur,  du moyen-âge tardif aux siècles suivants.

Fruit d’un long travail de recherche et de restitution, auquel le bel ensemble médiéval nous a désormais habitué, le programme proposera des extraits de la messe composée par Guillaume Dufay en l’honneur du Saint, enrichis de chants tel qu’on pouvait les entendre durant ce même XVe sièclechants-chretiens-medievaux_saint-antoine_vox-in-rama_moyen-age_central_s, à l’occasion des fêtes de Saint-Antoine. Dans l’esprit du spectacle vivant et pour favoriser une immersion complète, ce concert, unique en son genre, mêlera encore, aux voix et à la musique, la présentation d’iconographies et de textes anciens autour du Saint et de sa vie.

A noter que ce programme se présente comme l’avant-première d’un album qui sera enregistré, en octobre prochain, à l’église abbatiale de Saint-Antoine l’Abbaye. Effectuée en partenariat avec l’Association Française des Amis des Antonins, l’opération a même donné lieu à un appel à souscription, limité dans le temps, qui propose, dores et déjà, sous forme de pré-commande, l’acquisition du CD à tarif préférentiel, :  pour plus d’informations à ce sujet, cliquez ici

Saint-Antoine l’Egyptien, père du monachisme et de l’érémitisme chrétien

Grand mystique des premiers siècles de l’ère chrétienne, Saint-Antoine est considéré comme le père fondateur du monachisme et de l’érémitisme chrétien.

Né en Egypte, autour de l’an 251, il serait mort plus d’un siècle plus tard, en 356, à l’âge vénérable de 105 ans. Bien qu’issu d’une famille plutôt aisée, celui que l’on connait encore sous le nom d’Antoine le Grand ou Antoine l’Ermite, fait partie de ces saints qui ont fait le vœu de suivre le chemin christique, à la lettre. L’histoire conte, en effet, qu’à peine âgé de 20 ans, après avoir entendu lire des passages de l’évangile, il fit saint-antoine-egyptien_ordre-des-antonins_musique-medievale_mystique-chretienne_Moyen-agedon de toutes ses possessions aux déshérités, avant de faire le choix de se retirer dans l’érémitisme. Suite à cela, il consacra, de longues années de sa vie à une quête mystique de la vérité chrétienne,  dans la solitude et dans l »ascèse.

Tenté maintes fois par le diable dans ses retraites, assailli par d’incessantes visions démoniaques, son hagiographie est pavé d’exemplarité et de récits de résistance contre les assauts du Malin. A travers toutes ses luttes, le Saint s’y révèle comme un véritable soldat du Christ et on le trouvera encore auteur de nombreux miracles. Ses combats ne se limitèrent pas au domaine spirituel puisque, en 311, âgé de 60 ans, il se rendit à Alexandrie pour assister les chrétiens oppressés par la 10e persécution de Maximin.

En lisant le récit de sa vie, on apprend encore que, durant ses longues années d’isolement volontaire. s’il répondait aux visiteurs ou quêteurs qui venaient le questionner, quand ceux-ci se faisaient trop pressants ou que l’exigence de son chemin intérieur lui commandait, il n’hésitait pas à reprendre la route pour s’enfoncer plus loin dans le désert, et y retrouver le calme et la solitude qui lui étaient chers. Du reste, il le fit même après s’être entouré de disciples et avoir crée de nombreux monastères et on ne se surprend pas qu’il est hérité, entre autres titres, de celui de père et protecteur des Ermites.

C’est le récit de la vie de Saint-Antoine par Saint Athanase (296-373), lui même contemporain du religieux, qui contribua à faire connaître ce grand mystique et à le rendre populaire dans tout l’orient et l’occident chrétiens des premiers siècles, bien avant le moyen-âge central.

L’ordre médiéval des Antonins
contre le mal des ardents

V_lettrine_moyen_age_passion-copiaers la fin du XIe siècle, en 1070, Guigues Disdier et Jocelin de Châteauneuf, deux nobles dauphinois de retour de Constantinople,  firent porter en leur petit village de la Motte-aux-bois, dans le département de l’Isère actuel, les reliques de Saint-Antoine. On contait alors qu’elles avaient le pouvoir de guérir notamment l’ergotisme, connu sous le nom de « Mal des ardents », « feu sacré » ou même « feu de l’enfer ».  Ce terrible fléau, dû à un parasite, l’ergot de seigle, sévit un nombre incomptable de fois,  durant le moyen-âge, en empoisonnant cette céréale dont on usait, à grand renfort, pour faire le pain. De ses formes convulsives ou hallucinatoires à ses formes bien plus virulentes et gangreneuses, les symptômes de ce mal demeuraient aussi douloureux que terrifiants et on devait aller, dans les cas les plus critiques, jusqu’à l’amputation, quand il n’emportait pas simplement ses victimes.

De la communauté charitable à l’ordre religieux

Dans les vingt ans qui suivirent l’arrivée des reliques du Saint, le village dauphinois se changea en terre de pèlerinage et vit affluer nombre de ceux que le mal des ardents mettait à la torture. L’endroit avait été rebaptisé Saint-Antoine-en-Viennois et allait devenir Saint-Antoine l’Abbaye. Un prieuré y fut fondé par les bénédictins pour protéger les reliques et pour faire les offices et la guérison miraculeuse d’un noble du nom de Guérin de Valloire,  en 1089, entraîna bientôt la création par ce dernier d’un communauté charitable et d’un établissement d’accueil et de soins aux malades.

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Ci contre La tentation de Saint-Antoine,  Matthias Grunewald (fin XVe, début XVIe), Musée d’Unterlinden de Colmar.  détail. en bas à gauche malade frappé du feu de Saint-Antoine)

A plus d’un siècle de là, en 1218, la communauté fut reconnue comme monastique par l’Eglise romaine et, 80 ans plus tard, au Concile de Clermont, elle devint l’Ordre hospitalier des chanoines réguliers de St Antoine de Viennois ; l‘Ordre des Antonins était né. Ce même XIIIe siècle vit  émerger quelques conflits entre l’ordre naissant qui ne cessait d’accueillir de nouveaux frères et les bénédictins, en charge des reliques, et c’est le pape lui-même qui mit fin aux tensions, en se rangeant au parti des frères dévots à Saint-Antoine.

Du dauphinois aux confins de l’Europe médiévale

De fait, les années qui suivirent marquèrent une période de développement, sans précédent, de l’ordre des Antonins. Il finira par s’étendre, bien au delà des frontières dauphinoises, pour être reconnu jusqu’aux confins de l’Europe médiévale. Dans la première moitié du XIVe siècle, plusieurs centaines d’établissements de soins avaient ainsi essaimé sur les routes des pèlerinages de Compostelle à la Terre Sainte et partout où le mal des Ardents sévissait, les frères antonins semblaient être présents pour lui barrer la route. L’ordre monastique qui pratiquait même ma chirurgie et l’amputation quand la gangrène l’imposait, donna même le jour à quelques médecins de grand renom.

Déclin et disparition

A partir du XVe siècle pourtant, le recul du mal des ardents, autant que l’émergence d’autres ordres hospitaliers signèrent le début du déclin de l’ordre. A titre indicatif en 1478, on dénombrait encore 220 commanderies, prieurés et hôpitaux, dans toute l’Europe. A la découverte au XVIe siècle du parasite fauteur de troubles, les frères de Saint-Antoine continuèrent de soigner, mais sans pour autant parvenir à freiner la marche vers leur inéluctable disparition. Cette dernière perdurera tout au long du XVIIe pour voir finalement l’ordre des Antonins s’éteindre, en 1776, date à laquelle il sera rattaché à celui des Chevaliers de Malte. Si on ne le retrouve plus sur les terres d’occident après cette date, il est encore présent de nos jours, dans quelques zones du Moyen-orient.

saint-antoine-le=-grand_musique-medievale_plain-chant_moyen-agePour revenir à cette belle incursion que nous propose Vox-in-Rama au carrefour de la musicologie, des chants sacrés et du monachisme médiéval, en célébration de Saint-Antoine et de son ordre occidental,  le concert sera donné le Samedi 6 avril 2019 à 20h30, en l’église Saint-Antoine des Quinze-Vingts, dans  le 12e arrondissement de Paris. Les réservations sont déjà ouvertes et conseillées : plus d’informations ici.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Sources Complémentaires

La vie de Saint-Antoine par Saint Athanase, traduction de Charles de Rémondange, 1874, sur Gallica.fr

Vie de Saint Antoine le grand patriarche des Cénobites,
par l’Abbé Verger,1890, sur Gallica.fr

Notice historique sur la vie de Saint-Antoine l’égyptien,
Commune de Saint-Antoine le Château

Danse médiévale : « Parlamento », une estampie du MS 29987 avec l’ensemble Artefactum

artefactum_musique_danse_et_repertoire_medieval_moyen-age_central_a_tardifSujet :  danse, musique médiévale, estampie, Italie, manuscrit  ancien
Période :  moyen-âge tardif,    XIVe siècle.
Auteur :  anonyme
TitreParlamento
Source :  Add 29987, Manuscrit de Londres
Interprètes  : Arte Factum
Album  : Saltos brincos y reverencias 

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous partageons une nouvelle danse médiévale issue du Manuscrit de Londres ou MS Add 29987. Avec un peu moins de 120 pièces notées, cet ouvrage du moyen-âge tardif, frappé des armoiries des Médicis et longtemps resté sous leur garde, demeure un témoin précieux des musiques de l’Italie médiévale, de la dernière partie du XIVe siècle au XVe naissant. Parvenu à Londres à la toute fin du XIXe, l’ouvrage est actuellement conservé à la British Library (consultation en ligne ici).

La composition du jour est une estampie dont l’auteur reste, à ce jour, inconnu. Son interprétation est celle de l’ensemble médiéval andalous Artefactum dont nous avons déjà abondamment parlé ici.

Parlamento, du MS Add 29987, par l’ensemble Artefactum

Joyeux Anniversaire Artefactum

MS-Add-29987_Manuscri-de-londres_musiques-medievales_Italie-XIVe-siecle_moyen-ageNotons que la formation Artefactum fête, cette année, ses 25 ans de carrière et de scène, aussi nous en profitons pour lui souhaiter ici un très joyeux anniversaire. Rejoignez-la sur Facebook pour suivre son actualité et notamment les concerts ou récitals spéciaux qu’elle ne manquera pas de donner à cette occasion.

Concernant la pièce présentée ici, on peut la retrouver sur leur chaîne Youtube officielle, ainsi que, dans leur excellent album daté de 2008 et ayant pour titre Saltos, Brincos y Reverencias,

Pour découvrir plus d’estampies médiévales, suivez ce lien.

Une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen-âge sous toutes ses formes.