Sujet : poésie médiévale, mots d’esprit auteur, poète, épigramme, poésies courtes, renaissance Période : fin du moyen-âge, début renaissance Auteur : Clément Marot (1496-1544) Titre : « De soy même et du temps qui passe »
Bonjour à tous,
ous continuons, aujourd’hui, l’exploration des poésies courtes de Clément Marot de Cahors avec quelques vers en complément d’une première épigramme que nous avions publiée ici, il y a quelques temps, sur le même thème: celui du temps qui passe.
Voilà le premier :
« Plus ne suis ce que j’ai été, Et ne le saurais jamais être. Mon beau printemps et mon été Ont fait le saut par la fenêtre. Amour, tu as été mon maître, Je t’ai servi sur tous les Dieux. Ah si je pouvais deux fois naître, Comme je te servirais mieux ! » Clément MAROT, « De soi-même »
Cette épigramme versait clairement dans la nostalgie, et celui du jour vient lui répondre comme en dialogue avec la même virtuosité mais nettement moins de dépit et beaucoup plus d’allant:
« Pourquoy voulez vous tant durer, Ou renaistre en fleurissant aage ? Pour pecher et pour endurcir ? Y trouvez vous tant d’avantage ? Certes, celuy n’est pas bien sage Qui quiert deux fois estre frappé, Et veut repasser un passage Dont il est à peine eschappé. »
Clément MAROT, (1496-1544) Epigramme sur le temps qui passe.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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Sujet : poésie médiévale, satire, mots d’esprit auteur, poète, humour, querelle, épigramme. Période : fin du moyen-âge, début renaissance Auteur : Clément Marot (1496-1544) Titre : « A maistre Grenouille, poëte Ignorant »
Bonjour à tous,
‘il était encore besoin de démontrer l’esprit et l’humour caustique de Clément MAROT quand il s’y adonne, autant que sa maîtrise du verbe et de la rime jusque dans les formes courtes, nous vous proposons aujourd’hui un de ses savoureuses épigrammes. Celui-ci prend la forme d’une flèche assassine en direction d’un poète concurrent. Nous avions déjà abordé le thème des querelles par poésies et plumes interposées en abordant la biographie de cet auteur du début de la renaissance et vous pouvez valablement consulter l’article en question pour plus de détails : Clément Marot, portrait d’un esprit libre
« Bien ressembles à la grenouille : Non pas que tu sois aquatique; Mais comme en l’eau elle barbouille, Si fais tu en l’art poétique. » Clément Marot- Epigramme – A Maistre Grenouille, poète ignorant.
En vous souhaitant un excellent lundi sous les meilleurs auspices.
Fred
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Sujet : poésie morale, littérature médiévale, ballade, vieux français, études, sciences. Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : « Car tout desplais fors estude et sience»
Bonjour mes amis,
oici encore un peu, aujourd’hui de la poésie d’Eustache Deschamps, poète prolifique du XIVe, dans une ballade où il nous dévoile ses intérêts pour l’étude et la science qui, contrairement à d’autres occupations, nous dit-il, ne lassent jamais.
L’oeuvre que nous a laissée Eustache Dechamps dit Morel est, nous l’avons déjà dit ici, colossale. S’il s’est essayé au genre de l’amour courtois, il lui a largement préféré le registre de la poésie satirique, morale ou même réaliste. C’est heureux pour nous car, ainsi, son legs a le grand avantage de nous éclairer sur un large pan de la société du moyen-âge tardif, qui est aussi celle de la guerre de cent ans et des épidémies de peste. Valeurs morales, moeurs et pratiques, costumes, tournois, jeux de cour, duels, etc.., ses textes sont une source inépuisable d’enseignement sur le monde médiéval du XIVe siècle.
Son goût pour les ballades, encore en usage durant son siècle et qui le resteront quelque temps encore, pour tomber dans l’escarcelle du génial François Villon, lui en a fait écrire plus de mille. Il ne s’arrêtera pourtant pas à ce seul genre dont on dit même qu’il le fixera et il laissera encore des rondeaux, des virelais, des farces, mais aussi des traités didactiques dont l’un ‘L’art de Dictier » qui deviendra célèbre. Digne héritier d’ESOPE, Eustache Deschamps excellera encore dans le genre des fables, qui, maintes fois réécrites d’une Marie de France jusqu’au XVIIe siècle d’un Jean de la Lafontaine, traverseront l’ensemble du moyen-âge et fourniront le prétexte à un genre satirique, politique et moral, qui avancera, à couvert, sous le bouclier de la métaphore animalière.
Et le voilà clerc et savant, Eustache le sage, Eustache le désabusé aussi, revenu pour nous aujourd’hui, de six cents ans d’Histoire pour nous faire l’éloge de l’Etude et des « Sciences », cette large appellation de « sciences » qui, au moyen-âge, recouvre les nombreuses disciplines qui font de l’homme « un savant », un détenteur du savoir dans les « matières savantes ».
Formé dans sa jeunesse à la prestigieuse Université d’Orleans qui, depuis le début de ce XIVe qui l’a vu naître, dispense notamment le Droit, sa longue et variée carrière d’employé de cour lui fournira l’occasion de l’exercer, mais au delà, cette formation lui donnera sans doute aussi une rigueur qu’il mettra jusque dans son exigence de style.
Revenu de tout. il a vécu longtemps et certains lisent quelquefois à travers ses rimes, l’aigreur d’un homme qui a servi sa vie entière les rois et les puissants, sans pour autant en retirer ni le prestige, ni la fortune. Le sens critique n’est pas une valeur de cour. A-t-il payé le prix d’une plume trop acerbe et trop prompte à souligner de ses traits les abus de pouvoir de tous bords? Sans doute. Pourtant indéniablement de son travail et ses loyaux services, Eustache Deschamps se démarque encore d’autres poètes de son temps en ce qu’il ne dépend pas de sa plume pour subsister. Si elle a pu lui jouer des tours, elle demeure affranchie de toute contrainte alimentaire et c’est un fait qui éclaire largement l’oeuvre de ce poète médiéval et les libertés qu’il y prend.
Et s’il y a, par instants, un peu d’écume amère au bord de certaines de ses lignes, ce serait une erreur de ne s’arrêter qu’à cela et de ne pas voir encore à travers sa poésie l’oeil du temps, le témoin, un chroniqueur atypique entre les lignes versifiées duquel le XIVe siècle se donne à observer. Au delà de cela, ce grand auteur médiéval reste encore le témoin d’une période de transition dans l’art de la poésie, une page qu’il aura lui-même contribuée à tourner. Ami de Guillaume de Machaut, dont il se déclare le disciple, notre auteur est un amoureux des formes et du langage, un adepte de la rigueur stylistique. Et dans ses réflexions sur une poésie qu’il déclare innée et qui ne s’apprend pas, il valorisera encore l’art de la rime et du vers comme une musique en soi, un art du langage affranchi de toute composition musicale apprise et qui entend bien se livrer au lecteur, entier et sans artifice, dans sa propre musicalité.
Car tout desplaist fors estude et science
dans le verbe d’Eustache Deschamps
Des plaisirs de l’Etude et de la Science. Il n’est délit, joie, feste, soûlas, Joustes, tournois, déduit, esbatement, De quoy chascuns ne soit à la foiz las, Combien que tout plaise au commencement. Continuer telz choses longuement Engendre ennui ou quelque desplaisance; Estudier n’a pas ce mouvement : Car tout desplaist fors estude et science.
Et ce puet-on veoir en pluseurs cas Chascun le scet qui a entendement, De grans festes dient pluseurs, Hélas! Et des deliz de chacier ensement, Et de voler, et de tournoiement, De dame avoir, et de mener la dance; Vanitez sont , croy donc certainement : Car tout desplaist fors estude et science.
Mais plus vit homs, et plus passe le pas De l’aage humain, plus quiert diligemment L’art de sçavoir dont il veult faire un tas; De jour en jour croist l’estudiement, Sanz lui lasser , et continuelment, Pour acquérir renommée et prudence, Mais trop petit lui chaut du rémanent: Car tout desplaist fors estude et science.
Prince, qui a terre et gouvernement Doit voulentiers aprandre dès s’enfance, Pour soy garder et vivre saigement: Car tout desplaist fors estude et science.
En vous souhaitant une merveilleuse journée.
Fred
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Sujet : musique, chanson, poésie médiévale, vieux français, trouvères d’Arras, théâtre profane. opéra, pastourelle. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Auteur : Adam de la Halle (1235-1285) Titre : Le jeu de Robin et Marion (extrait) Interprètes : Micrologus Album : Adam de la Halle – Le Jeu De Robin Et Marion (2004)
Bonjour à tous,
ans la famille des trouvères arrageois dont nous avons déjà dit un mot en présentant un fabliau de Jean Bodel, l’un des plus célèbres est, sans conteste, Adam de La Halle. Fils d’un bourgeois d’Arras, du nom de Henri le Bossu, on connait encore cet artiste du Moyen Âge central sous le nom de Adam le Bossu.
Le jeu de Robin et Marion, Adam de la Halle, miniature moyen-âge tardif, début renaissance (1500), le Petit Livre d’amour, Pierre Sala
Adam de la Halle,
dernier trouvère du Moyen Âge
Digne trouvère picard du XIIIe siècle, et de fait, auteur, compositeur et poète, Adam de la Halle nous a légué des pièces qui ont traversé les siècles et continuent, à ce jour, d’être encore jouées. Son œuvre variée, mêle polyphonie et monodie, et on le considère comme un des derniers trouvères.
On lui doit des Jeux, pièces de théâtre qui mélangent textes et chansons et se situent dans un registre profane, mais aussi des rondeaux, ainsi que quelques poésies non musicales. Parmi son legs, les deux pièces « le jeu de la feuillée » et le « jeu de Marion et Robin » sont, encore à ce jour, considérées comme les plus anciennes pièces connues en langue française d’une nouvelle forme de théâtre, détachée de la liturgie, qui s’inscrit encore dans le genre de « l’opéra ».
Le jeu de Robin et Marion
Ce jeu de Robin et Marion dont nous vous proposons, aujourd’hui, un extrait a été présenté, pour la première fois vraisemblablement, à la cour de Charles d’Anjou, en 1285. Le thème traité est celui de la pastourelle. C’est un genre poétique commun dans le courant du Moyen Âge central. De manière classique, il met en scène l’histoire d’un chevalier tentant de séduire une bergère, nommée « Marion », qui ne se laisse pas impressionner par le prestige pas plus que le statut social du noble en armes et lui résiste.
En l’occurrence dans la pièce d’Adam de la Halle, la jeune fille est déjà amoureuse par ailleurs d’un jeune berger du nom de Robin. Elle se refusera donc au chevalier et ce dernier tentera même de l’enlever, mais devant la détermination de la belle, il finira par comprendre qu’il ne pourra parvenir à soustraire son coeur déjà pris et la relâchera. L’intrigue fournira le prétexte à un divertissement où se mêleront entre poésies, chants et danses: jeux de séduction, amours champêtres, folklore et fêtes paysannes.
Un maigre repas de fiançailles
pour Marion et Robin
L’extrait que nous partageons aujourd’hui est dans la langue originale de l’œuvre. Il est tiré de la scène des fiançailles de Marion et Robin. Les deux tourtereaux y font l’inventaire de leurs maigres provisions en vue de la célébration de l’événement.
Robin: J’ai encore une tel paste Qui n’est mie de laste Que nous mengerons, marote, bec a bec, et moy et vous Chi me ratendes, marote Chi venrai parler a vous.
[ Marote, veus tu plus de mi
Marion: Oil, en non dieu
Robin: Et jou te di ]
Que jou ai un tel capon Qui a gros et gras crepon Que nous mengerons, marote, bec a bec, et moy et vous Chi me ratendes, marote Chi venrai parler a vous.
Micrologus – Ensemble Médiéval
Ensemble italien, créé dans le courant de l’année 1984, Micrologus exerce son talent dans le répertoire des musiques médiévales avec un parti-pris de perfectionnisme voisin de celui d’un Jordi Savall et de quelques autres groupes du même type.
Au vue du travail de recherches, tant sur les sources que sur les instruments, les annotations musicales et le contexte d’époque, nous sommes ici clairement au carrefour de la musique et de l’ethnomusicologie. L’art musical que la formation Micrologus nous livre est donc toujours le fruit d’un long travail en amont qui fait largement appel à la méthode comparative et ne craint pas l’exhaustivité dans ses références. Plus qu’une interprétation, nous sommes ici face au résultat de recherches conduisant à une véritable redécouverte de la musique médiévale, soutenus par rien moins qu’une « théorie » de l’interprétation médiévale.
Depuis sa fondation par Patrizia BOVI, chanteuse soprano de talent, formée au conservatoire de Pérouse (Perugia) en Italie, on doit à Micrologus plus de 40 albums et quelques prix notoires dans le répertoire des musiques anciennes, du Moyen Âge à la renaissance.
Nous aurons, sans aucun doute, l’occasion de poster ici d’autres pièces interprétées par cette belle formation.
En vous souhaitant une très belle journée.
Fred
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