Une sélection de lieux et sites d’intérêt autour du Moyen-âge : trésor du patrimoine, châteaux, musées, monuments classés, archéosites ou encore lieux plus orientés sur le divertissement découverte,
Sujet : archéologie médiévale, Tintagel, château, statue roi Arthur, sites touristiques, légendes Arthuriennes, gestion de patrimoine. Période : haut moyen-âge, moyen-âge central. Lieu d’intérêt : Tintagel, site archéologique et historique d’exception
Bonjour à tous,
ntre presse à sensation, exigence du négoce touristique et archéologie sur site, les polémiques font rage, depuis 2016, du côté de Tintagel. Après avoir dédié, il y a quelque temps, un article sur les découvertes récentes sur site, en relation aux légendes arthuriennes, nous voulions, cette fois, aborder les questions qui touchent le difficile équilibre à trouver entre marché du tourisme et gestion du patrimoine sur les sites d’intérêts.
Comme nous l’avions dit, les archéologues qui s’affairent sur le lieu que Geoffrey de Monmouth avait consacré comme celui de la naissance d’Arthur depuis le moyen-âge central, sont loin de tous résumer leur travail quotidien à la poursuite d’un Graal que serait devenu lui-même le légendaire Roi de Bretagne, et pourtant l’organisme qui gère le site et y finance les fouilles n’a pas résisté, de son côté, à mettre un peu l’emphase sur le sujet. Il faut dire que l’attrait principal de Tintagel auprès des nombreux touristes qui le visitent chaque année, n’est bien sûr pas étranger aux légendes arthuriennes. Pour le dire autrement, on vient plus certainement y chercher un peu de la saveur de cette quête du Graal que pour s’entendre dire que rien, à ce jour, ne permet sur place d’en établir avec certitude la véracité historique.
Merlin l’enchanteur, une sculpture moderne dans la roche du site archéologique de Tintagel
English Heritage : gestion du patrimoine et maintien des sites historiques anglais
English Heritage est un organisme de bienfaisance très officiel et tout à fait sérieux qui gère la collection du patrimoine national anglais. A ce titre, l’organisation a en charge plus de 400 bâtiments, monuments et sites historiques, pour un patrimoine qui couvre plus de 5000 ans d’histoire. Sa mission consiste donc à faire vivre tous ces lieux, à prévenir leur détérioration et à assurer leur conservation. Tout cela suppose, entre autres missions, de les animer, les rentabiliser et d’y pratiquer
encore, quand les moyens le permettent, des campagnes de fouilles.
Dans le courant 2015/2016, English Heritage a donc décidé de faire appel à deux artistes pour effectuer sur le site de Tintagel deux créations : une sculpture de Merlin dans la roche, réalisée par Peter Graham et un chevalier de bronze, réalisé par Rubin Eynon. Cette dernière oeuvre n’a pas de nom, libres aux visiteurs du site d’imaginer s’il s’agit du Roi Arthur lui-même, de Uther Pendragon ou même encore d’une référence allégorique aux chevaliers de la table ronde.
Concilier gestion du patrimoine
et exigences du négoce touristique
Au delà de la dimension esthétique de ces créations, laissée au goût et à l’appréciation de chacun, sitôt mises en place elles ont suscité de vives polémiques, démontrant combien il est quelquefois difficile de tracer la ligne entre gestion du patrimoine et animation touristique sur les lieux d’intérêt historiques.
Un chevalier fantomatique de Rubin Eynon, sur le site historique de Tintagel
Là où bien sûr, personne n’en doute, il s’agit pour l’organisme anglais de dynamiser l’endroit et d’y attirer plus favorablement les touristes, les levers de boucliers ne se sont pas faits attendre et on a même parlé de « Dyneyïsation » du site. Les puristes et les plus conservateurs ont crié au scandale, jugeant que l’intérêt de l’endroit se suffisait largement à lui-même sans qu’on ait à y ajouter. Les autres y ont trouvé, sans doute, un aspect ludique à leur goût, se contentant d’apprécier les œuvres, en laissant voguer leur imagination. Est-ce ludique ? Est-ce esthétique ? Est-ce vulgaire et dévoyé ?
Au delà, les questions sont soulevées. Comment faire fonctionner, maintenir et financer les sites d’intérêts historiques sans un apport de touristes ? Si les fonds privés ne suffisent pas, l’Etat doit-il les prendre entièrement en charge ? Les réponses peuvent devenir rapidement politiques mais ne font, en tout état de cause, que déplacer le débat car quand bien même on déciderait de faire reposer l’ensemble des lieux historiques sur fond public, il ne viendrait sans doute plus à l’idée de personne de se priver de l’apport touristique pour participer aux frais de fonctionnement et de maintien des sites.
Alors, comment favoriser le développement du tourisme grand public sur les sites patrimoniaux ? Y-a t’il une manière correcte de le faire ? Comment concilier intérêt historique et exigence du marché touristique, sans tomber dans la tentation de « raconter » des histoires simples aux visiteurs, au risque de vulgariser les données en présence ? Qui peut tracer la ligne entre le racoleur et le « bon ton » ? Tout ceci n’est sans doute pas qu’une affaire de bon goût et le difficile débat de la gestion de patrimoine reste tout entier posé ici. Nous vous laissons le soin de le trancher. Le sujet prouve bien, en tout cas, à quel point, les anglais ne badinent pas quand il s’agit des légendes Arthuriennes et de leurs sites historiques.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : archéologie, histoire médiévale, Tintagel, château, fouilles archéologiques, roi Arthur, légendes Arthuriennes. château, royaume celte. Période : Haut Moyen Âge, Moyen Âge central. Lieu d’Intérêt : Tintagel, site archéologique d’exception, découvertes récentes Gestion du site : English Heritage
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous parlons un peu d’archéologie outre-manche et de Tintagel en Cornouailles, berceau des légendes Arthuriennes, mais surtout site d’exception archéologique. Nous en profitons pour aborder les les dernières découvertes en date, en examinant leurs possibles convergences avec les légendes arthuriennes.
Tintagel au Moyen Âge central
Entre presse à sensation et archéologie, le site de Tintagel est marqué du sceau indélébile de Geoffrey de Monmouth,religieux et historien anglo-normand du XIIe siècle, au service du roi Henri 1er d’Angleterrequi, dans son Historia Regum Britanniae, fit de l’endroitle lieu mythique de la naissance du Roi Arthur, enfanté par Uther Pandragon suite à un subterfuge rendu possible par l’enchanteur Merlin. Aujourd’hui, Tintagel est sans doute une des places historiques les plus visitées d’Angleterre, certainement d’ailleurs bien plus pour ses références au légendaire roi breton que pour sa réalité historique établie.
Dans les faits, le site de Tintagel héberge les ruines d’un château construit durant le Moyen Âge central et au XIIIe siècle. Sise sur un emplacement qui ne semble pas avoir « à première vue » de valeur stratégique particulière, cette forteresse n’est pourtant pas sans lien avec le Roi Arthur puisqu’on admet généralement qu’elle fut construite à cet endroit même par Richard 1er, comte de Cornouailles et frère du Roi Henri IIId’Angleterre pour mieux asseoir sa légitimité auprès des habitants de la province, en établissant l’idée d’une connexion entre sa lignée et celle du mythique souverain. C’est encore une preuve de la force des légendes arthuriennes dans l’Angleterre du Moyen Âge central.
Si la majorité des historiens contemporains conteste dans les grandes lignes, la réalité des faits du roi Arthur et de ses chevaliers, ou à tout le moins fait le constat qu’il est impossible d’en établir la véracité, au vue des documents en présence, pour les hommes de Moyen Âge, il ne faisait guère de doute que le fils de Uther Pendragon avait réellement existé et conduit nombre des exploits que les contes gallois ou les écrits de Geoffrey de Monmouth lui prêtaient.
Héritier des légendes arthuriennes
En 1225, Richard 1er de Cornouailles échangea donc avec Gervase de Tintagelses terres de Merthen contre celle de Tintagel pour y bâtir sa forteresse. Au titre des détails intéressants de l’histoire qui viennent encore renforcer ses intentions, il semble même qu’alors il fit bâtir le château dans un style architectural antérieur à celui dont il était contemporain, afin de le faire paraître plus ancien et donc finalement encore plus « Arthurien » et légitime aux yeux des populations de Cornouailles. En affichant la volonté de se situer dans l’héritage des légendes arthuriennes, le noble ne fit pas exception. Comme cité précédemment (voir article), il n’était, en effet, pas rare que les rois anglais des XIIIe et XIVe siècles se référent au légendaire héros, pour s’inscrire dans sa « lignée » ou son « esprit » comme d’autres le faisaient alors avec Charlemagne, en France. Pour que tout cela soit possible, il fallut tout de même attendre que les rois de l’île britannique « anglicisent » en quelque sorte Arthur et le « christianisent » même un peu plus, afin qu’il soit « récupérable » et « présentable ». Dans les siècles précédents le XIIIe, ce dernier incarnait, en effet, un idéal breton ou celte un peu « encombrant » pour l’élite noble anglaise. Cette dernière s’étant finalement réconciliée avec le légendaire roi de Bretagne, on se mit à revendiquer de plus en plus son héritage. De nos jours encore, l’aristocratie britannique continue quelquefois sur cette lancée, en utilisant le célèbre prénom dans le nom donné aux enfants : Prince William Arthur Philip Louis, Princes Charles Philip Arthur George.
Un château peut en cacher un autre
Pour en venir à l’archéologie sur site, la campagne de fouilles actuelle à Tintagel est conduite par l’association English Heritage depuis les années 90. Disons d’emblée que le but déclaré n’est pas – les archéologues sur place s’en défendent largement – de rechercher une quelconque corrélation entre les découvertes et les légendes arthuriennes, mais bien plutôt de mettre à jour les vestiges de bâtiments du haut Moyen Âge.
Dans les années 30, certaines fouilles avaient, en effet, permis de découvrir les traces d’édifices datant d’une période contemporaine des légendes : les Ve, VIᵉ siècles et le haut Moyen Âge. Suite à ces découvertes effectuées du début du XXe siècle, les fouilles s’étaient interrompues pour quelques décennies et, pire même, la demeure de l’archéologue qui les avait en charge ayant été détruite par des bombardements durant la deuxième guerre mondiale, les traces de ses conclusions avaient été en grande partie perdues. Quoiqu’il en soit, depuis les années 70-80, on admettait généralement que les vestiges mis à jour et les traces de bâtiments enfouis pouvaient être les restes d’une forteresse celte, et peut-être même le centre du Royaume de Dumnonia(Domnonée). A partir du IVe siècle et jusqu’au début du IXe siècle et l’invasion des saxons, cette province s’étendait de part et d’autre de la manche sur l’île britannique, mais aussi en Bretagne continentale.
« La pierre d’Arthur »
Débutée dans les années 90, la campagne de fouilles menée par l’organisme English Heritage a permis de mettre à jour une première découverte troublante dans le courant de l’année 98. Si elle ne créa pas de révolution majeure chez les archéologues, amateurs de faits avérés et peu enclins à s’échauffer rapidement, la nouvelle fit le « buzz » dans la presse anglaise. La découverte était un fragment d’ardoise plate gravée d’inscriptions. On émet l’hypothèse qu’elles furent écrites par une main gauloise et toutes ne sont pas entières mais la partie déchiffrable permet de lire : « Pater Coliavificit Artognov« . L’archéologue et historien Charles Thomas (1928-2016) de l’Université d’Exeter la traduisit ainsi : « Artognou, father of a descendant of Coll, has had this built » soit en français moderne : « Artognov (Arthnou, Arthur) père et descendant de Coll a possédé cette construction« .
La pierre a passé, avec succès, les tests de datation et on a pu ainsi la faire remonter au VIe siècle. Elle serait donc contemporaine de la période durant laquelle Arthur aurait vécu. Comme nous le disions plus haut, les historiens et archéologues ne sont jamais prompts à sauter trop rapidement sur les conclusions et se tiennent toujours dans une réserve scientifique prudente, mais certains sont tout de même plus enclins à s’enthousiasmer que d’autres. Ainsi, au moment de la découverte, quand les uns affirmaient que la seule chose que l’on puisse déduire, pour l’instant et avec certitude, de cette pierre était que le prénom « Arthur » était en usage à l’époque, mais aussi que ses inscriptions établissaient la présence d’une compétence de lecture et d’écriture en dehors du cadre religieux, le professeur et archéologue Geoffrey Wainwrightprésent sur le site se montrait, quant à lui, largement plus enthousiaste et déclarait :
« Tintagel nous a présenté la preuve de l’existence d’un prince de Cornouailles, au haut Moyen Âge (dark ages), d’un statut social élevé et qui vivait au temps où Arthur vivait. Le site nous a livré le nom d’une personne : « Arthnou ». Arthnou était ici, c’est son nom que nous retrouvons sur ce morceau de pierre. C’est tout de même assez énorme comme coïncidence, C’est là que le mythe rejoint l’histoire. C’est la découverte de toute une vie. » Geoffrey Wainwright, Arthur Stone Discovery at Tintagel
Les découvertes de 2016
En août 2016, en poursuivant les fouilles sur le site, l’équipe d’archéologues a mis à jour de nouvelles découvertes : les restes d’un mur enfoui d’un mètre d’épaisseur datée de ce même haut Moyen Âge et également de nombreux fragments de poterie et d’objets de verre qui, à l’analyse, proviennent de sites très distants : romains, anatoliens et méditerranéens notamment. L’ensemble tend à confirmer la présence sur place d’une installation de taille, peut-être même d’une forteresse « royale » qui aurait pu être, comme on le pensait depuis quelque temps déjà, le centre de la Domnonée.
De manière certaine, en tout cas, le site était le lieu de vie d’une élite, abritée derrière de hauts et solides murs de pierre dans un complexe élaboré, tant au niveau architectural que défensif. L’endroit était aussi, à l’évidence, le centre d’une forte activité commerciale. Les experts de cette période et de ce peuple celte brittonique de Domnonée avancent que ces derniers échangeaient très certainement de l’étain, et peut-être même encore des esclaves et des chiens de chasse contre ces produits élaborés d’origine lointaine et méditerranéenne (vin, huile d’olive, etc…). Plus d’informations sur la Domnonée ici ( en anglais).
Corrélations arthuriennes ?
Et Arthur dans tout ça, me direz-vous ? Et bien les bâtiments sont, encore une fois, contemporains du siècle où la légende situe le roi breton mais les archéologues restent, là encore, prudents. Si certains y cèdent volontiers, il semble tout de même que l’ensemble de la corporation voit la poursuite des légendes arthuriennes plus proche d’un film de Stephen Spielberg que d’un travail sérieux de recherche de terrain. Arthur n’est donc pas devenu leur Graal et ils se défendent, au moins officiellement, d’en poursuivre la chimère. Ils préfèrent donc se focaliser sur les informations cruciales que promettent, quoiqu’il en soit, d’apporter les fouilles de Tintagel dans les années à venir sur l’Angleterre du haut moyen âge, et sur cette période encore peu connue de son histoire qui fait suite à la chute de l’empire romain. Ajoutons que ces dernières trouvailles archéologiques ont fait de Tintagel, un site d’exception et sans doute même, l’un des plus importants d’Europe de l’ouest, sur la période du haut Moyen Âge.
Bien sûr, du côté des amateurs du mythe d’Arthur et ses preux chevaliers, chaque découverte allant dans le sens de la légende est toujours un enchantement et ces dernières trouvailles risquent de garantir encore pour longtemps la haute fréquentation du site de Tintagel.
En vous souhaitant une très belle journée.
Fred
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Sujet : événement, festival, abbaye de Fontfroide, musiques anciennes, musiques médiévales, Jordi Savall, Hespèrion XXI, viole de gambe Nom : 12e Festival Musique & Histoire, organisé par Jordi Savall Dates : du 15 au 19 juillet 2017 Lieu : Abbaye de Fontfroide, Narbonne Label et chaîne youtube : Alia vox
Bonjour à tous,
haque mois de juillet, depuis maintenant onze ans, se tient dans le cadre verdoyant de l’abbaye narbonnaise Sainte-Marie de Fontfroide, et au coeur de ses vieilles pierres, un festival d’exception. Dédié à un répertoire qui va du monde médiéval à la renaissance, l’événement a été créé en 2006 par Jordi Savall et Montserrat Figueras et reste toujours organisé par lui, depuis la disparition de cette dernière.
Cette année, le festival se tiendra du 15 au 19 juillet 2017et comme il couvre une durée de quatre jours, nous publions déjà l’information le concernant afin que vous puissiez vous organiser pour vous y rendre, si le coeur vous en dit. Il s’agit donc de sa 12eme édition.
Le programme n’est pas encore disponible mais comme l’événement est organisé par le grand maître de musique catalan, vous pourrez y retrouver, à coup sûr, ses deux formations musicales d’exception : Hespèrion XXImais aussi La Capella Reial de Catalunya, et encore de nombreux autres artistes passionnés de musiques anciennes et venus du monde entier pour l’occasion. Pour le reste, pour ceux qui suivent déjà nosarticles sur Jordi Savall, vous connaissez déjà son parti-pris de recherches fouillées autour des répertoires anciens mais aussi sa grande ouverture d’esprit. Chacun de ses pas, en matière artistique, est un prétexte à la rencontre et l’enrichissement interculturel autant qu’une célébration de la passion pour la musique et pour l’histoire et c’est donc tout cela que l’on retrouvera cette année, comme les précédentes, dans ce festival.
Ajoutons qu’en général, du point de vue de la programmation concrète, l’événement débute chaque jour par un concert autour de 18 heures et se poursuit en soirée par d’autres concerts jusqu’au milieu de la soirée.
A la découverte de l’abbaye de Fontfroide
avec un guide de prestige : Jordi Savall
l y a quelques années, Jordi Savallnous proposait une visite acoustique et esthétique de l’abbaye et nous ne résistons pas à l’envie de partager cette vidéo pour vous donner un avant goût du festival et de son ambiance artistique et historique.
L’abbaye de Fontfroide: un peu d’histoire
réée à la fin du XIe siècle sur des terres concédées à des bénédictins par le Vicomte de Narbonne, l’abbaye Sainte Marie de Fontfroide se rattachera quelques cinquante ans plus tard à l’ordre de Citeaux. Sous la houlette du célèbre Bernard de Clairvaux, l’ordre des moines blancs est alors en plein expansion et l’abbaye de Fontfroide sera entraînée par cette dynamique cistercienne et connaîtra à partir de là un réel développement.
L’épisode cathare
Nous sommes autour de 1145, en plein coeur du XIIe siècle, et dans cette province du Languedoc qui se tient comme un petit monde à part, avec sa langue et sa culture, pointe déjà les tensions nées de l’émergence d’une croyance et d’une pratique en marge de l’église, le catharisme ou la « religion » des albigeois. Les cisterciens feront de la lutte contre ces pratiques dissidentes émergentes, bientôt frappées d’hérésie, un de leur cheval de bataille et l’abbaye de Fontfroide y sera bien évidemment associée. Les prêches des moines blancs ne suffiront pourtant pas à ramener les brebis cathares dans le giron de l’église. Détonateur de la croisade qui déferlera bientôt sur le sud, sous la pression du Pape Innocent III, l’assassinat du légat du pape Pierre de Castelnau, moine de Fontfroide par un proche soldat du Comte de Toulouse, ouvrira un ère de larmes et de guerre pour le Languedoc médiéval et ses seigneurs qui finiront par y perdre presque tout.
Naissance d’un pape
Plus tard, aux début du XIVe, l’abbaye donnera naissance à un moine, Jacques fournier, qui sera bientôt fait pape et deviendra Benoît XII. Bien que cistercien et non dominicain, le religieux était avant cela devenu Cardinal et évêque de Mirepoix mais avait également officié et présidé le tribunal d’inquisition de Palmiers contre les derniers cathares. Devenu Pape, il entreprendra une réforme des ordres monastiques et lancera encore la construction du célèbre palais des Papes d’Avignon.
Du pouvoir royal au domaine privé
Dans le courant du XVe siècle, l’abbaye tombera sous la coupe du pouvoir royal. L’austérité et la règle des premiers temps seront alors loin derrière elle et les abbés nommés par le roi et qui s’y tiennent sont alors bien loin, dit-on, des moines austères des origines. Après la révolution française, l’abbaye et ses bâtiments seront donnés en legs aux Hospices de Narbonne. Elle connaîtra encore un épisode religieux puisqu’au milieu du XIXe siècle (1848) des moines de l’abbaye de Sénanque viendront s’y réinstaller, avant d’en être chassés par les lois de séparation de l’Etat et de l’église, quelque cinquante ans plus tard, au début du XXe. Acquise aux enchères en 1908, par le collectionneur Gustave Fayet, l’abbaye demeure, depuis lors, un bâtiment privé, propriété des descendants de ce dernier.
En vous souhaitant une merveilleuse journée.
Frédéric EFFE
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Sujet : poésie médiévale, poésie réaliste, satirique, trouvère, Vieux français, langue d’oil, ribauds, misère, hiver. Période : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur ; Rutebeuf (1230-1285?) Titre : le diz des ribaux de grève. Média : lecture audio, par André Brunot.
Bonjour à tous,
our commencer cette semaine sous le signe médiéval, nous vous proposons une lecture audio celle de la célèbre poésie de Rutebeuf: le Diz des Ribauds de Grève. Il y est encore question de misère et d’hiver, mais cette fois-ci, ce n’est pas de sa propre infortune dont Rutebeuf nous parle mais de celle des miséreux qui se tiennent alors sur la place de Grève, à Paris.
Comme nous le soulignions dans la lecture audio du « Dit de l’oeil », même si l’on est pas certain de l’origine de Rutebeuf que l’on a peut-être un peu vite désigné comme champenois, ce dont on reste sûr c’est qu’il a passé la majeure partie de sa vie à Paris, en tout cas au moins celle durant laquelle il a rédigé ses oeuvres connues de nous. Et puisqu’elle est le théâtre de cette poésie qu’il nous a léguée, nous en profiterons aussi ici pour dire un mot de la place de Grève de Paris à l’époque médiévale.
Avant d’entrer un peu plus dans ce détail et de vous proposer cette lecture pleine de force qui fait honneur à la poésie de Rutebeuf, nous voulons également dire un mot du comédien auquel nous la devons.
Tribut à André Brunot
Sociétaire de la comédie française, André Brunot (1879-1973) fut un comédien célèbre en son temps, même s’il n’a pas eu le succès d’un Jouvet. Premier prix de comédie au conservatoire de Paris en 1903, il mena une longue carrière sur les planches et au théâtre et sa carrière cinématographique lui permit de tourner près de trente films.
La lecture audio qu’il nous fait de la poésie de Rutebeuf sur les Ribauds de Grève est tirée d’une excellente anthologie poétique audio en 3 volumes, que nous proposait la bibliothèque Nationale de France en 1958, et ayant pour titre : « Trésor de la poésie lyrique française ». Le premier volume était dédié au moyen-âge et c’est de là que provient la pièce du jour.
Le dit des ribauds de Grève de Rutebeuf,
lecture poétique audio
La place de Grève du temps de Rutebeuf
A l’époque médiévale, sur cette place des bords de Seine, rebaptisée depuis place de l’Hotel de Ville, se réunissaient les travailleurs, autant que les oisifs et les miséreux en quête de pitance ou de travail (le terme de « faire la Grève » viendrait de là).
Il est difficile de savoir si Rutebeuf s’adresse publiquement et directement aux gueux et aux miséreux dans cette poésie, mais plus qu’une des pirouettes caustiques auquel il nous a habitué, elle dénote d’une véritable empathie de sa part, à l’égard de ces malheureux sans le sou à l’approche des rigueurs de l’Hiver. Il y rapproche, sans aucun doute, toute proportion gardée, ses propres misères.
La place de Grève, à la fin du XVIe (1583) Theodor Josef Hubert Hoffbauer (1839-1922)
« C’était (la place de Grève au XIIIe siècle) un lieu de déchargement des lourdes marchandises venues par eau. Des débardeurs, des « ribauds » s’y affairaient. Notre soif de couleur locale et même, nos idées toutes faites sur la ville médiévale ont de quoi se satisfaire. Tout le folklore « troubadour et mâchicoulis » est là, depuis ces « escoliers » toujours prêts à se quereller mais bons garçons au demeurant, jusqu’à ces foules de religieux dont les divers ordres, profitant de la piété du Saint roi Louis IX, avaient proliféré, sans oublier les hordes de pauvre – tels les « Trois-cents Aveugles », tels les lépreux du « Champ-pourri » qui mendiaient dans les rues, ou les « musardes » (les prostitués) que guettaient fort les regards naïfs de jeunes paysans débarqués depuis peu, avec leur porte-
monnaie fraîchement rempli. »
A la recherche d’une « voie de Paradis » dans le Paris de RUTEBEUF, Françoise Barteau. Historienne médiéviste. « Tiré de Errances et parcours parisiens de Rutebeuf à Crevel », Univerisité de la Sorbonne, 1986
Les exécutions en place de Grève
On admet, généralement, que la première exécution qui eut lieu sur la place Place de Grève date de 1310. On la doit à deux évêques, celui de Paris, assisté de celui de Cambrai alors « Docteur et inquisiteur de la Foi en France »*. Elle prit la forme d’un bûcher et on y brûla pour hérésie, la mystique chrétienne et poétesse flamande Marguerite Porete (ou Perrette). Pour faire bonne mesure, on en profita pour livrer également ses écrits aux flammes, soit son ouvrage: « Le Miroer (miroir) des âmes simples et anéanties ». Tout fut conduit avec l’aval du bon roéPhilippe le Bel, mais il faut dire qu’il était bien lancé (pour ne pas dire bien chaud), puisque c’est cette même semaine qu’il fit aussi brûler les premiers templiers.
Quoiqu’il en soit, ce fut là, la première d’une longue série d’exécutions publiques en place de Grève, qui ne s’acheva que plus de cinq siècles plus tard, en 1822. Aux vues des dates, Rutebeuf n’a pas connu cette vocation de la place dont il nous décrit les Ribauds puisqu’il a disparu autour de 1285.
Exécution en place de Grève, 1757, gravure sur bois, anonyme.tiré d’un Almanach de colportage. Source : criminocorpus.org
Le Diz des Ribauds de grève dans le vieux français d’oil original et parisien de Rutebeuf
Ribaut, or estes vos a point : Li aubre despoillent lor branches, Et vos n’aveiz de robe point, Si en avrez froit a vos hanches. Queil vos fussent or li porpoint Et li seurquot forrei a manches. Vos aleiz en estai si joint, Et en yver aleiz si cranche, Vostre soleir n’ont mestier d’oint, Vos faites de vos talons planches. Les noires mouches vos ont point; Or vos repoinderont les blanches.
La traduction en français moderne
de Michel Zink de l’Académie française:
« Ribauds, vous voilà bien en point! Les arbres dépouillent leurs branches et d’habit vous n’en avez point, aussi aurez-vous froid aux hanches. Qu’il vous faudrait maintenant pourpoints, surcots fourrés avec des manches! L’été vous gambadez si bien, l’hiver vous traînez tant la jambe! Cirer vos souliers? Pas besoin: vos talons vous servent de planches. Les mouches noires vous ont piqués, A présent c’est le tour des blanches »
En vous souhaitant un excellent début de semaine et une belle journée!
Fred
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* Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris par Mr. Henri Sauval, Avocat du Parlement (1724)