Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales
Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …
Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.
En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.
Sujet : musique médiévale, poésie médiévale, amour courtois, fine amor, langue d’Oil, vieux-français, rondeau, Ars Nova, compositeur médiéval, MS 146 Période : Moyen Âge central, XIIIe, XIVe siècle
Auteur : Jehannot (ou Jehan) de Lescurel(ou L’escurel) Interprète : Ensemble Syntagma, direction d’Alexandre Danilevsky
Album : livre-disque & media book sur Jehan de Lescurel
Bonjour à tous,
ous revenons aujourd’hui, en musique et en chanson, au Moyen Âge du XIVe siècle avec Jehannot de Lescurel. Annonciateur de l’Ars nova, pour ses innovations autant que pour sa rigueur dans l’approche des formes, cet auteur et artiste médiéval, n’est déjà plus considéré comme un trouvère mais bien comme un compositeur.
Comme les autres pièces de l’auteur, la chanson du jour est tirée du MS Français 146. Manuscrit ancien daté du XIVe siècle, conservé à la Bnf, l’ouvrage contient, en plus du célèbre Roman de Fauvel, les dits du clerc Geoffroi de Paris, ainsi que les chansons et compositions de Jehannot de Lescurel. Voici d’ailleurs, ci-contre, le feuillet de ce manuscrit correspondant à la pièce du jour.
« Fine amor » d’Oc en Oil
Du point de vue thématique, le legs de Jehannot de Lescurel gravite principalement autour de la « fine amor ». La chanson du jour, qui est un rondeau, se situe donc en plein dans cette tradition lyrique courtoise héritée des troubadours du sud de la France et largement retranscrite en langue d’Oil, par les trouvères du nord, dans le courant du XIIIe siècle.
« De gracieuse dame amer », Jehannot de Lescurel – Ensemble Syntagma
Comme nous avons déjà consacré un article sur le travail de l’Ensemble Syntagma autour de Jehannot de Lescurel (notamment au sujet du livre disque et média book que la formation a dédié à ce compositeur), nous vous invitons à le consulter pour plus de détails. Vous y trouverez un portrait de la formation et de son directeur, ainsi que des éléments supplémentaires sur le compositeur médiéval.
« De gracieuse dame amer »,
de Jehannot de Lescurel (en français ancien)
De gracieuse dame amer Ne me quier( de querre, querir : désirer, vouloir) jamès departir (séparer). Touz bienz en viennent, sanz douter, De gracieuse dame amer, Et tous deduiz* (plaisir, divertissement).N’en veil cesser : Car c’est ma joie, sans mentir ; De gracieuse dame amer Ne me quier jamès departir.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
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Sujet : poésie médiévale, ballade, auteur médiéval, poète, moyen-français, poésie satirique, humour, satire. Auteurs : François Villon (1431-?1463) Titre : « Les contredits de Franc-Gontier » Période : moyen-âge tardif, XVe siècle. Oeuvre : le testament de François Villon Album : Poètes immortels, François Villon,
dit par Alain Cuny (60/70)
Bonjour à tous,
uite à notre article sur la Ballade des Contredits de Franc-Gontier de François Villon, en voici une belle lecture audio. Elle est tirée d’une série d’albums que le label Disque Festival avait dédié, dans les années 60/70, aux « poètes immortels » français,
A l’occasion de l’album consacré à François Villon, le grand acteur Alain Cuny (1908-1994) prêtait sa voix à douze pièces issues de la poésie de l’auteur médiéval dont cette ballade que voici.
Les contredits de Franc-Gonthier de François Villon par Alain Cuny
En vous souhaitant une excellente journée!
Fred
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Sujet : poésie médiévale, ballade, auteur médiéval, poète, moyen-français, poésie satirique, vie curiale, humour Auteurs : Philippe de Vitry (1291-1361), François Villon (1431-?1463) Titre : « Le dit de Franc-Gontier » et « les Contredicts de Franc-Gontier » Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle. Ouvrages : oeuvres de Villon, PL Jacob (1854) , oeuvres de phillipe de Vitry, Prosper tarbé (1850)
Bonjour à tous,
ans le courant du XIVe siècle, Philippe de Vitry (1291-1361), évêque de Maux, auteur savant, poète et grand musicien champenois célèbre et apprécié de son temps, écrivit une poésie connue sous le nom de « dit de Franc-Gontier » (Gonthier).
Empreinte de lyrisme, faisant l’éloge des plaisirs simples et champêtres, l’auteur y mettait en perspective une vie rupestre, devenue symbole d’une certaine liberté et indépendance, qu’il opposait à une vie curiale aux valeurs dévoyées, emplie de compromis, de trahison, de convoitise, d’ambition, etc.. Dans son élan, Philippe de Vitry n’hésitait pas à désigner les courtisans comme des « serfs », suggérant que le moins libre des hommes, entre celui qui travaillait la terre et celui qui traînait ses chausses à la cour, n’était pas forcément celui que l’on croyait.
Certes, on ne pouvait à la fois vouloir la paix d’une vie retirée au grand air et espérer dans le même temps, richesse, luxe et confort. Le Dit de Franc-Gontierencensait donc aussi une certaine simplicité corollaire de ce choix de vie et on pouvait encore lire, dans ce plaisant récit demeuré une pièce célèbre de poésie et de littérature médiévale, l’éloge d’un travail de la terre faisant sens et étant même en soi une récompense; belle réhabilitation au passage du vilain ou du serf, de leur labeur et de la vie rupestre élevés avec ce poème et dans ce courant de XIVe siècle, au dessus de certaines moqueries communes dont ils avaient été si souvent l’objet au cours des siècles précédents (voir article les vilains des fabliaux).
Le dit de Franc-Gonthier
de Philippe de Vitry
Soubs feuille verd, sur herbe delictable Sur ruy bruyant et sur claire fontaine Trouvay fichee une borde portable, Là sus mangeoient Gontier o dame Heleyne Fromage frais, laict, beurre, fromagée, Cresme, maton, prune, noix, pomme, poire, Cibor, oignon, escaillongne froyee Sur crouste grise (bise) au gros sel pour mieulx boire. Au groumme burent; et oisellons harpoient Pour rebaudir et le dru et la drue, Qui par amours depuis s’entrebaisoient Et bouche et née, et polie, et barbue Quand eurent prins des doux mets de nature, tantot Gonthier hache au col au bois entre Et Dame Héleine si mit toute sa cure A ce buer, qui cueuvre dos et ventre. ‘J’ouïs Gonthier en abattant son arbre Dieu mercier de sa vie très sure: “Ne scai, dit-il, que sont piliers de marbre, Pommeaux luisans, murs vestus de peincture; Je n’ay paour de trahison tissue Soubz beau semblant, ne qu’empoisonné soye En vaisseau d’or. Je n’ay la teste nue Devant tyran, ne genoil qui se ploye. Verge d’huissier jamais ne me desboute, Car jusques la ne me prend convoitise, Ambition, ne lescherie gloute. Labour me paist en joieuse franchise : Moult j’ame Helayne et elle moy sans faille, Et c’est assez. De tombe n’avons cure.” Lors je dy : “Las! serf de court ne vault maille, Mais Franc Gontier vault en or jame pure”.
Version de Prosper Tarbé – les Œuvres de Philippe de Vitry (1850)
Dans le courant du même siècle et même du suivant, les thèmes de ce Franc-Gontier seront repris par d’autres auteurs médiévaux, souvent eux-même lassés de la vie curiale et de ses artifices. On pourra compter parmi eux Eustache Deschamps (voir ballade sur l’estat moyen ou encore ballade je n’ay cure d’être en geôle) ou encore Alain Chartier (1385-1430), pour ne citer que ces deux-là.
Comme référence encore plus directe, il faut encore mentionner Pierre d’Ailly (ou Ailliac) qui, dans le courant de ce même XIVe siècle et dans une petite pièce très réussie, connue d’ailleurs sous le nom de « Contre-dicts de Franc-Gontier » rendra explicitement grâce à la vie du Franc Gontier de Philippe de Vitry et à ses valeurs, contre celles du tyran dont il fera le portrait vitriolé dans sa poésie.
« Las ! Trop mieulx vaut de Franc-Gontier la vie, Sobre liesse, et nette povreté, Que poursuivir, par orde gloutonnie, Cour de tyran, riche malheureté. »
« Les contredits de Franc-Gontier » ou « Combien est misérable la vie du tyran », par Pierre d’Ailly (1351-1411), Notice historique et littéraire sur le Cardinal Pierre d’Ailly, Eveque de Cambray au XVe siècle, par M Arthur Dinaux (1824)
Satire et contre satire,
Le franc-Gontier de François Villon
Contrairement à la pièce citée de Pierre d’Ailly qui avait reconnu volontiers une certaine exemplarité dans le choix de vie du Franc-Gontier de Philippe de Vitry, les contredits de François Villon, écrits dans le courant du siècle suivant, se situeront dans un contre-pied distancié et moqueur. Grandi au milieu de l’agitation et du bruit des rues de Paris, Villon reste sans doute plus que tout un urbain, et la vie rustre, sans grand faste, sans confort et pire que tout, à l’eau et sans vin, n’ont rien pour le séduire.
« Il n’est trésor que de vivre à son aise. », il se gaussera donc « gentiment » des vers de Philippe de Vitry en invoquant l’image satirique d’un gros chanoine jouisseur et bon vivant, se tenant avec sa maîtresse dans une chambrée confortable et s’adonnant à tous les plaisirs, aidés de torrents d’Hypocras. Plus loin, poursuivant sa raillerie, il mettra encore en opposition le confort d’une bonne couche contre le lit d’herbe sous le rosier et se moquera encore de la nourriture campagnarde qui avait l’objet de tous les éloges de l’évêque de Maux, fustigeant, au passage, l’haleine chargée d’ail des deux tourtereaux, Bref, Villon tournera en dérision le Franc Gontier de Philippe de Vitry, en affirmant tout de même qu’il ne veut les juger et que chacun est libre, mais que cette vie n’est surtout pas pour lui.
Opposition entre confort et rusticité, et peut-être même au fond entre l’urbain, l’homme de la ville et l’homme de la ruralité, on ne peut s’empêcher de voir encore à travers cette ballade, le Villon gouailleur qui se fait, par jeu et par farce et avec un plaisir jamais dissimulé, le porte-parole des bons vivants, des « francs jouisseurs » et des fêtards. Pour peu, on l’imagine même bien lire cette ballade à voix haute dans quelque taverne parisienne, en faisant rire, à gorge déployée, ses compagnons de beuverie.
Pourtant et c’est finalement assez cocasse, à la relative profondeur de la satire que Philippe de Vitry avait opposé à son siècle et à la vie curiale et ses excès (convoitise, pouvoir, ambition, etc…) en prônant le retour à une certaine « vérité » des valeurs, Villon vient opposer à son tour, une contre satire qui, pour être provocatrice dans son humour et les images (anticléricales) qu’elle soulève n’est pas dénuée d’un certain conformisme sur le fond.
Contre ce monde médiéval chrétien qui tente pourtant si fort d’en freiner les ardeurs, le désir de richesse, de confort, et même plus loin de débauche et de luxure, les hommes et les satires n’en sont-ils pas déjà pleins ? Qu’ils suffisent de lire les fabliaux ou les diatribes de tous bords, adressées aux puissants, aux princes ou même au personnel de l’église et du clergé par la plupart des auteurs satiriques pour s’en convaincre. Dans ce contexte, qu’est-ce que le véritable anti-conformisme ? On en jugera mais finalement, peut-être que, depuis l’aube des temps, l’image du marginal ou du « voyou », polisson, jouisseur, dispendieux, etc, ne va-t’elle jamais tout à fait contre certaines voies tracées par les tenants du pouvoir et n’en est qu’une caricature ou une débauche exacerbée. De ce point de vue, en forme de clin d’oeil et de question ouverte, de Vitry à Villon et même si leurs manières diffèrent, on pourra se poser la question de savoir quel est le plus satirique des deux ?
Les Contredicts de Franc-Gontier
Ballade médiévale de François Villon
Sur mol duvet assis, ung gras chanoine, Lez ung brasier, en chambre bien nattée*, A son costé gisant dame Sydoine, Blanche, tendre, pollie et attaintée : Boire ypocras, à jour et à nuyetée, Rire, jouer, mignonner et baiser, Et nud à nud, pour mieulx des corps s’ayser, Les vy tous deux, par un trou de mortaise : Lors je congneuz que, pour dueil appaiser, Il n’est trésor que de vivre à son aise.
Se Franc-Gontier et sa compaigne Heleine Eussent ceste doulce vie hantée, D’aulx et civotz, qui causent forte alaine, N’en mengeassent bise crouste frottée . Tout leur mathon, ne toute leur potée. Ne prise ung ail, je le dy sans noysier. S’ils se vantent coucher soubz le rosier, Ne vault pas mieulx lict costoyé de chaise ? Qu’en dictes-vous? Faut-il à ce muser ? Il n’est trésor que de vivre à son aise.
De gros pain bis vivent, d’orge, d’avoine, El boivent eau, tout au long de l’année. Tous les oyseaulx, d’îcy en Babyloine, A tel escot, une seule jouinée Ne me tiendroient, non une matinée.. Or s’esbate, de par Dieu, Franc-Gontier, Hélène o luy, soubz le bel esglantier; Si bien leur est, n’ay cause qu’il me poise ; Mais , quoy qu’il soit du laboureux mestier, Il n’est trésor que de vivre à son aise.
Envoi.
Prince, jugez, pour tous nous accorder. Quant est à moy (mais qu’à nul n’en desplaise), Petit enfant, j’ay ouy recorder Qu’il n’est trésor que de vivre à son aise.
En vous souhaitant une excellente journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes
Sujet : musique médiévale, galaïco-portugais, lyrisme médiéval, culte marial, miracle Période : XIIIe siècle, Moyen Âge central « Auteur » : Alphonse X de Castille, Alphonse le Sage (1221-1284) Interprète :Ensemble Gilles Binchois Titre: Cantiga Santa Maria 139 Album: Alphonse x el sabio : Cantigas de Santa Maria (2005)
Bonjour à tous,
l’occasion d’un article précédent, nous avions abordé, dans le détail, la Cantiga de Santa Maria 139. La version que nous en avions alors présentée était exclusivement instrumentale et nous était proposée par l’Ensemble Perceval et Guy Robert, dans leur album L’art Du Luth au Moyen Âge, datant de 1960.
Aujourd’hui et pour faire bonne mesure, nous partageons une superbe version instrumentale et vocale de cette Cantiga. Cette fois-ci, nous la devons à l’Ensemble Gilles Binchois sous la direction de Dominique Vellard.
La Cantiga de Santa Maria 139 par l’Ensemble Gilles Binchois
L’Ensemble Gilles Binchois
et les Cantigas de Santa Maria
En 2005, l’Ensemble médiéval Gilles Binchois présentait un album dédié tout entier aux Cantigas de Santa Maria etayant pour titre : Alphonse X El Sabio, Cantigas de Santa Maria.
Sous la direction et la voix du tenor Dominique Vellard, les sopranos Anne-Marie Lablaude et Françoise Atlan y étaient encore accompagnées par Emmanuel Bonnardot à la vièle et au luth, et Keyvan Chemirani aux percussions,
L’album contient seize pièces sélectionnées avec soin dans le large répertoire des cantigas médiévales et galaïco-portugaise du roi Alphonse de Castille et interprétées avec une grande virtuosité. La version de la Cantiga 139 présentée ici vous en donne, d’ailleurs, un excellent aperçu. Pour en écouter plus d’extraits ou pour l’acquérir, vous pouvez vous reporter au lien suivant.
La Cantiga 139 et le miracle
de l’enfant, du pain et de la statue
La Cantiga de Santa Maria 139 nous conte encore le récit d’un miracle. L’histoire se déroule dans une église de Flandres. Une femme y était venue portée son enfant pour le confier à la protection de la vierge.
Dans le récit, l’enfant offre spontanément un morceau du pain qu’il était en train de manger, à l’effigie du Christ sur la statue (et on l’imagine dans les bras de la vierge). Après une intercession de la Sainte auprès de son fils Jésus, ce dernier, touché par le geste de partage de l’enfant, répondait en personne et exhaussait directement le vœu de la croyante. Il épargnait ainsi, une vie de souffrance à l’enfant, en le faisant directement entrer au paradis et le refrain de scander :
Maravillosos et piadosos et mui Fremosos miragres faz Santa Maria, a que nos guia Ben noit’ e dia et nos dá paz
Merveilleux, plein de piété
et grandioses sont tes miracles, Sainte-Marie qui nous guide à la perfection
de nuit comme de jour et nous apporte la paix.
Pour retrouver les paroles de cette cantiga et plus de détails la concernant, nous vous invitons à consulter l’article précédent à son sujet.