Sujet : citations, Moyen Âge chrétien, diable, Satan, mentalités médiévales, historien, magie noire, magie blanche, occident médiéval. Période : Moyen Âge central, XIe siècle & suivants. Auteur : Jacques le Goff Livre : La civilisation de l’Occident Médiéval (1964)
Bonjour à tous,
ous retrouvons, ici, une nouvelle citation de l’historien Jacques le Goff. Tirée de son ouvrage La civilisation de l’Occident Médiéval , elle aborde le thème omniprésent au Moyen Âge du bien et du mal, personnifié par la lutte entre Dieu et Satan.
L’homme médiéval entre Dieu et Satan
« Les hommes du Moyen Age sont donc constamment partagés entre Dieu et Satan. Celui-ci n’est pas moins réel que celui-là, il est même moins avare d’incarnations et d’apparitions. Certes, l’iconographie peut le figurer sous une forme symbolique : il est le serpent du péché originel, il se montre entre Adam et Ève, il est le Péché, péché de la chair ou de l’esprit séparés ou unis, symbole de l’appétit intellectuel ou de l’appétit sexuel. Mais surtout il apparaît sous divers aspects plus ou moins anthropomorphiques. A chaque instant il risque pour chaque homme du Moyen Age de se manifester. Il est le contenu de cette terrible angoisse qui les étreint presque à chaque instant : le voir apparaître ! Chacun se sait constamment guetté par » l’antique ennemi du genre humain ».
(…) Ce dont ne doutent pas les hommes du Moyen Age, c’est que non seulement le Diable peut, comme Dieu, avec sa permission sans doute, mais cela ne change rien à l’effet produit sur l’homme, accomplir des miracles ; cette faculté est aussi associée à des mortels, en bien ou en mal. C’est toute la dualité équivoque de la magie noire et de la magie blanche dont les produits sont en général indécelables par le vulgaire. C’est le couple antithétique de Simon le Magicien et de Salomon le Sage. D’un côté la gent maléfique des sorciers, de l’autre la troupe bénie des saints. »
Jacques le Goff – La civilisation de l’Occident Médiéval (1964)
Sorcellerie & danse du bien et du mal
sur toile de fond médiévale
Pour ceux que ces thèmes intéressent, vous pourrez les retrouver au cœur de notre roman Frères devant Dieu ou la tentation de l’Alchimiste.
Au Moyen Âge, le chemin des hommes est étroit entre foi et raison, lumière et obscurité, et les frontières y sont ténues entre science et surnaturel. Magie noire, sorcellerie, superstitions ou tours du malin, quand la vanité s’en mêle, la menace de la chute n’est jamais loin. Se pourrait-il que ces questions existentielles résonnent encore jusqu’à nous, en projetant un éclairage nouveau sur nos propres choix ?
Sur fond de Moyen Âge réaliste et historique, Frères devant Dieu ou la tentation de l’alchimiste propose une exploration des mentalités médiévales, au cœur de cette opposition entre Dieu et Satan, Bien et Mal. Son histoire conte les aventures de deux frères, un savant, l’autre troubadour, ayant vécu à la cour d’un seigneur de Provence à la fin du XIIIe siècle.
Disponibilité
Ce roman est disponible au format papier dans toutes les librairies françaises du réseau Hachette-Dilicom mais également, à la commande, sur certains sites. Vous pouvez également le trouver au format ebook dans toutes les grandes e-librairies en ligne.
Sujet : musique, chanson médiévale, humour, trouvère, ménestrel, jongleur, auteur médiéval, vieux-français, amour courtois, langue d’oïl, bonne chère. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle. Auteur : Colin Muset (1210-?) Titre : « En ceste note dirai » Ouvrage : Les chansons de Colin Muset
(2e édition) éditées par Joseph Bédier (1938)
Bonjour à tous,
ous vous proposons, aujourd’hui, une nouvelle incursion au Moyen Âge central , en compagnie du trouvère Colin Muset. Entre courtoisie et légèreté, entre lyrisme et goûts pour les plaisirs de la table, ce très sympathique auteur médiéval nous a laissé une œuvre courte, d’une vingtaine de pièces, mais toujours rafraîchissante.
Une chanson courtoise
teintée de joie et de légèreté
La chanson du jour se situe en plein dans la lyrique courtoise. Colin Muset y campe le parfait amant à la merci du désir et de l’acceptation de la belle que son cœur a élue. Conventions obligent, pour peu on y mourrai d’amour. Pourtant, le ton ici reste léger, et, au sortir, cette pièce respire bien plus la joie, le divertissement et l’envie de célébrer l’amour.
A la différence de nombre de ses contemporains, si un baiser de la belle damoiselle fera, à coup sûr, s’envoler le cœur de notre poète, il sera aussi pour les deux amants, la promesse d’une vie remplie de bonne chère et de plaisirs Bacchusiens : oies grillées bien grasses et vin à profusion, chez Colin Muset, les joies des banquets et leurs libations ne sont jamais très éloignées des plaisirs de l’amour. C’est d’ailleurs bien un des traits qui fait tout son charme ; à huit siècles de sa maîtrise de la lyrique courtoise et de ses codes, ses clins d’œil aux plaisirs de l’estomac comme ici, ou ailleurs à la pingrerie de ses hôtes (voir sire cuens j’ai viélé) ou même au flirt de leurs dames, sont encore là pour nous faire sourire.
Pour le reste, cette chanson est présente dans trois manuscrits médiévaux d’époque. Depuis Bédier, les nomenclatures ont totalement changé. Il faut donc faire un peu de recherches pour les retrouver. Tout trois sont consultable en ligne sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France. En voici le détail.
Le Français 845
On citera, pour commencer le MS Français 845 (ancienne cote Regius 7222.2), désigné par Manuscrit N par Bédier. Daté de la fin du XIIIe siècle, ce superbe ouvrage contient divers chansons, jeux-partis et pastourelles de trouvères avec leur notation musicale. La chanson de notre trouvère y est annotée sur son premier couplet, et on peut supposer qu’elle se répète pour le reste de la pièce. (voir photo ci-dessus – consulter le manuscrit original sur Gallica)
Le MS 5198
On ajoutera à cela le Manuscrit médiéval désigné sous le nom de K par Bédier et ses contemporains. On le retrouve à la BnF sous la cote Ms Arsenal 5198 (photo ci-dessus). Ce véritable trésor des débuts du XIVe siècle (1300-1325), également connu sous le nom de Chansonnier de Navarre, contient pas moins de 420 pages. Elles sont emplies de pièces et chansons annotées musicalement, de trouvères du XIIIe, dont, entre autre, l’oeuvre de Thibaut de Champagne. Vous pourrez consulter ce manuscrit ancien sur Gallica au lien suivant.
Le Français 20050
Pour terminer ce tour des sources d’époque, on peut encore trouver cette pièce dans le manuscrit désigné X (par J Bédier) ou même encore U par d’autres auteurs. Il fait référence au chansonnier occitan X. A la fin du XIIIe siècle, cet ouvrage à été recopié, avec le Chansonnier français U, dans le manuscrit référencé Français 20050 à la BnF. Nous vous avons déjà parlé, à plusieurs reprises, de cet ouvrage médiéval célèbre, également connu sous le nom de Chansonnier de Saint-Germain-des-Prés (consultation en ligne sur Gallica).
» En ceste note dirai » du vieux français
de Colin Muset au français moderne
Traduction en français moderne
A l’habitude, nous avons nous sommes chargé d’approcher la traduction du vieux français d’oïl de Colin Muset au français moderne. En dehors des dictionnaires et des différents supports sur lesquels nous nous sommes appuyés, nous voulons citer ici une source d’intérêt, trouvée en chemin. Il s’agit d’un site web dédié à la littérature européenne et proposé par l’Université de Rome. Si vous parlez italien, vous y découvrirez une véritable mine d’or avec de nombreux auteurs médiévaux approchés et traduits par des chercheurs et universitaires italiens venus d’horizons divers. Voici notamment une traduction (italienne) de la chanson du jour : Colin Muset, letteratura europea, Università di Roma.
I.
En ceste note dirai D’une amorete que j’ai, Et pour li m’envoiserai Et bauz et joianz serai: L’en doit bien pour li chanter Et renvoisier et jouer Et son cors tenir plus gai Et de robes acesmer Et chapiau de flors porter Ausi comme el mois de mai.
Dans cette chanson je parlerai D’une amourette (amante) que j’ai, Et pour elle je me divertirai (réjouir, divertir) Et je serai audacieux et joyeux : On doit bien chanter pour elle Et se réjouir et se divertir, Et tenir son corps en joie Et s’orner de beaux habits Et porter un chapeau de fleurs (coiffe, couronne) Comme durant le moi de mai.
II.
Trés l’eure que l’esgardai, Onques puis ne l’entroubliai; Adès i pens et penserai: Quant la vois, ne puis durer, Ne dormir, ne reposer. Biau trés douz Deus, que ferai? La paine que pour li trai, Ne sai conment li dirai: De ce sui en grant esmai Oncore a dire li ai; Quant merci n’i puis trouver Et je muir por bien amer, Amoreusement morrai.
Dès lors que je la vis Jamais plus je ne l’oubliais ; Je pense toujours à elle et toujours y penserai: Quand je la vois, je ne peux résister, Ni dormir, ni prendre de repos. Bon et très doux Dieu, que vais-je faire? La douleur que j’endure pour elle, Je ne sais comment je lui dirai : Cela me cause un grand émoi ( inquiet), Car il me faut encore lui dire ; Tant que je ne peux trouver grâce Et que je meurs pour bien aimer Je mourrai avec amour.
III.
Je ne cuit pas ensi morir, S’ele mi voloit retenir En bien amer, en biau servir; Et du tout sui a son plesir Ne je ne m’en qier departir, Mès toz jorz serai ses amis.
Je ne pense pas qu’ainsi je mourrais Si elle voulait me garder auprès d’elle Pour bien l’aimer et bien la servir (avec application): Et en toute chose, je me tiens à son entière disposition Ni ne veux m’en séparer Mais toujours demeurer son ami.
IV.
Hé! bele et blonde et avenant, Cortoise et sage et bien parlant, A vous me doig, a vous me rent Et tout sui vostres sanz faillir. Hé! bele, un besier vous demant, Et, se je l’ai, je vous creant Nul mal ne m’en porroit venir.
Eh! Belle et blonde et agréable (notion de valeur, de mérite ?), Courtoise et sage, au beau parler A vous je me donne, à vous, je me livre Et je suis vôtre tout entier, sans faillir. Eh! Belle, je ne vous demande qu’un baiser Et si je l’obtiens, je vous garantis (créant : de creire, croire) Qu’aucun mal ne m’en pourrait advenir.
V.
Ma bele douce amie, La rose est espanie; Desouz l’ente florie La vostre conpaignie Mi fet mult grant aïe. Vos serez bien servie De crasse oe rostie Et bevrons vin sus lie, Si merrons bone vie.
Ma belle douce amie, La rose s’est épanouie; Sous la branche fleurie Votre compagnie Me procure un grand réconfort (aïe : aide, secours). Vous serez bien servi D’oie grillée bien grasse Et nous boirons le vin sur la lie, Et ainsi, mènerons une bonne vie.
VI.
Bele trés douce amie, Colin Muset vos prie Por Deu n’obliez mie Solaz ne compagnie, Amors ne druerie: Si ferez cortoisie!
Ceste note est fenie.
Belle et très douce amie, Colin Muset vous supplie Par Dieu n’oubliez jamais l’amusement, ni la compagnie, L’amour, ni les plaisirs amoureux (affection, tendresse, galanterie, gages) Ainsi vous serez courtoise! (vous pratiquerez la courtoisie)
Cette chanson est terminée.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique, poésie, chanson médiévale, amour courtois, trouvère, vieux-français, langue d’oil, fine amor. Période : XIIe siècle, XIIIe s, Moyen Âge central Titre:L’amour dont sui espris Auteur : Blondel de Nesle (1155 – 1202) Interprète :Martin Best Mediaeval Ensemble Album : Songs of Chivalry (1983)
Oyez, oyez, bonnes gens,
ujourd’hui, nous vous proposons de nous suivre jusqu’aux abords du XIIe siècle, au temps du Moyen Âge des trouvères et avec l’un des plus célèbres d’entre eux : Blondel de Nesle, noble chevalier croisé, devenu héros de légende et grand compagnon, dit-on aussi, de Richard Cœur de Lion.
Une pièce courtoise dans les règles de l’art
Comme tant d’autres auteurs de son temps, Blondel de Nesle a fait de la courtoisie un de ses cheval de bataille poétique. Avec la chanson du jour, il n’y déroge pas et nous livre la « complainte » d’un fine amant, dans les règles de l’art. Suspendu à la décision de la belle que son cœur a élu, il ne peut qu’espérer : la loyauté dont il a fait preuve, jusque là, sera-t-elle récompensée ? La question restera en suspens à la fin de cette pièce mais, entre-temps, le trouvère nous aura brossé le portrait conventionnel de l’amant idéal, servant, anxieux, souffrant, à la merci d’un acquiescement ou d’un rejet de sa dame.
Sources et manuscrits
On peut retrouver cette chanson du chevalier trouvère dans un certain nombre de manuscrits médiévaux. Dans ces diverses sources, elle lui est, quelquefois, attribuée sous le nom de Blondel de Nesle, de Blondeaus ou encore de Blondiaus.
Sur la photo ci-contre, nous avons choisi de vous présenter la version du Chansonnier Cangé. Conservé au département des manuscrits de la BnF sous la référence Français 846. ce manuscrit du XIIIe siècle, riche de 351 pièces d’époque, a l’avantage de nous fournir une notation musicale de cette composition (pour le consulter en ligne c’est ici). Il n’est d’ailleurs pas le seul dans ce cas. Cette pièce a, en effet, fait l’objet de plusieurs contrefactum, dont l’un d’eux, attribué à Gautier de Coinci, peut être retrouvé dans le Manuscrit de l’Arsenal 3517.
Transcription, interprétation, traduction
Pour la retranscription de cette chanson médiévale en calligraphie moderne, nous nous sommes appuyés sur l’ouvrage de Prosper Tarbé daté de 1862 : Les Œuvres de Blondel de Néele (collection des poètes de Champagne antérieurs au XVIe siècle). Enfin, pour mieux la découvrir, nous vous proposons l’interprétation qu’en fit l’ensemble Martin Best dans le courant des années 80 et nous terminerons, en vous gratifiant d’une traduction maison de l’oïl de Blondel au français moderne.
L’amour dont sui espris , Blondel de Nesle par Martin Best
Martin Best et son album Songs of Chivalry.
Nous avons déjà eu l’occasion de vous présenter la formation Martin Best, ainsi que son excellent album « chansons de chevalerie ». Nous n’allons donc pas y revenir dans le détail et vous pouvez vous reporter à l’article suivant pour en savoir plus : Martin Best Mediaeval Ensemble.
Rappelons simplement que, des années 70 aux 90, l’ensemble médiéval anglais a légué un nombre considérable d’interprétations et d’enregistrements sur la période du Moyen Âge central. Sorti en 1983, Songs of Chivalry n’en est qu’un échantillon mais il présente, tout de même, 19 pièces empruntées au répertoire des trouvères et des troubadours, interprétées de main de maître. Vous pouvez retrouver cet album à la vente en ligne au format CD ou digitalisé Mp3 : plus d’informations sur l’album Songs of chivalry.
L’amour dont sui espris, Blonde de Nesle
Du vieux français au français moderne
Notes sur la traduction : c’est une première approche qui n’a que le mérite d’un premier jet. Dans l’optique d’une publication, elle devrait, bien sûr, faire l’objet de quelques revisites pour être précisée. N’hésitez pas à commenter si vous avez quelques lumières à apporter.
L’amour dont sui espris Me force de chanter, Si fait com hom sorpris Qui ne puet amender. Petit i ai conquis, Mès bien me puis vanter : Que j’ai pièça appris A loyaument amer. A li sont mi penser Et seront a tous dis ; Ja nès en quier oster.
L’amour dont je suis épris Me commande de chanter, Aussi, je le fais comme celui, pris au dépourvu, Qui ne peut s’y soustraire. J’y ai peu gagné Mais je puis bien me vanter Que j’ai appris depuis longtemps À aimer loyalement. À elle vont mes pensées Et y seront toujours ; Jamais je ne voudrais les en ôter.
Remembrance du vis Frés et vermeil, et cler, A mon cuer en tel mis Que ne l’en puis tourner ; Et se j’ai les maus quis, J’es doi bien endurer. Se ai je trop mespris Ains la doi mieux amer. Comment que j’aie comper, N’i ai rien , ce m’est vis Que de merci crier.
Le souvenir du visage Frais et vermeille et clair, A mis mon cœur dans un tel état Que je ne puis plus l’en détourner Et puisque j’ai voulu ces maux Il me faut bien le endurer, Si, en cela, je me suis fourvoyé Alors je dois l’aimer plus encore. Pour ce que j’y ai gagné (1) Il ne me reste plus, à mon avis, Qu’à crier merci.
Lonc travail sans esploit M’eust mort et traï. Mes mes cuers attendoit Ce pour quoi l’a servi. Si pour lui l’ai destroit, De bon cuer l’en merci. Je sai bien que j’ai droit, Qu’onc si bele ne vi. Entre mon cuer et li Avons fait si à droit Qu’ains de rien n’en failli.
Une long effort (tourment, peine) sans réussite (avantage, gain) m’eut tué et trahi Mais mon cœur attend Ce pour quoi il la servit. Si pour elle je l’ai tourmenté (destreindre : tourmenter, torturer, contraindre) Je l’en remercie de tout cœur. Je sais bien que j’ai bien agi Car jamais je ne vis si belle, Entre mon cœur et elle Nous nous sommes comportés si justement Qu’ainsi rien ne faillit (ne fut mal fait, ne fit défaut)
Dex ! pourquoi m’occiroit, Quant ainz ne li menti ? Sé ja joians en soit Li cuers, dont je la pri ! Je l’aim tant et convoit Et cuid pour voir de li Que chascuns, qui la voit La doie amer ausi. Qu’est ce, Dex, que je di ! Non feroit, ne porroit Nul ne l’ameroit si.
Dieu ! Pourquoi m’occirait-elle Quand jamais je n’ai failli à ma parole (je ne lui ai menti) Si c’est le cas (2), qu’en soit heureux mon cœur, je l’en implore ! Je l’aime et la désire tant Et crois à la voir Que chacun qui la voit Doit l’aimer aussi. Mais, Dieu, qu’est-ce que je dis ? Nul ne le ferait, ni ne pourrait l’aimer autant, ni aussi bien que moi.
Plus bele ne vit nus Ne de cors ne de vis ; Nature ne mist plus De biauté en nul pris. Pour lui maintiendrai l’us D’Enéas et Paris, Tristan et Piramus, Qui amèrent jadis, Et serai ses amis. Or pri Dieu de lassus Qu’à l’eure soie pris.
Jamais je ne vis plus belle qu’elle, Ni de corps ni de visage : La nature ne mit plus De beauté en personne. Pour elle, je suivrais l’usage D’Enéas et Paris, Tristan et Piramus, Qui aimèrent jadis, Et je serais leur égal (ami, parent ou « je serais son amant » (?)) , Or, je prie Dieu du ciel Qu’il en prenne acte sur le champ. (que le sort en soit scellé)
Sé pitiez ne l’en prent, Je sai qu’a estovoir M’ocirra finement : Ce doi je bien voloir. Amé l’ai loiaument, Ce me doit bien valoir, Amors de gréver gent N’eust si grant pooir. De grans maus m’a fait hoir. Dont Tristans soffri tant : D’ameir sens decevoir.
Si elle ne me prend pas en pitié, Je sais que, nécessairement, Elle finira par me tuer. Mais je dois bien le vouloir. Je l’ai aimé loyalement, Cela doit bien me valoir, Que l’amour me fasse souffrir aimablement S’il n’avait un si grand pouvoir. Il m’a fait hérité de biens grands maux. Dont Tristan souffrit tellement Pour aimer sans tromperie.
(1) « Comment que j’aie comper » : Pour ce que j’y ai gagné ? Comperer : acheter, gagner, acquérir, expier, être puni – comment que : quoique, de quelque manière que )
(2) « Sé ja » : « Si c’est le cas » Si jamais (?)
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com. A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique, chanson médiévale, vieux français, trouvères d’Arras, rondeau, amour courtois, langue d’oïl, courtoisie. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Auteur : Adam de la Halle (1235-1285) Titre :Diex comment porroie Interprète : Ensemble Sequentia Album : Trouvères (1984)
Bonjour à tous,
otre vaisseau continue de voguer, toutes voiles dehors, sur les eaux du passé et du monde médiéval. Aujourd’hui, c’est au XIIIe siècle que nous vous entraînons, au nord de la France et dans une province qui a vu naître de très grands auteurs du Moyen Âge central : celle d’Arras.
Tiré des Œuvres complètes du trouvère Adam de la Halle (poésie et musique), Edmond de Coussemaker (1872)
Parmi eux, dans la famille des trouvères, Adam de la Halle ou Adam le bossu est, sans doute, demeuré l’un des plus célèbres. Il faut dire que l’oeuvre de celui que l’on a appelé, parfois, le dernier trouvère, est particulièrement prolifique. À la lisière des compositions monodiques et des premiers envols de la musique polyphonique, il nous a légué de nombreuses compositions et chansons : motets et rondeaux, mais aussi pièces de théâtre aux thèmes variés, pastourelles, congés, …, trempées de lyrisme et de courtoisie mais aussi, quelquefois, de notes plus satiriques.
Le Ms Français 25566 ou chansonnier français W
On peut trouver les œuvres d’Adam de la Halle dans plusieurs sources d’époque, mais nous profitons de ce rondeau pour vous parler du manuscrit Français 25566 de la BnF, également connu sous le nom de Chansonnier français W (consultable sur Gallica au lien suivant).
Daté du XIIIe siècle, ce beau manuscrit médiéval enluminé, plutôt bien conservé, est donc sous bonne garde au département des manuscrits de la BnF. Ses 283 feuillets comprennent de nombreuses œuvres de la province d’Arras, entre chansons, poésies et pièces littéraires. Pour n’en citer que quelques auteurs, on y retrouve Jean bodel et ses célèbres « congiés », des pièces de Huon de Mery, Richard de Fournival, Baudouin de Condé et encore d’autres auteurs du cru ou des alentours. Quant à Adam de la halle, entre rondeaux, motets et pièces plus étoffées, il s’y trouve clairement à l’honneur. Ce manuscrit médiéval contient, en effet, l’essentiel de son legs.
« Diex comment porroie » avec l’Ensemble médiéval Sequentia
Trouvères : chansons d’amour courtois du nord de la France
« Trouvères : Hofische Liebeslieder Aus Nordfrankreich« . En 1984 l’Ensemble Sequentia signait un triple album monumental sur le thème des trouvères du nord de la France médiévale. Trois ans plus tard, l’oeuvre était rééditée sous forme de double album , avec pas moins de 43 pièces finement interprétées, sous la direction de Benjamin Bagby.
Pour qui s’intéresse de près à la musique des trouvères du Moyen Âge central ou même à la langue d’oïl, cet album demeure incontournable. On le trouve encore à la vente, sous forme CD ou MP3, au lien suivant : Trouvères : Chants d’amour courtois des pays de langue d’oïl.
« Diex comment porroie » : de la langue d’oïl
d’Adam de la halle au français moderne
Diex, coment porroie Sans cheli durer (résister, endurer, poursuivre, durer) Qui me tient en joie ? (joie, amour) Elle est simple et coie (calme, tranquille), Diex coment porroie, etc.
Ne m’en partiroie (séparer), Pour les iex (yeux) crever, Se s’amours n’avoie. Diex, coment porroie Sans cheli durer Qui me tient en joie.
Dieu comment pourrais-je Résister sans celle Que me tient en joie. Elle est simple et tranquille Dieu comment pourrais-je Résister sans celle Que me tient en joie.
Ne m’en séparerais, Dût-on me crever les yeux Pour que je n’ai plus son amour. Dieu comment pourrais-je Résister sans celle Que me tient en joie.
En vous souhaitant une fort belle journée.
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.