l’approche des fêtes de Noël qui verront encore de nombreux chrétiens dans le monde célébrés la nativité, nous vous proposons une sélection de quelques belles enluminures médiévales sur ce thème. Cela nous donnera aussi l’occasion de découvrir quelques précieux manuscrits et codex d’époque.
Les représentations de la nativité aux temps médiévaux
Au Moyen Âge, les bibles, les livres d’heures et les psautiers sont nombreux. Si certains sont assez modestes et de peu d’ornements, on en trouve d’autres commandités par de riches et puissants seigneurs et enluminés par les plus grands artistes de leur temps.
Difficile, dans ces circonstances, de faire un choix parmi la pléthore d’enluminures qui ne demandent qu’à sortir de leurs manuscrits. C’est d’autant plus vrai que, pour notre plus grand plaisir, les bibliothèques les plus prestigieuses comme la BnF, le KBR muséum, la British Library et d’autres encore proposent, désormais, une bonne partie de leurs manuscrits anciens à la libre consultation en ligne.
De notre côté nous avons fait notre sélection d’enluminures, sur différentes périodes et, après d’agréables recherches, voici quatre de nos coups de cœur.
La Nativité dans le prestigieux manuscrit médiéval Français 2810 de la BnF
La nativité dans le Livre des Merveilles de Marco Polo ou Ms Français 2810 (à voir sur Gallica)
La première enluminure de notre sélection provient d’un manuscrit qui diffère des habituels bibles ou psautiers communs au Moyen Âge. Le ms Français 2810 contient, en effet, un certain nombre de textes médiévaux dont le principal reste « Le Livre des Merveilles » du célèbre Marco Polo.
Ce codex, richement enluminé et daté du XVe siècle, est passé dans des mains prestigieuses. Un de ses premier possesseur et contributeur fut même rien moins que le duc de Bourgogne Jean sans peur.
Ici, l’enluminure de la vierge et du christ illustre un passage du « Liber peregrinationis » du moine Riccold de Monte di Croce, récit que l’on trouve également transcrit et traduit dans ce codex. En 1300, le dominicain italien avait fait un long voyage en Orient en passant notamment par les lieux sacrés du christianisme. Le passage de son récit concerne ici Bethléem et l’enluminure traite à la fois de la nativité, de l’annonciation aux bergers et de l’arrivée des rois mages.
Une incroyable enluminure du XVe siècle dans le Breviarium secundum ordinem Cisterciencium
La nativité, enluminure du Moyen Âge tardif dans le Rothschild 2529 (consulter sur Gallica)
Autrement connu sous le nom de Bréviaire de Martin d’Aragon, le manuscrit Rothschild 2529 est un autre manuscrit médiéval superbement enluminé.
Daté de la fin du XIVe et des débuts du XVe siècle, il est également conservé au département des manuscrits de la BnF.
Ici, la scène de la nativité est richement détaillée dans un style qui est déjà plus renaissant que médiéval. On y trouve tous les détails caractéristiques de la naissance du Christ, ainsi qu’un berger non loin. Son intégration à un riche réseau de décorations et de frises qui courent sur l’ensemble du feuillet la rend encore plus exceptionnelle.
La nativité dans le manuscrit Arundel Ms 157, dit Psautier à Marie de la British Library
Une belle enluminure de la Nativité daté du XIIIe siècle dans le Arundel ms157 de la British library
La troisième enluminure de notre sélection provient d’un livre religieux en Anglo-Normand qui contient le livre des psaumes, le psaume de la vierge Marie et le Petit office de la Sainte Vierge.
Conservé à la British Library (et remis dernièrement en ligne sous forme digitale), ce manuscrit est daté du premier quart du XIIIe siècle.
Beaux drapés et style vivant sont au rendez-vous de cette nativité qui partage son feuillet parcheminé avec une annonciation aux bergers sur fond doré.
La nativité dans le ms 14 ou psautier de Bruges
Enluminure de la Nativité dans le psautier de Bruges (ms 14) Paul Getty Museum
Notre dernière enluminure de la nativité provient d’un autre livre de psaumes daté du XIVe siècle et de la fin du Moyen Âge central.
Sous la référence ms 14, ce psautier qui avait longtemps appartenu à l’abbaye Notre-Dame de l’Étoile de Montebourg a été acquis, depuis le milieu des années 80, par le J. Paul Getty Museum de Los Angeles.
Concernant l’enluminure de la nativité qui occupe une pleine page de ce manuscrit, il s’en dégage une une joie et une émotion toute particulières qui contrastent, de manière assez plaisante, avec la fréquente dévotion réservée à cette scène, ce qui prouve que les deux sont loin d’être incompatibles.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE Pour Moyenagepassion.com. A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique, chanson, médiévale, vieux français, trouvère, Champagne, amour courtois, satire, langue d’oïl, courtoisie. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle. Auteur : Robert La Chièvre de Reims (1190-1220) Titre :Qui bien vuet Amors descrivre Interprète : Brigitte Nesle Album: « Ave Eva », chansons de femmes du XIIe & XIIIe siècles (1995)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nos pérégrinations médiévales nous entraînent à la découverte d’un nouveau trouvère du Moyen Âge central. Connu sous le nom de Robert la Chièvre ou Robert de Reims, cet auteur compositeur des XIIe et XIIIe siècles appartient à la génération des premiers trouvères du nord de la France.
Nous le retrouverons ici dans une jolie chanson satirique sur les joies mais aussi les chausse-trappes de l’Amour. L’ambivalence est donc au programme de cette pièce qui s’éloigne des standards habituels de la lyrique courtoise. Avant cela, disons tout de même un mot de l’œuvre et de la biographie de ce trouvère.
Biographie & œuvre de Robert de Reims
Peu de détails nous sont parvenus de la vie de Robert La Chièvre. Originaire de Champagne, ce trouvère aurait été actif entre la toute fin du XIIe siècle et le premier tiers du XIIIe siècle (1190-1220). Cela le situe comme contemporain d’auteurs comme Blondel de Nesle (1155-1202), Gace Brûlé (1160-1213), Conon de Béthune (1150-1220) ou encore un peu plus tardivement Colin Muset (1210-1250).
Des confusions autour de son nom
Concernant son patronyme, les copistes des manuscrits médiévaux (et les médiévistes à leur suite) ont jonglé longtemps entre Robert de Reins, Robert de Rains, Robert li Chièvre, la Chièvre, etc…
Certains auteurs ont considéré logiquement que La Chièvre était son patronyme puisqu’il s’en sert dans certains de ses envois poétiques. Entre ceux-là, Arthur Dinaux émit même l’hypothèse que le trouvère pouvait être originaire du Hainaut et de la petite seigneurie de Chièvres 1. L’hypothèse semble avoir été réfutée depuis, en l’absence de faits pour l’étayer.
D’autres auteurs des XIXe et XXe siècles ont pensé que La Chièvre pouvait être un pseudonyme (cf Jeanroy : Robert de Reims « dit » la Chèvre 2). Au milieu du XIXe siècle, la monumentale Histoire littéraire de la France en 43 volumes semble toutefois avoir tranché le débat, en classant l’auteur sous le nom de Robert la Chièvre de Reims3.
Chanson annotée de Robert la Chièvre de Reims dans le ms 5198 de la Bibliothèque de l’Arsenal.
Peu d’éléments factuels
Sur les détails de la vie ou les origines de Robert de Reims, nous en savons donc peu et sa poésie ne nous est guère d’un grand secours. Il semble avoir été jongleur et trouvère, vraisemblablement plus proche du petit clerc que d’un seigneur ayant fief et cour.
Le contenu de ses vers ne fait pas non plus référence à des noms ou des faits auquel se raccrocher. Ses textes gravitent principalement autour du sentiment amoureux ou ses désillusions, avec quelques pièces satiriques. Aucun noble ou lieu ne s’y trouvent cités qui puissent nous aider à percer la vie du trouvère.
En parcourant son leg poétique, on pourrait lui prêter une maîtresse qui le quitta et lui causa quelques désillusions. Toutefois, là encore le propos reste purement spéculatif et on ne peut guère l’extrapoler hors de son cadre littéraire.
L’œuvre de Robert la Chièvre de Reims
Elle est composée de neuf pièces monodiques dont quatre se doublent de versions polyphoniques pour aboutir à treize pièces en tout. Certaines sont attachées à la lyrique courtoise dans ses formes habituelles. D’autres sont plus satiriques ou caustiques. On trouve également une pastourelle, une sotte chanson sur l’amour (la première du genre), une chanson sur Robin et Marion et une autre sur le thème médiéval de la belle Aélis.
Outre le fait que certaines de ses pièces ont pu inspirer des trouvères plus tardifs, une des originalités du répertoire de Robert la Chièvre de Reims est la présence dans les manuscrits de variantes polyphoniques pour des pièces monodiques. Pour Samuel Rosenberg, l’un des derniers biographes du trouvère (voir notes, ouvrage de 2020), cette présence de motets et cette mixité de répertoire pourrait être révélatrice de la manière dont les premiers trouvères ont pu contribuer activement au développement de la polyphonie 4 et même à influencer le corpus liturgique.
Aux Sources manuscrites de son œuvre
Robert de Reims dans le Chansonnier Cangé (ms français 846) de la BnF, à Consulter sur Gallica.
Les chansons de Robert de Reims sont présentes dans un nombre important de manuscrits médiévaux : treize en tout5. L’œuvre s’y trouve disséminée la plupart du temps avec quelques chansons ça et là. Des manuscrits comme le chansonnier Clairambault (Nouvelle Acquisition française 1050) ou le Manuscrit du Roy (ms Français 844) comptent au nombre des manuscrits qui en réunissent le plus grand nombre.
Pour la pièce du jour et sa partition d’époque, nous avons choisi quant à nous deux autres manuscrits. D’abord, le Chansonnier Cangé ou ms Français 846. Ce célèbre manuscrit médiéval daté de la fin du XIIIe siècle contient pas moins de 351 pièces de trouvères. On peut y retrouver de nombreuses pièces courtoises et des auteurs reconnus comme Thibaut de Champagne, Gace Brûlé, Conan de Bethune, Blondel de Nesle ou encore le châtelain de Coucy et Adam de la Halle.
Plus haut dans ce même article, vous retrouverez également la version annotée musicalement de cette même chanson dans le ms 5198 de la Bibliothèque de l’Arsenal. Ce riche manuscrit médiéval du XIIIe siècle présente, lui aussi, sur 420 pages de très nombreuses pièces de trouvères annotées musicalement.
En ce qui concerne la graphie moderne de cette chanson, nous l’avons reprise de l’ouvrage de A. Jeanroy et A. Langfors : Chansons Satiriques et Bachiques du XIIIe siècle. Quant à son interprétation en musique, nous vous invitons à la découvrir au travers de la belle interprétation de Brigitte Lesne.
Brigitte Lesne à la découverte des chansons de femmes des XIIe et XIIIe siècles
En terme de postérité, Robert de Reims est loin d’atteindre la notoriété d’un Gace Brûlé, d’un Colin Musset ou même d’un Thibaut de Champagne. De fait, on le trouve assez peu joué sur la scène médiévale moderne. En 1995, Brigitte Lesne décidait d’y faire une exception. Elle faisait, en effet, paraître un album solo à la découverte des chansons de femmes du Moyen Âge central où l’on retrouve notre trouvère.
A propos de Brigitte Lesne
On ne présente plus cette grande artiste et vocaliste passionnée de musiques anciennes. Après son conservatoire, elle intègre les bancs de la Schola Cantorum Basiliensis où sont passés les plus grands noms de la scène médiévale.
Plus tard, on la retrouve dans l’Ensemble Gilles Binchois. Elle cofonde également l’ensemble Alla Francesca aux côtés de Pierre Hamon, et fonde aussi l’ensemble Discantus qu’elle dirige. Impliquée dans la création du Centre de musique médiévale de Paris, elle enseigne également à la Sorbonne dans le champ des musiques anciennes et médiévales et de leur interprétation.
L’album Ave Eva : chansons de femmes des XIIe et XIIIe siècles
Au long de 20 pièces, pour 61 minutes d’écoute, cet album solo de Brigitte Lesne explore le répertoire des trouvères de la France médiévale ainsi que des chansons en provenance de la péninsule ibérique et du répertoire galaïco-portugais.
Du côté français, Gautier de Coincy, Adam de la Halle, Robert de Reims et la Trobairitz Beatritz de Dia (comtesse de Die) y font leur apparition. Au sud du continent, Martin Codax et ses cantigas de Amigo y trouvent une belle place au côté de la cantiga de Santa Maria 109 d’Alphonse X. La sélection comprend encore de nombreuses pièces de trouvères demeurés anonymes.
Musiciens ayant participé à cet album
Brigitte Lesne (voix, harpe, percussion)
Où se procurer cet album ?
Cet album est encore disponible en version CD (à voir avec votre disquaire). A défaut, on peut également le trouver en ligne sous ce format : Ave Eva: Chansons de femmes des XIIe et XIIIe siècles, l’album de Brigitte Lesne. Notez que les plateformes légales de streaming le proposent également sous forme digitale et dématérialisée.
Une chanson sur la duplicité de L’Amour
Les trouvères comme les troubadours ont pu quelquefois se distancer de l’exercice courtois pour rédiger des pièces plus critiques ou satiriques sur le sentiment amoureux.
Dans la chanson médiévale du jour, Robert de Reims se prête lui-même à cet exercice. En prenant ses distances du portrait idyllique de la lyrique courtoise, il rédige là une pièce plus satirique sur l’ambivalence de l’amour et du sentiment amoureux.
On ne peut saisir le grain sans la paille. Balançant entre éloge et défiance, entre le feu et la glace, il nous dépeint avec vivacité le portrait d’un Amour tout en contradiction : grande aventure qui libère ou qui lie, qui fait vivre et fait mourir.
Qui bien vuet Amors descrivre, en vieux français originel
NB : ayant pour l’instant résisté à la tentation de l’adaptation en français actuel, nous vous fournissons quelques clés de vocabulaire pour vous aider à décrypter un peu mieux le vieux français de Robert de Reims.
Qui bien vuet Amors descrivre, Amors est et male et bone ; Le plus mesurable enyvre Et le plus sage enbricone (trompe) ; Les enprisonnez delivre Les delivrez enprisone ; Chascun fet morir et vivre Et a chascun tout (ôte) et done. Et fole et sage est Amours, Vie et morz, joie et dolors.
Amors est large et avere (prodigue et avare), S’est qui le voir en retraie (s’en éloigne) ; Amors est douce et amere A celui qui bien l’essaie ; Amors est marratre et mere, Primes bat et puis rapaie (il frappe d’abord et apaise après) Et cil qui plus le compere (contente) Est cil qui mains s’en esmaie (moins s’en étonne). Et fole et sage est Amours, Vie et morz, joie et dolors.
Amors va par aventure, Chascuns i pert et gaaigne ; Par outrage et par mesure Sane chascun et mehaigne (il soigne et blesse tout un chacun) ; Eürs et mesaventure (bonheur et malheur) Sont adès (toujours) en sa compaigne : Por c’est raisons et droiture Que chascuns s’en lot (loue) et plaigne. Et fole et sage est Amours, Vie et morz, joie et dolors.
Souvent rit et souvent pleure Qui bien aime en son corage (coeur, pensée) ; Bien et mal li queurent seure, Son preu quiert et son damage (il cherche son profit et sa perte) Et se li biens li demeure De tant a il avantage Que li biens d’une seule eure Les maus d’un an assoage 6. Et fole et sage est Amours, Vie et morz, joie et dolors.
Qui chiet en desesperance (qui sombre dans le désespoir) Por dolor ne por mal trere (pénitence, douleur) Tot a perdu sanz faillance (sans retour), Ne de cel gieu (jeu) ne set guere, Car li mal et la pesance, Les dolors et li contrere Sont de la meillor cheance (le meilleur sort qu’il puisse lui arriver). Qui bien savroit son preu fere (à celui qui sait en tirer profit). Et fole et sage est Amours, Vie et mori, joie et dolors.
La Chievre dit sanz faintise D’Amors, en la definaille, (à la fin) Qu’ensi com il la devise Ensi la trueve on sanz faille, Car cil qui Amors justise (celui que l’amour gouverne) Et qui por li se travaille (tourmente) N’en porroit en nule guise Le grain cueillir sanz la paille. Et fole et sage est Amours, Vie et nioi’i, joie et dolors.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE Pour Moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
NOTES
Les Trouvères brabançons hainuyers, liégeois et namurois, Arthur Dinaux, chez Techener Libraire (1903) ↩︎
Chansons Satiriques et Bachiques du XIIIe siècle, A. Jeanroy et A. Langfors, Ed Honoré Champion (1921) ↩︎
Histoire littéraire de la France, Tome 23 (1856) ↩︎
« Robert’s production thus allows us to discover the role of a recognized trouvère in the interplay of composition and recomposition of works through their various monophonic and polyphonic recastings. Critically, it reveals not only that some trouvères took part in the development of polyphony, but also that their involvement occurred very early in the development of the motet, even influencing the enrichment of liturgical corpora. The case of Robert de Reims jostles and tempers the standard history of the chanson and motet. » Samuel N. Rosenberg, Robert de Reims : Songs and Motets. Eglal Doss-Quinby, Gaël Saint-Cricq, Samuel N. Rosenberg (ed.), Penn State University Press (2020) ↩︎
Les chansons de Robert La Chièvre de Reims trouvère du XIIIe siècle mises en langage moderne avec leur musique et une notice sur ce poète, Madeleine Lachèvre ↩︎
Et se li biens li demeure de tant a il avantage que li biens d’une seule eure les maus d’un an assoage : Et s’il doit en attendre les bienfaits, par une seule heure de félicité il a tant d’avantage que les maux d’une année entière s’en trouvent soulagés ↩︎
Sujet : vieux-français, poésie médiévale, poésie courtoise, amour courtois, trouvères, langue d’oïl, salut d’amour, loyal amant, fine amor, complainte d’amour. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle. Auteur : anonyme Titre : Douce dame preuse et senée Ouvrage : Manuscrit Français 837 de la BnF.
Bonjour à tous,
ous revenons aujourd’hui à l’amour courtois du XIIIe siècle dans cette forme particulière que furent les Saluts d’Amour.
Ce style de poésie courtoise a été pratiqué par les troubadours du XIIe siècle, suivis des trouvères du siècle suivant. Les traces qui nous en sont parvenus sont toutefois assez rares puisqu’on dénombre à peine une vingtaine de saluts d’amour dans les manuscrits, en faisant la somme de ceux en langue d’oc et d’oïl. La poésie du jour est en vieux français et nous entraîne donc dans la France médiévale des trouvères.
Une complainte d’amour pour une douce dame
Le salut d’amour qui nous occupe ici est issu du Manuscrit Français 837. Il suit les standards du genre. Le loyal amant se déclare tout entier à la merci de la douce dame qu’il s’est choisie et en attend une réponse.
Tout au long de cette pièce courtoise, le poète lui déclare donc sa flamme en ne manquant pas de la complimenter sur tous les plans. Elle est son soleil et il n’est qu’une bien pâle lune en comparaison.
Comme souvent dans la lyrique courtoise, l’amant implore aussi merci et met sa mort dans la balance. Plutôt mourir que renoncer à son amour. Dans le cas précis, il doute de devoir en arriver à cette extrémité, confiant que la douce dame de ses désirs est si bonne et si sage qu’elle ne saurait le rejeter.
Le ms Français 837, aux sources historiques de ce Salut d’Amour
Salut d’amour « Douce dame preuse et senée » dans le ms français 837 (consulter le sur Gallica) .
A l’image des précédents saluts d’amour partagés ici, la pièce courtoise du jour est issue du manuscrit français 837 de la BnF. Ce Recueil de fabliaux, dits et contes en vers daté du dernier quart du XIIIe siècle contient un peu moins de 250 pièces en provenance de divers auteurs médiévaux.
Rutebeuf y tient une belle place avec 31 textes. Il y côtoie des pièces de Jean Bodel ou Adam de la Halle entre autres auteurs célèbres de ce manuscrit.
Comme on le voit sur la copie ci-dessus, ce manuscrit médiéval a quelque peu souffert des assauts du temps. Les conservateurs de la BnF ont œuvré au mieux pour restaurer ce trésor de littérature médiévale du Moyen Âge central mais, sur la copie digitale actuelle, certains feuillets demeurent fortement détériorés aux bordures.
De notre côté, nous l’avons légèrement retouché pour lui ôter quelques marques du temps et quelques tâches graisseuses et disgracieuses. L’idée n’étant pas de le dénaturer mais plutôt de rendre un peu de lisibilité au texte original.
Pour la version en graphie moderne, nous nous sommes appuyés sur « Le salut d’amour dans les littératures provençale et française, mémoire suivi de 8 Saluts inédits » de Paul Meyer (Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, 1867)
Douce dame preuse et senée Salut d’amour médiéval
Le vieux français de cette pièce se comprend bien dans l’ensemble, mais quelques tournures présentent tout de même certaines difficultés. Pour vous aider à les surmonter, nous vous fournissons de quelques clefs de vocabulaire.
Douce dame preuse et senée (honnête et sage) En qui j’ai mise ma pensée Et tout mon cuer entirement, Je vous salu et me present A fere vostre volenté Comme cele qui me puet santé Doner et mort quand li plera ; Mes ja voz cuers tels ne sera Que de moi pité ne vous praingne.
Fine amor le monstre et ensaigne Que chascune doit son ami Conforter (consoler), je le di por mi, C’onques puis que je vous connui Ne me vint corouz ne anui (ennui) Que por vostre douce acointance Ne le meïsse en oubliance, Ire et corouz por vous, amie. En ne porquant (cependant) je ne di mie Que je soie vostre pareil Ne que la lune est au soleil, Quar li solaus clarté commune A assez plus que n’a la lune.
Ausi avez vous l’avantage Desus moi, douce dame sage, De valor, à ce que m’assent (ce dont je m’accorde), Qu’on ne troveroit entre .c. Mieudre de vous en nule guise, Miex enseignie ne aprise, Ne qui plus bel se sache avoir D’aler, de parler, de veoir, De maintien, de cors et de chiere.
Orguilleuse n’estes ne fiere, Embatant ne de fol ator (ni impétueuse, ni empressée). Ne plus c’om porroit une tor Abatre à terre d’une seche, Ne puet on en vous trover teche (défaut), Ne visce qui face à reprendre (ni vice qui soit à critiquer) En vo cors, qui bien set entendre. Endroit de moi m’en aim trop miex Quant mes cuers veut devenir tiex Qu’en vous servir veut paruser (se consacrer entièrement) Sa vie, sanz autre amuser (duperie, distraction).
A quel chief qu’en doie venir1 Volenté n’ai que ja tenir Me doie de vous honorer ; Miex ne se porroit assener (placé) Qu’à vous mes cuers où il s’est mis. Quant par vous aurai non amis Lors aurai je tout acompli Et mon cuer sera raempli De toute joie et hors d’escil (exil). Si porrai chanter comme cil Qui dist : « D’amors et de ma dame Me vient toute joie, par m’ame. » Mais j’ai paor que trop n’atande Ma dame, qu’ele ne me rande Son confort pour issir d’esmai 2. Maint amant sovent veü ai Perir en atendant merci. Mes ja Diex ne m’en doinst issi Perir ! certes, non cuic je fere 3, Quar vous estes si debonere, Si franche de cuer, dame chiere, Que vous ne sauriez trere arriere (traire arrière, se retirer, reculer) De fere honor et cortoisie.
Franche riens (noble personne, noble créature), et je m’umelie (humilier) Et vous pri merci et requier, Quar nule riens (nulle chose) je n’ai tant chier Comme vous, si me retenez A vostre homme, hommage en prenez Tel comme vous le voudrez prendre Et se vous m’i veez mesprendre (fauter, mal agir) Si en prenez vostre venjance, Que d’autre ne criem penitance (que d’autre que moi ne craigne pénitence). Se je onque riens vous mesfis, (si je vous fis jamais du tort) Com cil qui est d’amors seurpris (sous le trouble de l’amour), Je m’en rent et mat (vaincu) et confus ; Riens n’en dout tant comme le refus De vous, ainçois la mort m’aherde (mais que plutôt la mort survienne), C’onques nus ne fist si grant perte Com j’auroie fet se perdoie Vostre amor dont j’atent la joie.
Congié praing, à Dieu vous commant. Encore vous salu et remant Que vous me mandez et commandez Vo volenté, et entendez A moi geter de cest martire. Tout mon cuer ne vous puis escrire, Mes je pri Dieu si fetement Come je ne vous aim faintement 4, Que de vous m’envoit joie entiere. Douce dame oiez ma proiere.
Explicit le Salu d’Amors et Complainte.
Découvrez d’autres saluts d’amour traduits et commentés.
NB : pour l’illustration et son enluminure, nous vous proposons une nouvelle enluminure du célèbre Codex Manesse. Bel ouvrage enluminé du début du XIVe siècle, le Manessische Handschrift est aussi un des plus célèbres recueil de poésies de ménestrels de langue allemande qui nous soit parvenu. Il est aujourd’hui sous la bonne garde de la Bibliothèque universitaire de Heidelberg
En vous souhaitant une belle journée Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Notes
« A quel chief qu’en doie venir » : A quel chief, à quelle fin. Autrement dit Quelle que soit la fin recherchée, dans tous les cas,… ↩︎
« Mais j’ai paor que trop n’atande ma dame, qu’ele ne me rande son confort pour issir d’esmai » : Il a peur que la dame ne tarde trop à lui accorder sa consolation afin qu’il puisse échapper enfin au trouble et à l’émotion dans laquelle il est plongé. ↩︎
« Certes, non cuic je fere » : sérieusement je ne crois pas non plus avoir à le faire. Elle est trop bonne pour retirer son engagement et le laisser périr. ↩︎
« Come je ne vous aim faintement » : il l’aime entièrement et sans feindre ↩︎
Sujet : Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracle, Sainte-Marie, colère, blasphème, joueur de dés, Catalogne. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle. Auteur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Cantiga de Santa Maria 154 « Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fillo » Interprète : Música Antigua et Eduardo Paniagua, Cantigas De Catalunya (2007)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous voguons vers le XIIIe siècle et le Moyen Âge central avec l’étude de la Cantiga de Santa Maria 154. Au cœur de l’Espagne médiévale, le roi Alphonse X de Castille compila plus de 400 récits de miracles et chants de Louange à la vierge Marie.
Issu d’une lignée de rois lettrés, Alphonse le Sage aimait s’adonner à la poésie et à l’écriture. Il composa et mit en musique lui-même une partie de ces cantigas de Santa Maria. Pour l’ensemble du corpus, des troubadours et musiciens de sa cour apportèrent aussi leur contribution.
La plupart des miracles relatés dans les cantigas de Santa Maria ont pour origine des lieux de pèlerinage de l’Europe médiévale mais certains proviennent aussi de destinations plus lointaines (Afrique, Proche-Orient, …).
Témoin de l’importance du culte marial au Moyen Âge central, tout autant que de la musique de cette période, le corpus des chants à Sainte-Marie d’Alphonse X est encore largement joué sur la scène des musiques anciennes et médiévales. Nous espérons que le fait de détailler leurs partitions et traductions, en y associant des versions musicales par les plus grands ensemble de la scène médiévale contribuera à les faire mieux connaître mais aussi jouer.
La Cantiga de Santa Maria 154 et ses enluminures dans le Codice Rico de l’Escurial (consulter en ligne)
Le Miracle de la cantiga de Santa Maria 154
La Cantiga de Santa Maria 154 se déroule en Catalogne. Elle a pour théâtre les abords d’une église dédiée à Sainte Marie et met en scène un groupe de joueurs de dés. Parmi eux, un joueur de dés malchanceux et coutumier du fait tente à nouveau sa chance.
Le joueur de dés malchanceux se saisit d’une arbalète
Ayant perdu une fois de plus, l’infortuné succombera à la colère. Dans son emportement, il décidera de tirer un trait d’arbalète en direction du ciel pour rendre à Dieu ou à la vierge la monnaie de leur pièce pour sa propre malchance. La flèche sera perdue de vue. Revenu à son occupation, le joueur et son auditoire auront la surprise de voir choir du ciel la flèche ensanglantée. Elle viendra même se ficher directement dans le plateau de jeu éclaboussant le plateau de sang et suscitant l’épouvante du joueur comme de l’assistance.
Le sang était-il celui de Dieu ou de la vierge ? Comme on le verra, il s’agit bien plutôt une leçon pour apprendre à l’intéressé à se méfier de son vice et de ses colères, comme de ses intentions violentes et blasphématoires.
Terrifié par son acte et ses conséquences, le joueur rentrera sur le champ dans les ordres. Ayant opté pour une voie monastique et d’ascèse, il trouvera finalement le salut après une vie plus rangée et, on l’imagine, loin des blasphèmes et des jeux de dés.
Au Moyen Âge central, les miracles ouvrent constamment des portes vers le surnaturel et rien ne semble freiner le pouvoir de Marie et ses manifestations dans le monde temporel.
Dans un geste de colère il tire une flèche en direction de Dieu et de la Vierge, qui retombe ensanglantée
Autres miracles des cantigas sur les joueurs de dés
Ce n’est pas la première fois que les cantigas de Santa Maria nous présentent un miracle marial lié au jeu. On se souvient notamment du ménestrel et joueur de dés invétéré de la Cantiga de Santa Maria 238.
Dans ce récit très similaire à celui du jour, ce féru de jeu ne cessait de blasphémer et de fustiger Dieu et la Sainte pour sa malchance. Emporté par la passion du jeu, il s’en prit à un religieux qui lui conseillait de faire pénitence. Ayant blasphémé et défié l’homme de foi, une fois de trop, le joueur finit emporté en pleine lumière par le démon, tout droit jusqu’aux enfers. S’il est, lui aussi, victime de propre colère, le joueur de la Cantiga de Santa Maria 154 trouvera, après une leçon plutôt sanglante, un peu plus de clémence.
Dans la même veine, on trouve encore la Cantiga de Santa Maria 163. Ici, un joueur de dés de Huesca ayant tout perdu reniera la sainte, la rendant coupable de sa déroute. L’affaire lui vaudra de se trouver paralysé sur le champ et de perdre totalement l’usage de la parole. Il lui faudra beaucoup de repentance et rien moins qu’un pèlerinage pour obtenir la clémence de Marie et recouvrer l’usage de ses membres et de sa langue. Moralité : si le jeu d’argent ne paye pas, le blasphème paye encore moins.
Dans les trois cas, il est intéressant de relever que c’est la colère et l’attitude blasphématoire des joueurs qui les condamnent, plus que le jeu en lui-même.
Converti à la suite de ce miracle, le joueur de dés trouvera finalement le salut et le pardon à sa mort
Au Moyen Âge, les jeux de dés sont extrêmement populaires et on les croise à la taverne comme dans la littérature. Entre tricheries (les pipeurs de dés de Villon), addiction ou malchance (la Grièche d’Hiver de Rutebeuf), ils auront causé la déroute de plus d’un homme médiéval, sans même que les miracles s’en mêlent.
Cantiga 154 & enluminures du Codice Rico
Pour les sources historiques de la Cantiga 154, nous avons choisi, tout au long de cet article, le très beau Codice Ricode la Bibliothèque de l’Escurial et ses enluminures (Manuscrit MS T.I.1).
On retrouve également cette cantiga et sa partition dans le Códice de los músicos conservé lui aussi à l’Escurial. Ci-contre, voici la partition de la Cantiga 154 telle qu’on peut la trouver dans ce dernier manuscrit.
Pour la version en musique, nous avons puisé, une fois de plus, dans l’impressionnant travail de restitution des Cantigas de Santa Maria par Eduardo Paniagua et sa formation Música Antigua.
L’impressionnant tribut d’Eduardo Paniagua aux Cantigas de Santa Maria
Passionné de musiques anciennes, le musicien et directeur Eduardo Paniagua accompagné de sa formation Música Antigua entreprit, un jour, l’ambitieux projet d’enregistrer l’ensemble des Cantigas de Santa Maria. Il lui fallut près de 30 ans pour y parvenir et cela donna lieu à de nombreux albums classés par thèmes abordés ou par région.
Les cantigas de Santa Maria en Catalogne avec Música Antigua
C’est en 2007 que sortit l’album d’Eduardo Paniagua dédié aux Cantigas de Santa Maria ayant pour cadre la Catalogne. Intitulée « Cantigas De Catalunya, Abadía de Montserrat, Alfonso el Sabio 1221-1284 » (Chants de Catalogne, abbaye de Montserrat, Alphonse le Sage), cette production propose 9 titres à la façon du directeur espagnol dont celui du jour. Sa durée totale d’écoute est de 75 minutes.
Il ne semble pas que cet album ait été réédité aussi pour vous le procurer au format CD, voyez avec votre disquaire favori. Sans cela, vous pourrez le trouver au format MP3 sur certaines plateformes légales de streaming. Voici un lien utile à cet effet : téléchargez l’album Cantigas De Catalunya d’Eduardo Paniagua.
Musiciens ayant participé à cet album
César Carazo (chant, alto), Luis Antonio Muñoz (chant, fidule), Felipe Sánchez (luth, citole, vièle), Jaime Muñoz (cornemuse, flaviol, tarota, axabeba, tambour), David Mayoral (darbouka, dumbek, tambourin), Eduardo Paniagua (psaltérion, flûte à bec, cloche, darbouka, gong, rochet, hochets, hochet, goudron) et direction.
La cantiga de Santa Maria 154 en galaïco-portugais & sa traduction française
Como un tafur tirou con ũa baesta ũa saeta contra o céo con sanna porque perdera, e cuidava que firiría a Déus ou a Santa María.
Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança, que porque i non dultemos, a vezes faz demostrança.
Celle-ci (cette Cantiga) relate comment un joueur en colère tira une flèche contre le ciel car il avait perdu, pensant ainsi blesser Dieu ou Sainte-Marie.
Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, qu’elle le démontre de nombreuses fois afin que nous n’en doutions pas.
Desto mostrou un miragre grand’ e fórte e fremoso a Virgen Santa María contra un tafur astroso que, porque perdía muito, éra contra Déus sannoso, e con ajuda do démo caeu en desasperança. Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança…
A ce sujet, elle montra un miracle aussi grand que beau et impressionnant, La vierge Sainte-Marie, contre un joueur malchanceux Qui, parce qu’il perdait beaucoup, était en colère contre Dieu, Et, par l’influence du Démon, était tombé dans le désespoir. Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …
Esto foi en Catalonna, u el jogava un día os dados ant’ ũ’ eigreja da Virgen Santa María; e porque ía perdendo, creceu-lle tal felonía que de Déus e de sa Madre cuidou a fillar vingança. Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança…
L’histoire survint en Catalogne, un jour qu’il était en train de jouer Aux dés devant une Eglise de Sainte-Marie ; Et comme il était en train de perdre, il lui vint une telle colère Qu’il pensa pourvoir se venger de Dieu et de sa mère. Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …
E levantou-se do jógo e foi travar mui correndo lógo en ũa baesta que andava i vendendo un corredor con séu cinto e con coldre, com’ aprendo, todo chẽo de saetas; e vẽo-ll’ ên malandança. Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança…
Ainsi, il se leva de la table de jeu et courut pour se saisir D’une des arbalètes que vendait, non loin de là, Un soldat, avec sa ceinture et son carquois (comme on me l’a l’appris) rempli de flèches ; et le joueur fit cela par pure disgrâce (mauvaise conduite), Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …
E pois armou a baesta, disse: “Daquesta vegada ou a Déus ou a sa Madre darei mui gran saetada.” E pois que aquesto disse, a saet’ houve tirada suso escontra o céo; e fez mui gran demorança
Et alors il arma l’arbalète, en disant : « Cette fois Je ferai une très grande blessure à Dieu ou à sa mère. » Et une fois qu’il eu dit cela, il tira la flèche En direction du ciel ; et celle-ci disparût et tarda beaucoup
en vĩir; e el en tanto, assí como de primeiro, fillou-s’ a jogar os dados con outro séu companneiro. Entôn deceu a saeta e feriu no tavoleiro, toda cobérta de sángui; e creede sen dultança
A retomber ; et pendant ce temps, l’homme retourna à ses occupations, Il se remit à jouer aux dés avec un autre de ses compagnons. Et alors, la flèche retomba et vint se planter sur le plateau de jeu, Toute couverte de sang ; et vous pouvez me croire sans douter Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …
Que sanguent’ o tavoleiro foi. E quantos i estavan En redor veend’ o jógo fèrament’ ên s’ espantavan, Ca viían fresc’ o sángui e caent’, e ben cuidavan que algún deles ferido fora d’ espad’ ou de lança. Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança…
Que le plateau se trouva tout ensanglanté, et tous ceux qui étaient Là autour, à regarder le jeu, en furent épouvantés, Car en voyant tout ce sang frais et chaud, ils pensèrent Que l’un deux avait été blessé par une épée ou une lance. Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …
Mais depois que entenderon que esto assí non éra e que o sang’ a saeta ben do céo adusséra, e nembrou-lle-la paravla que ant’ o tafur disséra, houvéron mui grand’ espanto. Mas o tafur sen tardança
Mais quand ils comprirent que ce n’était pas le cas Et que le sang de la flèche provenait bien du ciel, Ils se souvinrent des mots qu’avait prononcé le joueur, Et alors leur terreur fut plus grande encore. Mais le joueur, sans attendre,
fillou mui gran pẽedença e entrou en ôrdin fórte, fïand’ en Santa María, dos pecadores conórte. E assí passou sa vida; e quando vẽo a mórte, pola Madre de Déus houve salvament’ e perdõança. Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança…
Fit pénitence et rentra dans un ordre religieux très stricte En mettant sa confiance dans Sainte Marie qui est le réconfort des pécheurs. Et il passa sa vie ainsi et quand vint la mort Par la mère de Dieu, il obtint le pardon et le salut. Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …
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