Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales
Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …
Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.
En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.
Sujet : poésie réaliste, poésie satirique, poèsie médiévale Auteur : François Villon Titre : les regrets de la belle heaulmière Période : moyen-âge tardif Interprète : Georges Brassens, 1967 Média : lecture audio, film d’animation. Ina
Trois maîtres réunis autour d’une belle heaulmière en peine
Bonjour à tous,
‘espère que ce petit billet de blog médiéval, vous trouve en joie. Nous continuons de chercher autour de Georges Brassens et de Villon et aujourd’hui, nous vous proposons une pièce de choix. C’est une lecture audio pas une chanson, mais du même coup, peut-être y gagne-t’on encore en proximité avec le texte, et c’est aussi un peu comme si l’influence du grand Villon sur le non moins grand Brassens se faisait ici plus intime. C’est, cette fois-ci, « les regrets de la belle heaulmière », une poésie profonde sur le passage du temps sur le corps que Brassens nous proposait et comme c’est lui qui en faisait la lecture, le ton est juste et intelligent. Tout est à sa place et le texte est là, sans fausse émotion et dans toute sa vérité. Merci Brassens et merci l’INA!
En écho à l’art poétique et réaliste de François Villon, Auguste Rodin fera jaillir de ses mains, en 1887, cette belle courtisane, ayant pris de l’âge et souffrant des meurtrissures du temps et nous ne pouvions résister à partager ici une photographie de l’oeuvre de cet autre immense artiste et cette sculpture « celle qui fût la belle heaulmière » qui répondait à Villon plus de quatre siècles plus tard.
Les regrets de la belle heaulmière,
poésie de François Villon
Advis m’est que j’oy regretter La belle qui fut heaulmière, Soy jeune fille souhaitter Et parler en ceste manière :
« Ha ! vieillesse felonne et fière, Pourquoy m’as si tost abatue ? Qui me tient que je ne me fière, Et qu’à ce coup je ne me tue ?
« Tollu m’as ma haulte franchise Que beauté m’avoit ordonné Sur clercz, marchans et gens d’Eglise : Car alors n’estoit homme né Qui tout le sien ne m’eust donné, Quoy qu’il en fust des repentailles, Mais que luy eusse abandonné Ce que reffusent truandailles.
« A maint homme l’ay reffusé, Qui n’estoit à moy grand saigesse, Pour l’amour d’ung garson rusé, Auquel j’en feiz grande largesse. A qui que je feisse finesse, Par m’ame, je l’amoye bien ! Or ne me faisoit que rudesse, Et ne m’amoyt que pour le mien.
« Jà ne me sceut tant detrayner, Fouller au piedz, que ne l’aymasse, Et m’eust-il faict les rains trayner, S’il m’eust dit que je le baisasse Et que tous mes maux oubliasse ; Le glouton, de mal entaché, M’embrassoit… J’en suis bien plus grasse ! Que m’en reste-il ? Honte et peché.
« Or il est mort, passé trente ans, Et je remains vieille et chenue. Quand je pense, lasse ! au bon temps, Quelle fus, quelle devenue ; Quand me regarde toute nue, Et je me voy si très-changée, Pauvre, seiche, maigre, menue, Je suis presque toute enragée.
« Qu’est devenu ce front poly, Ces cheveulx blonds, sourcilz voultyz, Grand entr’œil, le regard joly, Dont prenoye les plus subtilz ; Ce beau nez droit, grand ne petiz ; Ces petites joinctes oreilles, Menton fourchu, cler vis traictis, Et ces belles lèvres vermeilles ?
« Ces gentes espaules menues, Ces bras longs et ces mains tretisses ; Petitz tetins, hanches charnues, Eslevées, propres, faictisses A tenir amoureuses lysses ; Ces larges reins, ce sadinet, Assis sur grosses fermes cuysses, Dedans son joly jardinet ?
« Le front ridé, les cheveulx gris, Les sourcilz cheuz, les yeulx estainctz, Qui faisoient regars et ris, Dont maintz marchans furent attaincts ; Nez courbé, de beaulté loingtains ; Oreilles pendans et moussues ; Le vis pally, mort et destaincts ; Menton foncé, lèvres peaussues :
« C’est d’humaine beauté l’yssues ! Les bras courts et les mains contraictes, Les espaulles toutes bossues ; Mammelles, quoy ! toutes retraictes ; Telles les hanches que les tettes. Du sadinet, fy ! Quant des cuysses, Cuysses ne sont plus, mais cuyssettes Grivelées comme saulcisses.
« Ainsi le bon temps regretons Entre nous, pauvres vieilles sottes, Assises bas, à croppetons, Tout en ung tas comme pelottes, A petit feu de chenevottes, Tost allumées, tost estainctes ; Et jadis fusmes si mignottes !… Ainsi en prend à maintz et maintes. »
La mignonne et sa rose de Ronsard viennent encore à l’esprit en réécoutant ou relisant ce texte de Villon, même si la puissance réaliste et évocatrice de la poésie de ce dernier ne trouve guère d’égal. Réjouissons-nous tout de même contre cette vieille Heaulmière que la beauté ne soit pas que dans les atours de la chair.
Une bonne journée à tous!
Fred
pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : poésie médiévale, poésie réaliste et satirique, musique, troubadour Auteur : François Villon (1431-1463) Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle Titre : ballade des dames du temps jadis, les neiges d’Antan Interprète : Georges Brassens
« On a tellement voulu faire de moi l’élève de François Villon qu’il a bien fallu au bout d’un moment que j’en fasse mon maître. »
Georges Brassens
Bonjour à tous,
ien qu’on est fait de Villon le maître de Brassens chose à laquelle ce dernier s’est finalement plié d’une certaine manière pour l’avoir découvert après coup, on doit à feu notre troubadour poète anticonformiste et empêcheur de tourner en rond national peu de textes chantés de François Villon. Brassens a toujours finalement préféré chanter sa propre poésie et on ne peut l’en blâmer, vue la grande qualité de sa plume et son amour de la langue française.
Dans le répertoire de Villon, il n’a pas pris les textes les plus caustiques là où finalement tous aurait pu l’attendre, mais il a choisi ces belles neiges d’antan ou cette ballade des dames du temps jadis, cette poésie où françois Villon fait référence aux dames du temps jadis.
Comme toute chose écrite de Villon, nous la livrons ici entière sans nous perdre dans des explications de texte à n’en plus finir sur les références qu’elle contient. Il est intéressant de savoir que ce texte remis dans son contexte est suivi d’une autre ballade sur les seigneurs du temps jadis faite dans le même esprit. Villon à la recherche des grands esprits de son temps semble ne pas en trouver et la satire est surement entre ces lignes là.
Paroles de la ballade des dames du temps jadis, de François Villon
Dictes−moy où, n’en quel pays, Est Flora, la belle Romaine; Archipiada, ne Thaïs, Qui fut sa cousine germaine; Echo, parlant quand bruyt on maine Dessus rivière ou sus estan, Qui beauté eut trop plus qu’humaine? Mais où sont les neiges d’antan!
Où est la très sage Heloïs, Pour qui fut chastré et puis moyne Pierre Esbaillart à Sainct−Denys? Pour son amour eut cest essoyne. Semblablement, où est la royne Qui commanda que Buridan Fust jetté en ung sac en Seine? Mais où sont les neiges d’antan!
La royne Blanche comme ung lys, Qui chantoit à voix de sereine; Berthe au grand pied, Bietris, Allys; Harembourges, qui tint le Mayne, Et Jehanne, la bonne Lorraine, Qu’Anglois bruslèrent à Rouen; Où sont−ilz, Vierge souveraine?… Mais où sont les neiges d’antan!
ENVOI Prince, n’enquerez de sepmaine Où elles sont, ne de cest an, Que ce refrain ne vous remaine: Mais où sont les neiges d’antan!
Une très belle journée à tous.
Fred
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Sujet : musique, danse, chanson et poésie médiévale, troubadours Titre : Kalenda maïa, Kalenda maya (Calenda) Auteur : Raimbaut de Vaqueiras, Période : moyen-âge central, XII, XIIIe Interprètes : Clemencic Consort , René Zosso , Album : Troubadours, Harmonia Mundi
Bonjour à tous,
n peu de danse, musique et poésie à la fois, aujourd’hui, avec la chanson célèbre Kalenda Maia. C’est de circonstance puisque nous sommes arrivés aux calendes de mai dont le chant nous parle, soit les premiers jours de ce mois ; contrairement à ce qu’on pourrait quelquefois le crois, rien à voir avec le calendrier maya.
« Ni les calendes de Mai Ni les feuilles de hêtres, Ni les chants d’oiseaux, ou les glaïeuls fleuries Ne sont de mon goût, O noble et joyeuse dame, Jusqu’à ce qu’un messager de la flotte envoyé par votre belle personne vienne me conter de nouveaux plaisirs d’amour et de joie que vous m’apportez » Raimbaut de Vaqueiras, Calendes de mai.
L’estampie : danse médiévale
des XIIe au XIVe siècles
On dit de cette chanson qu’elle a été chantée et même improvisée par le troubadour Raimbaut de Vaqueiras (1150 – 1207) sur la musique d’une estampie qui existait déjà. L’estampie est une danse du moyen-âge qui a été assez populaire du XIIIe siècle jusqu’au XIVe siècle. On la suppose née en France d’où elle s’est répandue jusqu’en Angleterre où elle a connu une grande popularité. Concernant le morceau que nous partageons aujourd’hui, c’est, à ce jour, une des plus ancienne estampie connue qui nous soit parvenue (cf universalis). On notera que cette chanson a été également interprété par le troubadour italien Angelo Branduardi sur son album » « Futuro Antico ». Rien d’étonnant quand on sait qu’en son temps Raimbaut de Vaqueiras fut au moins aussi populaire en Italie qu’en Provence sinon plus.
L’album « Troubadours » du Clemencic Consort
avec René Zosso
Pour la version que nous partageons aujourd’hui, elle est interprétée par le Clemencic Consort, accompagné de René Zosso. Au moment de la publication initiale, nous ne l’avions pas identifiée, aussi merci au visiteur qui a su rappeler à notre attention ce manque dans cet article ! C’était un des rares pour lequel nous n’avions pas l’interprète et l’occasion ne nous avait pas été donnée d’y revenir depuis sa parution. C’est chose faite, grâce à lui aussi merci encore.
On peut retrouver cette chanson, aux côtés d’autres pièces en langue occitane, dans l’album Troubadours de l’excellent Ensemble médiéval de René Clémencic : Raimbaut de Vaqueiras y côtoie Bernart de Ventadorn, Peirol, Peire Vidal, et encore une composition demeurée anonyme du XIIe siècle. Enregistré en 1977, l’album a fait, depuis, l’objet de diverses rééditions. A ce jour, il est encore disponible à la vente en ligne au format vinyle mais aussi au format dématérialisé : lien utile pour plus d’information ici.
Précisons qu’on peut trouver de nombreuses interprétations de Kalenda Maya, mais nous cherchions quelque chose de plus épuré qui puisse un peu nous rapprocher du contexte de sa création originale. Cette version qui reflète du reste bien l’esprit et le travail habituel de ce très bel ensemble médiéval sort clairement du lot.
Raimbaut de Vaqueiras :
guerrier, chevalier et troubadour
Fils d’un chevalier de Provence de petite noblesse et désargenté, les talents de jongleur et troubadour que Raimbaut de Vaqueiras (Vaucluse) développa assez vite le firent admettre à la cour de Guillaume des Baux, prince d’Orange, où il put développer son art du chant et de la poésie tout en apprenant le maniement des armes. Il passa, par la suite, à la cour de Boniface de Montferrat où il demeura, semble-t-il, la plus grande partie de sa vie. Il resta attaché au service de ce dernier dont il fut le vassal et qui le fit aussi chevalier, Entre autres campagnes et batailles, il accompagna notamment le Marquis de Montferrat, à l’occasion de la quatrième croisade.
Raimbaut de Vaqueiras a laissé une œuvre qui se compose de trente trois poésies lyriques mais également d’une « lettre épique » adressée à Boniface et dans laquelle il conte, en plus de deux cent pieds de vers, sa vie de Chevalier et de troubadour. Ce document reste, à ce jour, un des seuls témoignages autobiographiques, écrit de la main d’un troubadour, connu historiquement (cf The Poems of the Troubadour Raimbaut de Vaqueiras by Joseph Linskill, Charles Roth, Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance).
Fait qui mérite encore d’être souligné, on lui doit encore une poésie de cinq strophes dont chacune d’entre elle est écrite dans une langue différente : occitan, français, italien, gascon, galeïco-portugais et on dit encore de lui qu’il est un des troubadours qui aura le plus fait pour acclimater son art et la langue provençale dans la péninsule italienne! (ci-dessus Raimbaut de Vaqueiras, enluminures, BnF, Manuscrit 854, Recueil de poésies, en provençal, de troubadours, XIIIe siècle )
Outre le destin exceptionnel de cet homme, issu de famille pauvre et de petite noblesse, finalement adoubé et fait chevalier, Raimbaut de Vaqueiras fut aussi un des premiers troubadours à se rendre populaire dans les cours d’Italie du nord. On lui prête des talents qui vont de la poésie et l’art du troubadour jusqu’aux arts guerriers et on se trouve bien en peine de choisir celui qui le distingue le plus tant il montre des qualités dans les deux domaines. De sa mort, on sait peu de chose et on suppose qu’il est peut-être mort au combat, aux côtés de son suzerain lors d’une bataille qui opposait ce dernier aux bulgares pour défendre son royaume de Romanie.
Les paroles et l’histoire de la Chanson:
Un chant d’amour courtois.
Comme tous les troubadours, Rambaut de Vaqueiras était un provençal. Sa langue est donc, comme celle des troubadours, l’occitan. Nous n’avons pas cette langue dans notre besace et les langues latines que nous possédons sont de peu d’aide pour approcher la traduction de l’occitan. Concernant Kalenda Maya, nous en avons trouvé, pour l’instant une traduction anglaise et une autre italienne. A ce jour, il semble bien en effet que la bible des textes de Raimbaut de Vaqueiras et leur traduction soit anglaise : « The Poems of the Troubadour Raimbaut de Vaqueiras. By Joseph Linskill ». Pour le coup, une telle traduction reste un peu du billard indirect et ne saurait atteindre des sommets en terme d’excellence linguistique, mais cela aura le mérite de nous donner une idée du texte original à défaut de prétendre lui être totalement fidèle. Il faudra toutefois un peu de temps pour arriver au résultat et je la posterais plus tard dans le temps..
En deux mots quand même, et pour ne pas vous laisser trop sur votre faim, l’histoire est un chant d’amour courtois. Le troubadour y déclare donc sa flamme douloureuse à la belle dame qu’il convoite et qu’il n’a pas encore « pécho », conquise pardon! Le voilà donc tout à ses tourments dans l’attente d’un messager aux premiers jours de mai, et même les chants d’un oiseau, les glaïeuls en fleur ou les belles feuilles de hêtres ne peuvent le soustraire à son supplice. Tremblant qu’on ne lui prenne la belle Béatrice avant même qu’elle ne soit à lui mais confiant en ses grandes vertus, il lui déclare son amour transis tout au long du chant. Pour l’anecdote, on ne sait pas vraiment qui était cette dame Béatrice mais plusieurs poèmes de Raimbaut de Vaqueiras y font référence après qu’il ait rejoint la cour de Montferrat.
Les paroles originales de Calenda Maïa, (Kalenda Maïa) en occitan
Kalenda maia Ni fueills de faia Ni chans d’auzell ni flors de glaia Non es qe.m plaia, Pros dona gaia, Tro q’un isnell messagier aia Del vostre bell cors, qi.m retraia Plazer novell q’amors m’atraia E jaia, E.m traia Vas vos, donna veraia, E chaia De plaia .l gelos, anz qe.m n’estraia.
Ma bell’ amia, Per Dieu non sia Qe ja.l gelos de mon dan ria, Qe car vendria Sa gelozia, Si aitals dos amantz partia; Q’ieu ja joios mais non seria, Ni jois ses vos pro no.m tenria; Tal via Faria Q’oms ja mais no.m veiria; Cell dia Morria, Donna pros, q’ie.us perdria.
Con er perduda Ni m’er renduda Donna, s’enanz non l’ai aguda Qe drutz ni druda Non es per cuda; Mas qant amantz en drut si muda, L’onors es granz qe.l n’es creguda, E.l bels semblanz fai far tal bruda; Qe nuda Tenguda No.us ai, ni d’als vencuda; Volguda, Cresuda Vos ai, ses autr’ajuda.
Tart m’esjauzira, Pos ja.m partira, Bells Cavalhiers, de vos ab ira, Q’ailhors no.s vira Mos cors, ni.m tira Mos deziriers, q’als non dezira; Q’a lauzengiers sai q’abellira, Donna, q’estiers non lur garira: Tals vira, Sentira Mos danz, qi.lls vos grazira, Qe.us mira, Cossira Cuidanz, don cors sospira.
Tant gent comensa, Part totas gensa, Na Beatritz, e pren creissensa Vostra valensa; Per ma credensa, De pretz garnitz vostra tenensa E de bels ditz, senes failhensa; De faitz grazitz tenetz semensa; Siensa, Sufrensa Avetz e coneissensa; Valensa Ses tensa Vistetz ab benvolensa.
Donna grazida, Qecs lauz’ e crida Vostra valor q’es abellida, E qi.us oblida, Pauc li val vida, Per q’ie.us azor, donn’ eissernida; Qar per gencor vos ai chauzida E per meilhor, de prez complida, Blandida, Servida Genses q’Erecs Enida. Bastida, Finida, N’Engles, ai l’estampida.
Voilà, pour la traduction complète en français, ce sera pour un peu plus tard. 🙂
En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : poésie médiévale, poésie satirique, poésie réaliste Auteur ; Villon, encore Villon, toujours Villon Médias : vidéo youtube, lectures poétiques Titre : la ballade des pendus Période : moyen-âge tardif Interprète :Gérald Robert, comédien voix-off
Lecture poésie médiévale: la ballade des pendus de François Villon
Bonjour à tous,
uel plaisir de se lever matin et relevant ses courriers d’y trouver un message qui nous parle de François Villon et qui, même mieux que simplement nous en parler, nous le dit.
Un visage sur une voix-off
Gérald Robert qui nous fait, aujourd’hui, l’amitié de ce partage est comédien « voix off » mais comme une voix, cache toujours une âme et un corps, il est bien sûr, avant tout, comédien et publie également des vidéos youtube où il se met en scène. Et quand il ne lit pas du François Villon ou des textes (nul doute que d’autres sont en préparation), il prête sa voix et son sens de la comédie à divers supports et médias: radios, publicités, corporate, documentaires, lectures audios, etc… Dans un projet sorti en août dernier, il a même incarné la voix du souverain pontife François pour une lecture audio de son encyclique. Le voilà devenu officiellement un des papes de la voix off! Peut-être d’ailleurs l’avez-vous déjà entendu sans le voir, c’est tout le mystère de son art. En bref, gardez à l’oeil et à l’oreille ce comédien des temps modernes qui fait, aujourd’hui, revivre pour nous Villon dans cette interprétation de la ballade des pendus.
Priez Dieu que tous nous veuille absoudre
a ballade des pendus ou l’épitaphe de Villon est sans nul doute le texte le plus connu de notre plus cher poète du XVe siècle et de la fin du moyen-âge. Léo Ferré a porté cette poésie, nous en avons déjà parlé dans un article sur le sujet, mais d’une certaine manière, bien au delà du phrasé du bel anarchiste grisonnant et révolté du Paris des années soixante, soixante-dix, l’entêtante et merveilleuse litanie de Villon continue de vivre dans nos mémoires et de s’y accrocher. Cela tient sans nul doute au fait que plus qu’une poésie réaliste qui nous conte la déroute et le châtiment de ces pendus que les misères poursuivent jusqu’après leur mort, l’épitaphe reste et sera pour toujours, une prière que Villon adresse pour nous tous.
Le gibet de Montfaucon et le temps des pendaisons
« Les hautes justices locales, dit M. A. Champollion-Figeac, pouvaient élever autant de fourches qu’elles désiraient en établir. Les ordonnances du roi Jean, de 1345 et de 1356, paraissent suffisamment l’indiquer. Mais le sage monarque Charles V y ajouta un privilège nouveau pour certaines localités, celui d’avoir des fourches patibulaires à deux piliers. Eugène Viollet le Duc,
Dictionnaire raisonné d’architecture médiévale, XIXe siècle
ette illustration (ci-dessous) de l’impressionnante fourche patibulaire de Montfaucon est tirée de l’incontournable Dictionnaire raisonné d’archi-tecture médiévale d’Eugène Viollet le Duc, On pouvait voir ce gibet, frappé de gigantisme, au bord de la route et à l’approche du domaine quand la justice donnait encore en spectacle public ses punitions et ses sentences, Les premières traces de ce monument remontent au XIIe siècle mais il a perduré jusque tard dans le XVe siècle. il reste, à ce jour, l’ouvrage le plus monumental connu dédié à la pendaison ou à la suspension des condamnés, mais les fourches patibulaires ont été populaires et répandues sur tout le territoire de France pendant de longs siècles.
Je ne cite pas tout à fait innocemment le Gibet de Montfaucon, car outre le fait qu’il aurait peut-être inspiré la ballade des pendus, on attribue encore à Villon une autre poésie moins connue le concernant: la Repeue faîte auprès de Montfalcon. Si l’on se fie à ce texte largement plus grivois et que nous aurons certainement l’occasion de partager ici, il semble que non loin de ce genre d’endroits que l’on venait quelquefois même contempler avec ses enfants pour les éduquer (cf Catherine de Médicis qui « pour repaître ses yeux, l’alla voir un soir et y mena ses fils, sa fille et son gendre. » Viollet le Duc), on trouvait encore dans les parages des gibets, et notamment celui-ci, quelques lieux de plaisirs achetés et de perdition.
Plus étonnant et anecdotique encore, on ne pendait pas que des humains sur les fourches patibulaires et les gibets, mais également des animaux condamnés. Jugez plutôt :
« Les fourches patibulaires ne servaient pas seulement à pendre des humains, on y suspendait aussi des animaux, et notamment des porcs, condamnés à ce genre de supplice à la suite de jugements et arrêts rendus pour avoir dévoré des enfants. En cas pareil, les formalités judiciaires du temps étaient scrupuleusement suivies, et, comme il était d’usage de pendre les condamnés vêtus de leurs habits, on habillait les animaux que l’on menait au gibet. « En 1386, une sentence du juge de Falaise condamna une truie à être pendue pour avoir tué un enfant. Cette truie fut exécutée sur la place de la ville, en habit d’homme… »
Citation de M. E. Agnel par Eugène Viollet le Duc (opus cité)
C’est vraiment à me donner des idées d’écrire un roman et je pense d’ailleurs que cela sera le prochain: « L’histoire de la truie meurtrière pendue en habits de notaire ». De grâce, si vous êtes notaire, ne m’en voulez pas de « Brassensiser » un peu à vos dépens, mais il s’agit ici de poésie satirique et en plus, il me fallait une rime pour faire un bon titre.
Supplices et sentences : la justice jusque dans les chairs et jusque dans l’au-delà
ous n’allons pas prétendre réécrire, ici, en deux lignes, les longues et passionnantes pages de « Surveiller et punir » du brillant Michel Foucault quand il nous parle de ces sociétés médiévales et monarchiques, qui marquent les suppliciés de leur justice jusque dans leurs chairs et qui mettent en scène leurs souffrances de manière publique; cette idée qu’alors, s’attaquer aux lois c’est s’attaquer au corps sacré du roi (ou du seigneur) qui les personnifie et les incarne, comme il incarne l’Etat. Mais, des premières fourches patibulaires médiévales aux gibets les plus récents de la période monarchique, il y a, indéniablement, dans la symbolique et la scénarisation de cette justice du passé, la volonté d’exposer un pouvoir qui se perpétue de manière symbolique jusque sur le plan de la mystique. D’une certaine manière, ces pendus que Villon nous décrit si bien semblent véritablement poursuivis dans leur corps et leur âme, bien après leur trépas et en quelque sorte jusque dans l’au-delà.
Alors aujourd’hui pour le repos de leurs âmes comme peut-être aussi, pour notre propre salut, prions Dieu avec François Villon que tous nous veuille absoudre et en attendant, vivons chaque instant dans la joie de chaque nouvelle respiration car il faut toujours se réjouir d’être en vie.
Un très beau dimanche à tous et longue vie!
Merci encore à Gerald Robert pour nous avoir fourni l’occasion de cet article.
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes