» Qui donc d’autre que l’ennemi de la nature est celui qui se prend pour plus intelligent qu’elle, bien qu’elle soit notre plus haute école à tous ? » Citation médiévale de Paracelse, Philippus Theophrastus Aureolus Bombastus von Hohenheim (1493-1541) : médecin, alchimiste, philosophe et astrologue. (moyen-âge tardif, renaissance)
Raisonances poètiques : Philippe Léotard chante Léo Ferré qui chante Rutebeuf
Sujet : poésie médiévale mise en chanson, Rutebeuf, complainte
Titre : Pauvre Rutebeuf, la Complainte de l’Amitié
Auteur : Rutebeuf, Léo Ferré (1916-1993)
Interprète : Philippe Léotard
Bonjour à tous,
oilà quelques temps que nous n’avons rien publié autour de Rutebeuf et, une fois encore, c’est par l’intermédiaire de Léo Ferré que nous allons le faire en revenant sur cette chanson « Pauvre Rutebeuf » que l’on appelle encore la complainte de l’amitié et que le célèbre chanteur et
auteur anarchiste écrivit, dans les années cinquante, en hommage au poète du XIIIe siècle.
Aujourd’hui, nous postons aussi les vers originaux de la poésie de Rutebeuf qui inspirèrent Léo Ferré. Il est indéniable que ce dernier y mit sa plume et son talent autant que sa grande sensibilité, ne se contentant pas simplement de traduire le poète médiéval. De fait, sa version est très librement inspirée et emprunte même à d’autres extraits de Rutebeuf autant que s’y mêle un véritable travail d’écriture poétique. Mettre les deux versions en miroir permet de mesurer un peu mieux cette distance d’une poésie à l’autre.
Philippe Léotard, le coeur au bord du gouffre
« Tout le monde aimerait qu’il ne manque personne à sa solitude. Qu’ on se réjouisse ou qu’ on se lamente, quand on est seul, c’est tout de même aux yeux du monde ! »
Philippe Léotard – Clinique de la raison close
omme nous l’avions évoqué lors d’un article précédent, cette chanson de Léo Ferré à donné lieu à d’innombrables versions, mais nous voulons profiter de l’occasion du jour pour en partager une très spéciale. Elle nous vient du regretté Philippe Léotard, artiste écorché vif, acteur, chanteur, poète et écrivain anticonformiste de talent que la vie a fini par emporter, de boires en déboires, à l’âge de soixante et un ans. C’était il y a
maintenant plus de quinze ans, presque jour pour jour, le 27 août 2001, aussi que cette pensée s’envole jusqu’à lui, et que cet article permette de le faire revivre le temps d’une chanson.
Au delà de la coïncidence des dates, cette version est encore très particulière à deux titres au moins. Dans sa forme, elle nous permet de nous délecter de la voix éraillée de Philippe Léotard et de la sensibilité unique de ce coeur qui semblait toujours être au bord du gouffre. Sur le fond, c’est aussi un hommage en cascade qui raisonne de la voix de trois véritables artistes et poètes, à travers les temps et les âges, du monde médiéval à nos jours.
La version originale de Rutebeuf
Li mal ne sevent seul venir;
Tout ce m’estoit a avenir,
S’est avenu.
Que sont mi ami devenu
Que j’avoie si pres tenu
Et tant amé ?
Je cuit qu’il sont trop cler semé;
Il ne furent pas bien femé,
Si ont failli.
Itel ami m’ont mal bailli,
C’onques, tant com Diex m’assailli
En maint costé,
N’en vi un seul en mon osté.
Je cuit li vens les a osté,
L’amor est morte.
Ce sont ami que vens enporte,
Et il ventoit devant ma porte
Ses enporta.
C’onques nus ne m’en conforta
Ne du sien riens ne m’aporta.
Ice m’aprent
Qui auques a, privé le prent;
Més cil trop a tart se repent
Qui trop a mis
De son avoir pour fere amis,
Qu’il nes trueve entiers ne demis
A lui secorre.
Or lerai donc fortune corre
Si entendrai a moi rescorre
Si jel puis fere.
La complainte de l’Amitié ou Pauvre
Rutebeuf de Léo Ferré
Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte
Ce sont amis que vent me porte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
Avec le temps qu’arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n’aille à terre
Avec pauvreté qui m’atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d’hiver
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière
Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m’était à venir
M’est advenu
Pauvre sens et pauvre mémoire
M’a Dieu donné, le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient, le vent m’évente
L’amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
En vous souhaitant une très belle journée! Pleut-il chez vous? Ici, les tropiques n’en finissent pas de s’épancher en belles pluies capricieuses.
Fred
Pour moyenagepassion.com
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. »
Publilius Syrus Ier s. av. J.-C.
« Tien toudis vraie ta parole », une ballade d’Eustache Deschamps
Sujet : poésie médiévale, poésies morales et satiriques, ballade
Période : moyen-âge tardif
Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406)
Titre : Tien toudis vraie ta parole (Tiens toujours vraie ta parole).
Bonjour à tous,
ous vous proposons aujourd’hui une nouvelle poésie d’Eustache DESCHAMPS, auteur médiéval dont nous avons déjà parlé à de nombreuses reprises ici et
auquel nous vouons, à l’image de VILLON et RUTEBEUF, une affection particulière.
Cette poésie fait partie des ballades morales, politiques et satiriques qu’affectionne particulièrement Eustache DESCHAMPS. Il y est question à nouveau de belles valeurs humaines: loyauté, noblesse du coeur, honneur, et, chose qui en général va de pair avec ses valeurs et sur laquelle il insiste ici : l’importance des mots prononcés et avec eux de la parole donnée. Et même si l’envoi de cette ballade suggère que le poète du XIVe siècle la destine à son fils, aujourd’hui comme hier et par delà les siècles, il vient une fois de plus nous interpeller et nous toucher de sa plume, d’une sagesse et une éthique qui, pour être médiévales, n’ont pourtant pas pris une ride.
La ballade « Tien toudis vraie ta parole »
dans le français d’Eustache Deschamps
Bien que datant de plus de six cents ans, cette poésie ne présente pas de difficultés particulières au niveau compréhension. Aussi, nous vous la livrons telle quelle avec simplement quelques annotations en fin de texte, pour les mots les plus délicats. Pour cette fois, nous empruntons ces quelques traductions aux œuvres complètes d’Eustache Deschamps, publiées par le Marquis de Queux de Saint-Hilaire et Gaston Raynaud à la fin du XIXe siècle (1878).
Entre les choses de jeunesse
Que l’en m’aprinst dès mon enfance
Mon maistre me blâma yvresse
Et à trop emplire ma pence.
De trop parler me fîst deffense
Et à mouvoir de chaude sole*
Et me dist par belle sentence :
Tien toudis* vraie ta parole.
Garde à qui tu feras promesse
La cause pourquoy, et t’avance
De l’acomplir; cuer de noblesse
Doit acomplir sa convenance ;
Qui ne le fait, il desavance
Son honeur; le saige parole
Et dit que mentir est offense :
Tien toudis vraie ta parole.
Convent tenir est la hautesse
De cuer, de homme de vaillance ;
Se va rendre en une forteresse
Prinsonnier, et n’a espérance
D’en retourner; et est pour ce
Qu’il le promist : fouis est et fole
Qui conchie* sa conscience :
Tien toudis vraie ta parole.
ENVOI
Beau filz, mieulx vault faire silence
Que promettre ; li homs s’afole
De mentir, par acoustumance :
Tien toudis vraie ta parole.
* Et à mouvoir de chaude sole : à céder aux mouvements de colère
* toudis : toujours
* conchie : déshonore, salit
Une très belle journée à tous où que vous vous trouviez en ce monde!
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Célébration et réjouissances médiévales: Aigues Mortes fête sa Saint-Louis
Sujet : festivités médiévales, Saint-Louis, festival médiéval, défilés, ville historique, lieux d’intérêt,idées sortie week-end.
Evénement : Fêtes de La Saint-Louis, Période : moyen-âge central
Lieu : Aigues-Mortes (Camargue,Gard)
Dates: Samedi 27 et dimanche 28 août.
Bonjour à tous,
ans le cadre de nos idées de sorties à thème, nous vous invitons cette fin de semaine en direction de la Provence et de la méditerranée, dans la belle et encore quelque peu préservée Camargue, au Sud des terres de France. Ce week end, s’y déroule, en effet, à Aigues-Mortes, l’une des plus jolies et des plus médiévales villes de cette région, de grandes
festivités qui s’étalent sur plus de deux jours et qui ont pour thème le XIIIe siècle et le roi Saint Louis. Quel est donc le programme que nous ont concocté les organisateurs de cette grande fête médiévale mais encore, que vient y faire Saint Louis vous demanderez-vous peut-être? Et bien, si c’est le cas, ces deux questions tombent extrêmement bien puisque c’est justement ce à quoi nous allons nous employer à répondre dans cet article.
Aigues Mortes : joyau médiéval surgi de terre par la volonté d’un roi
Surgie au XIIIe siècle, au milieu des sables et des zones marécageuses du delta du Rhône et à deux pas de la mer, Aigues-Mortes s’y tient encore fière et comme au premier jour, dressant jusqu’au ciel ses beaux remparts de pierre remarquablement préservés du temps. Et quand, arrivant à ses portes, on la découvre dans son bel écrin de pierre, on se dit presque, avec raison, qu’une telle cité n’a pu naître que du caprice d’un roi ou de sa volonté. De fait, il y a indéniablement, concernant la belle cité historique et fortifiée d’Aigues Mortes, un avant et après son fondateur Louis IX, connu encore sous le nom de Saint-Louis.
Dès le début de son règne, soucieux de posséder un débouché direct sur la méditerranée, autant que de se doter d’une autonomie pour le transport maritime des croisés (alors affrétées, la plupart du temps, par les flottes italiennes), Saint-Louis, décide qu’il lui faut un port au Sud du territoire. A cette époque le grand port de Marseille n’est pas encore sous la main du roi de France, mais sous celle de son frère Charles D’Anjou. roi de Naples.
A l’époque où Saint Louis décide d’en faire son port vers la méditerranée, le site d’Aigues Mortes n’était déjà plus tout à fait qu’une bande de terre bordée de Salins mais il n’avait pourtant encore rien de commun avec la ville fortifiée que l’on connait aujourd’hui et que le roi de France fit alors surgir de terre. A la fin du IXe siècle, Charlemagne avait déjà fait renforcer la place d’une tour pour y protéger les exploitations de sel et les ouvriers qui en faisaient l’extraction. Bientôt cédée par le légendaire roi des francs aux bénédictins de l’Abbaye de Psalmodie, dont la présence sur le site est attestée dès le début du IXe siècle, la place restera durant de longs siècles sous la coupe des moines. Ils y mèneront une vie pieuse et recluse au milieu de ses terres encore à demi-sauvages où de petites gens et familles d’ouvriers y exploitent le sel, vivant chichement dans leurs petites cahutes.
En 1240, le roi Saint Louis négociera avec les religieux pour récupérer ces terres et commencera alors à y édifier les premières tours et fortifications. Un peu moins de vingt ans plus tard, c’est de là qu’il partira pour sa première croisade. comme il le fera à nouveau en 1270 pour sa deuxième croisade, celle de Tunisie. De fait, Aigues mortes est la dernière ville du sol français à avoir vu Louis IX vivant puisque le roi, périt lors de cette dernière expédition et n’en revint jamais.
Les fortifications et les travaux impulsés par ses soins seront poursuivis après lui sous le règne du Philippe le Hardi et la ville verra finalement la dernière pierre posée à ses remparts quelques décennies plus tard. L’édification d’Aigues-Mortes, bastide fortifiée, fleuron de l’architecture médiévale et nouveau port du sud de la France aura pris pas moins de trente ans.
Moins d’un demi-siècle plus tard, au début du XIVe, la cité sera encore témoin privilégié de l’affaire des templiers, puisque le roi Philippe le Bel, tirera partie des fortifications pour y enfermer une partie de ces derniers. Du point de vue maritime, elle restera un port d’importance longtemps après Saint Louis, et de grands travaux y seront même entrepris au début du XVe siècle, mais à la fin de ce même siècle, le ralliement de la Provence au territoire de France ré-ouvrira la possibilité pour la couronne d’utiliser Marseille et atténuera irrémédiablement l’importance stratégique du port d’Aigues Mortes.
Une grande fête entre les hauts remparts
Pour ceux qui auront la chance ou l’opportunité de s’y rendre, ce sont donc deux jours entiers de festivités et de festival que vous propose ce week end la belle cité médiévale camarguaise. Parée de ses plus beaux atours d’époque, elle célébrera son histoire, autant que le roi Saint Louis qui fonda la ville, il y a près de huit cents ans et changea pour toujours la destinée du site.
Les réjouissances commenceront le Samedi, dès le milieu de matinée avec un marché médiéval et se poursuivront jusqu’à la nuit par un bal médiéval où damoiseaux et damoiselles pourront se rendre pour y danser et y festoyer sans compter. Les agapes et festivités reprendront le lendemain, de la matinée jusqu’au soir et le festival se terminera, le dimanche soir et à la nuit tombée, par un grand spectacle pyrotechnique et musical restituant le départ de Saint-Louis pour la croisade.
Entre les deux et au programme, en plus des nombreuses animations, théâtres, amusements et autres musiques de rue, vous pourrez assister à de grands défilés historiques et thématiques de Louis IX et sa cour, mais également à un tournoi de Chevalerie, proposé par les voltigeurs de France (seul spectacle payant de la fête qui, par ailleurs, sera totalement libre d’accès et gratuite). Il y aura aussi de nombreux camps médiévaux à thème: forge, cuisine médiévale, armes et escrime anciennes, tir à l’arc, calligraphie et frappe de monnaie et même encore un camp à la triple nationalité (luxembourgeoise, italienne et française) qui se proposera de vous faire découvrir le quotidien de la vie monastique au moyen-âge.
En un mot, pour vous mettre l’eau à la bouche et sans même parler de gastronomie et des plaisantes ripailles qui accompagneront l’événement pour le plus grand plaisir de vos estomacs affamés ou de vos gorges sèches, plus d’une vingtaine de compagnies de troubadours, acteurs, jongleurs, et artistes sont à l’affiche des réjouissances! C’est vous dire si le programme promet d’être riche en événements. Pour plus de détails le concernant, cliquez ici.
Voilà donc, mes amis, une petite idée de sortie, avant la rentrée dans une ville unique que l’histoire médiévale a touché du bout de ses doigts. Si vous êtes non loin de la belle Camargue et du côté d’Aigues Mortes en cette fin de semaine, n’hésitez pas un seul instant et allez vous plonger dans l’ambiance médiévale, le temps d’une journée ou deux, au souvenir d’un de nos plus célèbres roi du passé: Saint Louis et, bien sûr, pour vous y divertir!
En vous souhaitant une belle journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. »
Publiliue Syrus Ier s. av. J.-C