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D’Eustache Deschamps à Patrice Leconte: deux ballades sur la cruauté et la vanité des jeux de Cour

eustache_deschamps_moyen-age_banquet_jeux_de_cour_cruaute_poesie_realiste_satirique_critiqueSujet : poésie médiévale, morale, critique, politique, satirique, vieux français, oil, ballade, jeux de cour, cruauté.
Période : moyen-âge tardif (1346-1406)
Auteur : Eustache Deschamps
Titre : « Je n’ai cure d’être en geôle » « Pourquoi viens-tu si peu à la cour? » « Trop de périls sont à suivre la cour ».

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous revenons aujourd’hui, vers la poésie médiévale du talentueux Eustache Deschamps pour le retrouver encore en homme lucide et désabusé, jetant sur les XIVe, XVe siècles son regard acerbe et sans concession. Poète de la distance critique et morale, auteur d’une poésie politique et réaliste aussi. il nous fait partager ici son analyse des jeux de cour et de leur hypocrisie, depuis l’intérieur. Il les a côtoyés, comme il a côtoyé le pouvoir et les puissants sa vie entière et pour bien les connaître, il finira même par les déserter. Il s’en expliquera dans plusieurs ballades et poésies et nous publions donc aujourd’hui deux d’entre elles.

moyen-age_banquet_jeux_de_cour_cruaute_poesie_realiste_satirique_critique_eustache_deschamps

« Princes, j’ay veu a mainte court en France
Maint serviteur servir par ce moien;
Et quant g*i voy si doubteuse balance,
Je ne vueil plus fors que vivre du mien. »
Eustache Deschamps   (1346-1406) et la cour des puissants

Eustache Deschamps – Patrice Leconte : anachronisme pertinent?

Qu’est-ce que « l’esprit de cour »? Que s’y passe-t-il au quotidien de ces banquets et de ces fêtes et comment y brille-t-on? On peut difficilement penser aux jeux de cour et à leur cruauté sans évoquer l’excellent film Ridicule de Patrice Leconte. Bien sûr, l’histoire du film se passe sous Louis XVIe et à la cour de ridicule_film_historique_patrice_leconte_jeux_de_cour_cruaute_poesie_realiste_satirique_medievale_eustache_deschamps_moyen-age_tardifVersailles et près de quatre siècles après Eustache Deschamps et pourtant. Sans dire que rien n’a changé du XIVe au XVIIIe, à lire le poète du moyen-âge tardif, il semble qu’il y ait tout de même des constantes qui se dessinent dans ses jeux de pouvoir et de flatterie, dans cette hypocrisie et ces excès, cette prison du paraître dans lesquels les nobles se piègent eux-même et se trouvent intriqués, au risque d’y brûler leurs ailes.

Scène culte 1:
l’esprit au service des enjeux de pouvoir

Pour toutes ces raisons et mis entre guillemets quelques anachronismes, un peu moins de poudre et de perruques et un « esprit » qui se traduit, du temps d’Eustache Deschamps, dans un langage qui n’a pas encore la modernité de celui de la cour de Versailles, nous ne résistons pas à l’envie de partager ici, mêlés de la poésie de l’auteur médiéval, quelques extraits de ce savoureux film: la réalisation est celle d’un virtuose qui aime flirter avec la satire et la causticité, Patrice Leconte (photo plus bas dans l’article), les acteurs sont exceptionnels et nous devons les excellents dialogues  à trois scénaristes : Rémi Waterhouse, Michel Fessler et Eric Vicaut.

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Ridicule : deux mots sur l’histoire du film

Au XVIIIe siècle, Grégoire Ponceludon de Malavoy (Charles Berling), un jeune aristocrate et ingénieur des Dombes – zone marécageuse, constellée d’étangs de la région bressane -, projette d’en faire assécher les marais pour assainir son domaine et mettre ses terres en exploitation. Les paysans y vivent dans la misère, dévorés par les moustiques et les maladies et les marécages condamnent toute possibilité d’y cultiver.

satire_jeux_de_cour_film_histoirique_ridicule_patrice_leconte_realisateur_talentVenu devant la cour pour porter son projet et rencontrer le roi, le baron de Malavoy apprendra que pour progressistes et empreints de bonnes intentions qu’ils soient, ses plans ne suffiront pas seuls à gagner sa cause. Pour se faire entendre du roi et s’en rapprocher, il lui faudra, en effet, entrer à la cour, mais, plus que tout, savoir y montrer de l’esprit et y briller s’il veut espérer un entretien avec le souverain. Prêt à tout pour porter haut son projet et sauver ses gens, sous la protection du marquis de Bellegarde (Jean Rochefort) qui le prendra sous son aile, il se pliera donc au jeu et y brillera. Moeurs dissolues, cruauté, hypocrisie, perfidie , mépris, rien ne lui sera pourtant  épargné dans un Versailles décadent et abjecte sous ses perruques poudrées. Il y trouvera notamment pour ennemi cruel, sous des dehors de joutes verbales, un l’abbé au nom tout trouvé de Vilecourt (Bernard Giraudeau), religieux plein d’esprit mais totalement dévoyé, amant de la très belle et perverse Madame de Blayac (Fanny Ardant).

Si vous n’avez pas encore vu ce film plus historique que médiéval, nous vous conseillons vivement une séance de rattrapage non sans conseiller aux âmes sensibles de s’abstenir, une des premières scènes du film étant, en effet, assez vitriolé.

La poésie d’Eustache Deschamps
dans le moyen-français du XIVe siècle

« Pourquoi viens tu si po a court?
Qui fuit la court, la court le fuit.
– Pour ce qu’il y fault estre sourt,
Et sanz veoir ne que  de nuit,
Estre muyaux; parler y nuit;
Or voy, or oy bien et parole :
Par ces trois poins sont maint destruit :
Je n’ay cure d’estre en geôle.

Qui dit voir, nul ne le secourt,
Qui voit trop cler, l’en le deffuit;
Qui voit et entent, sur lui court
Chascuns, lors sera mis en bruit;
Li soulaulx fault, la lune y luit
Ténébreuse, la se rigole;
Tenez vous y toutes et tuit:
Je n’ay cure d’estre en geôle.

Car je voy qu’a ces oiseaulx sourt
En geôles po de déduit;
Ilz sont tenuz crêpes et court .
Ceuls qui ont des champs le conduit . 
Vivent frans; franchise les duit,
Et l’angeolé  pas ne vole,
Qui pour yssir hors se deruit :
Je n’ay cure d’estre en geôle. »
Eustache Deschamps

Ballade : de la douleur qui peut advenir à ceux qui suivent la cour de Prince

« Mon corps se pert , use , gaste et destruit
,A court suir , qui est doubteuse vie :
On dort le jour, et y veille-on la nuit;
Et y fait-on trop de gourmenderie.
Vin barillié et viande pourrie
Y ont pluseurs ; tant d’ordure y a court
Qu’eureus est cilz qui ne la poursuit mie :
Trop de périlz sont à suir la court.

A apetit d’aucuns fault estre duit,
Et que frans cuers au félon s’umilie ,
Et telz se faint amis d’autre qui nuit ;
Blandir convient, doleur, paine et envie,
A suir ceuls qui ont la seignourie;
Aveugle fault estre, muet et sourt,
Bon fait fuir tele merancolie :
Trop de périlz sont à suir la court.

On est logiez non pas à son déduit
En poures draps et en paillarderie ;
Souventefoiz en grant noise et en bruit;
Et maintefoiz , qui bien n’y remédie,,
Plus y despent qui plus a de mesgnie.
Le temps s’en va, viellesce sus y court
Sanz guerdon ; qui s’i tient c’est folie :
Trop de périlz sont à suir la court.

Prince , li homs qui suffisance instruit,
Vit liement, et n’eust c’un seul pain cuit;
Mais curiaux en grant doleur décourt :
L’un a joie, tristeur l’autre conduit.
Or avisez ci , toutes et tuit :
Trop de périlz sont à suir la court. »
Eustache Deschamps

En vous souhaitant une excellente journée et une belle semaine!
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Ce moyen-âge qui fascine

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CE MOYEN AGE QUI FASCINE

Q_lettrine_moyen_age_passionu’il s’agisse de fêtes ou de festivals médiévales, de sites web, ou autres médias, l’intérêt et la fascination que suscite le monde médiéval chez nos contemporains est indéniable. Le sujet nous concerne d’autant plus que Moyenagepassion s’intéresse autant à l’Histoire du moyen-âge qu’aux occasions qui nous sont données de vivre ou revivre, encore aujourd’hui et à notre époque, un peu de cette période de notre Histoire, fusse-t-il de manière imaginaire ou rêvée. De fait, une des ambitions de ce site est aussi de témoigner de cette fusion pour réunir ce qui compose le monde médiéval au sens large, dans son Histoire, dans sa contemporanéité, et pour tout dire dans sa dimension réaliste, autant que dans sa dimension imaginaire, littéraire ou fantaisiste, en prenant soin, bien sûr, de bien fixer les lignes de démarcation pour autant qu’elles soient claires.

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C_lettrine_moyen_age_passionertains pourraient être tentés de  voir dans l’engouement actuel pour cette période de notre Histoire, l’expression d’une passion passéiste. Sans tomber dans l’analyse socio-psychologique à deux sous, on peut se demander, il est vrai, d’où vient cette attraction quand il ne s’agit pas simplement de se divertir et de passer un bon moment. Est-ce simplement le besoin naturel de renouer avec notre propre histoire et nos vieilles racines? Peut-être garde-t-on, au fond, de ce long moyen-âge la nostalgie ou l’idée de certaines valeurs  que la société moderne a un peu mise à mal? Ou est-ce encore, plutôt, le fait qu’un certain « obscurantisme » moderne et entretenu au sujet de ces mille ans d’histoire, en fait de créer un repoussoir,  finisse par recouvrir ce monde médiéval d’un voile propice à l’imaginaire et aux rêves, qui nous attire dans ses replis? Ô chevaliers et dragons, gentes dames aux belles toilettes! A nous, ripailles et rires tonitruants ou encore fous du roi qui moquent le pouvoir! A nous jongleurs,  troubadours et poètes!

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l’oeuvre fabuleuse de JRR Tolkien adaptée au cinéma par Peter Jackson

S_lettrine_moyen_age_passionans doute les légendes du roi Arthur, de Merlin et des chevaliers de la table ronde hantent-elles encore nos esprits? Ou peut-être encore les écrits de Tolkien et toutes les créatures issues du médiéval fantaisie ou fantastique, contribuent-ils aussi à entretenir tout un univers de légendes autour de cette période chez certains de nos contemporains?

Quoiqu’il en soit, on le voit bien, le succès et l’attrait du moyen-âge ne sekaameloot_moyen_age_passion_serie_televisee démordent pas auprès du public. Qu’il suffise de regarder les scores de la série du Trône de fer à chaque nouvelle saison, les résultats des adaptations cinématographiques de Peter Jackson des romans de JRR Tolkien et son excellente trilogie du seigneur des Anneaux, ou encore les nombreux fans de l’excellent Kaamelott d’Alexandre Astier. Qu’il suffise de se rendre dans une des nombreuses fêtes médiévales présentes sur notre belle terre de France et au delà dans toute l’Europe, pour s’en convaincre. Les ruines et les vieilles pierres des châteaux y revivent et ce sont autant d’événements, de marchés et de vibrantes reconstitutions historiques que l’on peut y retrouver.

LES AGES SOMBRES

C_lettrine_moyen_age_passionertes, le moyen-âge a aussi eu ses grands drames, ses guerres, ses invasions, et ceux, les pauvres, les gens du simple ou ceux de basse condition y étaient souvent en souffrance. Certes, l’ombre noire des terribles épidémies de peste qui ont disséminé les habitants de l’Europe au XIVe siècle plane encore sur ce monde médiéval et les cohortes de lépreux ou de ladres en procession continuent de marquer aussi les imaginaires, comme les grandes famines qui se sont produites durant ces mille ans d’Histoire, mais il demeure certain aussi, et, de plus en plus, que le tableau de cette période a été fortement noirci par le siècle des lumières qui a voulu trancher avec sa propre histoire et ses propres conditions d’émergence. Fallait-il donc pour mieux briller que les siècles précédents fussent ternis?

moyen_age_enluminure_passion_medievale_age_sombreIl semble qu’une certaine Histoire moderne se soit faite également complice de tout cela, cédant, peut-être à la tentation de la vulgarisation, d’un certain sensationnalisme ou même encore de ses propres idéologies. Dressant sur le moyen-âge le tableau systéma-tique d’une période violente, obscure et obscurantiste à laquelle notre civilisation se serait finalement glorieusement arrachée depuis la Renaissance pour se tenir, enfin, dans la grande et merveilleuse lumière du progrès et de la raison, cette Histoire là, souvent loin des spécialistes de ces questions, nous a laissé le portrait d’un âge sombre et sanglant, où ne se passent guère de progrès ou de choses agréables, où ne semblent sévir qu’interminables famines, épidémies et guerres sans fin,  où d’impitoyables seigneurs, encore, tranchent et découpent aussi les chairs des voleurs de poule en place publique.

L’IMPORTANCE DU SENS CRITIQUE

S_lettrine_moyen_age_passion‘il n’est pas question de nier cette violence du monde médiéval, elle ne saurait pourtant résumer le moyen-âge et il faudrait sans doute un peu plus qu’un article de blog pour l’analyser. On trouve d’excellents documents en ligne de nos jours, des thèses, des essais très pointus d’historiens qui permettent de s’en faire une idée plus précise et plus réaliste. Pour approcher le moyen-âge dans sa complexité et ses nuances, il faut aller chercher, sans crainte et directement, les ouvrages de ces spécialistes et historiens et ne plus savoir se contenter d’une certaine vision « journalistique », « médiatisée » ou « hollywoodienne » sur ces questions.

moyen_age_peste_epidemie_passion_medievaleMais que l’on se rassure, ceux qui se passionnent, de nos jours, de cette longue période, l’ont déjà compris par eux-même, et ont fini souvent par lire dans le creux de non-dits et les vides laissés, autre chose que la marque du fer et du sang. J’ajouterai, comme eau à ce moulin, quelque chose qui n’engage que moi: au final, il faut bien faire le constat que le monde moderne finit par se montrer tout aussi violent et impitoyable à sa manière. Il suffirait d’ailleurs de demander aux petits paysans actuels s’ils ne ressentent aucune violence ou à ceux de plus en plus nombreux qui vivent dans les rues de nos grandes villes et se nourrissent des restes trouvés dans les poubelles ce qu’ils en pensent. Sans doute, faut-il bien que nous pointions du doigt quelque autre violence ou quelque autre obscurantisme pour ne point voir ceux qui sont à l’oeuvre même au coeur de nos sociétés. Aussi, sans céder à l’excès d’idéaliser le moyen-âge comme un paradis perdu sur lequel s’épancher, il est sans doute prudent de ne point se tenir béat devant le monde actuel en en gobant toutes les promesses ou les mirages, et avec eux, sa version de l’Histoire, quelquefois, commodément et pas toujours innocemment, revisitée. Pas de passéisme donc, mais un peu de vrai sens critique.

T_lettrine_moyen_age_passionout cela étant dit, de nombreuses recherches historiques modernes se sont employées à patiemment déconstruire la soupe que l’on nous avait servie un peu vite sur le moyen-âge durant des années et pour peu que l’on s’y penche sérieusement, on a tôt fait de redécouvrir le monde médiéval sous un jour nouveau, bien loin des vieilles caricatures convenues.  Le fait est là, la grande majorité des médiévistes sérieux et des historiens du moyen-âge semble s’accorder pour que l’on revienne à une vision plus nuancée de cette  moyen_age_passion_banquet_medieval_paysanspériode passée. Dans le champ de la recherche sérieuse, en Histoire comme en Sciences Humaines, l‘objectivité est quelque chose  qui se conquiert par le travail, par la patience, par la méthode, elle n’est jamais donnée. Nos représentations et nos valeurs compliquent, et la tentation de conclure n’est jamais loin. Autant de raison pour éviter de sous-estimer la dimension idéologique de l’Histoire qu’on nous sert. Elle n’est pas toujours dénuée d’intentionnalité, mais quand bien même elle le serait, elle reste écrite par des hommes, eux-même sujets aux conditionnements, au déterminisme et aux  idéologies de leurs propres  époques et/ou contrées.

Voilà, cela étant dit, pour revenir à des choses plus triviales, longue vie à la passion pour le monde médiéval, aux châteaux, aux dragons, mais aussi aux recherches sérieuses sur la question!

Bonne journée à tous!

Fred
pour moyenagepassion.com

« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus  Ier s. av. J.-C

La vie de Sainte Hildegarde Von Bingen

Sujet : Films moyen âge, cinéma, moyen-âge chrétien
Titre :
Vision, la vie de Sainte Hildegarde Von Bingen
Réalisée par Margaretthe Von Trotta en 2009
Période :
Moyen-âge central, XIIe siècle
Genre :
biographie, moyen-âge réaliste
Langue :
allemande, sous-titré en français
Sujet : l
a vie de Sainte Hildegarde Von Bingen, (1095-1179),Docteur en médecine de l’église, botaniste, compositeur, écrivain, poète et grande mystique du XIIe siècle.

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SAINTE HILDEGARDE

moyen_age_passion_sainte_hildegarde_moine_medecinEn 1098, à près de cent ans de l’an mil, naquit en Rhénanie l’enfant d’une famille noble qui allait, à sa façon, révolutionner les pratiques médicales de son époque.  Fille d’une fratrie de dix enfants, Hildegarde Von Bingen se passionnera très vite de religion et entrera rapidement dans les ordres.  Bientôt nommée abbesse, dotée de multiples talents et recevant des visions divines, Hildegarde von Bingen marquera son temps et les siècles suivants. Son influence sur la médecine perdurera bien au delà de sa vie et sa musique et ses œuvres littéraires ou scientifiques sont aujourd’hui toujours appréciés.

UN PEU D’HISTOIRE

N_lettrine_moyen_age_passionous sommes encore dans cette période où il échoie aux religieux et aux moines de pratiquer la médecine. Avec le temps, plusieurs phénomènes surviendront qui changeront cela et feront que les moines, les couvents et les monastères délaisseront peu à peu leur rôle de médecin des corps et des âmes pour ne se concentrer que sur la partie plus spirituelle et les âmes. Un certain nombre de conciles leur interdisant la chirurgie dans le courant du treizième siècle favoriseront cela, mais très certainement l’avènement des universités, celle de Salerne d’abord et puis celle de Montpellier, suivies par d’autres, ouvriront peu à peu la médecine aux laïques,  du douzième au quatorzième siècle, en en faisant une profession à part entière. Quoiqu’il en soit, en l’an mil, la médecine est encore et très largement une affaire de moines et c’est dans ce contexte que Sainte Hildegarde développera sa médecine et ses nombreux ouvrages sur le sujet.  Ce film raconte donc son histoire.

FILM EN ALLEMAND SOUS-TITRE EN FRANCAIS

EN BREF

L_lettrine_moyen_age_passione film aborde toutes les questions autour de la vie de la Sainte. La réalisation est sobre et comme dans de nombreuses productions cinématographiques  allemandes sur la période médiévale, le sérieux dans l’approche historique est au rendez-vous.

S’il est indéniable qu’Hildegarde était une femme en avance sur son temps, le film met aussi en exergue les difficultés de la condition féminine des nonnes de l’église dans un clergé largement dominé par les hommes. En vérité, cet aspect là relève d’une thématique relativement moderne dont je ne saurais dire si elle s’appuie sur des éléments historiques ou si elle est le fruit d’un regard rétrospectif de la réalisatrice sur la vie de la Sainte. Je n’en préjuge pas, je le mentionne juste. On redécouvre tellement le moyen-âge en permanence, en se rendant compte qu’en fait l’obscurantisme, l’ignorance, etc que l’on avait dépeint sombrait beaucoup dans la caricature que j’aurais tendance à rester un peu prudent, Quelquefois je me demande même si pour encenser le siècle des lumières on a pas forcé un peu le trait au désavantage des siècles le précédent pour en rehausser le contraste. De mon côté, j’avoue avoir beaucoup de mal à croire à une parenthèse de mille ans entre les romains et la renaissance durant laquelle aucun progrès n’aurait été fait et l’héritage du moyen âge n’a surement pas fini de nous surprendre pour peu que l’on s’y penche sérieusement. Je reprend donc cette métaphore attribuée à Bernard de Chartres, maître du XIIe siècle et qui le résume parfaitement.

« Nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux. »

E_lettrine_moyen_age_passionn tout cas, quoiqu’il en soit, au final et concernant ce film, le résultat est là, les oeuvres de Sainte Hildegarde furent reconnues et publiées et ce film témoigne de la vie de la sainte que l’église a canonisé faisant d’elle la quatrième femme Docteur de l’Église après Catherine de Sienne, Thérèse d’Avila et Thérèse de Lisieux. Cette reconnaissance, parmi les plus hautes de l’Église catholique cite en exemple la vie autant que les écrits d’Hildegarde comme modèle pour tous les catholiques.

Bonne séance!

Fred
Pour moyenagepassion.com

Cinéma : Sacré Graal ou la légende du roi Arthur revisitée par les Monty Python

film_moyen_age_cine_sacre_graal_monty_pythonTitre : Sacré Graal (the Holy Grail)
Médias : film, trailer, vidéo, culte
Période :
haut moyen-âge
Genre :
médiéval fantaisie, humour surréaliste, non sens.
Réalisation :
Les Monty Python
Date de sortie :
1975
Sujet :
la légende  du roi Arthur revisitée par les Monty Python, légendes arthuriennes, Saint Graal

Bonjour à tous,

L_lettrine_moyen_age_passion‘humour anglais n’est visiblement pas pour tout le monde mais pour qui l’apprécie vraiment, on peut difficilement faire l’impasse sur les Monty Python et de leur oeuvre délirante.

Avec leur Sacré Graal (The Holy Grail), la bande de joyeux drilles anglaise nous proposait, en 1975, de revisiter l’histoire du roi Arthur et les débuts du haut-moyen-âge, dans un long métrage déjanté, devenu culte pour longtemps. Nous sommes à la fin de la grandeur de l’empire romain et la grande Bretagne entre dans ses « Dark Ages« .  Un héros va alors surgir pour écrire l’histoire d’une réunification autant que celle d’une lutte contre les invasions. Il trouvera même le temps d’entreprendre, durant son règne, un longue quête au nom de la nouvelle religion unique.

Bien entendu, pour les Monty Python, le roman arthurien deviendra le prétexte à un délire de chaque minute et si les comiques anglais reprendront quelques éléments forts de la légende, ils ne se priveront pas de tout réécrire avec leurs propres codes.  Plus de quarante ans après la sortie de ce film génial qui fit date, il en est demeuré pour les amateurs de nombreuses répliques et scènes « cultissimes ». Bref, il reste à revoir pour ceux qui l’apprécient et à découvrir pour ceux qui ne le connaissent pas.

La vision décalée et surréaliste des monty Python sur le moyen-âge et sur la légende d'Arthur
La vision décalée et surréaliste des monty Python sur le moyen-âge et sur la légende d’Arthur

Un peu d’Histoire médiévale

E_lettrine_moyen_age_passionn réalité, les exploits d’Arthur et sa légende seront écrits bien plus tard que le siècle durant lequel ils sont censés survenir. La mention d’un roi Arthur n’apparaît, en effet, de manière claire que dans des documents issus du moyen-âge central, au douzième siècle. On pense notamment à « l’ouvrage sur les rois de Bretagne » de Geoffroy Monmouth, ou même l’Historia Brittonum censée se baser sur une compilation ayant été pour partie écrite au IXe siècle et qui évoque un personnage du nom de Arthur qui aurait vaincu les saxons; De fait, il reste difficile de savoir encore aujourd’hui, si le bon roi breton a vraiment existé ou s’il pourrait même être la fusion de plusieurs personnages historiques et le sujet continue de faire débat.

Ce douzième siècle verra plusieurs textes vanter la légende d’Arthur et plutôt même les aventures de ses chevaliers. Et comme de nouvelles valeurs commencent déjà à poindre sous la plume des troubadours et des premiers trouvères, cet idéal du chevalier noble, courtois, servant et au service aussi des valeurs chrétiennes se retrouvera bientôt étroitement mêlé à la « matière bretonne » sous la plume d’un Chrétien de Troyes. C’est d’ailleurs au génie de ce dernier et à sa popularité qu’on devra la première propagation notable du roman arthurien avec un nombre de manuscrits impressionnants (dans le contexte) autour de ses écrits (voir la conférence de Richard Traschler sur ces questions). film_moyen-age_legende_arthur_seance_cinema_sacre_graal

Une chose est certaine, l’ombre de ce roi d’origine celte, unificateur du royaume de Logres, et armé de son épée magique Excalibur, ne sont jamais très loin quand nous évoquons le monde médiéval et les visions qu’un certain moyen-âge peuvent éveiller en nous. Et l’on se laisse toujours volontiers entraîner au bord des falaises de Cornouailles ou sous les frondaisons de la forêt de Brocéliande,  sur les pas de la belle dame du lac ou de Merlin l’enchanteur ou suivant, encore, ces preux chevaliers dans leurs exploits et leurs quêtes.

Bien sûr, concernant le roman arthurien revisité à la sauce « non-sensique » des Monty Python, il faut tout de même avouer que la quête du Graal y est légèrement plus laborieuse. Mais n’en disons pas plus, de crainte que sorti droit de leur film délirant, un chevalier gigantesque ne surgisse devant nous, au détour d’un sentier, pour nous lancer un terrible « Ni » vindicatif !

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En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.