Sujet : musique médiévale, chants, visions, mystique chrétienne, moyen-âge chrétien. Sainte Hildegarde, mystère, spectacle vivant
Période : moyen-âge central, XIIe siècle
Auteur : Hildegarde de Bingen (1098-1179)
Ensemble médiéval : Vox in Rama
Evénement : opération participative pour le lancement du CD/livret et film du spectacle Mystère Vox Sanguinis
Depuis peu, une page dédiée à cette contribution a été créée de manière plus ouverte et c’est donc l’occasion de vous en fournir l’adresse. Vous y trouverez tous les détails du projet, ainsi que tous avantages associés à cette aventure participative.
Pour l’instant et au moment de cet article, un peu plus de 40% des fonds nécessaires ont été collectés, un petit effort reste donc à fournir pour que ce beau projet artistique, culturel et musical voit le jour.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes
Sujet : musique, poésie, chanson médiévale, amour courtois, trouvère, vieux-français, langue d’oil, fine amor. Période : XIIe, XIIIe, moyen-âge central Titre: Onques maiz nus hom ne chanta Auteur : Blondel de Nesle Interprète : Ensemble Sequentia Album: Trouvères :Höfische Liebeslieder Aus Nordfrankreich (chants d’amour courtois des pays de langue d’Oil) (1987)
Bonjour à tous,
près avoir étudié de près les éléments biographiques en notre possession sur le trouvère Blondel de Nesle, voici donc une de ses chansons. Elle est interprétée par le groupe Sequentia dans un album tout entier dédié au Chansons d’amour courtois des trouvères du nord de France. Nous profiterons de cet article pour faire un large crochet pour vous présenter cette belle formation médiévale, son directeur artistique et le double album dont ce titre est issu.
Concernant la chanson de Blondel de Nesle présentée ici, le thème est clairement inspiré de la lyrique courtoise des troubadours d’oc. Comme nous le disions dans notre article précédent, avec Gace Brûlé et quelques autres trouvères de la même période (Conon de Bethune, le Châtelain de Couci), Blondel de Nesle fait partie de ce mouvement d’artistes du nord de la France qui transposèrent la poésie et le fine amor d’oc en langue d’oil. Comme un certain nombre d’entre eux fréquentèrent la cour de Marie de Champagne, nul doute qu’ils eurent de l’influence sur le petit fils de cette dernière, celui qui allait devenir Thibaut le Chansonnier ou Thibaut de Champagne et qui n’était encore qu’un enfant en ces débuts de XIIIe siècle.
La fine amor en langue d’oil de Blondel de Nesle par L’ensemble séquentia
L’Ensemble Sequentia
Voila encore un bel ensemble spécialisé dans le répertoire médiéval qui s’est formé au sein de la très renommée école suisse Schola Cantorum Basiliensis toute entière dédiée aux musiques anciennes.
Fondé en 1975 par Benjamin Bagby et Barbara Thornton alors étudiants à l’école sus-nommée, Sequentia évolua dans ce cadre, pour se produire pour la première fois professionnellement en 1977. Comme de nombreux ensembles dans le domaine des musiques anciennes, la formation était à géométrie variable. Au fil de son parcours et en fonction des oeuvres abordées, elle a su s’entourer ou s’enrichir de collaborations artistiques externes.
Depuis sa création, il y a plus de quarante ans, l’ensemble a gratifié le monde de la musique ancienne de près de 40 albums dont une dizaine en collaboration avec d’autres formations. Avec un nombre important de récompenses et de prix, il s’est définitivement affirmé comme un des acteurs avec lequel il faut compter quand on s’intéresse de près au répertoire musical du moyen-âge.
Après la disparition prématurée de Barbara Thornton en 1998, Benjamin Bagby s’est retrouvé seul à porter la direction artistique de Sequentia. La formation a ainsi poursuivi son exploration du monde médiéval musical jusqu’à aujourd’hui. Aux dernières nouvelles et dans le courant 2016-2017, elle se produisait toujours sous la forme d’un trio, autour d’un programme dédié aux moines du moyen-âge « chantant des chants profanes et même païens » (« monks singing pagans« , du IXe au XIIe siècle). Du côté des albums et sauf erreur de notre part, le dernier en date est de 2013 mais au vue de l’activité de l’ensemble, il faut s’attendre à en voir sortir de nouveau.
Pour en savoir plus sur Sequentia, le site web très complet est ici. Il est pour l’instant en langue anglaise (sa version française est prévue mais n’est pas encore en ligne). Au delà des informations que vous pourrez y trouver sur l’ensemble médiéval, il est aussi la vitrine des concerts et contributions de son très actif fondateur et directeur artistique Benjamin Bagby dont nous voulons dire un mot de plus ici.
Portrait de Benjamin Bagby, co-fondateur et directeur artistique de Sequentia.
Musicien, harpiste, chanteur baryton et directeur artistique, Benjamin Bagby est un artiste accompli et largement reconnu sur la scène des musiques médiévales et anciennes. Son travail et ses nombreuses contributions dans le domaine ont d’ailleurs été salués par un Rema Early Music Award en 2016.
Enseignement et transmission
Au nombre de ses activités, la transmission par l’enseignement compte au moins autant pour lui que les arts de la scène et le travail de restitution. Il a notamment enseigné longtemps dans le cadre du prestigieux programme sur la pratique des musiques médiévales, proposé par l’Université de Paris Sorbonne. Toujours très actif dans le domaine pédagogique, en 2017 et 2018, il est intervenu et intervient encore dans le cadre de divers ateliers, universités ou institutions en Allemagne, Espagne, Italie, Suisse et aux Etats-Unis, et auprès d’artistes désireux de se spécialiser dans le domaine des musiques et des chants en provenance du moyen-âge.
Ethnomusicologie et passion de la restitution
Sur la partie ethnomusicologie et restitution, on saluera ici l’originalité et la ferveur aussi que peut mettre Benjamin Bagby à explorer des territoires musicaux laissés totalement vierges jusque là. Tout cela bien sûr au moyen d’une étude scrupuleuse et originale des manuscrits. Entre autres exemples, il a été notamment un des rares à avoir proposé, en 2015-2016 et dans le cadre de Sequentia, un programme sur la musique carolingienne des débuts du moyen-âge central et du VIIIe au Xe siècle (« Frankish Phantoms », « Fantômes francs »). Il est également occupé, depuis quelques années, sur un projet autour des « chants ou chansons perdus » (« The Lost Songs Project ») et visant à restituer quelques traditions orales et musicales perdues ou oubliées de l’Europe médiévale : Islande, Irlande, Allemagne, etc…
Dans ce cadre et du point de vue de son actualité personnelle, on notera que depuis quelques temps déjà, il propose sur scène, accompagné de sa seule harpe, un spectacle autour de la légendaire poésie antique Beowulf. Un site web complet a même été dédié à ce spectacle (bagbybeowulf.com) que l’artiste a déjà eu l’occasion de jouer devant les publics les plus variés sur la scène internationale (Etats-Unis, France, Hollande, Russie, …). A suivre de près l’itinéraire de ce grand passionné de musique et de moyen-âge, on comprend mieux la déclaration qu’il fit en 2016, après avoir reçu son Rema Award dans le domaine des musiques anciennes ;
« I want to make voices of the past come to life again. To be recognized for this work is a great honor. »(« Je veux faire revivre les voix du passé. Etre reconnu pour ce travail est un immense honneur ») Benjamin Bagby – Rema Early Music Award 2016
Nul doute qu’il met toute son énergie et son talent à faire de cette volonté une réalité.
Une anthologie des trouvères : chants d’amour courtois des pays de langue d’oïl
L’album auquel nous empruntons la chanson de Blondel de Nesle est issu de la première période de l’Ensemble Sequentia. En réalité, il se présentait dans sa première édition de 1984 sous la forme de trois albums, mais lors de sa réédition en 1987, quelques coupes franches furent faites par rapport à l’édition originale et il fut finalement distribué sous la forme d’un double album.
Comme de nombreuses productions de l’ensemble, il fut distribué par Deustche Harmonia Mundi ce qui explique son titre original allemand : « Trouvères,Höfische Liebeslieder Aus Nordfrankreich », retraduit « Trouvères, chansons d’amour courtois des pays de Langues d’Oil », depuis sa réédition française par Sony Music. Si le titre allemand pouvait de prime abord dérouter, il n’y a dans ce double album que des pièces provenant du répertoire médiéval français de la fin du XIIe à la fin du XIIIe siècle (1175/1300) et toutes les chansons qu’on y trouve sont en langue d’oil, comme le titre « Trouvères » le suggérait clairement.
Il contient 43 titres et alterne pièces vocales – rondeau, ballades, motets, chansons de toile et de trouvères – avec des pièces instrumentales datant de la même période. On y retrouvera des pièces de Blondel de Nesle, mais aussi de Gace Brûlé, Conon de Bethune (une seule pour chacun d’entre eux) et en nombre plus conséquent des chansons de Jeannot de L’Escurel, Adam de la Halle, Petrus de Cruce, et encore de nombreuses pièces demeurées anonymes.
Depuis sa première parution, le succès de cette excellente production de l’Ensemble Sequentia a favorisé plusieurs ré-édition et on le trouve toujours disponible en ligne sous forme CDs et même sous forme dématérialisée. Comme toujours, la mise a disposition du format MP3 offre la liberté de pouvoir acquérir des pièces choisies, mais aussi l’avantage de pouvoir en écouter des extraits. A toutes fins utiles, voici le lien vers les deux formats : Trouvères : Chants D’Amour Courtois Des Pays De Lanque D’Oïl
« Onques maiz nus hom ne chanta »
chanson médiévale de Blondel de Nesle
Nous sommes dans le registre de la Fine amor. Le poète se tient dans l’attente d’un signe de la dame que son coeur a élu. Dans le cas précis, il semble que cette dernière ne soit pas déjà prise mais le sentiment n’est pas pour autant réciproque et le trouvère se tient, languissant et plein d’appréhension, espérant qu’elle lui concède son amour.
Il n’y a de meilleur « fine amant » que lui. Il est plus irrité qu’il ne le montre, mais si elle se refuse à lui ou le rejette (occire), jamais elle ne pourra trouver homme qui l’aime autant que lui, aussi qu’elle ait une plus grande pitié de lui qui se tient là, languissant. Elle n’a jamais aimé personne, il ne l’en aime que plus pour cela, mais il prie Dieu que, si c’est le cas, cet amour lui soit réservé.
Son doux visage rieur le plonge dans la confusion. Il n’ose la regarder tant il craint de ne pouvoir ensuite détacher ses yeux d’elle. Elle est si belle qu’on a d’autres choix que de la servir. Elle a encore tant de qualités qu’on ne pourrait les décrire sans en oublier et il ne peut lui que languir en espérant qu’elle lui prête attention et se souvienne de lui.
Onques maiz nus hom ne chanta En la maniere que je chant, Ne ja maiz nus ne chantera, Pluz ait d’ire, a mains de samblant. Et quant ma dame ocis m’avra, Sachiez de voir – a li m’en vant- Que ja maiz nul n’en trouvera, Qui tant l’aint en tout son vivant. Merci deüst avoir pluz grant De moi, qui ci vois languissant.
Biaus sire dex, s’ele aime ja, Dounez que ce soit moi avant, Quar je sai bien c’onques n’ama, Pour c’en est mes cuers pluz en grant. Mout a envis i aprendra, Je m’en vois bien apercevant, Quant ele encore sentu* (de sentir participe passé) n’a Nus des mauz d’amer donc j’ai tant. Ses clers vis* (doux, clair visage), qu’ele a si rïant, Fait le mien mat, triste et pensant.
Li lons delais d’a li parler Me fait souvent taindre* (rougir) et palir. Quant g’i sui, ne l’os esguarder, Tant en dout mes ex* (yeux) a partir ; Tant i aimment le sejorneir Qu’il ne s’en sevent revenir, Ne je ne les en puis tourner Pour chastoier de mieuz couvrir, Quar ce dont on a grant desir Fait bien mesure tressaillir
Tant ait en li a recordeir* (me rappeler, me souvenir) Biauteit por c’on la doit servir : Se tuit cil ki seivent pairleir Voloient ces taiches* (qualités) gehir* (décrire, rapporter), Ne poroient il resconteir Ke en li deüst riens faillir, Fors tant k’il ne l’en veult membreir* (se rappeller) De son home, ne sovenir ; Ainçois me covandrait languir Tant com li vandrait a plaixir.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique, chanson, poésie médiévale, Scandinavie, Norvège médiévale, Charlemagne, Roland, Haakon V, littérature courtoise, ballade folklorique, chanson traditionnelle, folk médiéval. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Auteur : Anonyme Titre : Rolandskvadet, la chanson de Roland Interprètes : Trio Mediaeval Album : Folk Songs (2007)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous voyageons vers le nord de l’Europe et les terres scandinaves à la découverte d’une version toute récente de la chanson de Roland qui nous provient de manière presque inattendue, tout au moins en apparence, de Norvège.
Par quel curieux mystère l’histoire et la fin tragique du plus fidèle et héroïque guerrier de Charlemagne peut-elle aujourd’hui se retrouver chantée par un trio originaire de Scandinavie dans un album qui met en exergue les chansons traditionnelles et folkloriques de Norvège ? C’est ce que nous allons nous proposer de vous expliquer dans cet article, en remontant le fil de l’Histoire jusqu’au Moyen Âge central.
Mort de Roland à Roncevaux, VIIIe siècle (778). MS Français 6465 BnF, département des Manuscrits, Grandes Chroniques de France, Jean Fouquet, (Milieu du XVe siècle)
La Karlamagnùs Saga, la geste de Charlemagne en terres noiroises
A la fin du XIIIe siècle et sous le règne de Haakon Vde Norvège (1270-1319) parut en vieux norrois (le norvégien ancien devenu aujourd’hui l’Islandais), la Karlamagnùs Saga. Le récit contait l’épopée du grand empereur Charlemagne et la chanson de Roland y avait, bien entendu, sa place. A la même époque et sans doute à l’initiative du souverain, de source sûre et documentée, une quarantaine d’autres récits, romans ou poésies français furent traduits au coté de cette saga. Il y a pu en avoir plus, mais si c’est le cas, ils se sont perdus en cours de route.
Selon la romaniste et médiéviste danoise Jonna Kjaer (1), les traductions sous Haakon V de cette littérature médiévale française participait d’une volonté du souverain « demettre la Norvège à la hauteur de la civilisation européenne contemporaine« . Pour être plus spécifique, il était notamment question pour lui d’introduire et de promouvoir à sa cour et « dans son entourage », les moeurs courtoises.
Les textes ont sans doute et en partie transités par l’Angleterre même si les échanges culturels entre la France et la Norvège, dans le courant des XIIe et XIIIe siècles, sont des faits établis, notamment à travers certaines abbayes (Saint Victor à Paris) mais encore par des clercs norvégiens venus se former à l’Université de Paris. Parmi les oeuvres concernées, outre la saga de Charlemagne, on retrouvait aussi des chansons de gestes, des pièces courtoises et encore trois romans arthuriens de Chrétien de Troyes.
Bien entendu, pour des raisons sans doute autant liées à la difficulté de transposer mot pour mot l’univers et le contexte historique français dans lesquels baignait la plupart de ces textes (et notamment les chansons de Geste), autant que pour des raisons idéologiques et politiques, les textes une fois traduits n’étaient pas tout à fait les mêmes que les originaux. On notera, par exemple, avec Jonna Kjaer (opus cité), que le peu de goût pour les croisades du souverain norrois l’ont sans doute conduit à en gommer quelque peu l’ardeur dans les versions traduites. (pour plus de détails, nous vous renvoyons à l’excellent article de la romaniste cité en sources)
Plus tard, au Moyen Âge tardif et dans le courant du XVe siècle, un auteur danois vint encore recompiler la Karlamagnus saga pour en produire une version d’un usage plus populaire, en s’aidant aussi d’autres poésies médiévales françaises. Au XIXe siècle, des versions adaptées de cet ouvrage circulaient encore dans les campagnes islandaises ou danoises. Nous trouvons ces faits exposés très clairement dans l’introduction de La chanson de Roland, de l’historien et chartiste Léon Gauthier, datant de 1876(2).
Rolandskvadet, aux origines de la Chanson
et ballade Norvégienne sur Roland
Tout cela démontre donc, sans conteste, une réelle popularité de cette saga de Charlemagne en terres scandinaves et, avec elle, la partie qui concerne le chant de Roland de Roncevaux. Cette popularité a perduré au fil des siècles et, de fait, on comprend mieux pourquoi et comment on peut encore, de nos jours, retrouver une chanson norvégienne sur le sujet; l’intérêt que cette dernière démontre pour l’histoire franque et ses héros vient de très loin.
Si elle fut bien inspirée de la Karlamagnus Saga, cette ballade ayant originellement pour titre Roland og Magnus kongen (Roland et le Roi Magnus), a été recueillie au début du XIXe siècle par les folkloristes norvégiens. Il semble qu’elle ait été collectée directement auprès des chanteurs populaires issus de la longue tradition des bardes nordiques. Son auteur s’est perdu dans les méandres de la transmission et de la culture orales et nous ne savons pas non plus la dater précisément mais il ne fait aucun doute qu’indirectement au moins elle prend ses racines dans le lointain passé médiéval auquel nous faisions référence plus haut. Depuis, elle a connu de nombreuses variantes; les versions originelles qui comptaient entre 27 et 31 strophes (!) sont quelquefois tronquées, comme c’est le cas de l’adaptation que nous en propose aujourd’hui le Trio Mediaeval.
La Gloire de Roland et de Charlemagne dans l’Europe médiévale
« Roland est un des héros dont la gloire a été le plus oecuménique, et il n’est peut-être pas de popularité égale à sa popularité »
Léon Gauthier la Chanson de Roland
Pour élargir, il est indéniable que la popularité de Roland fut grande, en Scandinavie, comme en de nombreux autres endroits de l’Europe médiévale : Allemagne, Angleterre, Italie, Hollande, … Au moment où les romanciers et poètes du Moyen Âge central avaient commencé à donner à la mythologie arthurienne ses premières lettres de noblesse, le roi celte et breton était pourtant loin de rallier tous les esprits à sa cause et à sa référence. Une bonne dose d’imaginaire entourait aussi les récits arthuriens et si on les considérait « plaisants » avec Jean Bodel : « Li conte de Bretaigne si sont vain et plaisant », on savait, par ailleurs, que leur nature était, en grande partie, fictionnelle. Et même si le roi Edouard 1er d’Angleterre dans le courant du XIIIe siècle, se piqua d’intérêt pour l’histoire du roi breton, il fallut compter sur de notables efforts de l’Abbaye de Glastonburypour tenter de donner à la légende des chevaliers de la table ronde un fond plus solide de véracité ou au moins de vraisemblance historique.
De son côté, pour romancée, magnifiée ou même encore instrumentalisée que pouvait être l’histoire de Charlemagne et de Roland, ces derniers demeuraient des personnages historiques bien réels et les faits de Charlemagne, grand empereur unificateur, restaient établis à l’échelle européenne. Dans les XIIe et XIIIe siècles et longtemps loin devant Arthur, l’empereur et son fidèle Roland comptaient indéniablement parmi les héros qui faisaient rêver les rois et chanter les bardes jusqu’aux confins des terres de l’Europe médiévale.
La chanson de Roland par le Trio Mediaeval
Le Trio Mediaeval
Fondée à Oslo dans les années 1997 par l’artiste Linn Andrea Fuglseth, la formation vocale norvégienne Trio Mediaeval s’est donnée comme ambition de faire revivre les chants monodiques ou polyphoniques sacrés de l’Italie, l’Angleterre et la France médiévales, mais encore d’y adjoindre des ballades ou chansons plus traditionnelles (ou folk) en provenance des répertoires norvégiens, suédois ou islandais, et réarrangées par leurs soins.
Vingt ans après sa création, le trio féminin continue de se produire activement. Sa fondatrice et directrice est aujourd’hui entourée de Anna Maria Friman et Berit Opheim, cette dernière ayant remplacée Torunn Østrem Ossum qui faisait partie de la formation des origines et l’a quitté depuis. En scène ou sur leurs albums, on peut retrouver les trois chanteuses en trio simple ou accompagnées de divers artistes, ceci pouvant aller jusqu’à des formations et orchestrations plus conséquentes. Retrouvez leur site et toute leur actualité ici (en anglais)
L’album Folk Songs
Quatrième album du trio, Folk Songs entendait renouer avec les racines traditionnelles et anciennes de la musique norvégienne. Trio Mediaeval faisait appel ici à l’artiste Birger Mistereggen spécialiste des percussions dans la pure tradition norvégienne et signait un album résolument folk et 100% nordique.
Si l’album vous intéresse ou même simplement quelques unes de ses pièces, vous pourrez le trouver au lien suivant au format CD ou même MP3 : Folk Songs du Trio Mediaeval
Les paroles de Rolandskvadet du Trio Medioeval & leur traduction française
NB : mon norrois étant aussi pauvre que la misère sur un jour sans pain, la version française des paroles est adaptée par mes soins à partir de leur traduction anglaise. Elle en a donc clairement des limites, mais elle a au moins le mérite de nous permettre d’approcher le texte original.
Seks mine sveinar heime vera Og gjøyme det gullet balde; Dei andre seks på heidningslando Gjøyme dei jarni kalde.
Six hommes restèrent à l’arrière Pour garder leur or; Les six autres au coeur de la lande Brandirent l’acier froid.
Ria dei ut or Franklandet Med dyre dros i sadel. Blæs i luren, Olifant, På Ronsarvollen.
Ils sont sortis des terres franques Avec des butins dans leurs selles. Souffle dans ta corne, Olifant, À Roncevaux.
Slogest dei ut på Ronsarvollen I dagane två og trio; Då fekk’kje soli skine bjart For røykjen av manneblodet.
Ils se battirent à Roncevaux Pour deux jours, sinon trois; Et le soleil était obscurci Par la puanteur du sang des hommes.
Ria dei ut or Franklandet… (refrain) Ils sont sortis des terres franques…
Roland sette luren for blodiga mundi Blæs han i med vreide. Då rivna jord og jardarstein I trio døger av leide.
Roland porta son cor à sa bouche ensanglantée Et souffla dedans de toute sa volonté La terre trembla et les montagnes résonèrent Durant trois jours et trois nuits.
Ria dei ut or Franklandet… (refrain) Ils sont sortis des terres franques…
C’est un fait, de nos jours, une certaine littérature, des mouvements musicaux ou même encore de nombreuses troupes médiévales de reconstituteurs sont fortement attirés par les légendes ou la mythologie nordiques ou par l’histoire de ces vikings qui, venant de leurs terres froides, s’installèrent dans le nord de la France entre la fin du haut Moyen Âge et le début du Moyen Âge central. Pour autant, on s’en souvient sans doute moins, mais il est amusant de constater qu’à une période médiévale un peu plus tardive, les légendes et l’histoire de Charlemagne en provenance des terres franques, autant que la poésie et les chansons de geste françaises qui les vantaient, influençaient grandement la littérature et les esprits du côté de la Norvège et de la Scandinavie.
Sous la pression même de leurs couronnes, on voyait alors dans ces œuvres littéraires le moyen d’introduire des « éléments civilisationnels » en provenance de l’Europe, autrement dit (pour ne pas entrer dans le difficile débat qui consiste à définir ce qu’est exactement une civilisation) des « choses culturelles » auxquelles on prêtait suffisamment de reconnaissance et de crédit, pour vouloir les voir diffuser au sein de son propre territoire, Contre les conquêtes et les grandes expéditions du haut Moyen Âge, la courtoisie et ses valeurs étaient, semble-t-il, devenues les signes d’une certaine modernité, une norme, en somme, qu’on cherchait même à importer, dusse-t-elle être au passage adaptée et quelque peu remaniée.
Pour parenthèse, on notera encore que cette popularité du thème de Roland est encore relativement présente en Norvège puisque cette chanson a connu plus de sept enregistrements par des groupes folk locaux différents, depuis le milieu du XXe siècle. Dans le même temps, en France, nos chansons sur Charlemagne se réduisent à peu près à une comptine pour enfants sur l’invention de l’école, reprise par France Gall dans les années soixante et écrite par son père Robert, parolier et chanteur, un peu avant. Sauf tout le respect dû à la mémoire de l’auteur autant qu’à sa belle et talentueuse interprète, disparue récemment et puisqu’il ne s’agit pas de cela, on conviendra tout de même que du point de vue de notre Histoire, nous avons perdu quelques billes en cours de route… Il fallait bien, semble-t-il quelques norroises passionnées de musiques médiévales et anciennes pour venir nous rappeler les glorieux héros de notre Moyen Âge.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : agenda, musiques médiévales, concert, ensemble médiéval, Ottaviano Petrucci, Harmonice Musices Odhecaton, musiques polyphoniques, chansons polyphoniques, école franco-flamande Période : moyen-âge tardif, XVe siècle Lieu :Musée de Cluny, Paris 5eme Dates : dimanche 18 février 2018 à 16h00 et lundi 18 février 2018 à 12h30 Ensemble : Apotropaïk, Autour de 1500
Bonjour à tous,
Sur l’agenda médiéval, le Musée de Cluny vous propose ce dimanche et ce lundi une incursion au coeur de la musique du moyen-âge tardif. Au programme, deux concerts du jeune ensemble médiéval Apotropaïk, autour des compositeurs de l’école franco-flamande de la fin du XVe siècle.
Ottaviano Petrucci
et le Harmonice Musices Odhecaton
mprimeur vénitien de la toute fin du moyen-âge, Ottaviano Petrucci (1466-1539) a marqué l’histoire musicale du XVe et du XVIe siècle par ses productions.
Dès 1501, il publie un ouvrage qui fera date : le Harmonice Musices Odhecaton, Avec ses quatre-vingt seize pièces, cette anthologie sera, en effet, le premier du genre dans le domaine de la musique polyphonique. En plus de cet ouvrage de référence, on doit encore au vénitien, entre chansons polyphoniques, frottoles italiennes, ou encore pièces pour luth, motets, messes, autour de soixante publications. Par ses choix éditoriaux autant que par ses techniques d’impression novatrices et le large succès de ses livrets et recueils, Ottaviano Petrucci consacra l’importance majeure de l’école franco-flamande dans la culture musicale européenne de son temps.
Ce dimanche et ce lundi, le Musée de Cluny et l’ensemble Apotropaïk vous convie donc à la découverte d’un nombre choisi de compositeurs de cette école mis à l’honneur par Petrucci dans son Harmonice Musices Odhecaton. (pour réserver voir le lien en pied d’article)
Apotropaïk,
le jeune ensemble médiéval qui monte
Avec une palette d’instruments anciens variées, harpe gothique, vièle à archet, luth médiéval, flûtes à bec et encore voix, le quatuor Apotropaïk se centre sur un répertoire musical qui puise ses premières inspirations dans les manuscrits et la musique du XIIIe siècle, pour s’étendre jusqu’aux débuts de la renaissance.
Le parcours de ce jeune ensemble, dédié aux musiques médiévales et anciennes et formé il y a un peu plus de deux ans, se place déjà sous les meilleurs auspices. Depuis sa première prestation, fin 2015, à l’occasion de la Nuit de Corée, organisée par le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon, Apotropaïk a été choisi l’année dernière, par ce dernier, pour le représenter, dans le cadre du projet interculturel « Transcultural Confluence ». Tout récemment, en novembre 2017, la formation a également reçu le premier prix du Concours International des Journées de musiques anciennes de Vanves.
Ajoutons que concernant sa venue, cette fin de semaine, au Musée de Cluny, le quatuor n’en est pas à son galop d’essai. C’est en effet la troisième fois que l’institution leur fait confiance et leur ouvre ses portes dans le cadre de ses concerts-rencontres du Centre de musique médiévale de Paris.