Sujet : festival, concerts, monde celtique, cultures viking, animations médiévales, reconstitution, fêtes, évocation historique, pagan folk, folk médiéval, Evénement : Nemours Solstice Festival Lieu : Ormesson, Nemours, Seine-et-Marne, Île-de-France Dates: les 22 23 et 24 juin 2018
Bonjour à tous,
rganisé par l’Association Nemours-Médiéval qui, depuis 2005, a déjà à son actif la création de nombreux événements, fêtes et marchés sur le thème du moyen-âge (dont notamment les médiévales de Nemours), ce grand festival de trois jours, baptisé le Nemours Solstice Festival qu’elle nous propose ce week-end, se pose d’emblée comme un rassemblement de taille.
Un programme ambitieux
pour un grand rassemblement festif
Avec près de 37 compagnies , troupes et artistes spécialisés dans la reconstitution ou l’évocation historique et médiévale, plusieurs centaines de médiévistes devraient y être présents et l’espace réservé aux campements s’annonce déjà rien moins qu’imposant avec des thèmes aussi variés que les cultures viking, celtes, mais aussi écossaises.
Sur place, un grand marché artisanal promet aussi un large achalandage de produits d’inspiration médiévale puisque plus de soixante échoppes et exposants y sont attendus.
Mesnies, compagnies médiévales et artistes présents
(campements celtes, viking, écossais)
Terracrom – Sepa Hystos – Aventuriers d’un autre temps – Vikingar – Managram – La Geste de l’Hurepoix – les Barbiers fous – Les Gueux d’Smur – Les frères d’armes – Les trimardeuses – Cie ordre du pic du jour – Cie les Héritiers du Dagr -Entre chien et jeu – Midgarfolkar – Compagnons de la mémoire d’antan – Maisnie des Griffons – Mesnie de la Fortelle – La Maisnie du Val de Loing – Lous Cans Thancayres – La Trace du Geste – Branno Teuta – Cie Templière Armée de Villedieu – La Ferme médiévale du Chaineau – Harold Jenking – Jean de Boiscommun -Holmgeir Ottoson – Cie Pater Patriae – Campement de l’Enchanteresse – Mesnie d’Augerolles – Fabricae – Le Petit Paon – Cie Agartha – Cie Moriquendi – Cie Bric à Brac – Récréation pour tous – Tribu d’Af’avel.
Grands concerts tout au long de l’événement
n plus du marché médiéval et des nombreuses animations en continu – ateliers, démonstrations, scénettes, etc… – que tous les reconstituteurs, artistes et bateleurs présents se chargeront de faire tout au long du festival, des spectacles de feu émailleront également les festivités et il faudra aussi compter sur de nombreux concerts puisque l’événement se positionne résolument comme un véritable festival, au sens musical du terme. Six groupes y sont ainsi prévus qui s’enchaîneront tout au long des journées et des nocturnes à un rythme endiablé.
Groupes attendus
Au programme rock celtique, pagan folk, folk médiéval avec Celkilt, Barbarian Pipe Band, Pagan Noz, In Vino Veritas, Acus Vacuum et Ethnomus.
Une célébration du solstice en musique
dans un carré de verdure
u point de vue du site, le Nemours Solstice Festival a choisi de s’installer à environ une heure de route au sud de la capitale, près du Village d’Ormesson, à quelques encablures de Nemours. Un vaste espace de verdure y a été ménagé, au coeur d’une forêt, pour accueillir l’événement et les festivaliers. Il devrait fournir le cadre idéal pour festoyer, ripailler et se divertir cette fin de semaine, en célébrant dignement le solstice d’été.
Sujet : musique, chanson médiévale, poésie médiévale, vieux français, trouvère, rondeau, chansons polyphoniques, amour courtois, fine amor, bibliographie. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Auteur : Adam de la Halle (1235-1285) Titre :Je muir d’Amourete(s) Interprètes : Fortune’s wheel Album : Pastourelle, the Art of Machaut and the Trouvères (2002)
Bonjour à tous,
ous revenons aujourd’hui à la poésie d’Adam de la Halle avec un de ses célèbres rondeaux. Le thème est celui de l’amour courtois. « Je muir d’amourette », le fine amant se meurt de n’avoir réussi à séduire la demoiselle ou la dame de son coeur et du manque de miséricorde dont il fait l’objet. Bien moins douce et docile qu’il ne l’avait supposé au premier abord, elle se montre sauvage et cruel, en lui accordant pas ses grâces et le trouvère, rendu seul, se morfond.
Le rayonnement des musiques et de la poésie de l’Europe médiévale n’a pas de frontières. Bien au delà du continent, ces oeuvres appartiennent désormais au patrimoine de l’Humanité et séduisent, en tout cas, de nombreux artistes et un large public à travers le monde. Pour preuve, l’interprétation du jour nous vient d’outre-atlantique et d’un ensemble médiéval américain ayant pour nom Fortune’s Wheel; nous aurons ainsi l’occasion de vous les présenter.
Les Oeuvres complètes d’Adam de la Halle
bibliographie & ouvrages
En 1872, après avoir compulsé plus de quinze manuscrits anciens, le juriste, musicologue et ethnologue Edmond de Coussemaker (1805-1876) faisait paraître une synthèse remarquable des oeuvres d’Adam de la Halle. A côté de la liste exhaustive des créations du trouvère artésien du XIIIe siècle : chansons, jeux-partis, motets, rondeaux mais aussi pièces plus longues de l’auteur ( le congé, le poème du roi de Sicile, le jeu de la feuillée, le jeu de Marion et Robin et le jeu du pèlerin), le musicologue nous gratifiait également des partitions de l’ensemble des compositions de l’artiste médiéval, en juxtaposant même les notations anciennes des manuscrits aux notations modernes.
Pour parenthèse, concernant la pièce du jour et sa popularité, on notera sa présence, entre autres manuscrits, dans le roman satirique Renart le Nouvel (1288) de Jacquemart Giélée. Elle y sera même chantée deux fois.
Pour revenir à l’ouvrage de Edmond de Coussemaker, cette véritable bible sur l’oeuvre de Adam de la Halle à fait longtemps référence pour les artistes désireux de s’essayer à la musique du trouvère d’Arras, comme aux amateurs de poésie et de littérature médiévale. De fait, à quelques 150 ans de sa première parution, l’ouvrage est toujours réédité. On pourra notamment le trouver chez Hachette où il est publié en partenariat avec la BnF et dans le cadre de sa politique de conservation patrimoniale des ouvrages de la littérature Française En voici le lien : Oeuvres complètes du trouvère Adam de La Halle (Éd.1872)
Les oeuvres traduites
A noter qu’en 1995, l’universitaire et spécialiste de littérature médiévale, Pierre-Yves Badel faisait également paraître ses oeuvres complètes du trouvère, aux côtés, cette fois, de leur traduction en français moderne. Sorti dans la Collection Lettres gothiques et sous la direction de Michel Zink, l’ouvrage est toujours disponible au Livre de Poche. Les mélodies y sont également présentes. Pour information, en voici également le lien : Oeuvres complètes d’Adam de la Halle, par Pierre-Yves Badel.
« Je muir d’amouretes », d’Adam de la Halle, Ensemble Fortune’s wheel
L’Ensemble médiéval Fortune’s Wheel
Fondé en 1996 par quatre musiciens spécialisés dans les musiques anciennes et renommés outre-Atlantique, l’EnsembleFortune’s Wheel a fait de très salués premiers pas au Festival of Early Music de Mexico, avant de se produire en concert à travers tous les Etats-Unis, dans le courant des années suivantes.
Après avoir publié deux albums, celui dont est extrait la pièce du jour et un autre sur les musiques de l’Angleterre médiévale, le groupe a, semble-t-il, arrêté de se produire et ne s’est pas reformé depuis quelque temps déjà. Les artistes qui le composaient étant toujours actifs dans le champ des musiques du moyen-âge, on peut les retrouver plus récemment dans d’autres formations, du côté des Etats-Unis.
Dans sa composition, on retrouvait Robert Mealy, vièle, harpe et voix (voir article Ensemble Tenet), Shira Kammen, vièle, harpe et voix (Ensemble PAN), Paul Cummings, voix (Boston Camerata) et Lydia Heather Knutson, voix (Ensemble Sequentia, Boston Camerata, Blue Heron).
Pastourelle, the Art of Machaut & the Trouvères
Sorti en 2002, l’album Pastourelle, proposait 20 titres empruntés au répertoire médiéval des XIIe au XIVe siècles. On pouvait ainsi y retrouver quatre pièces d’Adam de la Halle, une de Conon de Béthune, huit de Guillaume de Machaut et encore quelques autres compositions anonymes de cette même période. Pour le moment, l’album ne semble pas avoir été réédité mais il est, en revanche, toujours disponible au format MP3 au lien suivant : Pastourelle by Fortune’s Wheel Ensemble.
Je muir d’amouretes d’Adam de la Halle
Je muir, je muir d’amourete, Las! ai mi Par defaute d’amiete De merchi.(1)
Je meurs, je meurs d’amourete, Las! Pauvre de moi Par défaut d’Amie et de miséricorde (pitié).
A premiers la vi douchete* (douce, tendre); Je muir, je muir d’amourete,
D’une atraitant* (séduisante) manierete A dont (alors) la vi, Et puis la truis* (de trover) si fierete* (sauvage, cruelle) Quant li pri* (de preiier, supplier)
Je muir, je muir d’amourete, Las! ai mi Par defaute d’amiete De merchi.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : chanson médiévale, poésie, amour courtois, chevalier, trouvère, trouvère d’Arras, Artois, lyrisme courtois, Période : moyen-âge central, XIIe, XIIIe. Auteur : Conon de Béthune ( ?1170 – 1219/20) Titre : «Tant ai amé c’or me convient haïr» Interprètes : Ensemble Sequentia Album : Trouvères, chants d’amour courtois des pays de langue d’Oil (1987)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons un retour à la poésie des premiers trouvères, avec une nouvelle chanson de Conon de Béthune, noble chevalier du moyen-âge central, qui s’illustra aussi dans la quatrième croisade (voir biographie ici).
Les limites du cadre courtois?
La pièce du jour nous entraîne sur les rives de l’Amour courtois mais c’est aussi le récit d’une déception sentimentale qui nous en montre les limites. « Tant ai amé c’or me convient haïr » Trahi, déçu par une « fausse amie », le « fine amant » est arrivé au point de rupture et fustige la fausseté de celle à qui il avait confié son cœur. Il passe même de l’amour à son radical opposé : la haine. On pourra débattre pour savoir si, en ne se pliant pas aux quatre volontés, résistances, manœuvres et caprices de sa maîtresse et, en réagissant de la sorte, le poète sort du cadre de la lyrique courtoise ou s’il s’y trouve toujours. Il continue, en tout cas, lui de se définir comme un fine amant et nous sommes ici aux bornes de son élasticité (celle du cadre, pas celle du poète, je n’ai pas connu suffisamment ce dernier pour me permettre de m’exprimer sur le sujet et en plus cela ne voudrait rien dire). Bref, la chanson du jour nous entraîne à ce moment précis où le poète décide qu’il ne joue plus et passe directement de l’amour frustré (notion tout à fait hors champ et inexistante au moyen-âge), au rejet et même à la « haine » (aussi littéraire sans doute que son amour, ou son désir de mourir pour la dame avant cela).
Petite Marie, m’entends-tu ?
Cette chanson a-t-elle pu être écrite à l’attention de Marie de France ou de Champagne (1145-1198)*, protectrice du trouvère qui l’avait même, on s’en souvient, fait inviter à la cour de France (par quoi le langage mâtiné d’Artois de ce dernier se trouva railler par la reine et le jeune héritier Philippe-Auguste) ? Certains biographes pensent que Conon de Béthune était tombé véritablement en amoureux de la Comtesse malgré leur différence d’âge. Le ton assez dur qu’il emploie ici peut toutefois laisser penser qu’il ne se serait sans doute pas aventuré à une telle offense envers sa protectrice. Par ailleurs, il faut encore ajouter qu’à d’autres endroits de son oeuvre, certaines dames auxquels il fait allusion sont clairement désignées comme n’étant pas Marie de France. Entre allégorie poétique, réalité historique et spéculations, à près de neuf cents ans de là, il demeure assez difficile de trancher.
* A ne pas confondre avec Marie de Champagne (1774-1204), la propre fille de l’intéressée, ni avec Marie de France la poétesse (1160-1210),
L’oeuvre de Conon de Béthune dans les manuscrits : MS Fr 844 & MS Fr 12615
Du point de vue documentaire, on trouve cette chanson attribuée à Conon de Béthune (« Quenes »), au côté de sept autres dans le manuscrit ancien référencé MS Français 844 de la BnF (consultez-le en ligne sur Gallica ici).
Pour les musiciens, les musicologues ou tout autres passionnés ou amateurs de moyen-âge et de musique ancienne, nous nous sommes même fendus d’y rechercher le feuillet correspondant (visuel ci-dessus). Le mérite ne nous en revient qu’à moitié puisque le grand historien médiéviste et chartiste Gaston Raynaud nous a fait gagner un précieux temps dans cette recherche, grâce à son ouvrage: Bibliographie des Chansonniers français des XIIIe et XIVe siècles, daté de 1884.
Précisons encore avec lui que l’on peut également retrouver les chansons de Conon de Béthune (en nombre significatif) dans le Chansonnier dit de Noailles ou MS Français 12615 (ici sur Gallica) : neuf en tout, entre lesquelles on notera à nouveau la présence de notre chanson du jour. Enfin et pour en faire complètement le tour, deux autres manuscrits font encore état des oeuvres du trouvère, le MS Français 1591 « Chansons notées et jeux partis« (ici sur gallica) en contient quatre et le Rome, Vat. Christ. 1490 en contient une.
« Tant ai amé c’or me convient haïr » par l’Ensemble Médiéval Sequentia
Une véritable anthologie des trouvères
par l’ensemble Sequentia
L’interprétation de la chanson de Conon de Béthune que nous vous proposons ici est tirée de l’excellent travail que l’Ensemble Sequentia dédiait, en 1984, aux trouvères français. Sortie tout d’abord sous la forme d’un triple album, la production fut rééditée quelques années plus tard, en 1987, sous la forme d’un double album.
Avec pas moins de 43 titres, cette véritable anthologie des trouvères des XIIe et XIIIe siècles demeure une pièce incontournable pour qui s’intéresse à la musique médiévale et ancienne. Elle est toujours disponible à la vente sous sa forme de double album CD, mais aussi au format dématérialisé MP3. Nous vous en redonnons le lien ici à toutes fins utiles : Trouvères : Chants D’Amour Courtois Des Pays De Lanque D’Oïl
Tant ai amé c’or me convient haïr.
Tant ai amé c’or me convient haïr Et si ne quier mais amer, S’en tel lieu n’est c’on ne saice* (de savoir) traïr Ne dechevoir ne fausser. Trop longement m’a duré ceste paine K’Amors m’a fait endurer; Et non por quant loial amor certaine Vaurai encoir recovrer.
Ki or vauroit loial amor trover Si viegne a moi por coisir* (choisir)! Mais bien se doit belle dame garder K’ele ne m’aint* (de aimer) pour traïr, K’ele feroit ke foie* (promesse) et ke vilaine, S’em porroit tost mal oïr, Ausi com fist la fause Chapelaine* (fig :confesseuse), Cui tos li mons doit haïr.
Assés i a de celés* (secrets) et de ceaus Ki dient ke j’ai mespris De çou ke fis covreture de saus, Mais moût a boin droit le fis, Et de l’anel ki fu mis en traîne, Mais a boin droit i fu mis, Car par l’anel fu faite la saisine Dont je sui mors et traïs.
A moult boen droit en fix ceu ke j’en fix, Se Deus me doinst boens chevals! Et cil ki dient ke i ai mespris Sont perjuré et tuit fauls. Por ceu dechiet* (de decheoir, diminuer) bone amor et descime Que on lor souffre les mais, Et cil ki cellent* (cachent) lor faulse covine* (pensée, fausseté) Font les pluxors deloiauls.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie. Epoque : Moyen Âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Cantiga 152, le bol d’argent
Tantas nos mostra a Virgen Direction : Eduardo Paniagua (2003) Album : Caballeros, Cantigas de Alfonso X, el sabio
Bonjour à tous,
ous poursuivons ici l’exploration des Cantigas de Santa Maria, chansons médiévales toutes entières dédiées au culte marial et à la vierge, léguées à la postérité par le roi espagnol Alphonse X de Castille, dans le courant du XIIIe siècle. Aujourd’hui, c’est la Cantiga numero 152 que nous vous présentons par le détail.
Culte Marial au Moyen Âge
La bonté d’une Sainte et la bienveillance d’une mère, au secours de l’homme médiéval
On ne peut s’intéresser au Moyen Âge en Europe occidentale, sans se pencher sur ses aspects profondément chrétiens. Impossible non plus d’occulter le culte qui s’y développe autour de la vierge Marie et dont témoigne les Cantigas de Santa Maria.
En Occident, le culte marial s’intensifie autour du VIIe siècle avec l’entrée dans le calendrier de fêtes destinées à célébrer la Sainte incarnée et sa maternité. Cette force s’affirmera encore du IXe au XIe siècle. Au XIIe siècle, les images et les réflexions associées à la « madre dolorosa » accompagnant son fils sur la croix lui conférera plus que jamais un statut unique dans le cœur des croyants.
Entre le ciel et la terre, la mère de Dieu sera alors devenue celle de tous les hommes. Toujours prompte à les secourir, elle peut leur offrir le salut. Mère de miséricorde, le XIIe et le XIIIe siècles la vénéreront intensément à travers de nombreuses productions artistiques et de nombreux récits de Miracles. (1)
Amour et pouvoir d’intercession
Au XIIIe siècle, les Cantigas de Santa Maria sont chantées à la cour d’Espagne. Elles résonnent dans les chants des pèlerins et les accompagnent au long des grandes routes souvent périlleuses du Moyen Âge.
Chez certains prêcheurs de l’Eglise, cet amour pour la Sainte héritera même des formes de la lyrique courtoise. L’émotion qu’elle suscite chez bon nombre d’hommes occidentaux, au cœur du Moyen Âge, nous est aujourd’hui difficile à percevoir dans toute sa profondeur et sa complexité mais elle recouvre une réalité indubitable dont nous gardons encore de nombreux témoignages.
Sainte miraculeuse, mère des mères, dames des dames, touchée par la grâce divine et pleine de miséricorde, icone féminine sublime de bonté et de pureté, cette « notre dame » qui est même devenue le symbole de l’Eglise toute entière est, pour l’homme médiéval, capable plus encore que tout autre Saint d’intercéder efficacement auprès de son fils. Auprès du Christ, le « Dieu mort en croix » qui mieux qu’elle peut obtenir son oreille et sa mansuétude ?
A lui, on n’ose pas toujours d’adresser directement, jamais tout à fait certain d’en être digne, ni d’avoir son écoute. Et comme on crédite Sainte Marie de cette bonté infinie. tout autant que de cette proximité, elle apparaît aussi, souvent et se montre quand on l’appelle, pour peu qu’on le fasse avec une foi sincère. Ainsi, l’histoire de la Cantiga de Santa Maria du jour, la Cantiga 152, est encore celle d’un miracle et d’une apparition.
La Cantiga 152 par Eduardo Paniagua
Eduardo Paniagua et les chevaliers dans les cantigas de Santa Maria
Nous avions déjà dédié à Eduardo Paniagua, un long article à l’occasion de notre présentation détaillée de la Cantiga 23 (celle du miracle du vin). Aussi, si vous désirez en savoir plus sur ce brillant et talentueux musicien espagnol entièrement dévoué au répertoire médiéval, nous vous invitons à le consulter.
Rappelons simplement que dans les nombreuses productions musicales médiévales qu’il a ramené à la lumière et réinterprétées, on doit à Eduardo Paniagua l’immense travail d’avoir recompilé et enregistré l’ensemble des Cantigas de Santa Maria.
Dans un album de 2003 ayant pour titre Caballeros, il proposait une selection des Cantigas d’Alphonse le Sage, sur le thème des chevaliers et de la chevalerie. C’est de cet album qu’est tiré l’interprétation de la Cantiga 152 du jour. Vous le trouverez disponible à la vente en ligne sous ce lien : Caballeros, l’album d’Eduardo Paniagua
La Cantiga 152 Un bol d’argent plein d’amertume pour un chevalier débauché
Petits pèlerins, simples gens, marchands, bourgeois, seigneurs et princes, les miracles des Cantigas de Santa Maria ne font pas d’ostracisme social et la vierge ne distingue pas entre les classes pour accomplir ses prodiges. Bien au contraire, la multiplicité des exemples ne fait que renforcer l’idée que la Sainte est à portée de tous. Le Miracle de la cantiga 152 concerne, cette fois-ci, un chevalier arrogant et enclin à la luxure mais qui sera sauvé.
Como u bon cavaleiro d’armas, pero que era luxurioso, dezia sempr’ «Ave Maria», e Santa Maria o fez en partir per sa demostrança.
Comment un bon chevalier d’armes, mais qui était plein de luxure, disait toujours « Ave Maria » et comment Sainte Marie par sa démonstration lui permis de s’en défaire.
Bien qu’il invoqua souvent le nom de la vierge en disant « Ave Marie », l’homme ne se rendait jamais aux messes, ni aux offices et ne priait guère non plus. Fort talentueux dans les arts de la guerre et doté d’un grand courage, il demeurait aussi arrogant et licencieux, se rendant coupable de tous les péchés de luxure, les plus grands comme les plus petits.
Un jour, l’homme se trouva en grande lutte avec lui-même, désireux de s’amender au fond de son âme mais au dilemme, car son corps ne voulait abandonner les plaisirs de chair qu’il goûtait par ailleurs et auxquels il s’était habitué. Et tandis qu’il était au débat, ne sachant trancher, la « glorieuse » lui apparut, tenant dans sa main un magnifique bol d’argent grand et luisant. A l’intérieur du récipient, se tenait un mets de couleur jaunâtre et abjecte, à la saveur amère et à l’odeur nauséabonde et fétide.
A la vue du liquide, le chevalier fut pris d’une grande peur et somma l’apparition de vouloir se nommer. La Sainte lui répondit : « Je suis Sainte Marie et je viens avec ce bol te décrire ta situation afin que tu les abandonnes tes erreurs. Car, vois-tu, ce bol te montre que tu es beau et doté de très grandes qualités. Et pourtant, comme tu es aussi plein de péchés et sale dans ton âme, tu empestes comme ce mets malodorant et tu iras en enfer, qui est plein d’amertume. »
Ayant prononcé ces mots, la vierge s’en fut, et depuis cet instant, jusqu’à la fin de ses jours, le chevalier s’amenda et vécut dans la droiture. Et quand son âme fut séparée du corps, il s’en fut dans le lieu de Paradis où l’attendait la vierge sainte qui est la dame des dames.
Refrain « La vierge nous montre tant de merci et d’amour Que jamais et pour aucune raison nous ne devons être de mauvais pêcheurs. »
La Cantiga de Santa Maria 152
en galaïco-portugais original
Como u bon cavaleiro d’armas, pero que era luxurioso, dezia sempr’ «Ave Maria», e Santa Maria o fez en partir per sa demostrança.Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores
que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
E dest’ un mui gran miragre mostrou por un cavaleiro que apost’ e fremos’ era e ardid’ e bon guerreiro; mas era luxurioso soberv’ e torticeiro, e chẽo d’ outros pecados muitos, grandes e mẽores. Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
Este per ren madodynnos nen vesperas non oya, nen outras oras nen missa; pero en Santa Maria fiava e muitas vezes a saudaçon dizia que ll’ o Sant’ Angeo disse, de que somos sabedores. Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
E un dia, u estava cuidando en ssa fazenda com’ emendass’ en sa vida, e avia gran contenda, ca a alma conssellava que fezesse dest’ emenda, mas a carne non queria que leixasse seus sabores; Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
El estand’ en tal perfia, pareceu-ll’ a Groriosa con ha branqu’ escudela de prata, grand’ e fremosa, chẽa dun manjar mui jalne, non de vida saborosa, mas amarga, e sen esto dava mui maos odores. Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
U a viu o cavaleyro, foi con medo [e]spantado e preguntou-lle quen era. Diss’ ela: «Dar-ch-ei recado: eu sõo Santa Maria, e venno-te teu estado mostrar per est’ escudela, porque leixes teus errores. Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
Ca ves, esta escudela mostra-ti que es fremoso e ás muitas bõas mannas; mas peccador e lixoso es na alma, poren cheiras com’ este manjar astroso, per que yrás a inferno, que é chẽo d’ amargores». Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.
E pois ll’ ouv’ aquesto dito, a Virgen logo foy ida; e el dali adeante enmendou tant’ en sa vida, per que quando do seu corpo a ssa alma foy partida, foi u viu a Virgen santa, que é Sennor das sennores. Tantas nos mostra a Virgen de mercees e d’ amores que per ren nunca devemos seer maos pecadores.