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Tintagel, un site archéologique d’exception au coeur des légendes arthuriennes

excalibur_legendes_arthuriennes_conference_histoire_medieval_litterature_moyen-age_michel_pastoureauSujet : archéologie, histoire médiévale, Tintagel, château, fouilles archéologiques, roi Arthur, légendes Arthuriennes. château,  royaume celte.
Période : Haut Moyen Âge, Moyen Âge central.
Lieu d’Intérêt : Tintagel, site archéologique d’exception, découvertes récentes
Gestion du site : English Heritage

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous parlons un peu  d’archéologie outre-manche et de Tintagel  en Cornouailles, berceau des légendes Arthuriennes, mais surtout site d’exception archéologique. Nous en profitons pour aborder les les dernières découvertes en date, en examinant leurs   possibles convergences  avec  les légendes arthuriennes.

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Tintagel au Moyen Âge central

Entre presse à sensation et archéologie, le  site de Tintagel est marqué du sceau indélébile de Geoffrey de Monmouth, religieux  et historien anglo-normand du XIIe siècle, au service du roi Henri 1er d’Angleterre qui, dans son Historia Regum Britanniae, fit de l’endroit le lieu mythique de la naissance du Roi Arthur, enfanté par Uther Pandragon suite à un subterfuge rendu possible par  l’enchanteur Merlin. Aujourd’hui, Tintagel  est sans doute une des places historiques les plus visitées d’Angleterre, certainement d’ailleurs bien plus pour ses références au  légendaire roi breton que pour sa réalité historique établie.  

Dans les faits, le site de Tintagel héberge les ruines d’un château construit durant le Moyen Âge central et au XIIIe siècle. Sise sur un emplacement qui ne semble pas avoir « à première vue » de valeur stratégique particulière, cette forteresse n’est  pourtant pas sans lien avec le Roi Arthur puisqu’on admet généralement qu’elle fut construite à cet endroit même par Richard 1er, comte de Cornouailles et  frère du Roi Henri III d’Angleterre chateau_tintagel_haut_moyen-age_celte_histoire_archeologie_medievale_legendes_roi_arthur_angleterre pour mieux asseoir sa légitimité auprès des habitants de la province, en établissant l’idée d’une connexion entre sa lignée et celle du mythique souverain. C’est encore une preuve de la force des légendes arthuriennes dans l’Angleterre du Moyen Âge central.

Si la majorité des historiens contemporains conteste dans les grandes lignes, la réalité des faits du roi Arthur et de ses chevaliers, ou à tout le moins fait le constat qu’il est impossible d’en établir la véracité, au vue des documents en présence, pour les hommes de Moyen Âge, il ne faisait guère de doute que le fils de Uther Pendragon avait réellement existé et conduit nombre des exploits que les contes gallois ou les écrits  de Geoffrey de Monmouth lui prêtaient.

Héritier des légendes arthuriennes

Eblason_cornouailles_richard_1er_tintagel_site_archeologie_histoire_medieval_moyen-age_centraln 1225, Richard 1er de Cornouailles  échangea donc avec Gervase de Tintagel ses terres de Merthen contre celle de Tintagel pour y bâtir sa forteresse.  Au titre des détails intéressants de l’histoire qui viennent encore renforcer ses intentions, il semble même qu’alors il fit bâtir le château  dans un style architectural antérieur  à celui dont  il était contemporain, afin de le faire paraître plus ancien et donc finalement encore plus « Arthurien » et légitime aux yeux des populations de Cornouailles. En affichant la volonté de se situer dans l’héritage des légendes arthuriennes, le noble  ne fit pas exception. Comme cité précédemment (voir article), il n’était, en effet, pas rare que les rois anglais des XIIIe et XIVe siècles se référent au légendaire héros, pour s’inscrire dans sa « lignée » ou son « esprit » comme d’autres le faisaient alors avec  Charlemagne, en France.  Pour que tout cela soit possible, il fallut tout de même attendre que les rois de l’île britannique  tintagel_chateau_legendes_roi_arthur_archeologie_histoire_medievale_lieu_historique_moyen-age« anglicisent » en quelque sorte Arthur et le « christianisent » même un peu plus, afin qu’il soit « récupérable » et « présentable ». Dans les siècles précédents le XIIIe, ce dernier incarnait, en effet, un idéal breton ou celte un peu « encombrant » pour l’élite noble anglaise. Cette dernière s’étant finalement réconciliée avec le légendaire roi de Bretagne, on se mit à revendiquer de plus en plus son héritage. De nos jours encore, l’aristocratie britannique continue quelquefois sur cette lancée, en utilisant le célèbre prénom dans le nom donné aux enfants : Prince William Arthur Philip Louis, Princes Charles Philip Arthur George.

Un château peut en cacher un autre

Pour en venir à l’archéologie sur site, la campagne de fouilles actuelle à Tintagel est conduite par l’association English Heritage depuis les années 90.  Disons d’emblée que le but  déclaré n’est pas –  les archéologues sur place s’en défendent largement – de rechercher une quelconque  corrélation entre les découvertes et les légendes arthuriennes, mais bien plutôt de mettre à jour les vestiges  de bâtiments  du haut Moyen Âge.

Dans les années 30,  certaines fouilles avaient, en effet, permis de découvrir les traces d’édifices datant d’une période contemporaine des légendes : les Ve, VIᵉ siècles et le haut Moyen Âge. Suite à ces découvertes effectuées du début du XXe siècle, les fouilles s’étaient interrompues pour quelques décennies et, pire même, la demeure de l’archéologue qui les avait en charge ayant été détruite par des bombardements durant la deuxième guerre mondiale, les traces de ses conclusions avaient été en grande partie perdues. Quoiqu’il en soit, depuis les années 70-80, on admettait généralement que les vestiges mis à jour et les traces de bâtiments enfouis pouvaient être les restes d’une forteresse celte, et peut-être même le centre du Royaume de Dumnonia (Domnonée). A partir du IVe siècle et jusqu’au début du IXe siècle et l’invasion des saxons, cette province s’étendait de part et d’autre de la manche sur l’île britannique,  mais aussi en Bretagne continentale.

« La pierre d’Arthur »

chateau_tintagel_archeologie_histoire_medievale_site_haut_moyen-age_pierre_roi_arthurDébutée dans les années 90, la campagne de fouilles menée par l’organisme English Heritage a permis de mettre à jour une  première découverte troublante dans le courant de l’année 98. Si elle ne créa pas de révolution majeure chez les archéologues, amateurs de faits avérés  et peu enclins à s’échauffer rapidement, la nouvelle fit le « buzz » dans la presse anglaise. La découverte était un fragment d’ardoise plate gravée d’inscriptions. On émet l’hypothèse qu’elles furent écrites par une main gauloise et toutes ne sont pas entières mais la partie déchiffrable permet de lire :  « Pater Coliavificit Artognov« . L’archéologue et historien   Charles Thomas  (1928-2016) de l’Université  d’Exeter  la traduisit ainsi :  « Artognou, father of a descendant of Coll, has had this built » soit en français moderne : « Artognov (Arthnou, Arthur) père et descendant de Coll a possédé cette  construction« .

chateau_tintagel_archeologie_histoire_medievale_haut_moyen-age_pierre_arthur_legendes_arthuriennesLa pierre a passé, avec succès, les tests de datation et on a pu ainsi la faire remonter au VIe siècle. Elle serait donc contemporaine de la période durant laquelle Arthur aurait vécu. Comme nous le disions plus haut, les historiens et archéologues ne sont jamais prompts à  sauter trop rapidement sur les conclusions et se tiennent toujours dans une réserve scientifique prudente, mais certains sont tout de même plus enclins à s’enthousiasmer que d’autres. Ainsi, au moment de la découverte, quand les uns affirmaient que la seule chose que l’on puisse déduire, pour l’instant et avec certitude, de cette pierre était que le prénom « Arthur » était en usage à l’époque, mais aussi que ses inscriptions établissaient la présence d’une compétence de lecture et d’écriture en dehors du cadre religieux, le professeur  et archéologue  Geoffrey Wainwright présent sur le site se montrait, quant à lui, largement plus enthousiaste et déclarait :

« Tintagel  nous a présenté la preuve de l’existence d’un prince de Cornouailles, au haut Moyen Âge (dark ages), d’un statut social élevé et qui vivait au temps où Arthur vivait.  Le site nous a livré le nom d’une personne : « Arthnou ». Arthnou était ici, c’est son nom que nous retrouvons sur ce morceau de pierre. C’est tout de même assez énorme comme coïncidence,  C’est là que le mythe rejoint l’histoire. C’est la découverte de toute une vie. »
 Geoffrey Wainwright, Arthur Stone Discovery at Tintagel

Les découvertes de 2016

En août  2016, en poursuivant   les   fouilles sur le  site, l’équipe d’archéologues a mis à jour de nouvelles découvertes : les restes d’un  mur enfoui d’un mètre d’épaisseur datée de ce même haut Moyen Âge et également de nombreux fragments de  poterie et d’objets de verre  qui, à l’analyse, proviennent  de sites très distants : romains, anatoliens et méditerranéens notamment. L’ensemble tend chateau_tintagel_site_archeologique_haut_moyen-age_celte_histoire_medievale_legendes_arthuriennes_Domnoneeà confirmer la présence sur place d’une installation de taille, peut-être même d’une forteresse « royale » qui aurait pu être, comme on le pensait depuis quelque temps déjà, le centre de la Domnonée.

De manière certaine, en tout cas, le site était le lieu de vie  d’une élite, abritée derrière de hauts et solides murs de pierre dans un complexe élaboré, tant au niveau architectural  que défensif. L’endroit  était aussi, à l’évidence, le centre d’une forte activité commerciale.  Les experts de cette période et de ce peuple celte brittonique de Domnonée avancent que  ces derniers échangeaient très  certainement de l’étain, et peut-être même encore des esclaves et des chiens de chasse  contre ces produits élaborés  d’origine lointaine et méditerranéenne (vin, huile d’olive, etc…).  Plus d’informations sur la Domnonée ici  ( en anglais).

Corrélations arthuriennes ?

Et Arthur dans tout ça, me direz-vous ? Et bien les bâtiments sont,  encore une fois,  contemporains du siècle  où la légende situe le roi breton mais les archéologues restent, là encore, prudents. Si certains y cèdent volontiers, il semble tout de même que l’ensemble de la corporation voit la poursuite des légendes arthuriennes plus proche d’un film de Stephen Spielberg que d’un travail sérieux de recherche de terrain. Arthur n’est donc pas devenu leur Graal et ils se défendent, au moins officiellement, d’en poursuivre la chimère. Ils préfèrent donc se focaliser sur les informations cruciales que promettent, quoiqu’il en soit, d’apporter les fouilles de Tintagel dans les années à venir sur l’Angleterre du haut moyen âge, et sur cette période encore peu connue de son histoire qui fait suite à  la chute de l’empire romain.  Ajoutons que ces dernières trouvailles  archéologiques ont fait  de Tintagel, un tintagel_chateau_legendes_roi_arthur_archeologie_histoire_medievale_lieu_historique_haut_moyen-agesite d’exception et sans doute même, l’un des plus importants d’Europe de l’ouest, sur la période du haut Moyen Âge.

Bien sûr, du côté des amateurs du mythe d’Arthur et ses preux chevaliers, chaque découverte allant dans le sens de la légende est toujours un enchantement  et ces dernières trouvailles risquent de  garantir encore pour longtemps la haute fréquentation du site de Tintagel.

En vous souhaitant une très belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

La complainte de Richard 1er d’Angleterre et la musique médiévale des productions Perceval

richard_coeur_de_lyon_chanson_complainte_poesie_musique_medievale_roi_poete_troubadourSujet :  musique, poésie, chanson, médiévale,  troubadour. complainte.
Titre : la complainte du prisonnier ou  Ja nuns hons pris, Ja nuls om pres
Epoque : moyen-âge central  (1193-1194?)
Auteur : le roi Richard Coeur de Lyon.
Langue originale :  occitan, langue d’oc
Interprètes : Ensemble Perceval
Album : 
« Minnesänger, Troubadours, Trouvères » (1998)
Label: ARTE NOVA Classics

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous vous proposons aujourd’hui l’écoute d’une nouvelle version de la complainte du prisonnier de Richard Coeur de Lion, cette fois-ci dans la langue originale de sa composition par le roi d’Angleterre et Duc de Normandie, soit en langue occitane.

Nous avions déjà parlé  ici des circonstances  et du contexte historique entourant cette complainte devenue célèbre, aussi  nous vous engageons à vous reporter à l’article la concernant, si vous souhaitez plus d’information :   Chanson et poésie médiévale, « la complainte du prisonnier » de Richard Coeur de Lion.

L’ensemble Perceval

C_lettrine_moyen_age_passionette très belle interprétation nous fournit l’occasion de parler d’une autre formation  spécialisée dans les musiques anciennes et médiévales avec comme ambition un parti pris de restitution sérieuse, sous-tendu par de longues recherches comparatives aux sources des manuscrits anciens. Il s’agit, cette fois, de l’ensemble Perceval.

musique_medievale_ancienne_luthiste_guy_robert_ensemble_perceval_complainte_richard_coeur_de_lionFondé et dirigé en 1979, par Guy Robert et par Katia Caré, l’Ensemble Perceval nous a légué  autour de douze albums à la recherche des sonorités, des musiques et de la poésie médiévales.

Instrumentiste, luthiste de renom, fondateur également de l’ensemble Guillaume de Machaut  en 1974, Guy Robert  s’était encore chargé en 1978 de la musique du film Perceval de Eric Rohmer qui propulsa le jeune Fabrice Luchini à l’écran et dans l’univers très ambitieux du réalisateur.  Le luthiste s’était alors inspiré de partitions  des XIIe et XIIIe siècles.

musique_medievale_ancienne_productions_perceval_katia_care_complainte_richard_coeur_de_lionAujourd’hui, le travail de recherche, de diffusion et d’interprétation insufflé par l’ensemble Perceval se poursuit avec les Productions Perceval. Sur le terrain musical, il a pris la forme d’une nouvelle formation du  nom de  Ligériana, ensemble vocal et instrumental  dirigé par  Katia Caré. Chanteuse soliste, flûtiste et directrice d’orchestre, cette artiste polyvalente était déjà  étroitement associée à la direction de l’Ensemble Perceval depuis sa création, ainsi qu’à la réalisation des albums dont, bien sûr,  celui dont le morceau du jour est extrait: « Minnesänger, Troubadours, Trouvères », album enregistré en  1998.

musique_medievale_ancienne_ensemble_productions_perceval_jean_paul_rigaud_chanteur_lyrique_barytonIl faut ajouter que   c’est le baryton  Jean-Paul Rigaud qui prête sa voix à  cette belle version occitane de la  complainte du prisonnier que nous vous proposons ici,  Ce chanteur lyrique d’exception, que vous aurez l’occasion de retrouver en collaboration avec de nombreuses autres formations médiévales, puisque c’est un répertoire dans lequel il s’est tout particulièrement spécialisé, est aussi directeur de l’Ensemble Beatus, autre formation dont nous aurons très certainement l’occasion de reparler ici.

Au niveau de ses activités, les Productions Perceval débordent largement du cadre des concerts et des tournées européennes pour proposer, en sus d’une discographie abondante et accessible à la vente en ligne, des actions culturelles, des ateliers pédagogiques, mais encore des expositions et d’autres événements autour du moyen-âge et des musiques anciennes. A noter que Katia Caré participe aussi activement  à la réalisation de programmes musicaux et télévisuels sur la chaîne ARTE.

Vous trouverez tout le détail de leurs activités et concerts sur leur site web très complet, ici même :   www.productions-perceval.com.

Les paroles de la complainte de Richard Coeur de Lyon en occitan

N_lettrine_moyen_age_passionous vous proposons donc cette fois-ci cette chanson dans sa langue d’oc originale. Vous pourrez retrouver également les   paroles en  vieux français ici .  Elles incluent quelques strophes qui n’apparaissent pas dans la  version occitane ci-dessous.

Ja nuls om pres non dira sa razon
Adrechament si com om dolens non
Mas per conort deu om faire canson
Pro n’ai d’amis mas paure son li don
Anta lur es si per ma rezenson
So çai dos ivers pres

Jamais nul homme pris ne dira sa pensée
De manière juste et sans fausse douleur ;
Mais il peut faire l’effort d’une chanson ;
J’ai beaucoup d’amis, mais pauvres sont leurs dons.
La honte sera sur eux si, faute de rançon,
Je reste deux hivers prisonnier

Or sapchon ben miei om et miei baron
Angles norman peitavin et gascon
Qu’ieu non ai ja si paure companhon
Qu’ieu laissasse per aver en preison
Non o dic mia per nula retraison
Mas anquar soi ie pres

Ils le savent bien, mes hommes et mes barons,
Anglais, Normands, Poitevins et Gascons :
Que jamais je n’eu si pauvre compagnon
Pour le laisser, faute d’argent, en prison.
Je ne le dis pas pour leur faire reproche
Mais je suis encore prisonnier.


Car sai eu ben per ver certanament

Qu’om mort ni pres n’a amic ni parent
E si’m laissan per aur ni per argent
Mal m’es per mi mas pieg m’es per ma gent
Qu’apres ma mort n’auran reprochament
Si çai me laisson pres

Maintenant, pour le voir, je sais parfaitement
Que morts ou prisonniers n’ont d’amis ni parents,
Et s’ils me laissent ici pour or ou pour argent
C’est bien mal pour moi, mais pire pour mes gens,
Qui jusqu’après ma mort se verront reprochés
S’ils me laissent  ici prisonnier

No’m meravihl s’ieu ai lo cor dolent
Que mos senher met ma terra en turment
No li membra del nostre sagrament
Que nos feimes els sans cominalment
Ben sai de ver que gaire longament
Non serai en çai pres

Je ne m’étonne plus si j’ai le coeur souffrant
Car mon seigneur* met ma terre en tourment
Il ne se souvient plus de notre serment
Que nous fîmes ensemble au Saint,
Mais je sais bien en vérité que guère longtemps
Je ne serai, en ces lieux, prisonnier

Suer comtessa vostre pretz sobeiran
Sal Dieus e gart la bela qu’ieu am tan
Ni per cui soi ja pres

Soeur comtesse, votre titre souverain
Vous sauve et vous garde de celui à qui je fais appel
Et qui me tient  prisonnier !

En vous souhaitant une  très belle journée !

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Le chant d’honneur de François 1er, roi poète et quelques réflexions sur l’esprit chevaleresque médiéval

poesie_medievaleSujet ; poésie médiévale, littérature, vieux français, François  1er, roi poète, chevalier et mécène, honneur, chevalerie
Période : moyen-âge tardif, début renaissance
Ouvrage : Poésie du roi François  1er,  de Louis de Savoie…, Aimé Champollion Figeac (1847)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous approchons aujourd’hui la toute fin du moyen-âge et même le  début de la renaissance avec le roi François 1er qui prit Clément Marot sous son aile et qui fut un  roi mécène, grand amateur d’art,  autant qu’un roi poète. On en fait, à raison,  le roi de la transition  du moyen-âge finissant vers le siècle des lumières et pour autant qu’il se situe dans cet entre-deux,  il est aussi  un roi chevalier, symbole et porteur de valeurs de bravoure et d’honneur héritées  du monde médiéval.

francois_1er_poesie_litterature_medievale_renaissance_chevalerie_honneur_valeur_moyenage_tardif_pavieDans les vers  que nous vous proposons aujourd’hui, le roi de France nous relate sa capture à la bataille de Pavie contre les armées de l’empereur Charles Quint et, à travers cet extrait,  il nous donne aussi  une définition  du sens de l’honneur.

(ci-contre, le roi François 1er  capturé sur le champ de bataille à  Pavie 1525.)

Il est intéressant de voir comment après avoir été mis à mal par la guerre de cent ans et les archers longs d’Angleterre à l’occasion de diverses batailles, après avoir encore été remis en question dans  son efficacité même par l’artillerie et la poudre qui prend sur les champs de bataille  de plus en plus d’importance, la chevalerie, et surtout son esprit, demeurent encore prégnants dans ce moyen-âge finissant.

Pourtant si cet esprit chevaleresque et ses valeurs traversent le moyen-âge littéraire et militaire sans  pour autant toujours se superposer  parfaitement, de Roland de Roncevaux à  François 1er, sans doute faut-il voir quelques nuances ou quelques variations dans cette notion d’honneur dont il est ici question. Si cette dernière  reste au centre des valeurs chevaleresque et si elle commande, à travers les âges et depuis l’antiquité, de ne pas fuir au combat, elle voit Roland se sacrifier et mourir, quand François 1er ne va pas jusqu’à y perdre sa vie mais rend les armes sur le champ de bataille.  Il ne s’agit donc plus ici de triompher ou périr, mais  de ne point  fuir tout en préservant sa vie, dusse-t-on se retrouver vaincu et captif. Il n’est pas question bien évidement, en disant cela, de juger mais simplement de souligner qu’au fond et, entre les deux, les valeurs attachées à l’héroïsme ont un peu glissé et changé, même s’il faut encore rappeler les précautions que nous prenions plus haut et se souvenir que chevalerie littéraire  et  faits historiques ne se recoupent pas nécessairement.

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Portrait de François 1er à cheval, peinture de Jean CLOUET (1480-1541)

Valeurs chevaleresques
contre stratégie militaire ?

A_lettrine_moyen_age_passion travers tout cela, i demeure intéressant  de voir combien les valeurs de la chevalerie française et leur prégnance dans les mentalités médiévales ont fini, à de nombreuses reprises, par s’imposer sur le terrain, presque à l’encontre  de la stratégie militaire.

Même si  la notion d’honneur dont nous parle François 1er dans cette poésie, n’est déjà plus tout à fait la même qu’un siècle auparavant, nous retrouvons ici  ce même  constat qui a peut-être, en partie, expliqué la défaite d’Azincourt. En ne reculant pas et en se laissant prendre dans un acte  certes héroïque, mais finalement militairement peu judicieux, le roi fait prisonnier devra concéder la Bourgogne et bien d’autres choses encore, à l’occasion du traité de Madrid (1526).  Il en mesurera d’ailleurs lui–même le lourd prix dès le lendemain  de sa capture en écrivant ces lignes à sa mère, la duchesse d’Angoulême :

« Madame, pour vous faire savoir comment se porte le reste de mon infortune, de toutes choses ne m’est demeuré que l’honneur et la vie qui est sauve. »
François 1er, à sa mère, la Duchesse d’Angoulême,

De nos jours, on admettrait aisément  qu’un chef de guerre puisse reculer pour ne pas être pris, quitte à revenir plus tard à ou un moment plus propice, sans que son  honneur soit en péril. Et si l’on voulait encore se convaincre des nuances  changeantes que peuvent revêtir les mots dans leur traversée du temps,  on se souviendra encore que l’honneur, au sens d’homme d’honneur « moderne », soit respectueux de sa parole donnée ou de ses engagements,  ne s’applique pas non plus dans le contexte puisque peu après la bataille de Pavie, François 1er signera  le traité de Madrid et une fois relâché,  ne le respectera pas.  Devant l’histoire, il ne sera  pas, cela dit, le premier roi qui  s’engagera sur des traités avec ses ennemis pour ensuite ne pas les respecter.

Pour creuser un peu ces aspects   d’honneur à travers les âges, je vous conseille l’article « Pour un histoire de l’honneur » de  Léon E Halkin sur persée.

L’honneur  chevaleresque
à travers la poésie de François 1er

Trop tost je veiz ceux-là qu’avoys laissez
De tout honneur et vertu délaissez ;
Les trop meschants s’enfuyoient sans combat
Et entre eulx tous n’avoyent autre débat
Si n’est fuyr ; laissant toute victoire,
Pour faire d’eulx honteuse la mémoire.
Malheureux las ! et qui vous conduisoit
A telle herreur, ne qui vous advisoit
Habandonner, fuyans en désaroy,
Honneur, pays, amys et vostre roy ?

Maie pour venir à mon premier propos
Quand, indignes de vertus et repoz,
Je \eiz mes gens par fuyte trop honteuse
A leur honneur et à moy dommaigeuse.
Triste regret et peine tout ensemble,
Deuil et despit en mon coeur si s’assemble :
Autour de moi en regardant ne veiz
Que peu de gens des miens à mon advys ;
Et à ceulx-là confortay sans doubtanoe
De demourer plustost en espérance
D’honneste mort ou de prise en effect,
Qu’envers l’honneur de nous fut rien forfaicl.

De toutes pars lors despouillé je fuz,
Rien n’y servit deffence ne refuz ,
Et la manche de moi tant estimée (3)
Par lourde main fut toute despecée.
Las ! quel regret en mon cueuir fut bouté.
Quant sans deffence ainsy me fut ostá
L’heureux présent par lequel te promys
Point ne fouyr devant mes ennemys.
Mais quoy ! j’estois soub mon chevàl en terre,
Entre ennemys alors porté par terre.
Las ! que diray, cela ne. veulx nyer,
Vaincu je fuz et rendu prisonnier.

(3) Manche.  pièce d’étoffe que les chevaliers portaient dans les tournois en souvenir de la dame de leurs pensées.

En vous souhaitant une belle journée.
Fred

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Une petite affiche Kaamelott trilogie détournée pour égayer votre journée

kaamelott_alexandre_astier_legende_medievale_roi_arthur_moyen_age_passionSujet:  Kaamelott, roi Arthur, trilogie, cinéma,  légendes arthuriennes, Graal,  humour, humour médiéval, hommage, fan. détournement affiche cinéma.
Auteur:  Alexandre Astier
Période: haut moyen-âge, moyen-âge central
Série culte : Kaamelott, M6, Calt production
Média : détournement, affiche de cinéma

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour ceux qui attendent avec impatience le retour du roi, non pas celui du Seigneur des anneaux, mais bien le mythique Arthur de Bretagne campé par Alexandre Astier dans la série télévisée Kaamelott, je vous poste  encore une petite affiche détournée maison pour commencer la journée.  Au vue des millions de fan de la série des légendes arthuriennes revisitées à la façon d’Alexandre Astier, voilà bien un revenant que personne ne se plaindra de voir revenir.

Pour être tout à fait juste , la punch line de l’affiche originale et notamment les mots « Habité par la vengeance »  ne correspondent pas tout à fait à l’esprit de ce Kaamelott trilogie sur grand écran tant attendu. A ce stade de l’histoire, Arthur a lui-même laissé le pouvoir à Lancelot  et il est question de son retour pour reprendre son trône, mais la vengeance n’est pas ce qu’il anime. Au sortir du livre V, le  combat  qu’il achevait de livrer restait plutôt contre lui-même et c’est de ses propres doutes et fantômes qu’il devait se relever.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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