“Quand même il aurait tout l’or le plus pur, l’homme sans provisions ne pourrait faire un pas. Au milieu du désert, pour l’indigent brûlé du soleil, un navet cuit vaut mieux que de l’argent brut.”
Mocharrafoddin Saadi (1210-1291), poète perse et conteur du moyen-âge central – Extrait du Gulistan, le jardin des roses.
La table ronde, le tombeau d’Arthur et l’influence des légendes arthuriennes sur le moyen-âge central

Période : moyen-âge central, haut moyen-âge
Auteurs : corpus, du XIIe à nos jours.
Sources: Britannia, Université de Rochester (the Camelot projet).
Bonjour à tous

La table ronde de Winchester
Dans le grand hall du château de Winchester en Angleterre se tient, depuis près de six cents ans, une table ronde peinte qui mentionne les noms des chevaliers de la célèbre légende. Elle est en bois de chêne massif et dans sa forme originale, elle reposait sur douze pieds. Du point de vue de ses dimensions, elle mesure 5,5 
Si cette table ronde n’est pas contemporaine de la légende du roi Arthur qui se déroule au VIe siècle, elle reste indéniablement d’une grande valeur historique. Durant le moyen-âge central, parmi les grands personnages « mythiques » ou même ceux ayant vécu réellement mais étant devenues légendaires après coup, les figures de Charlemagne ou de Roland, côtoient celles du grand roi breton et de ses preux chevaliers en quête d’élévation dans la noblesse des valeurs comme dans la spiritualité et cet objet apporte encore la preuve de ce intérêt. Comme les légendes arthuriennes ont circulé entre la France et l’Angleterre, du fait de l’origine de ses auteurs, anglais, gallois ou français, ses héros ont, sans conteste, imprimé leur marque des deux côtés de la manche, même si c’est sans doute plus Charlemagne qui remportera l’adhésion du côté des souverains français. Les deux héros ont, en tout cas, en commun d’être de grands fédérateurs qui ont su unifier leurs terres et tous deux ont 
(Portrait de Edouard 1er d’Angleterre, Anonyme, XIIIe siècle, Westminster)
En Angleterre, le roi Edouard 1er s’était, dit-on, pris d’un vif intérêt pour la légende du roi Arthur et l’on suppose que cette table a pu être utilisée lors de tournois organisés par lui, au début de son règne. Jouait-on alors à incarner Lancelot, Yvain, Gauvain ou Perceval? L’histoire n’en a, semble-t-il, pas gardé la trace. C’est, en tout cas, ce même roi Edouard 1er qui assista à l’ouverture du tombeau supposé d’Arthur et de Guenièvre sur les vestiges actuels de l’abbaye de Glastonbury, tombeau dont il est intéressant de dire un mot ici.
Le Tombeau du Roi Arthur et de Guenièvre

Tandis que les reliques de Charlemagne occupent les esprits en France et même au delà, en Europe, notamment du côté des Saints Empereurs de l’Empire Germanique, on découvre qu’en Angleterre, celles du bon roi Arthur suscite un vif 
L’histoire de cette tombe d’Arthur vaut son pesant de deniers puisqu’on la doit à des moines, ceux de l’abbaye de Glastonbury qui, en 1190, annoncèrent, avec émotion, au roi Henri II d’Angleterre, leur étonnante découverte. Ils affirmèrent, en effet, avoir trouvé le tombeau après avoir été frappés de rêves et de visions leur en indiquant l’endroit. Nous sommes alors à peine soixante ans après que Geoffrey de Monmouth ait écrit son Historia regum Britanniae et jeté les bases qui feront vraiment référence pour les récits autour du roi Arthur. A l’évidence la légende a alors déjà fait un peu son chemin. On dit, en effet, qu’une fois la nouvelle répandue, on vint de tous les coins du pays pour voir la tombe et qu’on fit également de nombreux dons à l’abbaye. Cela tombait à point nommé, puisqu’il semble que celle-ci traversait alors les pires 
Faut-il voir une relation de cause à effet entre les coffres vides de l’abbaye et la découverte? Les moines n’en étaient, semble-t-il, pas à leur première tentative de « buzz » à la sauce médiévale puisqu’ils avaient déjà déclaré en 1184, avoir retrouvé les restes de Saint Patrick, sans parvenir à en convaincre quiconque. Ceci ne les avaient pourtant pas freiné puisque quelque temps après, ils récidivaient, en clamant avoir, cette fois, retrouvés ceux de Saint-Dunstan, sans pour autant rencontrer, là encore, plus de succès. Il fallait bien un roi Arthur pour venir à leur secours, fut-il mort, et le fait que cela fonctionna prouve au moins le crédit et la foi que l’on prêtait déjà à la légende.
Comme l’indique le panneau informatif que l’on peut trouver sur place, les restes furent déplacés en 1278 en présence du roi Edouard 1er dans une tombe de marbre noir sur le même site.
Quoiqu’il en soit, concernant la découverte du possible tombeau d’Arthur, si l’on semble bien s’entendre aujourd’hui du côté des experts pour affirmer que le bon roi n’a pas été enterré à Glastonbury mais qu’il s’agissait plutôt d’une invention des moines, les recherches continuent et animent bien des débats passionnés. Encore récemment un historien anglais spécialiste du sujet, du nom de Graham Phillips affirme avoir trouvé le véritable emplacement après des années de recherche sur la question. La tombe serait dans le West Midlands et aux dernières nouvelles (courant 2016) il attendait les autorisations pour pouvoir y mener des fouilles.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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Lecture audio: le fabliau du pêcheur, un conte médiéval satirique du XIIIe siècle

Période : moyen-âge central (XIIIe)
Auteur : Inconnu
Titre : du prudhomme qui sauva son compère de la noyade
Media : lecture audio vieux français
Ouvrage : Fabliaux et contes (T 1), Etienne Barbazan (XVIIIe siècle)
Manuscrit ancien : MS 1830 St Germain des prés. MS 2774.
Bonjour à tous,

Vous trouverez plus de détails concernant ce petit conte satirique du XIIe, XIIIe siècles, ainsi que son adaptation en français moderne à l’adresse suivante: L’honnête homme et le noyé: un fabliau médiéval aux antipodes de la charité chrétienne
En vous souhaitant une bonne écoute et une excellente journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com
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Les duels d’honneur et une ballade d’Eustache Deschamps

Période : moyen-âge tardif
Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406)
Titre : « Puis qu’il n’y a d’autre querelle»
Bonjour à tous,

Si, comme nous l’avons dit, les rois finiront par interdire les duels judiciaires et si cette « preuve » par le jugement de dieu sera, peu à peu, rejetée au profit du témoignage ou du serment sur la bible, les affrontements entre deux parties continueront pourtant d’avoir la vie belle. Ils connaîtront même un nouveau souffle à partir du XVIe en prenant d’autres formes et perdureront encore jusqu’au XIXe siècle.

On parle quelquefois d’un glissement ou d’une évolution du duel judiciaire vers ses formes plus tardives de duels, appelés duels d’honneur, mais plus que l’aménagement ou la survivance d’une coutume féodale, d’autres historiens préfèrent parler de « réinvention », considérant que les duels auxquels on assiste, à partir du XVIe siècle, n’ont plus grand chose de commun avec ceux du haut moyen-âge ou du moyen-âge central.

Ces formes de duels seront donc encore en usage jusqu’au XIXe siècle et on assistera même, avec la propagation des armes à feu et dans le courant du XVIIIe, à des duels au pistolet entre femmes. Les images de western ne seront alors pas que du côté de l’Ouest américain et d’Hollywood.
Dans un premier temps, comme nous le mentionnions plus haut, on retrouvera leur pratique principalement dans les milieux nobles mais après la révolution française et dans le courant du XIXe, ils s’ouvriront également, aux milieux bourgeois et commerçants, sans doute par effet de mimétisme envers les classes dirigeantes.


Concernant la période médiévale et notamment durant le moyen-âge tardif, nous avons les exemples de ces affrontements pour des questions qui touchent au coeur ou à l’honneur ne manquent pas. Pour en donner quelques uns pris dans la littérature et la poésie, on se souvient de la ballade que François Villon écrivit au XVe siècle à un gentilhomme pour l’envoyer à sa belle par lui conquise à l’épée:
« Au poinct du jour, que l’esprevier se bat,
Meu de plaisir et par noble coustume,
Bruyt il demaine et de joye s’esbat,
Reçoit son per et se joint à la plume »
Quelques temps avant, nous avons encore un autre exemple de duel sous la plume d’Eustache Deschamps. Défié, en effet, par un certain Thomelin, pour une question amoureuse, ce dernier écrira quelques balades sur le sujet. Loin de l’image habituelle du gant relevé, le duel n’aura, en réalité, pas lieu puisque la belle du poète médiéval s’interposera, en lui disant qu’elle ne veut pas qu’il aille batailler en duel pour défendre son honneur puisqu’il n’y a aucune raison qui le justifie ou dit autrement : aucun motif de querelle. C’est une de ces ballades en forme de contre-pied sur un non événement que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui.
Puis qu’il n’y a autre querelle
d’Eustache DESCHAMPS
J’ay a ma dame demandé
S’elle veult que je me combate,
Si com Thomelin m’a mandé,
Pour s’amour, mais de chiere mate,
M’a dit ne veult que je m’enbate
Pour elle a faire tel mestier,
Et qu’elle m’ara trop plus chier
Sain du corps, pour estre avec elle,
Que je moy mettre en ce dangier,
Puis qu’il n’y a autre querelle.
Et que pour bien recommendé
M’a, ne fault que nul s’en debate,
Ne rien n’en seroit amendé.
De mon fait gobelin s’esbate
Ailleurs, s’il veult, vende ou achate
Harnoiz pour un autre approchier,
Et qu’elle me deffent si chier
Que j’ay l’amoureuse estincelle,
De non la requeste octrier,
Puis qu’il n’y a autre querelle.
Et quant ainsi m’a commandé
Que je n’y mette main ne pate,
Et pour s’amour vient ce mandé,
Querir puet autre qui le bate.
Que le hault mal saint Leu l’abate,
Qui en montera sur destrier.
Quant a moy, plus parler n’en quier :
Heraulx, peliçon ne cotelle
N’aréz de moy pour ce adnoncier,
Puis qu’il n’y a autre querelle.
L’envoy
Prince, je ne suy pas bouchier
Pour cent cops de haiche emploier,
Autant de daque et d’alemelle,
D’espee et lance un grant somier,
Tel harnais ne vueil manier,
Puis qu’il n’y a autre querelle.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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