Archives par mot-clé : alla francesca

Concerts de Musique Médiévale & Conférences à la Basilique Cathédrale Saint-Denis

Sujet : concerts, musiques médiévales, patrimoine, cathédrale, conférence, site d’exception.
Période : Moyen Âge (haut et central)
Evénement : concerts de Musiques Médiévales & conférence
Dates : octobre 2025.
Lieu : Basilique cathédrale Saint-Denis, 1, rue de la Légion d’Honneur, Saint-Denis, Île-de-France.

Bonjour à tous,

our ceux qui se tiendront en Île-de-France en octobre prochain, un bel événement vous y attend à quelques lieues de Paris. Tout le mois, la Basilique Cathédrale Saint-Denis y célébrera le Moyen Âge avec cinq concerts exceptionnels de musique médiévale. Le programme sera également complété par deux conférences pour les plus férus d’Histoire.

Le cadre patrimonial et historique de la Basilique Cathédrale Saint-Denis est, en lui-même, remarquable. Ce site classé est, en effet, témoin de plus 1500 ans d’Histoire et remonte au haut Moyen âge. Cet événement donnera l’occasion de le découvrir et nous en dirons un mot plus loin dans cet article.

Octobre Médiéval : le programme

Musiques médiévales et conférences sur le Moyen Âge à la Basilique Cathédrale Saint Denis - Affiche 2025 de l'événement "Octobre Médiéval"

Il s’agira là de la 5eme édition de cet « Octobre médiéval ». Fort du succès de ses précédentes éditions, l’événement s’installe dans la qualité et la durée. Cette année encore, sa programmation musicale est aussi variée qu’ambitieuse.

Les thèmes abordés iront des chansons de trouvères, à l’amour courtois et aux chansons de toiles. On pourra encore y entendre des chants sacrés polyphoniques et de rares musiques du XIIIe siècle, dédiées au culte marial.


Les concerts de musique médiévale

Les cinq concerts proposés pour cette édition s’étaleront tous le mois avec des horaires en après-midi ou en soirée. Du point de vue des formations, on reconnaîtra des noms familiers comme l’ensemble Alla Francesca ou encore Diabolus in Musica. D’autres sont un peu plus récentes. Dans tous les cas, l’originalité des programmes est au rendez-vous sur les cinq dates prévues.

Chansons de trouvères des XIIe et XIIIe siècles, d’Aliénor d’Aquitaine à ses descendants

Mardi 7 octobre – 20h « Les trouvères entre ciel et terre, sur les traces d’Aliénor… » par l’ensemble Alla Francesca.

l'Ensemble médiéval Alla Francesca sur scène et en concert

Du XIIe siècle aux suivants, Aliénor d’Aquitaine et sa lignée influencèrent grandement la musique du nord de France et d’Angleterre. Avec ce programme, Alla Francesca se propose de suivre les inspirations musicales de la célèbre reine de France et d’Angleterre. L’exploration s’étendra même à sa descendance avec des noms prestigieux comme Richard Cœur de Lion, Marie de Champagne et, bien sûr, Thibaut IV le chansonnier.

L’ensemble Alla Francesca est un des grands noms de la scène musicale médiévale. Formé par Brigitte Lesne et Pierre Hamon, début 90, il a produit depuis une riche discographie et de nombreux programmes. Attaché, depuis sa formation, au Centre de Musique Médiévale de Paris, il bénéficie d’une reconnaissance internationale.

Musiciens, interprètes : Pierre Bourhis (voix), Michaël Grébil (cistres, luth, voix), Nolwenn Le Guern (crwt, vièle à archet), Lior Leibovici (voix) et Brigitte Lesne (harpe-psaltérion, percussions, direction et conception).

La vie de la Vierge dans les manuscrits parisiens des XIIe et XIIIe siècles

Samedi 11 octobre – 17h « Sur les pas de Marie » par l’ensemble Rue des Chantres.

Ensemble médiéval Rue des Chantres : portrait de Erwan Picquet, Vincent Pislar et Christian Ploix.

Loin des Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X & des routes de pèlerinage médiévales, l’ensemble Rue des Chantres est parti sur les traces du culte marial au travers des manuscrits parisiens du Moyen Âge central. Avec ce programme musical original, on suivra, avec eux, le parcours de Marie, dans une sélection qui mêlera chants polyphoniques et chants grégoriens.

Formé en 2019 par trois anciens chantres de Notre-Dame de Paris, l’ensemble Rue des Chantres entend faire revivre les chants polyphoniques comme on pouvait les entendre dans les cathédrales de l’Europe médiévale du Moyen Âge central. Ce programme musical ajoute aux voix un aspect visuel et des projections.

Musiciens, interprètes : Erwan Picquet (voix), Vincent Pislar (voix), Christian Ploix (voix).

L’Amour courtois aux XIVe et XVe siècles

Samedi 18 octobre – 16h30 « Ay ! Amours… » par l’ensemble Les Métamorphoses de l’Amour.

l'ensemble Les Métamorphoses de l’Amour, portrait de Daniela Maltrain, Julia Marty et Nolwenn Tardy

« Ay ! Amours » : dans nos pages, nous avons approché des centaines de textes médiévaux qui traitent d’amour courtois et de la souffrance du loyal amant dans l’attente d’un retour qui ne vient pas toujours.

Avec ce concert, l’ensemble Les Métamorphoses de l’Amour prend le parti de nous montrer d’autres variations du sentiment courtois. Conversations privées, confidences entre amies, l’angle est original et devrait introduire l’auditoire à tout un monde de nuances. Quant à l’origine des chansons, elles nous entraîneront dans la France et l’Italie du Moyen Âge tardif (du XIVe aux débuts du XVe siècle).

Les Métamorphoses de l’Amour est un ensemble formé en 2023 par trois jeunes musiciennes de la scène des musiques anciennes et médiévales.

Musiciens, interprètes : Daniela Maltrain (vièle à archet, voix), Julia Marty (guiterne, voix), Nolwenn Tardy (vièle à archet).

Chansons & rêveries amoureuses au XIIIe siècle

Samedi 25 octobre – 16h30 « Beles, Belles… » par l’ensemble Diabolus in Musica.

Diabolus in Musica, Portrait de Axelle Bernage et Nicolas Sansarlat

Voilà encore un beau programme concocté ici par l’ensemble Diabolus In Musica qui se produit ici en duo. Dans cette sélection de pièces dédiées aux rêveries amoureuses des belles du Moyen Âge central, on retrouvera notamment des chansons de toile. Monde clos, idéal de beauté, poésie de l’attente et formes du désir amoureux sont au menu de ce concert médiéval.

Depuis sa formation, au début des années 90, l’ensemble Diabolus in Musica s’est forgé une belle renommée sur la scène des musiques médiévales. Avec plus de vingt-cinq albums sur des thèmes aussi variés que les chansons de trouvères et de troubadours, Guillaume Dufay et De Machaut ou encore les chants polyphoniques religieux médiévaux, la formation poursuit, avec talent, son exploration du Moyen Âge et de ses musiques.

Musiciens, interprètes : Axelle Bernage (voix), Nicolas Sansarlat (vièle à archet, direction artistique).

Chants sacrés du Moyen Âge et résonances contemporaines

Vendredi 31 octobre – 20h « Odyssée pour deux voix sœurs » par l’ensemble Dialogos.

Ensemble Dialogos en concert, Katarina Livljanić et Clara Coutouly

Entre chants sacrés, plain chants et polyphonies, ce programme a deux voix explorera les musiques liturgiques médiévales sous un angle nouveau. Au delà de leur spiritualité, l’ensemble Dialogos entend, en effet, mettre en valeur ce qui affleure dans ce genre musical.

Peurs, aspirations, émotions, ces chants liturgiques traduisent aussi de tout un monde là au dehors qu’on craint, auquel on aspire ou encore que l’on fantasme. A l’occasion de ce concert, les chants médiévaux anciens devraient être mis en miroir avec des poésies plus contemporaines.

Depuis 1997, l’ensemble médiéval Dialogos explore le large répertoire des musiques de l’Europe médiévale. En 25 ans, la formation s’est produite sur de nombreuses scènes à l’international. Elle a également reçu de nombreux prix pour ses prestations musicales et scéniques. Sa fondatrice et directrice Katarina Livljanić est également enseignante à la prestigieuse Schola Cantorum Basiliensis.

Musiciens, interprètes : Clara Coutouly (voix), Katarina Livljanić (voix, direction artistique).


Les conférences en Histoire médiévale

En plus de ce riche programme musical, deux conférences d’Histoire médiévale viendront encore ponctuer ce mois d’octobre.

Musique & arts liturgiques au temps d’Hilduin, abbé de Saint-Denis

Jeudi 9 octobre à 19h30
Intervenant : 
Jean-François Goudesenne, Chercheur médiéviste et musicologue, (IRHT-CNRS)

Le mystère des reliques de saint Denis

Lundi 13 octobre à 19h30
Intervenant : Anne-Marie Helvétius, Professeure d’histoire médiévale (université Paris 8).

Pour plus d’informations sur l’ensemble de ce programme, merci de consulter le site officiel de la Basilique Cathédrale Saint-Denis.


La Basilique Cathédrale Saint-Denis : un cadre historique & patrimonial exceptionnel

S’il est de nombreux lieux véritablement chargés d’Histoire sur le sol français, la Basilique Cathédrale Saint-Denis se distingue par les long quelques 1500 d’histoire dont témoigne son site.

Le lieu que choisit Saint-Denis pour mourir

Enluminure du martyre de Saint Denis, manuscrit médiéval NAF 1098 XIIIe siècle - Départements des manuscrits BnF
Enluminure du Martyre de saint Denis, Manuscrit Naf 1098 (consulter en ligne )

Une légende tardive du haut Moyen Âge conte que Saint-Denis, évangélisateur de la Gaule et martyre chrétien décapité à Lutèce par l’empire romain, serait venu y mourir entre le 1er et le 3e siècle de notre ère.

Le premier évêque de Paris aurait même, selon certains récits, porté sa tête décapitée depuis Montmartre en chantant des prières, avant de s’effondrer là où fut construit l’ancêtre de l’actuel basilique et le premier édifice religieux en son nom.

De fait, le lieu fut sanctifié très tôt et devint la tombe de nombreux rois et reines de France à partir du VIIe siècle. En témoignent encore sur place pas moins de soixante-dix gisants et tombeaux parmi lesquels les plus grands noms de la couronne française. On y trouve également certains de leurs serviteurs et des aristocrates eux-aussi désireux de se placer sous la protection du saint.

La période couvre toute l’Histoire médiévale jusqu’au XIXe siècle. Cette étonnante particularité fait même de la Basilique Cathédrale Saint-Denis un lieu unique en Europe en matière de réalisation de gisants funéraires du Moyen Âge central (XIIe siècle) à la Renaissance (XVIe siècle).

Un chef d’œuvre d’architecture gothique

Basilique Cathédrale Saint-Denis, Gisants et vitraux

En terme architectural, si les bâtis de la basilique ont évolué du haut-Moyen Âge à nos jours, le XIIe siècle marque un véritable tournant dans l’histoire de l’édifice. Sa reconstruction par l’Abbé Suger la consacre, en effet, comme un chef d’œuvre de l’art Gothique. Elle est considérée comme un des berceaux de cet art alors novateur. Sa nouveauté architecturale aurait ainsi étendu ses influences à toute l’Europe.

Depuis le Moyen Âge, la Basilique cathédrale Saint Denis a traversé le temps en passant par des phases de grande popularité ou même d’abandon. Elle a aussi connu diverses restaurations du XIXe siècle jusqu’à très récemment. Napoléon 1er y a mis sa patte. Plus tard, Viollet-le-Duc est intervenu également sur l’édifice et les gisants.

Classement de la Basilique

Il faudra attendre la deuxième partie du XIXe siècle et 1862 pour voir la basilique classée monument historique. Ses jardins suivront un peu plus de soixante-ans plus tard en 1926.

Devenue cathédrale depuis 1966, la basilique Saint-Denis est, aujourd’hui, gérée par le Centre des Monuments Nationaux. De par sa longévité et ses merveilles, elle reste un grand trésor du patrimoine culturel et monumental français.

Vous retrouverez les traces de sa longue et prestigieuse Histoire partout sur place : des vitraux aux ogives, à ses jeux de lumière unique, à ses sculptures ou ses gisants. Ici, les pierres parlent et témoignent de la longue histoire de France, du Moyen Âge à nos jours. Pour ceux qui auront la chance de pouvoir assister à ces concerts en octobre, ne manquez pas d’y prévoir une visite plus complète.

Retrouver notre article sur l’édition 2024 de cet événement.

En vous souhaitant une belle journée
Frédéric Effe
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

L’adieu à une « douce dame jolie » du maître de musique Francesco Landini

Sujet : musique médiévale, musiques anciennes, chants polyphoniques, Ars nova, chanson. amour courtois, loyal amant, trecento, compositeur florentin, virelai.
Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Francesco Landini (1325-1397)
Titre : Adiu, adiu, dous dame jolie
Interprètes : Alla Francesca.
Album : Landini and Italian Ars Nova (1992)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous vous invitons à bord du vaisseau Moyenagepassion, pour un voyage en direction du trecento italien. Nous sommes, donc au début de la Renaissance italienne, dans un XIVe siècle qui correspond encore au Moyen-Âge tardif français et nous y découvrirons une nouvelle pièce de Francesco Landini.

La douleur du partir de l’amant courtois

La chanson du jour est un virelai. Elle appartient au registre de l’amour courtois, à l’image des autres compositions qui nous sont parvenues du maître de musique florentin. Cette pièce se distingue, toutefois, de celles que nous avons étudiées précédemment par sa langue ; elle est, en effet, en français ancien et non en italien, comme le reste de l’œuvre de Landini.

Sur le fond, le compositeur et poète nous contera la douleur de l’amant courtois, au moment de se séparer d’avec sa dame. Cette dernière est, ici, désignée par l’auteur comme sa « douce dame jolie » et on ne pourra s’empêcher de voir là, une claire évocation à la célèbre chanson de Guillaume de Machaut portant le même titre. Contemporain de Landini, le maitre de l’Ars Nova Français le précède d’une petite vingtaine d’années. On sait aussi que l’Ars nova français a notablement influencé la musique italienne de cette période, même si l’Ars nova qui s’est développé sur la péninsule italienne s’en démarque par son style et ses particularités.

Aux sources anciennes de cette chanson

La chanson "Adieu douce dame jolie" de Landini dans le codex Squarcialupi, de la Bibliothèque Laurentienne de Florence
Une « Douce dame Jolie » » à la façon de Francesco Landini

Du point de vue des sources anciennes, on pourra retrouver cette chanson de Francesco Landini, avec sa partition dans le célèbre codex Squarcialupi (le Med Palat 87). Daté du XV siècle, ce manuscrit richement enluminé est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Laurentienne de Florence. En cherchant un peu, on peut également le trouver en ligne, sous une forme digitalisée.

L’hommage à Landini et à l’Ars Nova,
de l’ensemble ‘Alla Francesca

Pour la version en musique de ce chant polyphonique, nous vous proposons l’interprétation qu’en avait fait la célèbre formation médiévale française Alla Francesca, il y a déjà quelque temps déjà.

En 1991, soit l’année suivant sa création, l’ensemble de musiques anciennes et médiévales Alla Francesca partait, donc, à la découverte de Francesco Landini et de l’Ars Nova italien. Ce thème leur a même fourni l’occasion de leur toute première production. En terme de discographie, Alla Francesca en est, désormais à son vingtième album pour plus de trente ans de carrière. C’est dire le chemin parcouru par cette excellente formation depuis ses premiers pas.

L'album de musiques médiévales et d'Ars Nova de Alla Francesca

Cet album, sorti en 1992 sous le titre « Landini and Italian Ars Nova » propose un total généreux de 17 pièces, pour 55 minutes d’écoute. La formation attachée au Centre de musique médiévale de Paris signait là un vibrant hommage à l’Ars Nova florentin. Et si l’œuvre de Francesco Landini y trouve une place de choix, elle y côtoie aussi des pièces de Jacopo da Bologna, Ghirardello et Lorenzo da Firenze, et encore quelques autres compositeurs italien de cette période, dont des anonymes.

Plus de trois décennies après sa sortie, ce bel album peut encore se trouver à la vente au format CD, chez votre disquaire habituel ou encore en ligne. Voici un lien utile à cet effet : Landini and Italian Ars Nova, Alla Francesca (1992).

Musiciens ayant participé à cet Album

Catherine Joussellin (voix, vièle, percussion), Brigitte Lesne (voix, harpe, percussion), Emmanuel Bonnardot (voix, vièle, rebec), Pierre Hamon (instruments à vents, cornemuses, flûtes, percussion)


Adiu, adiu, dous dame jolie,
dans la langue d’oïl de Landini

Adiu, adiu, douce dame jolie,
kar da vous si depart lo corps plorans
Mes a vous las l’esprit et larme mie.

Lontan da vous, aylas, vivra dolent.
Byen che loyal sera’n tout ma vie.

Poyrtant. ay! clere stelle. vos prie
Com lermes e sospirs tres dous mant
e
Che loyaute haies pour vestre amye.

Les paroles en français actuel

Adieu, adieu, douce dame jolie,
Car de vous je me sépare le corps en pleurs,
Mais je laisse près de vous mon esprit et mon âme.

Loin de vous, hélas, je vivrai dans la peine,
Bien que je vous demeurerai loyal toute ma vie.

Voilà pourquoi, hélas, claire étoile, je vous prie
Avec larmes et très doux soupirs et vous enjoins
De garder votre loyauté pour votre amant.


En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

Les louanges à l’amour courtois du comte Thibaut de Champagne et une version d’Alla Francesca

thibaut_le_chansonnier_troubadour_trouvere_roi_de_navarre_comte_de_champagneSujet : chanson médiévale, poésie, amour courtois, roi troubadour, roi poète, lyrisme courtois, trouvères, vieux-français, Oïl.
Période  : Moyen Âge central
Auteur  : Thibaut IV de Champagne (1201-1253), Thibaut 1er de Navarre
Titre :  « De fine amor vient seance et biautez»
Interprètes  :  Alla Francesca, Brigitte Lesne
Album :  Thibaut de Champagne, le Chansonnier du Roi  (2011).

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion-copiaoilà quelque temps déjà que nous n’avions présenté de chansons du célèbre Thibaut de Champagne. En route donc, pour le XIIIe siècle à la découverte de sa poésie : De fine amor vient seance et biautez. Le titre l’annonce clairement, il s’agit là d’une nouvelle pièce courtoise, comme le comte de Champagne les affectionnait tant.

Sources historiques et manuscrits

manuscrit-ancien_français-844_thibaut_de_champagne_chanson-courtoise-medievale-moyen-age-s

On retrouve cette chanson du seigneur et trouvère champenois dans de nombreux manuscrits avec, bien sûr, quelques variantes. En suivant les pas de Gaston Reynaud et sa Bibliographie des Chansonniers français des XIIIe et XIVe siècles (1894), on citera notamment le Manuscrit de Bern 389, le MS Français 12615, le Manuscrit du Vatican 1490, et encore le MS Français 844 (voir image ci-dessus), dont nous avons déjà parlé et qui a servi de base à l’interprétation que nous propose ici l’Ensemble Alla Francesca.

 « De fine amor vient seance et biautez » par la formation Alla Francesca

Alla Francesca et le Chansonnier du Roy

En 2011, l’Ensemble médiéval Alla Francesca partait à la rencontre de Thibaut de Champagne et avec lui, de « l’amour courtois et la  chevalerie au XIIIe siècle« , en se basant sur le MS français 844 conservé à la BnF, plus connu encore sous le nom de Chansonnier ou Manuscrit du Roy,

Avec un total de seize pièces, l’album réalisé sous la direction de Brigitte Lesne proposait de nombreuses chansons du seigneur et roi de Navarre, mais encore quelques pièces instrumentales et danses de la même période, demeurées anonymes. A noter qu’on pouvait aussi y retrouver un chanson_musique_medievale_amour_courtois_thibaut_de_champagne_roi_troubadour_chansonnier_alla_francescaservantois d’Hue de la Ferté et dans lequel ce dernier s’en prenait sans ménagement au comte de champagne.

On peut encore trouver cet album à la vente en ligne au format CD ou même MP3. Voici un lien utile pour plus d’informations : Le Chansonnier du Roi: Amour courtois & chevalerie du XIIIe siècle.

La traduction que nous vous proposons, ci-dessous, de cette chanson en  langue d’oïl de Thibaut de Champagne vers le français moderne provient du livret très complet accompagnant l’album. Une fois n’est pas coutume, nous n’en n’avons pas retouché une virgule.


De fine amor vient seance et biautez

Dame, vers vos n’ai autre messagier
Par cui vos os mon corage envoier
Fors ma cbançon, se la volez chanter.

Dame, je n’ai d’autre messager
Par qui j’ose vous envoyer ce que j’ai dans le cœur,
Sinon ma chanson, si vous voulez bien la chanter

Et amors vient de ces deus autressi.
Tuit troi sont un, que bien i ai pensé,
Ja ne seront a nul jor departi.
Par un conseil ont tuit troi establi
Lor correors, qui sont avant alé.
De moi ont fet tout lor chemin ferré,
Tant l’ont usé, ja n’en seront parti.

Et l’amour procède lui aussi de ces deux-là.
Tous trois ne font qu’un, j’y ai bien réfléchi,
Et jamais ils ne pourront être séparés.
D’un commun accord, ils ont tous trois désigné
Leurs messagers, qui ont pris les devants.
Ils ont fait de moi leur grand chemin,
Et l’ont tant parcouru qu’ils n’en partiront pas de sitôt.

Li correor sunt de nuit en clarté
Et de jors sont par la gent obscurci.
Li douz regart et li mot savoré,
La grant biauté et li bien que g’i vi,
N’est merveille se ce m’a esbahi.
De li a Dex cest siecle enluminé:
Quant nos aurons le plus biau jor d’esté
Lés li serait obscurs de plain midi.

Ces messagers-là sont dans la lumière pendant la nuit
Et le jour, à cause des gens, ils sont dans l’obscurité.
Le doux regard et les paroles suaves,
La grande beauté et les qualités que je vis en elle,
Rien d’étonnant si j’en ai été tout ébahi.
Par elle Dieu a illuminé ce monde :
Si nous avions le plus beau jour d’été,
Il serait obscur auprès d’elle, en plein midi.

En amor a paor et hardement.
Cil dui sont troi et dou tierz sont li dui,
Et granz valors s’est a aus apendanz
Ou tuit li bien ont retrait et refui.
Por ce est amors li hospitaus d’autrui
Que nus n’i faut selonc son avenant.
Mès j’ai failli, dame qui valez tant,
En vostre ostel, si ne sai ou je sui.

Dans l’amour, il y a crainte et hardiesse.
Ces deux-là sont trois, et ils procèdent du troisième ;
Une grande valeur s’est attachée à eux,
En laquelle se sont réfugiés tous les biens.
Amour est le logis qui accueille tous les autres,
Car nul ne manque d’y trouver la place qui lui convient.
Mais moi, dame qui avez tant de valeur, j’ai échoué à me loger
En votre maison, et je ne sais plus où je suis.

Je n’i voi plus mes a lui me conmant,
Que toz penserz ai laissiez par cestui.
Ma bele joie ou ma mort i atent,
Ne sai lequel, desques devant li fui.
Ne me firent lors si oeil point d’anui,
Ainz me vindrent ferir si doucement
Dedens le cuer d’un amoreus talent,
Q’encor i est le cox que j’en reçui.

Je ne vois plus que faire, sinon me recommander à elle,
Car je n’ai plus d’autre pensée que celle-ci.
J’en attends ma belle joie ou ma mort,
Je ne sais laquelle des deux, depuis que je me trouvai devant elle.
Alors ses yeux ne me causèrent point de contrariété ;
Au contraire, ils vinrent me frapper si doucement
En plein cœur, d’un amoureux désir,
Que la marque du coup que j’en reçus s’y trouve encore.

Li cox fu granz, il ne fet qu’enpirier;
Ne nus mirez ne m’en porroit saner
Se cele non qui le dart fist lancier,
Se de sa main me voloit adeser.
Bien en porroit le cop mortel oster
A tot le fust, dont j’ai tel desirrier;
Mès la pointe du fer n’en puet sachier,
Qu’ele brisa deudenz au cap douner.
[Dame. vers vos n’ai autre messagier
Par cui vos os mon eorage envoier
Fors ma chançon, se la volez chanter.

Ce coup fut fort, la blessure ne cesse de s’aggraver.
Nul médecin ne m’en pourrait soigner,
Sinon celle qui fit lancer la flèche,
Si elle voulait bien me toucher de sa main.
Elle pourrait bien guérir le coup mortel
En ôtant le bois de la flèche, ce que je désire tant ;
Mais la pointe de fer, elle ne peut pas la retirer,
Car elle s’est brisée à l’intérieur au moment du coup.


En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

« Bien me deüsse targier », une chanson médiévale du trouvère Conon de Bethune par le menu

trouvere_chevalier_croise_poesie_chanson_musique_medievale_moyen-age_centralSujet :  chanson médiévale, musisque médiévales, poésie,  chevalier, trouvère, trouvère d’Arras, chanson de croisades
Période : moyen-âge central, XIIe, XIIIe.
Auteur  : Conon de Béthune  (?1170 –1220)
Titre :  «Bien me deüsse targier»
Interprètes  :   Alla Francesca
Album :  Richard Cœur de Lion, Troubadours & Trouvères, (1997)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous revenons, aujourd’hui,  à la fin du XIIe siècle avec la poésie du trouvère Conon de Bethune. Après avoir publié le servantois  d’Huon d’Oisy à son encontre, nous vous proposons ici d’explorer la chanson ayant justement motivé ces railleries.

trouvere_chanson_croisades_poesie_musique_medievale_conon_bethune_moyen-age

Rappelons-le, avant son départ pour la 3eme croisade, Conon avait composé ce chant pour motiver les seigneurs dont il était contemporains, et même surtout pour fustiger certains d’entre eux au sujet de leurs agissements autour de l’expédition en Terre Sainte. Pour une raison inconnue, le trouvère fut pourtant contraint de rentrer prématurément et  entre temps Huon d’Oisy,  son « maître dans l’art de trouver » (comme on l’apprend dans cette chanson) avait fait d’autres alliances notamment contre Philippe-Auguste. Cet aspect politique a pu, sans doute, motiver qu’il se gaussa, de façon si mordante, du retour précipité du trouvère.

Alla Francesca  à    la redécouverte
des troubadours et trouvères

En 1996, la très sérieuse formation Alla Francesca se proposait un voyage dans la France du moyen-âge central, à la découverte de l’art de ses troubadours mais aussi de ses trouvères.

Sorti un an plus tard, en 1997, l’album ayant pour titre Richard Coeur de Lion, Troubadours & trouvères est le cinquième du célèbre ensemble médiéval (voir autre article sur leur interprétation de la complainte de Richard Cœur de Lion). Alla Francesca y présentait quatorze pièces issues du répertoire de la France médiévale des XIIe et XIIIe siècles, interprétées avec la virtuosité à laquelle ses talentueux artistes nous ont habitué, depuis la création de leur formation.

album_musiques_medievales_chansons_de_trouveres_troubadours_conon_bethune_alla_francesca_moyen-age

On pouvait y retrouver des auteurs en langue d’oil (Gace Brûlé, Guiot de Dijon, le Châtelain de Coucy, Conon de Béthune) mais aussi des troubadours célèbres tels que  Bernard Vendatorn, Gaucelm Faidit, Richard Cœur de Lyon et encore d’autres pièces anonymes en langue latine ou en vieux français. A ce jour et pour notre plus grand plaisir, cet album est toujours édité et distribué par Opus 111. Vous pourrez trouver plus d’informations le concernant sous ce lien : Richard Cœur de Lion – Troubadours & Trouvères.

Les paroles de la chanson de Conon de Bethune

A la difficulté de compréhension du vieux français, cette chanson vient encore ajouter des allusions au contexte politique et économique des croisades. D’un point de vue de son sens général, le trouvère se plaint d’avoir à s’arracher au pays  et notamment à sa dame, pour devoir aller combattre pour Dieu. Il nous parle donc de cette tension entre ce devoir chrétien et guerrier qui l’appelle et ses attachements amoureux et courtois. Ainsi « personne ne quitte la France plus tristement que lui« .  S’il part aussi le cœur joyeux de servir Dieu, son corps résiste, car il sait qu’en se croisant, il se trouvera doublement en pénitence. Combattre et renoncer aussi et pour un temps à ses désirs de chair et ses sentiments. Pour toutes ces raisons, il n’en est que plus méritant nous explique-t-il, et il tient vraisemblablement à ce que cela se sache.

Pour le reste comme indiqué plus haut, il fustigera ici certains barons de son temps pour s’être croisés uniquement par intérêt, autant qu’il critiquera un négoce qui s’était organisé alors et qui consistait à pouvoir éviter la croisade en achetant contre argent sonnant et trébuchant son salut à l’Eglise.

Pour le trouvère, pas question de se défiler, ni de faire prévaloir quelque intérêt malveillant ou vénal, il s’érige en donneur de leçons pour défendre l’expédition en terre sainte au nom de Dieu seul, fut-ce au prix de sacrifices. Comme nous le disions plus haut et dans d’autres articles, Huon d’Oisy lui en fera bientôt payer le prix par sa moquerie.

deco_frise

« Bien me deüsse targier » dans la langue d’oil de Conon de Bethune

Bien me deüsse targier* (défendre; fig: renoncer)
de chançon faire et de mos et de chans,
quant me convient eslongier* (m’éloigner)
de la millor de totes les vaillans;
si em puis bien faire voire vantance,
ke je fas plus por Dieu ke nus amans,
si en sui mout endroit l’ame joians,
mais del cors ai et pitié et pesance*(chagrin).

On se doit bien efforchier
de Dieu servir, ja n’i soit li talans,* (même si son désir est ailleurs)
et la char* (chair) vaintre et plaissier* (dompter, faire plier),
ki adés* (sans cesse) est de pechier desirans;
adont voit Dieus la doble penitance.
Hé! las, se nus se doit sauver dolans,( se sauver dans la souffance)
dont doit par droit ma merite estre grans,
car plus dolans ne se part nus de France.

Vous ki dismés (dîmer) les croisiés,
ne despendé* ( dépensez) mie l’avoir ensi:
anemi Dieu en seriés.
Dieus! ke porront faire si anemi,
quant tot li saint* (les justes) trambleront de dotance* (de peur)
devant Celui ki onques ne menti?
Adont* (Alors) seront pecheor mal bailli* (mal en point):
se sa pitiés ne cuevre sa poissance* (puissance).

Ne ja por nul desirier* (désir (de rester))
ne remanrai* (demeurerai) chi* (ici) avoc ces tirans,
ki sont croisiet a loier* (contre salaire, paiement)
por dismer clers et borgois et serjans;
plus en croisa covoitiés ke creance* (convoiteux que croyants),
et quant la crois n’en puet estre garans,
a teus croisiés sera Dieus mout soffrans
se ne s’en venge a peu de demorance* (sans tarder).

Li ques (?) s’en est ja vangiés,
des haus barons, qui or li sont faillit.
C’or les eüst anpiriés* (mettre à mal),
qui sont plus vil que onques mais ne vi!
Dehait * (malheur) li bers* (au baron) qui est de tel sanblance
con li oixel qui conchïet *(souille) son nit!
Po en i a n’ait son renne honi,
por tant qu’il ait sor ses homes possance. (1)

Qui ces barons empiriés* (mauvais)
sert sans eür,*(sans compter) ja n’ara tant servi
k’il lor em prenge pitiés; (2)
pour çou fait boin Dieu servir, ke je di
qu’en lui servir n’a eür ne kaance* (ni risque ni hasard),
mais ki mieus sert, et mieus li est meri* (récompensé).
Pleüst a Dieu k’Amors fesist ausi
ensvers tos ceaus qui ens li ont fiance* (mettent sa confiance).

Or vos ai dit des barons la sanblance* (mon avis);
si lor an poise* (pèse) de ceu que jou ai di,
si s’an praingnent a mon mastre d’Oissi,
qui m’at apris a chanter tres m’anfance(dès mon enfance).

Par Deu, compains, adés ai ramambrance
c’onques aüst …………………………… ami,
ne tous li mons ne vadroit riens sans li;
magrei Gilon, adés croist sa vaillance. (3)


Notes

(1) « Po en i a n’ait son renne honi,   por tant qu’il ait sor ses homes possance ».  Il y en a peu qui n’ait honni leur seigneurie, pour autant qu’ils aient d’autorité sur  leurs hommes. (Les Chansons de Croisade, J Bédier)

(2) « Qui ces barons empiriés sert sans eür, ja n’ara tant servi k’il lor em prenge pitiés » Celui qui sert ses barons mauvais (dévoyés) sans compter  ne les servira jamais suffisamment pour qu’ils le prennent en pitié.

(3) Cette dernière strophe n’est pas reportée dans certaines éditions, sans doute parce quelques pieds de vers se sont perdus en route. Des reconstructions ont été quelquefois proposées, en voici une :  « C’onques n’aüst Amours plus fin ami » (voir article de Luca Barbieri, 2016. Université de Warwick). Cela donnerait pour l’ensemble de la strophe la traduction suivante :

« Par Dieu, mon compagnon, je me souviens toujours
Que l’Amour n’eut jamais plus fidèle ami (fin amant)
et que le monde entier ne vaudrait rien sans lui/elle (Amante, Amour?);
Malgré Gilon, sa valeur augmente toujours. »

Vraisemblablement, on ne sait pas non plus qui est ce Gilon, Gilles auquel il est fait ici allusion.

deco_frise

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.