Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales
Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …
Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.
En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.
Sujet : danse, musique médiévale, Saltarelle, Saltarello. Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle Titre : Saltarello. Auteur : anonyme Tirée du Manuscrit Add 29987 British Museum. Interprète : Musica Vagantium Album : Songs And Dances of Gothic and Renaissance Period (1997)
Bonjour à tous,
n route pour le XIVe siècle et le Moyen-âge « dansé » avec une nouvelle interprétation d’un des quatre Saltarello que nous a légué le Manuscrit de Londres, connu également sous la référence Add 29987.
Daté des débuts du XVe siècle, cet ouvrage, conservé de nos jours à la British Library, demeure un précieux témoin des chants et musiques de l’Italie médiévale et de la Toscane du XIVe et des débuts du XVe siècle. Il compte en tout 116 pièces (119 dont 3 doublons) vocales ou instrumentales, parmi lesquelles un nombre non négligeable était destiné à être dansées. Quatre-vingt deux des pièces présentés par ce manuscrit sont attribuées, les autres sont demeurées anonymes. C’est le cas de celle du jour. Consulter le Manuscrit de Londres en ligne ici.
Salterello du Manuscrit de Londres par l’ensemble Musica Vagantium
Musica Vagantium
Fondée dans les années 90, Musica Vagantium est une formation originaire de République tchèque. Depuis ses origines, les quatre artistes qui la composent se sont donnés pour répertoire une période qui gravite autour des musiques anciennes de la renaissance et la période baroque.
Instruments anciens à la main et vêtus de costumes d’époque, Musica Vagantium entend privilégier des pièces jouées alors par, disent-ils, des « étudiants vagabonds ». Dans cet esprit d’errance et d’itinérance, on peut les retrouver en tournée dans divers pays d’Europe et au sein de nombreuses fêtes médiévales.
Depuis sa création et entre leurs nombreuses prestations et concerts, le sympathique quatuor a tout de même trouvé le temps de produire trois albums. Le Saltarello que nous vous présentons aujourd’hui est issu de leur premier, daté de 1997 et ayant pour titre Songs And Dances of Gothic and Renaissance Period. Avec une orchestration minimaliste, mais enlevée et rafraîchissante, on retrouve bien dans leur interprétation de cette pièce le rythme, l’esprit et la légèreté de ces danses « sautées » et festives des XVIe, XVe siècles.
Sujet : poésie médiévale, littérature médiévale, ballade médiévale, poésie morale, ballade, moyen-français, humilité, poésie satirique, satire Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : « Humilité attrait le cuer des gens» Ouvrage : Oeuvres complètes d’Eustache Deschamps, Tome V. Marquis de Queux Saint-Hilaire, Gaston Raynaud (1893)
Bonjour à tous,
ans la veine des poésies morales, satiriques et politiques du moyen-âge tardif, voici une nouvelle ballade du très prolifique Eustache Deschamps,
Si cet auteur médiéval a abordé, dans ses écrits, une quantité innombrable de sujets, cette poésie du jour peut être rangée aux côtés de celles touchant les devoirs des princes. Au delà de la nécessité d’une morale chrétienne dans l’action qu’il a souvent eu l’occasion d’exposer par ailleurs (non convoitise, non avidité, mansuétude, compassion, respect des petites gens, etc…), le poète s’intéresse ici à une qualité dont tout puissant, selon lui, devrait être doté : l’humilité. La force de cette dernière devrait même être inversement proportionnelle à la puissance et aux richesses du Prince ou du seigneur et, comme souvent, notre bon vieil Eustache n’hésite pas à se tourner vers la plus haute noblesse, pour lui adresser ses leçons et lui rappeler ses devoirs.
A son habitude encore, il se revêt, dans cette poésie, de « sa robe de prêche » pour porter les valeurs partagées du moyen-âge occidental, tout en leur trouvant de nouveaux arguments. Si cet idéal d’humilité participe, en effet, tout entier de la morale médiévale chrétienne, il déborde aussi quelque peu du cadre puisque l’humilité y est présentée, non seulement sous le jour d’une vertu « qui plait à Dieu », mais aussi comme une qualité qui peut avoir des retombées utiles dans l’exercice politique du pouvoir. Ainsi, sous la plume acerbe du grand maître de la ballade médiévale, que les puissants du monde, non félons et non encore corrompus, en prennent de la graine : en pratiquant l’humilité, ils pourront, à la fois, « plaire à Dieu » et peut-être sauver leur âme, tout en gagnant le cœur des hommes et des plus faibles qu’eux : « Humilité attrait le cuer des gens ».
Ballade sur l’humilité « L’humilité des grands attire le cœur des petits »
Com plus est grans en ce monde li homs, Et com plus a richesce et habondance, Tant doit il moins estre fiers et félons Et tant doit mieulx avoir la congnoissance D’umilité, non monstrer sa puissance Aux soufraiteux, foibles et indigens : Humilité attrait le cuer des gens.
Quant aux vertus* (à ses qualités, ses vertus), c’est uns tresnobles dons Que Dieux eslut en celle et prinst plaisance, Que sainte Vierge et sa mère appelions, Dont nostre foy vient et nostre créance* (croyance). Si nous devons bien tuit mirer* (réfléchir, prendre exemple) en ce Pour acquérir l’amour de noz sergens (2) : Humilité attrait le cuer des gens.
Rigour* (fig : sévérité, cruauté) non pas, qui eslonge* (éloigne) les bons, Orgueil aussi, qui mettent en balance Ceuls qui usent seulement de leurs noms; Chascuns les fuit et het* (hait) et desavance* (repousser, retarder). Avise cy tout homme et toute enfance, Et d’estre humble soit chascuns diligens : Humilité attrait le cuer des gens.
L’envoy
Prince royaulx doit avoir congnoissance D’orgueil fuir, d’umblesce avoir le sens; Par orgueil pert, et l’autre point l’advance : Humilité attrait le cuer des gens.
(1) Sergens : serviteur, domestique, homme d’armes, écuyer.
En vous souhaitant une excellente journée !
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : roman, livre, aventure médiévale, médecine médiévale, alchimie, Moyen-âge chrétien, science médiévale, savant, conte. troubadour. Période : Moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Frédéric EFFE Titre : Frères devant Dieu ou la Tentation de l’alchimiste Date de parution : 13 mars 2019
Bonjour à tous,
près d’incomptables heures de travail et de recherche, étalées sur plus de trois ans, nous avons le plaisir de vous annoncer la publication de notre roman « Frères devant Dieu ou la tentation de l’Alchimiste« .
Résumé de l’ouvrage
Début du XIVe siècle. Un vieux moine à l’article de la mort insiste, auprès de son visiteur, pour lui faire consigner une histoire : celle de deux frères ayant vécu à la cour d’un seigneur de Provence, près d’un demi-siècle plus tôt.
Geoffroy, brillant médecin et alchimiste ne vit que pour sa science et ses patients. Guillain, son frère, est un talentueux poète et troubadour. Favori de la cour, c’est un séducteur né qui profite de l’existence, avec insouciance, en accumulant les conquêtes.
Les jours s’écoulent paisibles, au château, mais l’apparition d’une fièvre mystérieuse sur le domaine, bientôt suivie d’autres événements, va balayer cette quiétude. Insidieusement, un voile noir s’apprête à tout recouvrir, mettant le médecin et son frère face aux plus grands des défis.
Où se procurer l’ouvrage ?
FdD ou la tentation de l’alchimiste est dores et déjà disponible à la distribution au format papier, mais aussi au format ebook et liseuse.
Complément : moyen-âge historique et mentalités médiévales
Si le récit de Frères devant Dieu ou la Tentation de l’alchimiste ne s’inscrit pas dans des faits politiques marquants des XIIIe, XIVe siècles, sa toile de fond reste celle du moyen-âge réaliste et historique. On y croisera, ainsi, des éléments documentés sur la médecine et l’alchimie médiévales, avec des références à Hildegarde de Bingen, Avicenne, Arnaud de Villeneuve, Roger Bacon et encore d’autres savants médecins du moyen-âge central. On y assistera aussi à nombre de scènes de vie de cour et de château, d’époque. Derrière tout cela, il est aussi question de susciter une réflexion sur les mentalités médiévales, tout en évitant de tomber dans les poncifs ou les caricatures du genre.
Bien sûr, quelques libertés y sont prises car ce récitreste, avant tout, un divertissement, une invitation au voyage. A ce titre, il possède les ingrédients et le rythme d’un roman d’aventure, de vivants dialogues, une touche d’investigation policière et des éléments qui peuvent le rapprocher d’un conte, un peu comme une vieille histoire oubliée qui viendrait nous parler de la danse complexe du bien et du mal et, finalement, du sens de l’existence, dans une perspective médiévale, mais aussi plus actuelle.
Nous espérons vivement que ce roman vous plaira autant que nous avons pris plaisir à l’écrire. En le lisant ou en l’offrant, sachez également que vous soutiendrez nos efforts à faire vivre moyenagepassion.com.
Une très belle journée à tous.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : musique médiévale, chanson médiévale, poésie, amour courtois, trouvère, vieux-français, fine amant, fine amor, fin’amor, chansonnier C, manuscrit ancien Période : XIIe, XIIIe, moyen-âge central Titre: Li plusour ont d’amours chanté Auteur : Gace Brûlé (1160/70 -1215) Interprète : Ensemble Oliphant Album: Gace Brûlé (Alba Records, 2004)
Bonjour à tous,
ous revenons, aujourd’hui, aux premiers trouvères du moyen-âge, avec une chanson du XIIe siècle. Elle a été diversement attribuée par les manuscrits et sources d’époque au Châtelain de Coucy ou à Gace Brûlé. Suivant l’avis partagé par un nombre important de médiévistes, c’est cette dernière attribution, par le Chansonnier C ou Manuscrit de BerneCod 389 (voir ce manuscrit en ligne ici ) que nous avons choisi de retenir ici.
Gace Brûlé dans le Chansonnier Trouvère C, de la bibliothèque de Berne
Pour son interprétation, nous retrouvons l’ensemble médiéval finlandais Oliphant et l’album que la formation avait dédié à ce trouvère, en 2004 (voir article détaillé ).
« Li plusour … », une leçon d’amour courtois
contre les médisants et les faux amoureux,
Dans la pure tradition de la lyrique courtoise, le poète donne ici un leçon de fine amor (fin’amor) à ses contemporains. Contre les médisants, les envieux et les « faux amoureux », il est, nous explique t-il, comme tant d’autres poètes lyriques médiévaux le feront par ailleurs, un fine amant sincère et véritable.
Comme toute société crée et valorise ses propres normes, elle produit aussi systématiquement la possibilité de s’en revêtir faussement pour s’élever socialement. Et comme la loyauté engendre la fausse loyauté, l’humilité la fausse modestie, au Moyen-âge, la courtoisie donne naissance au « faux amoureux ». On retrouve parmi ces derniers, ceux qui entrent dans la compétition en feignant la Fine amor véritable, pour faire bonne figure auprès des dames, mais aussi, plus largement, de l’univers mondain. Pour n’en citer qu’un exemple, on se souvient de cet « amor torné en fables » dont nous parlait Chrétien de Troyes dans son Chevalier au Lion :
« Or est amor torné en fables, Por ce que cil rien n’en sentent Dient qu’ils aiment, et si mentent ; Et cil fable et mensonge en font, Que s’en vantent, et rien n’y ont. Mais por parler de celz qui furent, Laissons celz qui en vie durent, Qu’encor valt miex, se m’est avis, Un cortois mort qu’un vilain vis. » Chrétien de Troyes – Yvain ou l Chevalier au Lion.
Aux côtés du faux-amoureux, les médisants, les « lauzengiers » ou les calomniateurs, qui transgressent par leurs mensonges les règles de l’amour courtois et le salissent, sont montrés du doigt par le poète. Plus vils que le plus vil des vilains, ils sont exécrés par lui et voués à être mis au banc. Ce thème récurrent des « médisants », déjà présent chez les troubadours sera largement repris, par la suite, chez les trouvères. Bien souvent, il ne s’agit pas seulement d’un procédé littéraire qui consisterait à invoquer des ennemis « imaginaires » comme autant d’obstacles dressés entre le poète et la réalisation de son désir, pour mieux l’édifier comme fine amant, aux yeux de sa dame et de l’univers mondain. Si l’effet est bien là, l’adversité et les quolibets sont aussi bien réels. Dans le contexte des cours où la courtoisie s’exerce, les enjeux de pouvoir et la nature transgressive et sulfureuse de l’amour courtois ont suscité des rivalités et des tensions véritables. Pour n’en dire qu’un mot, laissons ici la parole à Joseph Anglade
« (…) Que les troubadours aient reçu un excellent accueil dans les cours où ils apportaient la poésie et la joie, c’est ce que tous les témoignages du temps, leurs œuvres en premier lieu, nous apprennent. Mais ils nous disent aussi combien âpre fut ce que nous appellerions du nom vulgaire de concurrence ou du nom en apparence plus scientifique de lutte pour la vie. Les poésies des troubadours sont pleines d’allusions aux «médisants»; ce sont eux qui perdent le poète auprès de sa dame ou qui ternissent sa réputation. Ils le brouillent, chose aussi grave, avec son protecteur. On peut croire les troubadours sur parole. Dans ces petites sociétés fermées où ils vécurent, la jalousie, et son cortège habituel, la calomnie et la médisance, durent pousser comme fleurs naturelles. » Joseph Anglade Les Troubadours, leurs vies, leurs œuvres, leur influence (1919)
Pour le reste, la chanson est dédiée au comte de Bretagne, et si c’est bien Gace Brûlé qui l’a composé, il s’agit probablement de Geoffroy II de Bretagne, fils d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri II d’Angleterre, noble contemporain et protecteur, du trouvère.
Paroles en vieux-français avec clefs de vocabulaire
I Li plusour* (nombreux) ont d’amours chanté Par esfort et desloiaument* (avec force et de façon déloyale); Mes de tant me doit savoir gré, Qu’onques ne chantai faintement. Ma bone foi m’en a gardé, Et l’amours, dont j’ai tel plenté* (en abondance), Que merveille est* (qu’il est étonnant) se je rien hé* (haïr), Neïs* (pas plus que, ni même) celé* (celer, cacher) envïouse gent.
II Certes j’ai de fin cuer amé, Ne ja n’amerai autrement; Bien le puet avoir esprouvé Ma dame, se garde s’en prent* (si elle y prête attention). Je ne di pas que m’ait grevé* (qu’il ne m’ai pesé, blessé) Qu’el ne soit a ma volenté, Car de li sont mit mi pensé, Moût me plet ce que me consent.
III Se j’ai fors* (hors) du pais esté, Ou mes biens et ma joie atent, Pour ce n’ai je pas oublié Conment on aime loiaument; Se li merirs* (les mérites, les récompenses) m’a demoré Ce m’en a moût reconforté, Qu’en pou* (peu) d’ore a on recouvré Ce qu’on desirre longuement.
IV Amours m’a par reson moustré Que fins amis* (le fine amant) sueffre et atent ; Car qui est en sa poësté* (pouvoir) Merci doit proier franchement* (doit implorer grâce ouvertement), Ou c’est orgueus; — si l’ai prouvé; Mais cil faus amorous d’esté, Qui m’ont d’amour ochoisoné* (chercher quereller, accuser), N’aiment fors quant talens lor prent*. (que quand l’envie leur prend)
V S’envïous l’avoient juré, Ne me vaudroient il nïent, La dont il se sont tant pené De moi nuire a lor essïent* (sciemment, volontairement). Por ce aient il renoié Dé, Tant ont mon enui* (chagrin, ennui) pourparlé* (débattu, discuté) Qu’a paine* (difficilement) verrai achevé Le penser qui d’amours m’esprent.
VI Mes en Bretaigne m’a loé Li cuens* (le comte), cui j’aim tôt mon aé* (âge, vie. que j’ai aimé toute ma vie), El s’il m’a bon conseil doné, Ce verrai je procheinement.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.