Sujet : Girart de Roussillon, chanson de geste, France carolingienne, monde féodal, histoire médiévale, médiéviste, film, documentaire.
Période : haut Moyen Âge, IXe siècle Titre : À la recherche de Vaubeton Durée : 86 minutes Réalisatrice : Michelle Gales Production : Le Chemin derrière les murs, Now & Then et Rivarts (2018) Evénement : Projection, échanges Date : le 26 octobre 2019 à 15h30 Lieu : La cité de la Voix , Vézelay
Bonjour à tous,
l y a quelque temps, nous vous avions présenté le film documentaire « À la recherche de Vaubeton » de la réalisatrice Michelle Gales. Avec comme fil conducteur le personnage et la geste de Girart de Roussillon, ce long métrage, filmé en Bourgogne, autour du site supposé de la bataille de Vaubeton, est, tout à la fois, une invitation à la poésie et à la réflexion. Ainsi, si l’histoire de Girart y est questionnée avec l’appui des médiévistes, il y est aussi question d’un jeu de miroirs entre monde médiéval et modernité.
Filmer le Moyen Âge aujourd’hui
Au delà des faits historiques ou archéologiques, Michelle Gales s’y laisse entraîner, avec délectation, sur les traces de la légende ; elle la traque de son regard et de sa caméra jusque dans ses recoins les plus secrets, pour mieux la suggérer ou la faire resurgir : à travers les paysages, les sites, les vieilles pierres et même jusque dans les gestes et les regards.
Au delà du factuel, il s’agit aussi de questionner l’empilement du temps et les liens mystérieux et muets qui peuvent encore nous unir au Moyen Âge ; que nous en fassions un relecture consciente ou que ce dernier s’invite, à tâtons, jusque dans notre présent.
La Projection-échange du 26 octobre à Vézelay
Le film documentaire sera projeté le 26 octobre prochain, à 15h30 à la Cité de la Voix, en la belle cité médiévale classée de Vézelay.
L’événement est organisé en partenariat avec les Amis de Vézelay, Association de préservation de l’Histoire et du Patrimoine de la ville, et de sa région. La projection sera suivie d’une rencontre échange avec la réalisatrice. Les entrées sont libres dans la mesure des places disponibles. Pour plus d’informations, nous vous conseillons ce lien : contacter les Amis de Vézelay.
Si vous n’avez pas la chance de vous trouver autour de Vézelay à cette date, vous trouverez plus d’informations sur le site officiel du documentaire ici (calendrier de projections, visionnage, location, …).
Sujet : codex de Montpellier, musique, chanson médiévale, amour courtois, vieux-français, chants polyphoniques, motets, Période : XIIIe siècle, Moyen Âge central Titre:Puisque Bele Dame m’eime Auteur : Anonyme Interprète : Anonymous 4
Album : Love’s Illusion Music from the Montpellier Codex 13th Century (1993)
Bonjour à tous,
ous vous avions déjà présenté, il y a quelques semaines, une pièce du Chansonnier médiéval de Montpellier ( ou Codex de MontpellierH196 ) et nous poursuivons aujourd’hui son exploration.
Pour rappel, ce manuscrit ancien des débuts du XIVe fait un immense tribut aux chants polyphoniques et aux motets du XIIIe siècle. Il présente, en effet, pas moins de 336 pièces de ce type ( voir article précédent sur le Codex de Montpellier). La chanson médiévale que nous vous présentons, ici, est à l’image de la majorité d’entre elles puisqu’il s’agit d’un motet d’amour courtois ayant pour titre « Puisque Bele Dame m’eime ». On peut la trouver interprétée par un certain nombre d’ensembles sur la scène des musiques anciennes et médiévales. De notre côté, nous avons choisi la version de la formation américaine Anonymous 4 pour vous la faire découvrir et nous en profiterons pour vous présenter ce quatuor vocal à la longue carrière.
« Puisque Belle Dame m’eime » par L’Ensemble New-Yorkais Anonymous 4
Anonymous 4 sur les ailes des chants polyphoniques de l’Europe médiévale
L’ensemble Anonymous 4 est le fruit de la rencontre de quatre chanteuses américaines, à l’occasion d’une session d’enregistrement dans un studio new-yorkais, au printemps 1986. Réunies autour d’une même passion pour les chants polyphoniques et de musique médiévale, il n’en fallut pas moins pour donner naissance à cette formation. A plus de trente ans de là, Anonymous 4 s’est produit sur scène au cours de plus de 1500 représentations sur tout le territoire américain. La quatuor a aussi fait connaître et voyager son art dans la bagatelle de trente -cinq pays.
Au cours de cette longue carrière qui a vu son dernier concert en 2015, Anonymous 4 a fait paraître près de 30 albums, incluant quatre anthologies pour saluer leur large contribution à la scène des musiques anciennes et médiévales. La formation ne s’est pas cantonnée au répertoire médiéval et on la retrouve également sur des chants de Noël, des chansons du temps de la guerre civile américaine ou encore sur des chants celtiques ou anglais plus folkloriques. Du côté du Moyen Âge qui reste tout de même son terrain de prédilection, Anonymous 4 a eu l’occasion d’exercer son talent sur de nombreux thèmes : les visions d’Hildegarde de Bingen, les chants dédiés au culte marial médiéval, le répertoire de Francisco Landini, et encore bien d’autres chansons de l’Europe médiévale : France, Angleterre, Hongrie, Espagne, etc…
Membres de la formation Anonymous 4
La dernière formation était composée de Ruth Cunningham, Marsha Genensky, Susan Hellauer et Jacqueline Horner-Kwiatek. Au départ, elle fut fondée par Ruth Cunningham, Marsha Genensky, Susan Hellauer et Johanna Maria Rose.
Love’s Illusion, l’illusion de l’amour (courtois) autour du chansonnier de Montpellier
En 1993, Anonymous 4 proposait au public un album intitulé « Love’s Illusion » autour du codex de Montpellier et de ses chants courtois polyphoniques. Ces pièces étant courtes, le quatuor féminin décidait d’en proposer un bon nombre et on en retrouve ainsi pas moins de 29 sur cette production.
On retrouve la partition moderne de cette pièce médiévale chez Hans Tischler. En 1978, le compositeur et musicologue américain a, en effet, réalisé un excellent travail de transcription musicale sur les pièces du Codex de Montpellier : The Montpellier Codex Fascicles 6,7 and 8.
« Puisque Bele dame m’eime » – chanson médiévale du Codex de Montpellier. Partition de Hans Tischler
Les paroles en vieux français
et leur traduction en français moderne
Puisque bele dame m’eime Destourber ne m’i doit nus; Quar iere si loiaus drus Que je n’iere ja tensus Pour faus amans ne vantanz. Ja li mesdisant N’en seront joiant, Car nul mal ne vois querant; Mes qu’ami me cleime Je ne demant plus.
» Puisque belle dame m’aime Nul ne doit m’en empêcher ; Car j’ai toujours été amant loyal Et jamais on ne m’a accusé d’être Faux amant (infidèle) ou vantard. Désormais, les médisants Ne pourront plus se réjouir, Car nul autre mal, je ne cherche ; Qu’elle me proclame son ami (amant) Je ne demande rien de plus. »
En vous souhaitant une excellente journée
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : poésie médiévale, littérature, ballade médiévale, humour médiéval, moyen-français, poésie satirique, satire, vie curiale, manières de table Période : Moyen Âge central, tardif, XIVe siècle Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : « Oncques ne vis gens ainsi requignier.» Ouvrage : Oeuvres complètes d’Eustache Deschamps, Tome V Marquis de Queux Saint-Hilaire, Gaston Raynaud (1893)
Bonjour,
ous partons, aujourd’hui, en direction de la fin du XIVe et les débuts du XVe siècle, avec une ballade de Eustache Deschamps. Dans cette poésie fort caustique, l’auteur médiéval nous invitait à le suivre à la cour pour y découvrir d’étranges manières de table.
Critique de la vie curiale
S’il a fréquenté longtemps les cours, du fait de ses différents offices en tant qu’employé royal, Eustache s’en est largement détourné à un moment donné de sa vie. Depuis lors, il n’a pas manqué de les critiquer vertement : jeux de couloirs, jeux de pouvoir, vie dissolue, excès, etc… (voir notammentVa a la cour et en use souvent, mais égalementDeux ballades sur la cruauté des jeux de cour). C’est au point qu’on imagine que ses nombreux textes corrosifs sur la vie curiale, ont pu s’assurer de lui en fermer définitivement les portes si ce n’était le cas avant.
Eustache Deschamps n’a pas été le seul, ni le premier poète, à se livrer à ce genre de critique et il ne sera pas le dernier. On pourrait presque y voir une tradition : de Rutebeuf, à Jean de Meung,Alain Chartier, Meschinot, et d’autres encore. Au delà de l’exercice de style, ces jeux cruels que tous ces auteurs médiévaux nous dépeignent recouvrent, sans nul doute, une réalité de la vie du cour qui se poursuivra, d’ailleurs, au delà du Moyen Âge central. Quoiqu’il en soit, sous le ton de l’humour et face à cette tablée grimaçante et « mastiquante », on ne peut que rattacher cette ballade d’Eustache au triste tableau qu’il nous fait, par ailleurs des cours princières et de leurs courtisans : perfidie, médisance, et, en définitive, mauvaise morale, mauvaise vie et mauvaises manières.
Le MS Français 840 & les poésies d’Eustache
Notre texte du jour a pour source le manuscrit Français 840 conservé à la BnF (voir photo ci-dessus). Cet ouvrage médiéval de 300 feuillets et daté du XVe siècle contient principalement Les Poésies d’Eustache Deschamps dit Morel. Il peut être consulté à l’adresse suivante : consulter le Français 840 sur Gallica.
Oncques ne vis gens ainsi requignier
dans le moyen français d’Eustache Deschamps
Tristes, pensis, mas* (abattu, affligé)et mornes estoye Par mesdiser et rappors de faulx dis A une court royal ou je dinoye Ou pluseurs gens furent a table assis; Maiz oncques* (jamais) mais tant de nices* (moes,moue, grimace) ne vis Que ceulx firent que l’en veoit mengier. D’eulx regarder fu de joye ravis: Oncques ne vis gens ainsi requignier* (grimacer, montrer les dents).
Li uns sembloit truie enmi* (au milieu d’) une voye* (voie) Tant mouvoit fort ses baulifres* (lèvres)toudiz; L’autre faisoit de ses dens une soye* (scie) ; L’autre mouvoit le front et les sourcis; L’un requignoit, l’autre torcoit son vis* (tordait son visage), L’autre faisoit sa barbe baloier* (s’étaler); L’un fait le veel* (veau), l’autre fait la brebis: Oncques ne vis gens ainsi requignier.
D’eulx regarder trop fort me merveilloye Car en machant sembloient ennemiz* (des diables). Faire autel l’un com l’autre ne veoie: L’un machoit gros, l’autre comme souriz; Je n’oy oncques tant de joye ne ris Que de veoir leurs morceaulx ensacher (faire disparaître, engloutir). Or y gardez, je vous jure et diz: Oncques ne vis gens ainsi requignier.
L’envoy
Princes, qui est courroussez et pensis Voist gens veoir qui sont a table mis. Mieulx ne porra sa trisse laissier. Des grimaces sera tous esbahis Que chascun fait; j’en fu la bien servis: Oncques ne vis gens ainsi requignier.
En vous souhaitant une excellente journée.
Frédéric EFFE
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Sujet : poésie, légendes arthuriennes, oxford, forêt de Brocéliande, magie, luth, roman arthurien, poètes britanniques, romantisme Période : Moyen Âge central pour les légendes, XXe siècle pour la poésie du jour. Auteur : T. W. Earp Titre : « In Broceliande » Sources : Oxford Poetry (1915)
Bonjour à tous,
u début du XXe siècle et plus précisément à partir de 1910, une revue de littérature et de poésie anglaise nommée Oxford Poetry se mit à réunir des textes d’auteurs et poètes du lieu. Présentée sous la forme d’un petit fascicule, elle fut, dès son lancement, éditée de façon annuelle. Tous les thèmes pouvaient y être abordés et on y retrouvait, en général, de très belles pièces d’auteurs, contemporains de chacun de ses numéros. Depuis sa création, Oxford Poetry a traversé le temps, en changeant maintes fois d’éditeurs et elle est, à ce jour, toujours publiée. En plus de cent-dix ans, elle a vu passer de nombreux auteurs et poètes britanniques parmi les plus grands.
Aujourd’hui, c’est l’édition de 1915 qui nous intéresse en particulier. On y retrouve, pour la première fois, un poème de JRR Tolkien intitulé « Goblin feet » (pieds de gobelin) que nous aurons l’occasion de publier plus avant mais ce qui nous occupe, pour l’instant, est une pièce d’un autre auteur, dédiée aux légendes arthuriennes.
En Brocéliande de T.W. Earp
Depuis le Moyen Âge central et après sa constitution en véritable corpus, sous la plume d’auteurs à la fois anglais et français, le roman arthurien n’a cessé d’inspirer les imaginations les plus fertiles, des deux côtés de la manche. A huit siècles de ses pionniers, cela est encore vrai et le restera, sans doute, pour longtemps.
(« Lady Playing a Lute », Bartolomeo Veneto (1530), Getty Museum, Los Angeles)
Daté de 1915, la pièce que nous vous proposons de découvrir a pour titre « In Broceliande » (En Brocéliande), et pour auteur T W Earp, poète et traducteur anglais des débuts du XXe siècle. Théâtre d’une partie importante des récits arthuriens, la célèbre forêt dont la localisation a divisé bien des experts en Bretagne comme en Angleterre, a été, elle aussi, une source inépuisable d’inspiration pour un grand nombre d’écrivains et de poètes (voir Brocéliande, huit siècles de légendes arthuriennes). La pièce du jour et sa mystérieuse joueuse de luth en attestent. Du côté d’Oxford et aux débuts du XXe, on rêve encore de lointain Moyen Âge et de belles légendes. Sans doute sous l’influence des romantiques du XIXe siècle, (voir article sur la ballade médiévale au XIXe siècle), ce monde médiéval, imaginaire et reconstruit, est chargé de magie, de récits épiques et de belle poésie.
Traduire, c’est trahir…
Même en ayant de très sérieuses bases d’anglais, pour quelqu’un dont les racines linguistiques sont profondément latines, la poésie anglo-saxonne a des méandres qu’il n’est pas toujours aisé de démêler. Ses rythmes, la nature incisive de sa langue, comme ses allégories la rendent souvent rebelle à la traduction et, dans bien des cas, je ne suis même pas tout à fait certain qu’on puisse la transposer sans totalement l’adapter ou la réinterpréter. Alors c’est un peu un défi que nous nous lançons ici. De fait, sans doute par peur de trop la dénaturer, la traduction que nous avons faite de cette pièce de T W Earp, de l’anglais vers le français moderne, est pratiquement littérale. Il ne me reste donc plus qu’à espérer que la force et la beauté de ses images résistent au passage d’une langue à l’autre. Sans en avoir tout le recul, il me semble que c’est le cas.
En Brocéliande
In the midst of the forest of silence, Where even the leaves are mute, Where never a bird wanders, She plays upon a lute.
Au milieu de la forêt du silence Où même les feuilles sont muettes Où jamais un oiseau ne vagabonde, Elle joue sur un luth.
With fingers gently passing, She touches golden strings, Till the trees almost remember The long-departed wings,
Avec des doigts pleins de délicatesse Elle caresse les cordes d’or Jusqu’au moment où les arbres se souviennent presque Des ailes envolées depuis longtemps,
And the knights and the gay ladies, And the music that went before, And the days of joy and passion. They will find these things no more.
Et des chevaliers et des dames joyeuses, Et de la musique qu’on jouait alors, Et des jours de joie et de passion. Ils ne retrouveront plus jamais toutes ces choses.
One plaintive lute recalling The loud citoles and shawms, She alone has not left them, Of the beautiful, noble forms.
Un luth plaintif se souvient Des citoles et des chalemies bruyantes, Elle seule ne s’est pas dessaisie De leurs belles et nobles formes.
If she would cease from playing, The people with hearts of stone Would lead her from the forest, And set her on a throne.
Et si elle cessait de jouer, Les gens au cœur de pierre, La conduiraient hors de la forêt Pour l’asseoir sur un trône.
She would be bright with jewels, She would sit crowned on high, But if she left the forest, Alas, the trees would die.
Elle serait étincelante sous les bijoux, Elle porterait haut la couronne, Mais si elle quittait la forêt, Hélas, les arbres en mourraient.
In the midst of the forest of silence, Where even the leaves are mute, Where never a bird wanders, She plays upon a lute.
Au plus profond de la forêt du silence, Où même les feuilles sont muettes, Où jamais un oiseau ne vagabonde, Elle joue sur un luth.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.